La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/01/2018 | LUXEMBOURG | N°7/18

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 25 janvier 2018, 7/18


N° 07 / 2018 pénal.
du 25.01.2018.
Not. 9438/13/CD
Numéro 3901 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la
loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du
jeudi, vingt-cinq janvier deux mille dix-huit,


sur le pourvoi de :


A), né le (…) à (…), demeurant à (…), actuellement détenu au Centre pénitentiaire
de Luxembourg,

prévenu et défendeur au civil,

demandeur en cassation,

comparant par Maître Gaston VOGEL,

avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,
en l’étude duquel domicile est élu,


en présence du Ministère public

et de : ...

N° 07 / 2018 pénal.
du 25.01.2018.
Not. 9438/13/CD
Numéro 3901 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la
loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du
jeudi, vingt-cinq janvier deux mille dix-huit,


sur le pourvoi de :


A), né le (…) à (…), demeurant à (…), actuellement détenu au Centre pénitentiaire
de Luxembourg,

prévenu et défendeur au civil,

demandeur en cassation,

comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,
en l’étude duquel domicile est élu,


en présence du Ministère public

et de :

1) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, représenté par le Ministre
d’Etat, ayant ses bureaux à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation,

2) B), demeurant à (...),

3) C), demeurant à (…),

4) D), demeurant à (…),

5) E), demeurant à (…),

6) F), demeurant à (…),

demandeurs au civil,

défendeurs en cassation,

7) G), né le (…), demeurant à (…),

8) H), né le (…) à (…), demeurant à (…),

9) I), né le (…) à (…), demeurant à (…),
2

défendeurs en cassation,


l’arrêt qui suit :

=======================================================



LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 28 février 2017 sous le numéro 9/17 Ch.Crim. par
la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, chambre criminelle ;

Vu le pourvoi en cassation, au pénal et au civil, formé par Maître Frédéric
MIOLI, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, pour et au nom d’A), suivant
déclaration du 23 mars 2017 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 21 avril 2017 au greffe de la Cour,
après avoir été signifié le 20 avril 2017 à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE
Luxembourg, à B), à C), à D), à E), à F), à G), à H) et à I) ;

Sur le rapport du président Jean-Claude WIWINIUS et sur les conclusions du
premier avocat général Serge WAGNER ;


Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de
Luxembourg, siégeant en matière criminelle, avait condamné A), avec deux autres
prévenus, à une peine de réclusion ferme du chef de participation à une association
de malfaiteurs, de tentative de meurtre, de tentative de vol commis à l’aide de
violences et menaces dans une maison habitée avec plusieurs circonstances
aggravantes, de rébellion et d’autres infractions connexes et avait alloué divers
montants indemnitaires aux demandeurs au civil ; que la Cour d’appel a confirmé le
jugement de première instance, tant au pénal qu’au civil ;


Sur le premier moyen de cassation:

« Dispositions légales violées

Article 89 de la Constitution.

Le principe général de droit d’obligation de motivation.

3
L'article 6, §1er de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés Fondamentales.

Décision attaquée

La Cour d'appel a condamné le demandeur à une peine de réclusion de vingt-
deux ans du chef de vol avec violences du Centre Fort G4S, d'association de
malfaiteurs, de tentative de vols à l'aide de violences et de menaces dans une maison
habitée, la nuit, par plusieurs personnes, des armes ayant été employées ou montrées,
de tentative d'homicides, de rébellion avec la circonstance que la rébellion a été
commise par plusieurs personnes porteurs d'armes et d'un concert préalable,
d'infractions à la législation sur les armes et munitions, d'infractions à la loi du 18
avril 1881 concernant le transport et le commerce des matières explosives, ainsi que
du chef d'infractions aux articles 1 et 2 de l'arrêté grand-ducal du 20 avril 1881
relatif au transport, au commerce et au dépôt de la poudre à tirer et des autres
substances explosives et enfin pour recel.

Griefs

L'article 89 de la Constitution impose l'obligation au juge de motiver sa
décision et de répondre aux conclusions régulièrement déposées par une partie.

En l'espèce, dans ses conclusions déposées devant les juges d'appel, le
demandeur avait invoqué l'argument selon lequel << au total neuf traces d'ADN
exploitables ont dès lors été identifiées, et ce alors que seuls six auteurs étaient
présents sur l'attaque, élément qui permet d'accréditer de manière encore plus
certaine la possibilité d'un transfert secondaire ou tertiaire d'ADN dans le chef du
(demandeur) >> (point 2.1. F., page 13 des conclusions d'appel du demandeur).

Par aucune considération, l'arrêt attaqué ne répond aux conclusions du
demandeur sur ce point. » ;


Attendu qu’en tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution et,
sous ce rapport, de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de réponse à conclusions,
constituant un défaut de motifs, qui est un vice de forme ;

Qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une
motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu que les juges d’appel, en retenant que « S’agissant d’A), la Cour
d’appel retient, sur base des conclusions du docteur J), que son empreinte génétique
a été observée sur la batterie saisie sur le site de la G4S. Quant à la question du
transport indirect avancé par le professeur K) et soutenu par les défenses du prévenu
pour justifier la présence de l'empreinte génétique sur l'objet en question, si un
transport secondaire, tertiaire, etc, ne saurait être exclu, ce que reconnaît le docteur
J) et que la quantité de matériel génétique peut être révélatrice d'un tel transport,
encore que l'étude « L) » n’a révélé que dans de rares cas que le profil génétique
majoritaire de la personne dont l'ADN a été transporté a été observé sur l'objet
4
analysé, toujours est-il que le transport comporte toujours une activité par laquelle
le transport en question s'explique. Les exemples fournis par les défenses d'A), dont
l’exemple le plus spectaculaire est celui de l'ambulancier qui a transporté l'ADN
d'une personne conduite à l'hôpital sur le corps d'une femme victime d'un meurtre,
révèlent qu'il doit être possible d'établir un lien, même lointain, avec un possible
transport. (…) En effet, le prévenu n'a fourni aucun élément de nature à révéler, ne
fut-ce que de manière très lointaine, qu'il a pu avoir un contact avec une autre
personne qui aurait manipulé la batterie avant son utilisation à Gasperich, de même
qu'il n'a fourni aucun élément de nature à révéler qu'il aurait pu avoir touché la
batterie à une autre occasion que celle du braquage, étant à rappeler que la batterie
était nouvelle et qu'elle avait été dépouillée de ses marques distinctives.» ont
expressément répondu aux conclusions du demandeur en cassation concernant la
possibilité d’un transfert secondaire ou tertiaire d’ADN ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;


Sur le deuxième moyen de cassation :

« Dispositions légales violées

Article 89 de la Constitution

Le principe général de droit d’obligation de motivation.

