N° 03 / 2018
du 11.01.2018.
Numéro 3871 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de
Luxembourg du jeudi, onze janvier deux mille dix-huit.
Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel,
Elisabeth EWERT, avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
1) A), demeurant à (…),
2) B), demeurant à (…),
3) C), demeurant à (…),
demandeurs en cassation,
comparant par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel
domicile est élu,
et:
D), épouse E), demeurant à (…),
défenderesse en cassation,
comparant par Maître Admir PUCURICA, avocat à la Cour, en l’étude duquel
domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué, numéro 152/16, rendu le 9 novembre 2016 sous le
numéro 44126 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg,
septième chambre, siégeant « comme en matière de référé » ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 23 janvier 2017 par A), B) et C) à D),
déposé le même jour au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 22 mars 2017 par D) à A), B) et C),
déposé au greffe de la Cour le 23 mars 2017 ;
Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de
l’avocat général Monique SCHMITZ ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par une ordonnance rendue par un juge
du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, en remplacement du président dudit
tribunal et statuant comme juge des référés, une demande d’D) tendant à voir
désigner sur base de l’article 815-6 du Code civil un administrateur judiciaire
provisoire du patrimoine de l’indivision successorale de feu F) avait été déclarée
non fondée ; qu’D) a relevé appel de cette décision en donnant assignation à ses
coïndivisaires à comparaître par ministère d’avocat à la Cour dans le délai légal de
quinze jours devant la Cour d’appel, siégeant en matière civile ; que les intimés ont
opposé la nullité de l’exploit pour ne pas contenir une assignation à date fixe,
conformément à l’article 939, alinéa 3, du Nouveau code de procédure civile ; que
la Cour d’appel a rejeté ce moyen de nullité comme non fondé au motif que les
énonciations de l’ordonnance entreprise suivant lesquelles celle-ci avait été rendue
par le juge des référés étaient erronées, que le juge de première instance avait en
fait statué au fond, et seulement en la forme des référés, et que l’appel dirigé contre
l’ordonnance était partant régulier pour avoir été porté devant la Cour, statuant au
fond et siégeant en matière civile, conformément à l’article 585 du Nouveau code
de procédure civile ; qu’elle a, en conséquence, déclaré l’appel recevable et, par
réformation, a fait droit à la demande en nommant un administrateur provisoire ;
Sur le premier moyen de cassation :
« Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen de nullité de l'acte
d'appel comme non fondé, d'avoir déclaré l'appel introduit par la défenderesse en
cassation recevable et d'avoir, par la suite, fait droit à cet appel, aux motifs
suivants :
<< Les mesures que [le président du tribunal d'arrondissement] prend dans
le cadre de l'article 815-6 du Code civil ne le sont [...] pas en la qualité de juge des
référés, mais seulement ’’en la forme des référés’’, ce qui lui permet de statuer au
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fond (cf. JurisClasseur civil, art. 815 à 815-18, Fasc. 30, numéro 189, édition
1992) et ses décisions ont l'autorité définitive de la chose jugée dans la mesure où
elles touchent au fond (RTDC 1989, F. ZENATI, page 778).
Au vu de ce qui précède, le juge des référés est incompétent ratione
materiae pour connaître de la demande basée sur l'article 815-6 du Code civil.
Pareille demande est à porter devant le président du tribunal d'arrondissement
qui, tout en statuant en la forme des référés, statue au fond (Cour, 7 e chambre,
17.12.2008, rôle 33825).
Dans le cas d'espèce, le juge de première instance a statué au fond, en la
forme des référés, ce qui est correct. L'appel dirigé contre son ordonnance doit
partant être porté devant la Cour, statuant au fond et siégeant en matière civile,
fait qui n'est d'ailleurs contesté par aucune des parties.
Un acte d'appel avec assignation à comparaître à jour fixe saisit
nécessairement la Cour siégeant en matière de référé, qui en l'espèce est
manifestement incompétente pour connaître du litige (cf. Cour 7 e ch., 25.05.2005,
rôle 29656 ; Cour 7 e ch., 26.10.2011, rôle 36786).
La Cour considère qu'elle ne peut donc être valablement saisie, pour
statuer au fond, que selon les modalités fixées à l'article 585 du NCPC, partant
avec assignation à comparaître par ministère d'avocat à la Cour endéans le délai
de quinzaine (cf. Cour 7 e chambre 19.01.2011, rôle 36238 à contrario ; Cour 9
e
chambre 29.06.2011, rôle 36418) >> (p. 5 à 6 de l'arrêt attaqué),
alors que l'article 815-6 du Code civil permet de saisir le président du
tribunal d'arrondissement siégeant comme en matière de référé mais statuant au
fond ; qu'il doit en aller de même, en cas d'appel interjeté contre une ordonnance
du présent du tribunal d'arrondissement, devant la Cour d'appel ; que
l'introduction de la demande ou de l'appel doit partant se faire selon les formes de
référé tant en première instance qu'en deuxième instance ; qu'en considérant que,
bien que le juge compétent pour statuer sur la demande basée sur l'article 815-6
du Code civil soit le juge du fond statuant comme en matière de référé, l'acte
d'appel doit être introduit selon les formes de la procédure civile ordinaire, l'arrêt
attaqué a violé l'article 815-6 du Code civil ainsi que l'article 939, alinéa 3 du
Nouveau code de procédure civile. » ;
Vu les articles 815-6 du Code civil et 939, alinéa 3, du Nouveau code de
procédure civile ;
Attendu que le président du tribunal d’arrondissement, ou le juge qui le
remplace, qui prescrit ou autorise une mesure urgente sur base de la compétence
spéciale lui conférée par l’article 815-6 du Code civil en matière d’indivision,
statue au fond, mais selon la procédure des référés ;
Que l’appel relevé de son ordonnance doit en conséquence être introduit et
jugé conformément aux dispositions de l’article 939, alinéas 1 et 3, du Nouveau
code de procédure civile ;
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Qu’en déclarant l’appel introduit conformément aux dispositions de l’article
585 du Nouveau code de procédure civile recevable, la Cour d’appel a partant violé
les dispositions visées au moyen ;
Qu’il en suit que l’arrêt encourt la cassation ;
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu que la défenderesse en cassation étant à condamner aux dépens de
l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est
à rejeter ;
Par ces motifs,
casse et annule, sans renvoi, l’arrêt numéro 152/16, rendu le 9 novembre
2016 sous le numéro 44126 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de
Luxembourg, septième chambre, siégeant « comme en matière de référé » ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne la défenderesse en cassation aux frais de l’instance d’appel ainsi
qu’aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Patrick
KINSCH, sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera
transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la
transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Elisabeth
EWERT, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.