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09/02/2018 | LUXEMBOURG | N°12/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 09 février 2018, 12/18


N° 12 / 2018
du 08.02.2018.

Numéro 3917 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg
du jeudi, huit février deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Marianne HARLES, premier conseiller à la Cour d’appel,
Serge WAGNER, premier avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.


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Entre:


X, demeurant à (…),

demandeur en cassation,

comparant par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Co...

N° 12 / 2018
du 08.02.2018.

Numéro 3917 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg
du jeudi, huit février deux mille dix-huit.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Marianne HARLES, premier conseiller à la Cour d’appel,
Serge WAGNER, premier avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.





Entre:


X, demeurant à (…),

demandeur en cassation,

comparant par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel
domicile est élu,

et:


la société anonyme SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par
son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le
numéro (…),

défenderesse en cassation,

comparant par Maître Monique WIRION, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle
domicile est élu.




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LA COUR DE CASSATION :


Vu l’arrêt attaqué, numéro 37/17, rendu le 15 février 2017 sous le numéro
37585 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième
chambre, siégeant en matière civile ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 26 avril 2017 par X à la société
anonyme SOC1), déposé au greffe de la Cour le 28 avril 2017 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 15 juin 2017 par la société anonyme
SOC1) à X, déposé au greffe de la Cour le 19 juin 2017 ;

Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de
l’avocat général Marc SCHILTZ ;


Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de
Luxembourg, saisi par la société anonyme SOC1) d’une demande en paiement du
solde d’une facture relative à des travaux effectués dans la maison de X, ainsi que
par ce dernier d’une demande reconventionnelle en indemnisation pour perte de
jouissance, avait dit la demande principale partiellement fondée et la demande
reconventionnelle non fondée ; que la Cour d’appel a, par réformation, condamné X
à payer à la société anonyme SOC1) un montant supérieur à celui fixé en première
instance et a confirmé le rejet de la demande reconventionnelle de X;


Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application de l'article 89 de la
Constitution ainsi que de l'article 249 du Nouveau code de procédure civile pour
défaut de réponse à conclusions,

en ce que l'arrêt attaqué a dit que d'après l'expert A) tous les travaux de
remise en état auraient été effectués par SOC1) et que le chauffage fonctionnerait
parfaitement,

au motif que

<< Dans son compte-rendu de la réunion du 11 avril 2006 (cf. courrier de
l'expert A) du 2 mai 2006), l'expert a relevé que la société SOC1) avait entretemps
procédé aux travaux préconisés par lui et il avait conclu à un parfait fonctionnement
de la régulation de la température de départ du chauffage de sol.

(...) dans un courrier subséquent du 28 août 2006, l'expert a encore une fois
retenu que tous les travaux de remise en état avaient été effectués (...) >> ;

alors qu’en décidant ainsi, sans avoir,
3

première branche, pris en considération la pièce n° 45 du demandeur en
cassation,

deuxième branche, répondu aux conclusions d’appel du demandeur en
cassation du 13 septembre 2013,

la Cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Attendu que le moyen, tiré de la violation des articles 89 de la Constitution et
249 du Nouveau code de procédure civile, vise le défaut de réponse à conclusions
constitutif d’un défaut de motifs, qui est un vice de forme ;

Attendu qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle
comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu que les juges d’appel ont retenu dans l’arrêt attaqué ce qui suit :

« Dans son compte-rendu de la réunion du 11 avril 2006 (cf. courrier de
l’expert A) du 2 mai 2006), l’expert a relevé que la société SOC1) avait entretemps
procédé aux travaux préconisés par lui et il avait conclu à un parfait fonctionnement
de la régulation de la température de départ du chauffage de sol.

Il aurait été légitime de penser qu’au vu des redressements préconisés par
l’expert A) et diligentés par la société SOC1) à la satisfaction de celui-ci, la créance
relative aux travaux de chauffage ne ferait plus l’objet de contestations, d’autant
plus que dans un courrier subséquent du 28 août 2006, l’expert a encore une fois
retenu que tous les travaux de remise en état avaient été effectuées et que les soldes
d’un total de 42.483,61 euros étaient dus à la société SOC1).

Or, dans son rapport d’expertise du 23 juillet 2008, l’expert signale qu’après
une première période de chauffe succédant aux travaux de remise en état, X se
plaignit d’une insuffisance de la puissance de chauffe.