Décision attaquée

La Cour d'Appel a considéré que << s'agissant (du demandeur) A), la Cour
d'Appel retient sur base des conclusions du Docteur J), que son empreinte génétique
a été observée sur la batterie saisie sur le site de la G4S >> et que << quant à la
question du transport indirect avancé par le Professeur K) et soutenu par les défenses
du prévenu pour justifier la présence de l'empreinte génétique sur l'objet en question,
si un transfert secondaire, tertiaire, etc., ne saurait être exclu, ce que reconnaît le
Docteur J) et que la quantité du matériel génétique peut être révélatrice d'un tel
transport, encore que l'étude ’’L)’’ n'a révélé que dans de rares cas que le profil
génétique majoritaire de la personne dont l'ADN a été transporté a été observé sur
l'objet analysé, toujours est-il que le transport comporte toujours une activité par
laquelle le transport en question s'explique >> (page 83 de l'arrêt attaqué).

La Cour d'Appel a également considéré que : << quant au profil génétique
observé sur la batterie, le contributeur ADN identifié ne serait ni majoritaire ni
minoritaire, le mélange analysé ayant révélé deux autres contributeurs possibles,
mais non-identifiables >> (page 79 de l'arrêt attaqué).

Griefs

Règle purement formelle, l'obligation de motiver est méconnue lorsque la
décision contient des motifs qui se contredisent.

5
L'arrêt attaqué relève que le contributeur ADN identifié sur le profil
génétique observé sur la batterie utilisée lors des faits délictueux, soit le profil du
demandeur, ne serait ni majoritaire ni minoritaire. Dans la même décision, la Cour
d'Appel considère implicitement mais certainement que le profil du demandeur serait
majoritaire.

Il s'agit de motifs qui se contredisent sur un point essentiel relatif au transfert
secondaire, voire tertiaire de l'ADN du demandeur. » ;


Attendu que le grief de la contradiction de motifs, équivalant à un défaut de
motifs, invoqué en l’espèce, ne peut être retenu que si les motifs incriminés sont
contradictoires à un point tel qu’ils se détruisent et s’annihilent réciproquement,
aucun ne pouvant être retenu comme fondement de la décision ;

Attendu que le moyen procède d’une lecture et d’une interprétation
incorrectes de l’arrêt ; qu’il ne résulte, en effet, d’aucun des développements des
juges d’appel dans l’arrêt entrepris qu’ils aient retenu, expressément ou
implicitement, que le contributeur ADN identifié sur le profil génétique observé sur
la « batterie » utilisée lors des faits délictueux, à savoir celui du demandeur en
cassation, fût majoritaire ;

Que les motifs de l’arrêt sont partant exempts de contradiction ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;


Sur le troisième moyen de cassation :

« Dispositions légales violées

Article 154 du Code d’instruction criminelle.

Le principe de la foi due aux actes.

Décision attaquée

La Cour d'appel a considéré que : << les arguments de la défense (du
demandeur) A) relatifs aux photos prises par les caméras de surveillance du site de
la Société G4S selon lesquelles il en résulterait que les personnes en cause avaient
toutes la peau claire, ce qui ne serait pas le cas du prévenu, ne sont pas pertinents,
dès lors que ces photos ne permettent aucune identification quelconque quant aux
personnes filmées. La couleur blanche qui peut être vue sur un visage masqué d'une
des photos produites par la défense du prévenu, constitue une surexposition de
lumière qui apparaît tout au long du film visionné et ne saurait établir la couleur de
peau de la personne photographiée >> (page 84 de l'arrêt attaqué).

Griefs

6
Dans le rapport établi par le service de Police judiciaire, service répression
de grand banditisme, n° SPJ/RGB/2013/28190-267/HADA-FLAN, les enquêteurs
indiquent précisément que : << d'après l'exploitation des enregistrements
susmentionnés, les auteurs peuvent être décrits comme suit :

Premier auteur
Homme à la peau claire (...).

Deuxième auteur
Homme à la peau claire (...)

Troisième auteur
Homme à la peau claire (...)

Quatrième auteur
Homme à la peau claire (...)

Cinquième auteur
Homme à la peau claire (...)

Sixième auteur
Homme à la peau claire (...) » (pages 14 et 15 dudit rapport)

En page 16/18 des conclusions, les conseils du demandeur ont fait
expressément référence à ce procès-verbal pour démontrer que celui-ci ne pouvait
correspondre au signalement des auteurs des faits délictueux.

L'interprétation de la Cour d'appel concernant la description des auteurs est
inconciliable avec les termes du procès-verbal susmentionné qui décrit précisément
les auteurs comme des hommes à la peau claire. » ;


Attendu que sous le couvert du grief de la violation du texte visé au moyen,
celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges d’appel, des
faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus devant eux, appréciation
qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;


Sur le quatrième moyen de cassation :

Dispositions légales violées

Le principe de la foi due aux actes.

Le principe général de droit d'obligation de motivation.

