La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2017 | LUXEMBOURG | N°73/2017

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 26 octobre 2017, 73/2017


N° 73 / 2017 du 26.10.2017. Numéro 3881 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-six octobre deux mille dix-sept.

Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Carole KERSCHEN, conseiller à la Cour d’appel,
Sandra KERSCH, avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:
la société à responsabilité limitée SOC

1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant, inscrite au registre de commerce e...

N° 73 / 2017 du 26.10.2017. Numéro 3881 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-six octobre deux mille dix-sept.

Composition:
Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Carole KERSCHEN, conseiller à la Cour d’appel,
Sandra KERSCH, avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:
la société à responsabilité limitée SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (…),
demanderesse en cassation,
comparant par Maître Pierre REUTER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu,

et:

la société à responsabilité limitée SOC2), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (…),
défenderesse en cassation.

LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, numéro 180/16, rendu le 7 décembre 2016 sous le numéro 43839 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière de concurrence déloyale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 16 février 2017 par la société à responsabilité limitée SOC1) à la société à responsabilité limitée SOC2), ci-après la société SOC2), déposé au greffe de la Cour le 20 février 2017 ;
Sur le rapport du conseiller Carlo HEYARD et sur les conclusions de l’avocat général Sandra KERSCH ;
Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’en novembre 2012 la société SOC2) avait signé avec la société à responsabilité limitée Soc3) (ci-après la société SOC3)), société créée par A) qui en détenait l’intégralité du capital et qui en était le gérant, un contrat d’agent commercial contenant une clause de non-concurrence ; qu’A) avait constitué le 11 août 2015 une société à responsabilité limitée Soc3), prenant ultérieurement la dénomination SOC1), société dont il détenait initialement toutes les parts sociales et dont il était initialement le gérant ; que suivant requête du 22 juin 2016, la société SOC2) avait demandé, sur base de l’article 14 de la loi modifiée du 30 juillet 2002 réglementant certaines pratiques commerciales et sanctionnant la concurrence déloyale, au magistrat présidant la chambre commerciale du tribunal d’arrondissement de Luxembourg qu’il ordonne à la société SOC1) la cessation de différents actes de concurrence déloyale ; que par ordonnance du 15 juillet 2016, ce magistrat avait partiellement fait droit à la demande ;

Que la Cour d’appel a partiellement déclaré fondés les appels principal et incident interjetés contre cette ordonnance, notamment en reformulant les interdictions prononcées en première instance ;

Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 27 de la loi du 3 juin 1994 portant organisation des relations entre les agents commerciaux indépendants et leurs commettants

en ce que la Cour d'appel a fait application à SOC1) de la clause de non concurrence contenue dans le contrat d'agent commercial conclu entre la société SOC2) et la société Soc3), aux fins de lui interdire de faire travailler A) pour son compte dans le domaine d'activité couvert par la clause de non concurrence, de même que de publier les magazines BAUEN & LIEWEN, B2LUX, et NOUVELLE au motif que leur parution et leur distribution sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg porte atteinte à la clause de non concurrence, alors que le contrat d'agent commercial conclu entre la société SOC2) et la société Soc3) a pris fin aux torts de la société SOC2) de sorte qu'en application de l'article 27 de la loi du 3 juin 1994 portant organisation des relations entre les agents commerciaux indépendants et leurs commettants, le commettant n'a pas le droit de se prévaloir d'une telle clause ; la Cour d'appel aurait par conséquent dû juger que la clause de non concurrence n'était pas applicable et rejeter la demande de SOC2) » ;

Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni d’aucune autre pièce à laquelle la Cour peut avoir égard que ce moyen ait été soutenu devant la Cour d’appel ;

Que le moyen est partant nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen de la résiliation du contrat par l’agent commercial, mélangé de fait et de droit ;

Qu’il en suit qu’il est irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 1341 du Code civil,
en ce que la Cour d'appel a retenu, en se basant notamment sur des attestations testimoniales, qu'A) était lié par la clause de non concurrence contenue dans le contrat d'agent conclu entre SOC2) et Soc3),
alors que l'article 1341 du Code civil interdit purement et simplement de prouver par témoignage contre et outre le contenu d'un acte de sorte qu'admettre que la clause de non concurrence du contrat d'agent, qui stipule uniquement des obligations à charge de la société Soc3), s'applique à Monsieur A) nonobstant les termes clairs de cette clause, revient à permettre à une partie de modifier un acte par simple témoignage » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la société SOC1) n’avait pas invoqué l’article 1341 du Code civil devant la Cour d’appel ;
Que le moyen est partant nouveau et, en ce qu’il comporterait un examen des attestations testimoniales au regard du contrat, mélangé de fait et de droit ;

