N° 13 / 2018 pénal.
du 08.03.2018.
Not. 30041/13/CD Numéro 3949 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, huit mars deux mille dix-huit, sur le pourvoi de :
X, né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu et défendeur au civil, demandeur en cassation, comparant par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du Ministère public et de :
1) A), demeurant à (…), 2) B), demeurant à (…), 3) C), demeurant à (…), 4) l’ASSOCIATION D’ASSURANCE ACCIDENT, établissement public, établie et ayant son siège à L-2976 Luxembourg, 125, route d’Esch, représentée par le président de son comité directeur, demandeurs au civil, défendeurs en cassation, l’arrêt qui suit :
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 16 mai 2017 sous le numéro 20/17 Ch. Crim. par la Cour d’appel, chambre criminelle ;
Vu le pourvoi en cassation, au pénal et au civil, formé par Maître Jean-Paul NOESEN pour et au nom de X, suivant déclaration du 13 juin 2017 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 11 juillet 2017 ;
Sur le rapport du conseiller Nico EDON et sur les conclusions du premier avocat général Serge WAGNER ;
Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu que l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose que « Lorsque la partie condamnée ou la partie civile exercera le recours en cassation, l’une ou l’autre devront dans le mois de la déclaration qu’elles en auront faite, à peine de déchéance, déposer au greffe où cette déclaration a été reçue un mémoire qui sera signé par un avocat à la Cour et qui précisera les dispositions attaquées du jugement ou de l’arrêt et contiendra les moyens de cassation. La désignation des dispositions attaquées sera considérée comme faite à suffisance de droit lorsqu’elle résulte nécessairement de l’exposé des moyens ou des conclusions.
Le mémoire de la partie civile devra, à peine de déchéance, être signifié au défendeur au civil avant d’être déposé. Le mémoire du défendeur au civil devra, sous la même sanction, être signifié à la partie civile avant d’être déposé.(…). » ;
Attendu que le demandeur en cassation, tout en déclarant former un pourvoi en cassation au pénal et au civil contre l’arrêt de la Cour d’appel, chambre criminelle, n’a pas signifié son mémoire en cassation aux parties civiles constituées en cause avant le dépôt dudit mémoire ;
Qu’il en suit que le demandeur en cassation encourt la déchéance du pourvoi au civil ;
Que le pourvoi en cassation au pénal, introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, chambre criminelle, avait condamné X à une peine de réclusion ferme du chef de tentative de meurtre et du chef d’infractions connexes ; que la Cour d’appel, chambre criminelle, par réformation, a acquitté X de la prévention de tentative de meurtre, l’a retenu dans les liens des préventions de lésions corporelles involontaires, de non-assistance à personne en danger et de délit de fuite et aconfirmé la déclaration de culpabilité quant aux autres préventions retenues en première instance ; qu’elle a condamné X à une peine d’emprisonnement de huit ans, à une peine d’amende ainsi qu’à une interdiction de conduire ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l’espèce des articles 50, 130 et 131 du Code de procédure pénale, dont découle, du moins implicitement, qu’une personne peut être renvoyée devant une juridiction de jugement uniquement pour les faits pour lesquels il existe un réquisitoire du Parquet et pour lesquels la personne visée a été inculpée par le juge d’instruction, En ce que l'arrêt a retenu le sieur X dans les liens de la prévention de l'infraction de conduite sans permis de conduire valable et condamné le sieur X du chef de cette infraction, alors que le sieur X n'a jamais fait l'objet ni d'un réquisitoire introductif ni supplétif du Parquet pour les faits de conduite sans permis de conduire valable ni n'a-t-il été inculpé du chef de conduite sans permis de conduire valable » ;
Attendu que selon l’article 217 du Code de procédure pénale « Les chambres criminelles des tribunaux d’arrondissement connaissent des crimes dont elles sont saisies par le renvoi qui leur est fait d’après l’article 130. » ;
Attendu que l’infraction de conduite d’un véhicule automoteur sur la voie publique sans permis de conduire valable constitue un délit ; que l’article 130 du Code de procédure pénale est partant étranger au grief articulé par le moyen ;
Attendu que l’article 131 du Code de procédure pénale ne concerne que les renvois devant une chambre correctionnelle d’un tribunal d’arrondissement ; que cette disposition est partant étrangère à la décision entreprise ;