Décision attaquée

7
La Cour d'appel a considéré que : << quant au profil génétique observé sur
la batterie, le contributeur ADN identifié ne serait ni majoritaire ni minoritaire, le
mélange analysé ayant révélé deux autres contributeurs possibles, mais non
identifiables. C'est sur ce point que la conclusion du Docteur J) diverge de celle du
Professeur K). Selon ce dernier, au vu de la faible quantité d'ADN et au vu du fait
qu'il s'agit d'un mélange d'au moins deux personnes, il ne serait pas étonnant de
constater que le rapport de vraisemblance calculé soit proche de la valeur ’’neutre’’
de 1 en considérant les phénomènes de transfert et, ainsi, la quantité d'ADN
retrouvée sur la batterie pourrait s'expliquer aussi bien sous l'hypothèse n° 1 émise
par le Docteur J) dans son rapport M0006247, selon laquelle ’’A) et deux inconnus
sont à l'origine de génotypes mis en évidence par le prélèvement’’ que sous
l'hypothèse opposée n° 2 émise, selon laquelle ’’trois individus non identifiés sans
lien de parenté avec A) et pris par hasard dans la population, sont à l'origine du
mélange de génotypes mis en évidence à partir du prélèvement’’ (page 79).

Griefs

Dans le rapport PFS16.009 du Professeur K) et du Docteur M), déposé au
dossier de la procédure par la défense du demandeur, en page 8/8 du titre << 2. La
signification des résultats en regard des activités alléguées et du temps >>, les
auteurs ont écrit :

<< Hypothèse H1 ’’A) a manipulé la batterie lors de l'action criminelle’’ et
Hypothèse H2 ’’A) n'a pas touché l'objet en examen mais il a serré la main à la
personne qui a manipulé la batterie. ...

Au vu de la faible quantité d'ADN et au vu du fait qu'il s'agit d'un mélange
d'au moins deux personnes, il ne serait pas étonnant de constater que le rapport de
vraisemblance calculé soit proche de la valeur ’’neutre’’ de 1 en considérant les
phénomènes de transfert. Ainsi, la quantité d'ADN retrouvée sur l'objet pourrait
s'expliquer aussi bien sous l'hypothèse 1 que sous l'hypothèse 2. C'est-à-dire que le
fait de retrouver un tel mélange d'ADN sur la pièce analysée s'expliquerait aussi bien
sous l'hypothèse que Monsieur A) a touché l'objet en examen lors de l'action
criminelle que s'il a serré la main à une tierce personne qui aurait par la suite touché
la batterie >>.

Les motifs de l'arrêt attaqué, qui font clairement référence au rapport
PFS16.009, sont inconciliables avec les termes de ce rapport qui d'une part ne
concerne pas l'évaluation des résultats quant à la source du prélèvement mais bien
au regard des activités alléguées et d'autre part renvoie à des hypothèses différentes
de celles retenues par la Cour d'appel.

Ensuite des explications apportées par le Docteur J) devant la juridiction
d'instance en réponse aux observations formulées dans le rapport PFS16.009 du
Professeur K) et du Docteur M) à l'égard de l'évaluation des résultats quant à la
source où, à l'occasion de sa déposition, elle a admis une erreur de plume quant au
nombre de contributeurs sur la batterie (ce qui est confirmé dans son rapport
M0019097 du 9 novembre 2016) le Professeur K) dans sa déposition et dans ses
écrits ultérieurs déposés au dossier de la procédure de même que la défense de
8
Monsieur A) n'ont plus contesté les conclusions du Docteur L) en ce qui concerne
l'évaluation des résultats quant à la source.

Les conclusions déposées par le demandeur devant la Cour d'appel ne
remettent pas en cause cet aspect de l'analyse et de l'interprétation des traces
ADN. » ;

Attendu que la violation d’un principe général du droit ne donne ouverture à
cassation que s’il trouve son expression dans un texte de loi ou s’il est consacré par
une juridiction supranationale ;

Attendu que le demandeur en cassation n’invoque pas de texte de loi qui
exprimerait le principe de la foi due aux actes énoncé au moyen, ni une jurisprudence
d’une juridiction supranationale qui consacrerait ce principe ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen est irrecevable ;

Attendu que le défaut de motifs est un vice de forme ;

Qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une
motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu qu’il résulte de l’énoncé même du moyen que les juges d’appel ont
motivé leur décision sur le point critiqué ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen n’est pas fondé ;


Sur le cinquième moyen de cassation :

« Dispositions légales violées

L'article 6, §1 et §3 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits
de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

Le principe général du respect des droits de la défense.

Le principe général de droit de l'égalité des armes et du procès équitable.

Décision attaquée

L'arrêt attaqué considère que << la défense (du demandeur) A) critique la
Cour d'appel en ce qu'elle n'a entendu que l'expert J) et continue de demander
l'audition des experts K) et M), ainsi qu'une expertise judiciaire nouvelle sur le
matériel ADN observé sur la batterie >> et que << s'agissant de la demande d'une
expertise judiciaire contradictoire, l'expertise effectuée par le Docteur L) peut être
qualifiée d'expertise judiciaire contradictoire dans la mesure où elle a été ordonnée
par un juge (le juge d'Instruction M)) et dès lors qu'elle a pu faire l'objet de recours
en cours d'instruction et qu'elle a fait l'objet d'un débat contradictoire devant les
juges du fond >>, que << la jurisprudence belge connaît certes la notion d'expertise
9
judiciaire comme étant l'expertise ordonnée par les juges de fond, mais en l'espèce
la Cour d'appel constate que, si l'expert J) maintient ses conclusions, elle ne s'éloigne
pas de façon significative des réserves émises par les experts K) et M) dans la mesure
où elle a précisé les conséquences à tirer d'une faible quantité d'ADN, de la présence
d'un profil majoritaire ou minoritaire et qu'elle n'a pas exclu la possibilité d'un
transport secondaire >> et qu'<< il n'y a donc pas lieu de faire droit ni à la demande
de ré-audition du Professeur K) et du Docteur M) ni à celle d'institution d'une
nouvelle expertise sur l'ADN, la Cour d'appel étant suffisamment éclairée sur les
questions relatives à l'expertise ADN effectuée >> (pages 79 et 80 de l'arrêt attaqué).

Griefs

L’expertise judiciaire a été diligentée de manière unilatérale.