Qu’il en suit qu’il est irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 1165 du Code civil,
en ce que la Cour d'appel a retenu, en se basant notamment sur des attestations testimoniales, qu'A) était lié par la clause de non concurrence contenue dans le contrat d'agent conclu entre SOC2) et Soc3), alors qu'en décidant qu'A), tiers au contrat d'agent, était lié par la clause de non concurrence et débiteur d'une obligation de non concurrence, la Cour d'appel a méconnu l'article 1165 du Code civil, limitant l'effet obligatoire des conventions entre les seules parties au contrat, et comportant comme corollaire le principe de l'effet relatif des conventions, qui interdit de faire naître un droit au profit ou à l'encontre d'un tiers » ;

Attendu que les juges d’appel, en retenant, sur base de l’attestation leur soumise, que la clause de non-concurrence visait A) personnellement, ont admis, du moins implicitement, qu’A), qui avait signé la convention en tant que représentant de la société SOC3), était également personnellement partie à la convention de non-concurrence ;

Qu’en retenant qu’A) n’était pas tiers à la convention de non-concurrence, les juges d’appel n’ont pas violé la disposition légale visée au moyen ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 1162 du Code civil,
en ce que la Cour d'appel a retenu, en se basant notamment sur des attestations testimoniales, qu'A) était lié par la clause de non concurrence contenue dans le contrat d'agent conclu entre SOC2) et Soc3),
alors que la Cour d'appel a procédé à une interprétation de la clause qui est favorable à la société SOC2), alors que, à supposer même que la clause litigieuse dont les termes sont clairs, puisse donner lieu à interprétation, l'article 1162 du Code civil commande que les conventions s'interprètent contre celui qui a stipulé ; la Cour d'appel aurait donc dû limiter la portée de la clause au lieu de créer des obligations supplémentaires » ;
Attendu que l’article 1162 du Code civil n’a pas un caractère impératif ; que ces dispositions constituent des conseils donnés aux juges par le législateur pour l’interprétation des conventions et non des règles absolues dont la méconnaissance pourrait donner ouverture à cassation ;
Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 2 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, en ce que la Cour d'appel a retenu, en se basant notamment sur des attestations testimoniales, qu'A) était lié par la clause de non concurrence contenue dans le contrat d'agent conclu entre SOC2) et Soc3),
alors que le fait de rendre A), gérant et associé unique de la société Soc3), partie à un contrat conclu par cette société pour son propre compte, est contraire aux effets attachées à la personnalité juridique reconnue aux sociétés à responsabilité limitée par l'article 2 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales » ;
Attendu qu’A) étant personnellement partie à la convention de non-concurrence, la disposition légale visée au moyen, aux termes de laquelle chacune des six espèces de sociétés commerciales « constitue une individualité juridique distincte de celle des associés », est étrangère au litige ;
Qu’il en suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le sixième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 2, paragraphe 2, de la loi du 3 juin 1994 portant organisation des relations entre les agents commerciaux indépendants et leurs commettants,
en ce que la Cour d'appel a retenu, en se basant notamment sur des attestations testimoniales, qu'A) était lié par la clause de non concurrence contenue dans le contrat d'agent conclu entre SOC2) et Soc3),
alors que l'extension de la clause de non concurrence au gérant et associé de la société contractante en qualité d'agent commercial est contraire à l'article 2, paragraphe 2, de la loi de 1994 sur les agents commerciaux, qui prévoit une incompatibilité entre les qualités de gérant et d'agent commercial » ;
Attendu que le moyen procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué, les juges d’appel n’ayant pas dit qu’A), gérant de la société SOC3) et personnellement partie à la convention de non-concurrence, était personnellement engagé comme agent commercial vis-à-vis de la société SOC2) ;

Qu’il en suit que le moyen manque en fait ;