L’expert judiciaire, suite à cette doléance, a procédé à des calculs pour
déterminer le besoin calorifique concret (…).

(…)

La société SOC1) conteste formellement, dans son acte d’appel, être à
l’origine d’une quelconque inexécution et elle met pour le surplus en doute le calcul
en besoin calorifique avancé par l’expert A). (…)

X, une fois que la société SOC1) a remanié aux déficiences relevées par
l’expert à la satisfaction de celui-ci, doit, en cas de nouvelle doléance, en rapporter
la preuve. L’intimé estime que cette preuve ressort à suffisance des conclusions
émises par l’expert A) dans son rapport du 23 juillet 2008. Or, s’il est vrai que ce
rapport reprend les différentes causes responsables, d’après l’expert judiciaire, du
dysfonctionnement du chauffage, à savoir un manque de puissance de chauffe, une
capacité réduite du chauffage de sol, l’influence négative de la façade vitrée et le
4
placement inefficace du radiateur, toujours est-il que les deux premières causes
avancées sont déjà nuancées par l’expert B) et qu’indépendamment de cette
énumération, le reproche concret d’une installation qui ne fonctionne pas
normalement n’est pas rapporté. L’intimé, sous ce dernier rapport, estime que la
preuve résulterait encore de la « conclusion de l’expert émise le 23 juillet 2008 que
pour une température ambiante de 20°C, la limite de confort est atteinte lorsque la
température voisine 0° et n’est plus donnée pour des températures plus basses (…) ».
Or, la Cour constate que, loin de constituer une conclusion tirée par l’expert
judiciaire à partir du cas concret de l’installation de chauffage de X, il ne s’agit en
fait que d’une hypothèse établie par l’expert et reposant sur une étude suisse intitulée
« Komfortuntersuchungen in Schulhäusern mit vollverglasten Fassaden » où l’expert
cite les conclusions de cette étude et pense qu’on peut présumer que cette étude
puisse être transposée à la situation de X (page 12, n°2.1.3 du rapport du 23 juillet
2008). Cette présomption de l’expert tirée d’une étude suisse réalisée dans des
bâtiments scolaires ne repose cependant sur aucune vérification concrète du cas
d’espèce, de sorte qu’il n’existe, en dehors de cette simple hypothèse, aucune
certitude à cet égard et la preuve d’une température ambiante insuffisante dans le
living de X n’est toujours pas rapportée.

En effet, indépendamment de la controverse relative aux calculs du besoin
calorifique, la Cour estime, à l’opposé des juges de première instance, que cette
discussion, à ce stade, n’est pas pertinente dans la mesure où il incombe à X, face
aux contestations de l’appelante, de prouver, après les redressements effectués par
la société SOC1) conformément aux recommandations de l’expert A) et approuvés
par celui-ci en 2006, que le chauffage ne fonctionne pas correctement en fait et que
concrètement l’installation de chauffage ne lui permet pas de chauffer son living et
ses salles de bains.

Or, la Cour constate que X reste en défaut de prouver un fonctionnement
inadéquat de l’installation de chauffage et une insuffisance effective de la
température ambiante.

Il suit des développements qui précèdent que la justification du défaut de
paiement du solde des travaux de chauffage de 18.890,84 euros en raison d’un
manquement aux engagements contractuels de la société SOC1) n’est pas donnée,
de sorte que, par réformation du jugement entrepris, la demande de la société SOC1)
est à déclarer fondée pour le montant de 42.131,71 euros. » ;

Attendu qu’il résulte de cette motivation que la Cour d’appel a pris en
considération la pièce visée au moyen et qu’elle a répondu aux conclusions du
demandeur en cassation ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;


Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application de l'article 1134 du Code
civil,

5
en ce que la Cour d'appel a dénaturé les éléments de preuve et notamment les
conclusions de l'expert A) en estimant, d'une part, que les travaux de remise en état
effectués par SOC1) auraient conduit au parfait fonctionnement du chauffage et,
d'autre part, qu'il resterait un solde d'un montant de 42.483,61 € en faveur de SOC1),

au motif que

<< (...) l'expert a relevé que la société SOC1) avait entretemps procédé aux
travaux préconisés par lui et il avait conclu à un parfait fonctionnement de la
régulation de la température de départ du chauffage de sol.