En refusant de faire droit à la demande de la défense du demandeur
d'entendre son conseiller technique alors que l'expert judiciaire est, quant à lui,
entendu par la Cour dans une matière aussi complexe que celle de l'ADN, de
l'interprétation des résultats obtenus par des analyses et de son transfert, l'arrêt
attaqué n'a pas permis la contradiction et la tenue d'un procès équitable.

Le refus de faire droit à la demande subsidiaire de la défense du demandeur
de procéder à une nouvelle expertise sur l'ADN et ce, de manière contradictoire,
isolément ou combiné avec le refus de procéder à une expertise relative à
l'hyperhidrose, renforce l'atteinte aux droits de la défense et dès lors au droit à un
procès équitable. » ;


Attendu que sous le couvert du grief de la violation du droit à un procès
équitable, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation, par les juges
d’appel, des faits et éléments de preuve de la cause soumis à la libre contradiction
ainsi que l’appréciation de l’opportunité d’ordonner une mesure d’instruction
supplémentaire, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au
contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;


Sur le sixième moyen de cassation :

« Dispositions légales violées

L'article 6 §1 et §3 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.

Le principe général du respect des droits de la défense.

Le principe général du droit de l'égalité des armes et du procès équitable.

Décision attaquée

10
La Cour d'appel a considéré que, << s'agissant des CRI adressées par le juge
d'instruction luxembourgeois à des autorités étrangères, elles sont soumises à la
réglementation en vigueur en la matière dans les pays requis et les prévenus n'ont
pas attaqué l'exécution de ces CRI, la Cour d'appel constatant que les défenses des
prévenus n'ont pas mis en cause la légalité de ces CRI, mais elles critiquent le fait
que ce n'est pas l'intégralité des éléments des dossiers belges qui a été produite >>
(page 53 de l'arrêt attaqué).

La Cour a également indiqué qu'<< en l'espèce, aucun des prévenus n'a
demandé la récusation du juge d'instruction pour partialité, ni mis l'impartialité du
juge d'instruction en doute au moment du règlement de la procédure au cours duquel
ils ont pourtant été entendus et les demandes tendant à voir instituer des expertises
supplémentaires aux fins de vérifications des profils ADN non identifiés à ce jour par
rapport à des personnes mises en cause dans les dossiers belges, ainsi que les
demandes en obtention de l'intégralité des dossiers belges ont été rejetés par la
chambre du conseil de la Cour d'appel (arrêts de la chambre du conseil du 18 mars
2015, n's 447, 448 et 449). Ces rejets ont autorité de chose jugée et les demandes ou
griefs en question ne sauraient être réitérés devant la juridiction de fond >> (page
54 de l'arrêt attaqué).

Griefs

En termes de conclusions régulièrement déposées devant la Cour d'appel, le
demandeur a fait valoir l'argument suivant relatif à la non-communication de
l'intégralité des dossiers pénaux belges et néerlandais et quant aux défaillances de
l'enquête :

<< Attendu qu'il convient tout d'abord de relever qu'une importante partie
de l'enquête réalisée l'a été sur la base de commissions rogatoires et d'échanges
multiples entre les autorités judiciaires et policières belges et luxembourgeoises ;

qu'il y a également eu d'importants contacts entre les autorités judiciaires
et/ou policières luxembourgeoises avec les autorités judiciaires et/ou policières
néerlandaises et allemandes et ce dès après la commission des faits ;

qu'il faut relever que seul le dossier dit ’’O)’’ instruit à Liège sera
communiqué à la défense et seulement dans le décours de l'instruction du dossier
devant la juridiction d'instance ;

qu'en effet, les dossiers de l'instruction relatifs aux dossiers dits ’’P)’’ et
’’Q)’’ de Charleroi n'ont pas été joints dans leur intégralité nonobstant les demandes
formulées à cet égard par le concluant déjà devant les juridictions d'instruction ;

qu'il en va de même du dossier relatif aux faits survenus à Best, aux Pays-
Bas, le 20 mars 2016 ;

Attendu que le dossier de l'enquête luxembourgeoise comporte dès lors
nombre de commissions rogatoires internationales au travers desquelles les
enquêteurs luxembourgeois font rapport sur les pièces des différents dossiers
auxquels ils ont pu avoir accès en Belgique et auxquels sont également joints les
11
multiples procès-verbaux établis par les autorités judiciaires et policières belges
dans ces dossiers ;

que cependant, force est de constater, au-delà de la problématique de la
violation des droits de la défense du concluant de ce chef aux motifs qu'il n'a pu avoir
accès à l'intégralité des dossiers belges et au dossier concernant les faits survenus à
Best où peut-être des éléments à sa décharge auraient pu être recueillis, les éléments
issus de ces dossiers belges et apportés au dossier de la procédure ont été notamment
recueillis sur la base de méthodes particulières d'enquête, au sens large du terme,
nécessitant au regard de la loi belge notamment le respect d'une procédure
particulière, que ce soit de la part d'un juge d'instruction ou d'un procureur du Roi
(ordonnances de perquisition, ordonnances d'écoutes, observations systématiques,
etc.) ;

que force est de constater que toutes les pièces de procédure autorisant ces
méthodes particulières d'enquête au sens large ne figurent pas au dossier de la
procédure et qu'il est dès lors impossible à la défense de vérifier si ces méthodes ont
été légalement ordonnées dans leur pays d'origine ;

qu'à cet égard, la Cour de cassation de Belgique, par arrêt du 3 avril 2012,
a rappelé << le juge décide si l'appréciation de l'existence de circonstances visées à
l'article 13 de la loi du 9 décembre 2004 sur l'entraide judiciaire internationale en
matière pénale et modifiant l'article 90ter du Code d'instruction criminelle requiert
la jonction des pièces autres que celles relevant du dossier de procédure pénale
belge ;