Sur les septième, huitième et neuvième moyens de cassation réunis :
tirés, le septième, « du manque de base légale en lien avec les articles 1382 et 1383 du Code civil,
en ce que la Cour d'appel a jugé que « la société SOC1), actuellement employeur d'A), mais qui ainsi que rappelé à bon droit par le magistrat du premier degré répond des actes de son préposé, met sciemment sa structure juridique à la disposition de celui-ci afin qu'il soit à même de concurrencer les activités de la société SOC2) et se rend par là même complice de la violation de la clause contractuelle litigieuse qui lui est directement applicable »,

alors que la conclusion de la Cour d'appel selon laquelle SOC1) avait pu se rendre complice de la violation de la clause de non concurrence par A) manque par conséquent de base légale dans la mesure où c'est suite à une erreur de droit que la Cour d'appel a retenu qu'A) était lié par la clause de non concurrence, de sorte que l'un des éléments constitutifs de la tierce complicité, à savoir une infraction contractuelle préalable, fait défaut » ;
le huitième, « du manque de base légale en lien avec les articles 1382 et 1383 du Code civil,
en ce que la Cour d'appel a jugé que « la société SOC1), actuellement employeur d'A), mais qui ainsi que rappelé à bon droit par le magistrat du premier degré répond des actes de son préposé, met sciemment sa structure juridique à la disposition de celui-ci afin qu'il soit à même de concurrencer les activités de la société SOC2) et se rend par là même complice de la violation de la clause contractuelle litigieuse qui lui est directement applicable »,

alors que, pour pouvoir prospérer dans le cadre d'une action en dommages et intérêts fondée sur un acte de concurrence déloyale, l'application stricte des principes régissant les articles 1382 et 1383 du Code civil exige la preuve d'un préjudice certain se trouvant en relation causale directe avec la faute invoquée, et qu'en omettant de caractériser l'existence d'un préjudice certain trouvant sa source dans la faute invoquée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale » ;

et le neuvième, « de la violation des articles 1382 et 1383 du Code civil,
en ce que la Cour d'appel a jugé que « la société SOC1), actuellement employeur d'A), mais qui ainsi que rappelé à bon droit par le magistrat du premier degré répond des actes de son préposé, met sciemment sa structure juridique à la disposition de celui-ci afin qu'il soit à même de concurrencer les activités de la société SOC2) et se rend par là même complice de la violation de la clause contractuelle litigieuse qui lui est directement applicable »,

alors que pour qu'un employeur voie sa responsabilité engagée pour avoir embauché un employé lié à son précédent employeur par une clause de non concurrence, le nouvel employeur doit avoir eu connaissance de l'existence de cette clause ; mais qu'en l'espèce, il ne ressort d'aucune constatation de la Cour d'appel que cette connaissance eût existé puisque ce n'est que suite au jugement de première instance, confirmé par l'arrêt entrepris, que cette connaissance a pu être acquise, de sorte que c'est par suite d'une erreur de droit que la Cour d'appel a décidé que la société SOC1) engageait sa responsabilité délictuelle du fait des actes de son préposé » ;

Attendu que l’article 14 de la loi modifiée du 30 juillet 2002 réglementant certaines pratiques commerciales et sanctionnant la concurrence déloyale dispose que « commet un acte de concurrence déloyale toute personne qui exerce une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale qui, par un acte contraire soit aux usages honnêtes en matière commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, soit à un engagement contractuel, enlève ou tente d’enlever à ses concurrents ou à l’un d’eux une partie de leur clientèle ou porte atteinte ou tente de porter atteinte à leur capacité de concurrence. » ;

Attendu que la cessation d’actes de concurrence déloyale, objet de la demande de la société SOC2), n’est pas régie par les articles 1382 et 1383 du Code civil, mais par l’article 14 de la loi précitée qui subordonne l’action en cessation à la possibilité d’un préjudice et non à l’existence d’un préjudice ; que la cessation d’actes de concurrence déloyale est donc étrangère aux principes régissant la responsabilité délictuelle ;

Que les dispositions légales visées aux moyens sont partant étrangères au litige ;

Qu’il en suit que les moyens sont irrecevables ;

Sur le dixième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 14 de la loi du 30 juillet 2002 sanctionnant la concurrence déloyale,
en ce que la Cour d'appel a jugé que « la tierce complicité est un acte contraire aux usages honnêtes en matière commerciale et relève partant de la loi du 30 juillet 2002 sanctionnant la concurrence déloyale » ;
alors que la tierce complicité constitue une faute sanctionnée au titre des articles 1382 et 1383 et que l'article 14 de la loi du 30 juillet 2002 sanctionnant la concurrence déloyale ne vise pas la tierce complicité ; que la décision de la Cour d'appel est par conséquent contraire à la disposition visée » ;