(...) l'expert a encore une fois retenu que tous les travaux de remise en état
avaient été effectués et que les soldes d'un total de 42.483,61 euros étaient dus à la
société SOC1) >>,

alors que l'expert a relevé, d'une part, que les travaux de remise en état
n'avaient pas satisfait X et, d'autre part, que le solde restant dû en faveur de SOC1)
était de 17.241,71 € (1ère solution), sinon de 12.241,71 € (2e solution) et non pas de
42.483,61 €,

qu'en décidant ainsi, la Cour d'appel a méconnu l'article susvisé. » ;

Attendu que l’article 1134 du Code civil, qui a trait à la force obligatoire des
conventions, est étranger au grief allégué de la dénaturation, par les juges du fond,
d’un rapport d’expertise judiciaire ;

Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;


Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application des articles 1792 et 2270
du Code civil qui prévoient que :

<< si l'édifice périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même
par le vice du sol, les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître
de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage en sont responsables pendant dix
ans >> (article 1792),

<< les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de
l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont déchargés de la garantie des
ouvrages qu'ils ont faits ou dirigés après dix ans, s'il s'agit de gros ouvrages, après
deux ans pour les menus ouvrages >> (article 2270),

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'appel incident du demandeur en cassation
non fondé et débouté celui-ci de sa demande en responsabilité dirigée contre SOC1),

au motif que

6
<< X, une fois que la société SOC1) a remanié aux déficiences relevées par
l'expert à la satisfaction de celui-ci, doit, en cas de nouvelle doléance, en rapporter
la preuve (...)

(...) il incombe à X, face aux contestations de l'appelante, de prouver, après
les redressements effectués par la société SOC1) conformément aux
recommandations de l'expert A) et approuvés par celui-ci en 2006, que le chauffage
ne fonctionne pas correctement en fait et que concrètement l'installation de chauffage
ne lui permet pas de chauffer son living et ses salles de bains.

Or, la Cour constate que X reste en défaut de prouver un fonctionnement
inadéquat de l'installation de chauffage et une insuffisance effective de la
température ambiante >>,

alors qu'en décidant ainsi, la Cour d'appel a, sans les viser expressément,
méconnu les articles 1792 et 2270 du Code civil qui posent une présomption de
responsabilité qui ne peut être écartée que par la preuve de la cause étrangère. » ;


Attendu que les juges du fond ayant constaté souverainement « que X reste
en défaut de prouver un fonctionnement inadéquat de l’installation de chauffage et
une insuffisance effective de la température ambiante », les conditions pour la mise
en œuvre de la présomption de responsabilité édictée par les dispositions visées au
moyen ne sont pas remplies ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;


Sur le quatrième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 6 alinéa 1er de la Convention de sauvegarde
des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre
1950 et de la violation de l'article 89 de la Constitution qui veulent que chacun ait
droit à un procès équitable et que toute décision soit motivée,

en ce que la Cour d'appel a statué par un motif dubitatif et/ou hypothétique,

en estimant qu'<< il aurait été légitime de penser qu'au vu des redressements
préconisés par l'expert A) et diligentés par la société SOC1) à la satisfaction de celui-
ci, la créance relative aux travaux de chauffage ne ferait plus l'objet de contestations,
d'autant plus que dans un courrier subséquent du 28 août 2006, l'expert a encore une
fois retenu que tous les travaux de remise en état avaient été effectuées et que les
soldes d'un total de 42.483,61 euros étaient dus à la société SOC1) >>,

qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a méconnu les articles susvisés. » ;

Attendu qu’il ressort des passages de l’arrêt attaqué reproduits dans la réponse
au premier moyen de cassation que les juges d’appel ont statué sur les nouvelles
doléances du demandeur en cassation par des motifs exempts de caractère dubitatif
ou hypothétique ;
7

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;


Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu que le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de
l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à
rejeter ;

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge de la défenderesse en
cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient
de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;


Par ces motifs,

rejette le pourvoi ;

rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de
procédure ;

condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une
indemnité de procédure de 2.000 euros ;

condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec
distraction au profit de Maître Monique WIRION, sur ses affirmations de droit.



La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur Serge
WAGNER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la
Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 12/18
Date de la décision : 09/02/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2018
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-02-09;12.18 ?

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