Lors de cette appréciation, il doit veiller à ce que le prévenu ne soit pas privé
de la possibilité de contester in concreto les preuves obtenues à l'étranger et que ces
droits de défense ne soient pas ainsi violés >> (Cass., 3 avril 2012 - p. 10.0973.N) ;

que l'enseignement que l'on doit tirer de cet arrêt prononcé en suite d'un
pourvoi en cassation fondé sur la violation de l'article 6.1 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales ainsi que des
principes généraux du droit relatif au respect des droits de la défense et de
l'admissibilité, la légalité et la fiabilité dans la recherche des preuves est, d'une part,
qu'il doit être permis à tout justiciable de pouvoir vérifier si la manière dont une
preuve a été recueillie est conforme à la législation de l'Etat où ce devoir d'enquête
a été réalisé, il s'agit de la question de la régularité de la preuve ; et d'autre part
qu'il appartient en toute hypothèse à la juridiction de fond de veiller au respect des
droits de la défense face à des preuves recueillies notamment à l'étranger ;

Attendu que l'ensemble de ces considérations permet de conclure au
caractère inéquitable des poursuites et à une violation de l'article 6 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme et du principe général de droit évoqué ci-dessus
qui aura pour conséquence que les poursuites devront également être déclarées
irrecevables de ce chef ;

qu'en effet, seuls des pans de procédures belges (en ce qui concerne les
dossiers ’’P)’’ et ’’Q)’’) et néerlandaises ont été versés au dossier de la présente
procédure, ce qui constitue une violation des droits de la défense et du principe
12
général du droit de l'égalité des armes puisque seules les autorités judiciaires et
policières ont eu accès à ces dossiers et ont jugé unilatéralement de ce qu'il convenait
de joindre ou non à la présente procédure en n'y insérant que des éléments à charge,
ce qui ne permet, ni au concluant, ni au juge du fond, de vérifier s'il n'existe pas des
éléments à décharge dans ces dossiers outre la problématique de la régularité de
certaines méthodes particulières d'enquête au sens large du terme >> (pages 4 et
5/18 des conclusions du demandeur).

L’arrêt attaqué refuse de joindre les dossiers étrangers à la procédure
pendante devant la Cour d’appel en considérant que le problème fut tranché
préalablement par les juridictions d’instruction et qu’il n’y a pas lieu d’y revenir.

Par ces considérations, l’arrêt attaqué viole le principe de l’égalité des armes
et du droit à un procès équitable. » ;


Attendu que le moyen de cassation se limite à réitérer en instance de cassation
les moyens d’irrecevabilité des poursuites déjà développés en instance d’appel, sans
formuler aucune critique à l’égard des motifs à l’appui de la décision des juges
d’appel de rejeter ces moyens ;

Attendu que le recours en cassation est une voie de recours extraordinaire et
non une troisième instance ;

Qu’il en suit que le moyen de cassation, en ce qu’il ne précise pas en quoi les
juges d’appel, en statuant comme ils l’ont fait, auraient violé la disposition
conventionnelle visée au moyen, est irrecevable ;


Sur le septième moyen de cassation :

« Dispositions légales violées

L'article 6, §2 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés Fondamentales.

Le principe général de droit de la présomption d'innocence.

Décision attaquée

La Cour d'appel a considéré : << quant au principe de la présomption
d'innocence consacré par l'article 6§2 de la Convention, il garantit à toute personne
de ne pas être désignée ni traitée comme coupable d'une infraction avant que sa
culpabilité n'ait été établie par un tribunal. Ce principe exige entre autres, qu'en
remplissant leurs fonctions, les membres d'un tribunal ne partent pas de l'idée
préconçue que le prévenu a commis l'acte incriminé (…).

Le point de savoir si les propos d'un juge d'instruction, membre du pouvoir
judiciaire, constituent une violation du principe de la présomption d'innocence doit
être tranchée dans le contexte des circonstances particulières dans lesquelles ceux-
13
ci ont été formulés en tenant compte du fait que les déclarations des juges font l'objet
d'un examen plus approfondi que celles qui concernent les autorités d'investigation
comme la police et le parquet (...).

Pour examiner les doutes qu'ont pu susciter certains propos d'un juge dans
le chef d'un prévenu, il faut les replacer dans leur contexte, examiner le déroulement
de l'ensemble du procès. En effet, il a été jugé que, pour apprécier si une cause a été
entendue équitablement, il faut rechercher si, dans son ensemble, elle a été l'objet
d'un procès équitable (...).

En droit interne luxembourgeois, l'article 51 du Code d'instruction criminelle
dispose que << le juge d'instruction procède conformément à la loi, à tous les actes
d'information qu'il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il recueille et vérifie,
avec soin égal, les faits et les circonstances à charge ou à décharge de l'inculpé >>
(...).

Dans ce cadre, il appartient au juge d'instruction d'apprécier l'utilité d'une
mesure d'instruction et les raisons qui le conduisent à procéder à tel acte et à ne pas
procéder à tel autre acte, sont sans relevance. Le refus de procéder à un acte
d'instruction formellement sollicité ouvre à la partie écartée une voie de recours
contre cette décision juridictionnelle.

L'inculpé a le droit de soulever tout moyen de nullité au cours de l'instruction
préparatoire sur base de l'article 126 du Code d'instruction criminelle et il a le droit
de demander que des mesures d'instruction soient ordonnées par le juge
d'instruction. Ce droit peut s'exercer, d'une part, en saisissant le juge d'instruction
d'une demande pour laquelle ce dernier doit statuer par ordonnance susceptible de
faire l'objet d'un appel devant la chambre du conseil de la Cour d'appel sur base de
l'article 133 du Code d'instruction criminelle et, d'autre part, en formulant une telle
demande sur base de l'article 134§(2) du Code d'instruction criminelle devant la
chambre du conseil de la Cour d'appel dans le cadre de l'appel formé contre
l'ordonnance de renvoi (...).

Ni l'article 6-1 de ladite Convention ni la loi nationale ne précisent les effets
que le juge du fond doit déduire d'une violation des principes énoncés ci-avant. La
Convention ne dispose notamment pas que la sanction de la violation de ces principes
consisterait dans l'irrecevabilité des poursuites. Il incombe à la juridiction de
jugement, à la lumière des données de chaque affaire, de déterminer les
conséquences qui pourraient résulter d'une violation des droits de la défense, ces
conséquences devant être notamment examinées sous l'angle de la preuve. L'atteinte
aux principes dégagée par l'article 6 de la Convention doit ainsi être établie
concrètement sur base des données de chaque cas et non par des considérations
abstraites et générales.