Attendu que l’article 50 du Code de procédure pénale, qui régit la saisine du juge d’instruction, est étranger à la décision rendue par une juridiction de fond ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce de l'article 89 de la Constitution et de l'article 195 du Code de procédure pénale, qui disposent que tout jugement est motivé, ainsi que de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce de l'article 410-1 du Code pénal, contenant la définition des éléments constitutifs de l'infraction de non-assistance à personne en danger, et de l'article 14 de la Constitution consacrant le principe de légalité des peines dont le corollaire est celui de la spécification de 1' incrimination, 3 En ce que l'arrêt a retenu le sieur X dans les liens de la prévention d'infraction de non-assistance à personne en danger au sens de l'article 410-1 du Code pénal, alors que l'arrêt n'a pas analysé l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction prévue à l'article 410-1 du Code pénal, sinon a fait une fausse application de l'article 410-1 du Code pénal, dans la mesure où l’arrêt retient le sieur X dans la prévention de l’infraction de non-assistance à personne en danger, sans analyser l’infraction dans l’ensemble de ses éléments constitutifs, et plus précisément sans préciser en quoi la quatrième condition de l’infraction – à savoir le caractère volontaire de l’abstention de porter secours – serait donnée en l’espèce, sinon l’arrêt a erronément retenu que l’ensemble des éléments constitutifs de l’infraction sont réunis » ;
Attendu que le moyen en tant qu’il est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale vise le défaut de motifs qui est un vice de forme ;
Attendu qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte un motif, exprès ou implicite, sur le point considéré ;
Attendu que l’arrêt attaqué a retenu que « X n’a pas pu ignorer qu’il avait heurté de plein fouet le douanier A), qui a été projeté sur le pare-brise du véhicule, puis en l’air, avant d’atterrir par terre quelques mètres plus loin. Considérant la vitesse du véhicule et la violence du choc, le prévenu a nécessairement dû avoir conscience que A) était grièvement blessé. Il a continué sa route, laissant la victime à son sort, au lieu de s’arrêter pour s’enquérir de l’ampleur des blessures du douanier qu’il venait de télescoper, de tirer celui-ci hors des limites de la chaussée pour éviter un nouvel accident et surtout au lieu d’appeler ou de faire appeler des services de secours spécialisés, ou du moins de s’assurer que les autres personnes présentes sur les lieux de la collision s’en étaient chargées.(….). Le motif qui a mené le prévenu à ne pas venir en aide à A) ou à ne pas provoquer l’intervention des services de sauvetage spécialisés réside dans la crainte d’un contrôle de papiers, qui aurait nécessairement révélé qu’il n’était pas en règle quant à son permis de conduire et quant aux plaques d’immatriculation de son véhicule. Or, une telle conséquence est sans commune mesure avec l’obligation ayant incombé à X de porter secours dans les termes de la loi et de devoir assumer à l’égard du douanier blessé sa responsabilité pénale et civile des faits qu’il avait commis. » ;
Attendu que l’arrêt comporte dès lors une motivation expresse sur le point considéré ;
Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas fondé ;
Attendu que par les motifs ci-avant reproduits les juges d’appel ont également caractérisé l’élément constitutif de l’infraction de non-assistance à personne en danger prévue à l’article 410-1 du Code pénal, consistant dans l’abstention volontaire de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave ;
Qu’il en suit qu’en tant qu’il est tiré de la violation ou de la fausse application de l’article 410-1 du Code pénal et, sous ce rapport, de l’article 14 de la Constitution, le moyen n’est pas fondé ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce de l'article 89 de la Constitution, et de l'article 195 du Code de procédure pénale, qui disposent que tout jugement est motivé, et des articles 60 et 65 du Code pénal, instituant les règles légales en matière de concours d'infractions, et finalement de l'article 14 de la Constitution qui consacre le principe de la légalité des peines, En ce que l'arrêt a prononcé une peine d'emprisonnement de huit (8) ans ainsi qu'une amende de cinq mille (5.000) euros à l'encontre du sieur X, en faisant application des dispositions de l'article 60 du Code pénal, régissant le concours réel d'infractions, alors que l'arrêt n'a pas justifié ni motivé son recours à l'article 60 du Code pénal ni précisé pourquoi les infractions se trouveraient en concours réel, et qu'en réalité, l'arrêt aurait dû faire application de l'article 65 du Code pénal, régissant le concours idéal d'infractions, la peine finalement prononcée est illégale, car en cas d'application de l'article 65 du Code pénal, seule la peine la plus forte aurait pu être prononcée sans possibilité de l'élever au double du maximum » ;
Attendu que le moyen, en tant qu’il est tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et 195 du Code de procédure pénale, vise le défaut de motifs qui est un vice de forme ;