Attendu qu’aux termes de l’article 14 de la loi précitée il suffit, pour qu’il y ait acte de concurrence déloyale, qu’il y ait eu un acte contraire soit aux usages honnêtes en matière commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, soit à un engagement contractuel ;
Que la notion d’« acte contraire aux usages honnêtes », qui est générale, inclut la notion de tierce complicité de la violation par autrui d’une clause de non-concurrence ;

Attendu que les juges d’appel, en qualifiant la tierce complicité de la violation d’une clause de non-concurrence d’acte contraire aux usages honnêtes, n’ont partant pas violé l’article 14 précité ;
Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le onzième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 249 du Nouveau code de procédure civile
en ce que la Cour d'appel a jugé que SOC1) devait être considérée comme complice de la violation par A) de ses obligations contractuelles de non concurrence, et qu'elle a également considéré qu'A) « se confond » avec la société SOC1)
alors que ces deux propositions sont inconciliables, et qu'elles révèlent par conséquent une contradiction dans les motifs ; l'arrêt ayant basé sa solution sur les motifs contradictoires doit être cassé pour défaut de motifs, la contrariété de motifs équivalant à un défaut de motifs » ;

Attendu que la Cour d’appel a, en ce qui concerne la création de la société SOC1), initialement appelée Soc3), admis, compte tenu de la qualité de fondateur, d’actionnaire unique et de dirigeant d’A) de cette société et des circonstances ayant entouré sa constitution et son fonctionnement, qu’il y avait eu confusion entre la société SOC1) et A) ;

Attendu qu’ensuite la Cour d’appel a cependant constaté un changement factuel dans les relations entre A) et la société SOC1), à savoir que le 9 septembre 2015 A) avait cédé l’intégralité de ses parts à un tiers et avait démissionné en tant que gérant de la société pour continuer à y travailler en tant que salarié ; que la Cour d’appel est dès lors arrivée à la conclusion que la société SOC1) était dorénavant à considérer comme tiers commettant par rapport à A) ;

Attendu que le moyen tiré d’une contradiction de motifs procède par conséquent d’une lecture erronée de l’arrêt, la Cour d’appel n’ayant pas retenu l’existence d’un acte de concurrence déloyale dans le chef de la société SOC1) en raison de la confusion entre A) et la société SOC1), qui avait existé par le passé, mais en raison de la tierce complicité de la société SOC1) par rapport à la violation de la clause de non-concurrence par A) ;

Qu’il en suit que le moyen manque en fait ;
Sur le douzième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 2 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales
en ce que la Cour d'appel a jugé qu'« il y a confusion entre la personne morale et la personne physique si cette dernière a créé la société dans le but exclusif d'agir officiellement en ses lieux et place, en d'autres termes, si la création de la société a pour but de permettre à la personne physique d'agir derrière le paravent de la société » ; et qu'A) a créé la société SOC1) dans le seul but de concurrencer la société SOC2), de sorte qu'il « se confond » avec la société SOC1)
alors que l'application de la théorie de la personne morale écran, permettant de considérer qu'une personne morale est en réalité fictive, apparaît comme une négation de l'article 2 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, en ce qu’il reconnaît une personnalité juridique aux sociétés à responsabilité limitée » ;

Attendu qu’il résulte de la réponse donnée au onzième moyen de cassation que ce n’est pas la confusion entre A) et la société SOC1) qui a déterminé la Cour d’appel à retenir l’existence d’un acte de concurrence déloyale dans le chef de la société SOC1) ;

Qu’il en suit que le moyen manque en fait ;

Sur le treizième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 592 du Nouveau code de procédure civile,
en ce que la Cour d'appel a jugé qu'en demandant à la Cour d'appel d'interdire la publication des magazines B2LUX, NOUVELLE et BAUEN & LIEWEN, SOC2) ne faisait qu'« actualiser sa demande en l'adaptant au changement de dénomination des magazines effectué entre temps par la société appelante »
alors qu'il s'agit en réalité d'une demande nouvelle, qui aurait dû être déclarée irrecevable en vertu de l'article 592 du Nouveau code de procédure civile » ;

Attendu que le juge de première instance avait interdit à la société SOC1) de publier ses magazines KONTAKTER, SCHEIN WUNNEN, respectivement SCHEI WUNNEN au motif qu’il y avait risque de confusion avec les magazines de la société SOC2) ;