Il n'y a irrecevabilité des poursuites pénales que lorsque l'exercice de l'action
publique devant les juridictions du jugement s'avère totalement inconciliable avec
un exercice valable des droits de la défense (...).

Pour autant que les griefs soulevés à l'encontre du juge d'instruction
concernent les actes d'instruction posés et refusés par lui, la Cour d'appel relève que
14
le droit interne luxembourgeois confère à l'inculpé le droit de soulever tout moyen
de nullité au cours de l'instruction préparatoire sur base de l'article 126 du Code
d'instruction criminelle. Il lui confère en outre le droit de demander que des mesures
d'instruction soient ordonnées par le juge d'instruction. Ce droit peut s'exercer, d'une
part, en saisissant le juge d'instruction d'une demande sur laquelle ce dernier doit
statuer par ordonnance susceptible de faire l'objet d'un appel devant la chambre du
conseil de la Cour d'appel sur base de l'article 133 du Code d'instruction criminelle
et, d'autre part, en formulant une telle demande sur base de l'article 134 paragraphe
(2), du Code d'instruction criminelle devant la chambre du conseil de la Cour d'appel
dans le cadre de l'appel formé contre l'ordonnance de renvoi. Les délais de
forclusion des articles 48-2 et 126 paragraphe (3), du Code d'instruction criminelle,
s'appliquent << quelle que soit la violation de la règle de droit invoquée, législation
nationale ou internationale >> (...).

L'interdiction de former, voire de réitérer, devant les juridictions de fond, des
recours en nullité et des demandes complémentaires à ordonner par le juge
d'instruction a pour but d'assurer une bonne administration de la justice. En
confiant, sauf de rares exceptions, le contentieux relatif à l'instruction préparatoire
aux seules juridictions d'instruction à l'exclusion d'une juridiction de fond, le droit
interne luxembourgeois assure la sécurité juridique en évitant une continuelle remise
en question des décisions prises au cours de l'instruction préparatoire et dissuade
les recours dilatoires. On peut compléter ce raisonnement par deux arguments
fondés sur l'article 6 de la Convention. D'un côté, dans un souci de respecter le délai
raisonnable d'une procédure pénale, il est logique que le législateur limite certains
recours au niveau de la phase d'instruction et de règlement. D'un autre côté, c'est le
débat contradictoire devant le juge du fond qui est le moment privilégié au cours
duquel s'exercent les droits de la défense. C'est par rapport aux décisions définitives
adoptées à l'issue de ce débat que doit être garanti l'accès aux voies de recours (...).

La Cour d'appel constate encore que le juge d'instruction a fait droit à un
certain nombre des demandes des prévenus, en l'occurrence, il a notamment fait
procéder à une contre-expertise scientifique au sujet de l'ADN, à diverses
vérifications des alibis présentés par les différents prévenus et il a consulté le
Bundeskriminalamt (ci-après BKA), au sujet de l'examen de la taille des auteurs du
braquage sur base des photos réalisées par les caméras de surveillance du site du
G4S.

Or, le juge d'instruction reste libre dans l'appréciation des moyens à utiliser
pour instruire son dossier, sous la contrainte évidemment que les moyens utilisés
soient légaux et que les résultats de ces investigations soient portés à la connaissance
des prévenus de sorte qu'ils puissent y prendre position et demander, le cas échéant,
que d'autres devoirs soient entrepris. Ainsi, c'est la procédure litigieuse considérée
dans son ensemble qui doit revêtir le caractère équitable du §1 et il ne suffit pas au
prévenu qui allègue la violation de l'article 6 de la Convention, de démontrer qu'une
mesure d'instruction jugée à décharge n'a pas été faite. Encore faut-il qu'il rende
vraisemblable que la mesure envisagée était nécessaire à la recherche de la vérité et
que le refus de procéder à la mesure sollicitée a causé un préjudice aux droits de la
défense (...).

15
Plus particulièrement et aux fins d'être complet, la Cour d'appel observe que
les faits soulignés par les enquêteurs dans le rapport n° 240 du 22 juillet 2014 tiré
de l'absence de la téléphonie de Liège ou de l'absence des repérages téléphoniques
en raison de l'impossibilité d'y procéder ne constitue pas une atteinte aux droits de
la défense dès lors qu'il ne saurait en être retiré une preuve de l'innocence des
prévenus, soit en raison du fait que le Ministère public n'en dispose pas non plus,
soit que le repérage d'un contact GSM ne constitue pas une preuve de la présence ou
de l'absence du titulaire du GSM en question.

S'agissant d'A), la Cour d'appel constate encore que l'intégralité tant des
écoutes téléphoniques ordonnées à Liège sur base de la CRI du juge d'instruction M)
que des écoutes téléphoniques effectuées à Liège dans le cadre du dossier << O) >>
lui a été communiquée (...).

Quant aux propos tenus par le juge d'instruction critiqué par la défense des
prévenus, il faut d'abord relever que les propos critiqués ont été émis lors des
interrogatoires et non pas en audience publique. Ensuite, c'est dans le contexte de la
découverte de l'ADN correspondant au profil d'A) sur la batterie trouvée sur les lieux
ainsi que la découverte de l'ADN sur les bouchons des bidons correspondant au
profil des prévenus H) et G) et en confrontation avec ces éléments du dossier que le
juge a exprimé sa conviction de la présence des prévenus sur les lieux et de ce que
<< l'on ne peut plus parler d'hypothèses de probabilités, de suspicions ou de
coïncidences >>.

Si les propos incriminés relèvent certes une certaine détermination dans le
chef du juge d'instruction, ils ne révèlent cependant pas une idée préconçue ou un
manque d'objectivité de sa part de nature inconciliable avec les droits de la défense
des prévenus et de nature à devoir entraîner la nullité de l'instruction et
l'irrecevabilité des poursuites.