Attendu qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte un motif, exprès ou implicite, sur le point considéré ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que les juges d’appel ont motivé l’application des règles du concours d’infractions en énonçant « Conformément au réquisitoire du ministère public, les infractions de coups et blessures involontaires et de rébellion commise avec arme par une seule personne qui sont établies à charge du prévenu se trouvent en concours idéal. Il en est de même des infractions de délit de fuite et de non-assistance à personne en danger. Ces deux groupes d’infractions se trouvent en concours réel avec l’infraction de conduite sur la voie publique sans permis de conduire valable. » ;
Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas fondé ;
Attendu qu’en tant qu’il est tiré de la violation, sinon de la fausse application des articles 60 et 65 du Code pénal et 14 de la Constitution, le moyen ne tend, sous le couvert du grief tiré de cette violation, qu’à remettre en discussion l’appréciation des faits de la cause sur laquelle les juges d’appel ont fondé l’application en l’espèce des règles du concours d’infractions, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce de l'article 89 de la Constitution, qui dispose que tout jugement est motivé, et de l'article 13 paragraphe 7 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, qui règlemente le domaine des interdictions de conduire, et de l'article 14 de la Constitution qui consacre le principe de la légalité des peines, En ce que l'arrêt a prononcé contre X du chef des infractions de conduite sans permis de conduire valable et de délit de fuite une interdiction de conduire un véhicule automoteur sur la voie publique pour une durée de (5) ans, alors que l'exigence de la légalité de la peine interdit, en cas de concours réel (ce que l'arrêt a retenu) entre plusieurs infractions visées par l'article 13, paragraphe 7, de la loi modifiée du 14 février 1955, de prononcer une interdiction de conduire judiciaire pour plus d'une seule de ces infractions, et l'obligation de motivation oblige le juge à préciser pour quelle infraction une interdiction judiciaire est prononcée, ce que l'arrêt a omis de faire » ;
Vu l’article 13, paragraphe 7, de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;
Attendu que la Cour d’appel a prononcé contre le demandeur en cassation « du chef des infractions de conduite sans permis de conduire et de délit de fuite l’interdiction de conduire un véhicule automoteur des catégories A-F sur la voie publique pour une durée de cinq (5) ans. » ;
Attendu que l’article 13, paragraphe 1, de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques dispose que « Le juge saisi d’une ou de plusieurs infractions à la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ou de délits ou de crimes qui se sont joints à ces infractions, pourra prononcer une interdiction de conduire de huit jours à un an en matière de contraventions et de trois mois à quinze ans en matière de délits ou de crimes .» ;
Attendu qu’aux termes de l’article 13, paragraphe 7, de la loi modifiée du 14 février 1955, précitée, « Les interdictions de conduire à raison de plusieurs infractions à la présente loi et à la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ou de délits ou de crimes qui se sont joints à ces infractions seront toujours cumulées. » ;
Attendu qu’en prononçant une interdiction de conduire unique du chef de deux infractions à la loi modifiée du 14 février 1955, précitée, les juges d’appel ont méconnu l’article 13, paragraphe 7, de cette loi ;
Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen est fondé et que l’arrêt entrepris encourt la cassation, limitée à la seule disposition ayant prononcé la peine accessoire de l’interdiction de conduire ;
Par ces motifs, déclare le demandeur en cassation déchu de son pourvoi au civil ;
statuant sur le pourvoi au pénal, casse et annule l’arrêt rendu le 16 mai 2017 sous le numéro 20/17 Ch. Crim.
par la Cour d’appel, chambre criminelle, mais uniquement en sa disposition ayant prononcé la peine accessoire de l’interdiction de conduire un véhicule automoteur sur la voie publique ;
déclare, quant à ce, nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis, remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la chambre criminelle de la Cour d’appel, autrement composée ;
rejette le pourvoi pour le surplus ;
laisse les frais de l’instance en cassation à charge de l’Etat ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, huit mars deux mille dix-huit, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Yola SCHMIT, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur JeannotNIES, procureur général d’Etat adjoint, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.