En l'espèce, la procédure litigieuse, considérée dans son ensemble a revêtu
le caractère équitable voulu par l'article 6§1 de la Convention, les prévenus ayant
eu la possibilité de prendre position quant à tous les éléments considérés par les
juges de première instance qui ont procédé à un examen détaillé des faits reprochés
au prévenu et sur l'existence desquels ils ont fondé leur décision et c'est sur le terrain
de la preuve, dans le cadre de l'appréciation au fond des faits que la Cour d'appel
appréciera le cas échéant la valeur ou l'admissibilité des éléments soumis >> (pages
54 à 56 de l'arrêt attaqué).

Griefs

Le demandeur s'est plaint de la violation par le juge d'instruction du droit à
la présomption d'innocence. Il a notamment précisé en termes de conclusions <<
qu'en effet, il ressort du procès-verbal de première comparution du 19 juin 2014 que
dans le décours de son interrogatoire, le juge d'instruction s'est adressé au concluant
en ces termes : ’’votre participation ne peut pas faire de doute’’, ’’je pars du principe
que l'excuse est toujours la même... ’’, ’’le fait d'y trouver votre ADN ne peut signifier
que vous avez manipulé cette batterie juste avant ou peu de temps avant les faits’’,
’’on ne peut plus parler de probabilité. Le faisceau d'indices est plus que pesant’’,
16
’’l'on ne peut plus parler d'hypothèse, de probabilité, de suspicion ou de
coïncidence’’.

Attendu que ce faisant, il convient de considérer que le juge d'instruction a
adopté une position faite d'un parti pris dans l'enquête dont il avait la charge en
partant, dès l'interrogatoire du concluant devant sa personne, du postulat que ce
dernier avait participé aux faits, et ce nonobstant le fait que le concluant lui fait part
de ce que la batterie sur laquelle une ’’trace’’ de son ADN aurait été retrouvée ne
lui disait absolument rien et nonobstant le fait que le concluant ait demandé une
contre-expertise à laquelle le juge d'instruction se devait légalement de faire droit
au vu des dispositions légales applicables au Luxembourg >> (pages 2 et 3/18 des
conclusions du demandeur).

Le demandeur s'est également plaint du refus du juge d'instruction de faire
droit à une série de devoirs d'enquête à décharge. Il en a conclu qu'il y avait lieu de
constater que << de par la violation de la présomption d'innocence du concluant,
dont il a fait montre dès le premier contact avec celui-ci, le juge d'instruction a mené
une enquête à charge, se désintéressant des devoirs à décharge pourtant
éminemment importants sollicités par le concluant ainsi que d'autres devoirs qui
auraient dû être réalisés ; que les poursuites doivent dès lors être considérées comme
entachées d'irrégularité et déclarées irrecevables >> (page 3/18 des conclusions du
demandeur).

L'arrêt attaqué fait fi de la violation de la présomption d'innocence en
relativisant les conséquences des propos partiaux tenus par le juge d'instruction et
en relevant qu'il appartenait à la défense de solliciter la récusation de celui-ci, ce
qui ne fut pas le cas.

Or, le respect de la présomption d’innocence est un principe fondamental
garanti par le droit national et par la Convention Européenne des Droits de l’Homme
qui ne peut être écarté au motif qu’une demande en récusation n’aurait pas été
introduite contre ledit juge d’instruction. » ;

Attendu que le moyen de cassation se limite à réitérer en instance de cassation
le moyen d’irrecevabilité des poursuites déjà développé en instance d’appel, sans
formuler aucune critique à l’égard des motifs à l’appui de la décision des juges
d’appel de rejeter ce moyen ;

Attendu que le recours en cassation est une voie de recours extraordinaire et
non une troisième instance ;

Qu’il en suit que le moyen de cassation, en ce qu’il ne précise pas en quoi les
juges d’appel, en statuant comme ils l’ont fait, auraient violé la disposition
conventionnelle visée au moyen, est irrecevable ;


Sur le huitième moyen de cassation :

« Dispositions légales violées
17

L'article 6, § 1er et 6, § 2 de la Convention Européenne de Sauvegarde des
Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales.

Le principe général de droit de la présomption d'innocence.

Violation des règles relatives à l'administration de la preuve en matière
pénale établies par les articles 154, 189 et 222 du Code d'instruction criminelle.

Violation des articles 66, 67 et 69 du Code pénal.

Violation des articles 1349 et 1353 du Code civil.

Disposition attaquée

La Cour d'appel a indiqué que << s'agissant (du demandeur) A) et de sa
demande en institution d'une expertise aux fins de déterminer sa capacité de
transport d'ADN au regard de son hyperhidrose, il y a lieu de relever que même à
admettre qu'il soit un contributeur exceptionnel d'ADN en raison de l'hyperhidrose
dont il souffre, cette hyperhidrose étant établie par un certificat médical versé en
cause, ce résultat n'est pas de nature à constituer un élément à décharge du prévenu
pour établir son innocence, de sorte que la demande y relative est à rejeter. En effet,
le prévenu n'a fourni aucun élément de nature à révéler, ne fut-ce que de manière
très lointaine, qu'il a pu avoir un contact avec une autre personne qui aurait
manipulé la batterie avant son utilisation à Gasperich, de même qu'il n'a fourni
aucun élément de nature à révéler qu'il aurait pu avoir touché la batterie à une autre
occasion que celle du braquage, étant à rappeler que la batterie était nouvelle et
qu'elle avait été dépouillée de ses marques distinctives.

Le concours de la présence de son ADN avec la présence des ADN des deux
autres prévenus G) et H), ensemble les liens relationnels des prévenus avec le milieu
spécifique, ne laisse pas de doute quant à sa participation au braquage.

En présence d'une empreinte génétique corroborée par d'autres éléments du
dossier, tel que c'est le cas en l'espèce, il ne suffit pas d'émettre abstraitement la
possibilité d'un transport secondaire ou de remettre en cause l'élément spatial et
temporel du vecteur mobile pour susciter un doute raisonnable >> (pages 83 et 84
de l'arrêt attaqué).

Et la Cour ensuite de contester la pertinence des alibis invoqués par la
défense du demandeur et des photographies prises par les caméras de surveillance
concernant la couleur de peau (page 84 de l'arrêt attaqué).

Griefs

1.

Par ces considérations, la Cour d’appel renverse la charge de la preuve, au
mépris du droit à la présomption d’innocence.
18

En effet, elle reproche au demandeur de ne pas donner d'explications
permettant d'expliquer la présence de son ADN sur la batterie tout en refusant de
procéder à une expertise complémentaire et contradictoire relative à sa qualité de
contributeur et relative à un transport d'ADN, en refusant également la présence du
conseiller technique du demandeur en matière d'ADN au moment où l'expert
judiciaire est entendu par la Cour, en refusant de transmettre à la défense l'ensemble
des dossiers qui ont été portés à la connaissance des autorités poursuivantes mais
pas au demandeur et à l'égard desquels elle a usé des rapports parcellaires et choisis
rédigés en suite des CRI pour asseoir sa motivation, tout en contestant le procès-
verbal indiquant que les auteurs sont de couleur de peau claire, ce qui n'est pas le
cas du demandeur et en refusant la pertinence des alibis qui sont produits.

L'ensemble de ces éléments entraîne une violation des articles 154, 189 et
222 du Code d'instruction criminelle, de la présomption d'innocence et du droit à un
procès équitable.

2.

La Cour d'appel a érigé en présomption de culpabilité le passé judiciaire du
demandeur et des autres prévenus (pages 74 et 75 de l'arrêt attaqué) et partant a
violé la notion de présomption d'innocence.

3.

La Cour d'appel a violé les articles 1349 et 1353 du Code civil et donc la
notion légale de présomption de l'homme dans la mesure où le juge ne peut déduire
de faits constatés par lui des conséquences qui seraient sans aucun lien avec ceux-ci
et qui ne seraient susceptibles, sur leur fondement, d'aucune justification.

En l'espèce force est de relever que la présence d'une trace d'ADN sur un
vecteur mobile retrouvé sur le lieu d'un fait infractionnel combiné à la connaissance
par le demandeur d'un autre prévenu dont une trace ADN semble avoir également
été retrouvée sur un vecteur mobile ne peut par un raisonnement simpliste conduire
à la conclusion que sans doute raisonnable possible le demandeur ait participé aux
faits commis et ait été présent sur les lieux la nuit des faits.

En usant de ce procédé la Cour d'appel a violé les articles 1349 et 1353 du
Code civil et donc la notion légale de présomption de l'homme.

4.

En retenant un état de corréité dans le chef du demandeur, la Cour se devait
de motiver sa décision en vue d'asseoir cette notion et caractériser le fait <<
quelconque >> par lequel le demandeur aurait, in specie, coopéré directement à la
perpétration des crimes commis.

Or, la Cour d'appel n'a pas relevé le moindre fait dans le chef du demandeur
qui pourrait permettre de le considérer comme auteur, co-auteur ou même complice
des faits survenus.
19

Le simple fait dit pour droit établi par la Cour d'appel d'avoir eu un contact
direct avec un vecteur mobile relié aux faits n'est pas la démonstration d'une
infraction ni d'un acte de participation quelconque. » ;

Attendu que pour autant que le demandeur en cassation fait grief aux juges
d’appel d’avoir violé le principe de la présomption d’innocence et les règles relatives
à l’administration et à l’appréciation des preuves, le moyen, sous le couvert du grief
tiré de la violation des dispositions y visées, ne tend qu’à remettre en discussion
l’appréciation, par les juges d’appel, des faits et éléments de preuve de la cause
soumis à la libre contradiction, appréciation qui relève de leur pouvoir souverain et
échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen ne saurait être accueilli ;

Attendu que pour autant que le demandeur en cassation fait grief aux juges
d’appel d’avoir retenu une présomption de culpabilité due à ses antécédents
judiciaires, le moyen procède d’une lecture et d’une interprétation incorrectes de
l’arrêt attaqué ;

Attendu que si les juges d’appel ont effectivement énoncé que les trois
prévenus « ont eu des relations soit communes soit avec d’autres personnes qui
peuvent être rapprochées du grand banditisme ou étaient impliquées dans des
affaires de nature similaire à la présente affaire », ils ont cependant fait précéder
cette observation de la considération qu’« un élément crucial est constitué par le
concours de la présence des trois empreintes génétiques sur les batterie et bouchons
des bidons des trois prévenus » ;

Attendu que, contrairement aux affirmations du demandeur en cassation, les
juges d’appel, qui ont par ailleurs longuement motivé leur décision, n’ont donc pas
assis la déclaration de culpabilité d’A) sur son passé judiciaire ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen manque en fait ;

Attendu que les juges du fond ont, en l’espèce, déterminé les circonstances
constitutives des infractions retenues à l’encontre du demandeur en cassation en
précisant qu’il avait participé à ces infractions en tant qu’auteur en ayant, avec deux
autres prévenus, exécuté lui-même ces infractions ;

Attendu que sous le couvert du grief tiré de la violation des règles de la
corréité et de la complicité prévues au Code pénal, le moyen ne tend qu’à remettre
en discussion l’appréciation des faits et éléments de preuve de la cause par les juges
d’appel, qui relève de leur pouvoir souverain et échappe au contrôle de la Cour de
cassation ;

Qu’il en suit que, sous ce rapport, le moyen ne saurait être accueilli ;


Par ces motifs,
20

rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux
exposés par le Ministère public étant liquidés à 24 euros.


Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son
audience publique du jeudi, vingt-cinq janvier deux mille dix-huit, à la Cité
Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :


Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Elisabeth WEYRICH, conseiller à la Cour d’appel,
Marianne EICHER, conseiller à la Cour d’appel,
Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel,


qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST.


La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur John
PETRY, procureur général d’Etat adjoint, et de Madame Viviane PROBST, greffier
à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7/18
Date de la décision : 25/01/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2018
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2018-01-25;7.18 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award