Attendu que la Cour d’appel a fait droit à la demande de la société SOC2) en interdiction de publier les magazines B2LUX, NOUVELLE et BAUEN & LIEWEN en admettant qu’il n’y avait pas de demande nouvelle, les magazines ayant seulement connu un changement dans leur dénomination, en écartant à propos des nouvelles dénominations tout risque de confusion et en retenant qu’il y avait acte de concurrence déloyale dans le chef de la société SOC1) du fait de sa tierce complicité de la violation par A) de la clause de non-concurrence qui le liait personnellement ;
Attendu que si le demandeur peut former en appel une demande additionnelle lorsque celle-ci présente avec la demande initiale un lien suffisant, il ne peut cependant former une demande nouvelle par sa cause ;

Attendu que les demandes de la société SOC2) en première instance et en instance d’appel reposent, la première, sur le risque de confusion entre magazines, la seconde, sur la tierce complicité de la violation d’une clause de non-concurrence ;
Attendu qu’à défaut d’identité de cause entre les deux demandes, il n’y a pas de lien suffisant entre elles de nature à faire admettre l’existence d’une demande additionnelle ;

Attendu que la Cour d’appel, en ne déclarant pas irrecevable la demande nouvelle de la société SOC2) en interdiction de publier les magazines B2LUX, NOUVELLE et BAUEN & LIEWEN, a partant violé la disposition visée au moyen ;

Qu’il en suit que l’arrêt attaqué encourt de ce chef la cassation ;

Sur le quatorzième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 11(6) de la Constitution, relatif à la liberté du commerce et de l'industrie
en ce que la Cour d'appel a interdit à SOC1) de faire travailler pour son compte A) sous quelque forme que ce soit, directement ou par personne interposée, dans le domaine d'activité couvert par la clause de non-concurrence, et lui a également interdit i) de contacter les clients de la société SOC2), ii) de distribuer les magazines BAUEN & LIEWEN, B2LUX et NOUVELLE, au motif que ces actes contreviendraient à la clause de non concurrence
alors que l'interdiction de contacter les clients de SOC2) et de distribuer les magazines BAUEN & LIEWEN, B2LUX et NOUVELLE, au motif que cela serait contraire à la clause de non concurrence, ne se justifierait - en suivant le raisonnement de la Cour d'appel - que pour autant que ces activités étaient exercées par A) (directement ou indirectement) ; par conséquent, dès lors qu'en exécution de cette décision de justice, A) n'est plus employé de SOC1), cette dernière ne devrait pas être également privée de la possibilité d'exercer librement son activité, sous peine de la priver entièrement de toute possibilité d'exercer une activité commerciale ; qu'en lui interdisant d'exercer son activité sans que cette activité ne soit nécessairement exercée par A), la Cour d'appel a méconnu la liberté de commerce et d'industrie garantie par l'article 11(6) de la Constitution » ;

Attendu qu’eu égard à la décision à intervenir sur le treizième moyen de cassation, le moyen devient inopérant en ce qu’il vise l’interdiction de publier les magazines B2LUX, NOUVELLE et BAUEN & LIEWEN ;

Attendu, pour le surplus, que la Cour d’appel, en précisant « que les interdictions prononcées à l’égard de la société SOC1) ne garderont leur effet qu’aussi longtemps qu’elle est à considérer comme tiers complice de la violation de la clause de non-concurrence » et en disant que la société SOC1) doit « être considérée, prise en sa qualité de commettant d’A), comme complice de la violation par ce dernier de la clause de non-concurrence » le liant personnellement, a considéré qu’à partir du moment où la société SOC1) cesse d’être l’employeur d’A), elle n’est pas à considérer comme commettant un acte de concurrence déloyale ;

Que le moyen procède donc, en ce qui concerne l’interdiction de contacter les clients de la société SOC2), d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué ;

Qu’il en suit que sous ce rapport le moyen manque en fait ;

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :

Attendu qu’il n’est pas inéquitable de laisser à charge de la société SOC1) l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens, de sorte que sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;

Par ces motifs,
casse et annule l’arrêt rendu le 7 décembre 2016 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, quatrième chambre, siégeant en matière de concurrence déloyale, sous le numéro 43839 du rôle, en ce qu’il n’a pas déclaré irrecevable la demande nouvelle de la société SOC2) en interdiction de publier les magazines B2LUX, NOUVELLE et BAUEN & LIEWEN ;

dit n’y avoir lieu à renvoi ;

rejette le pourvoi pour le surplus ;

rejette la demande de la société SOC1) en allocation d’une indemnité de procédure ;

fait masse des dépens et les met pour moitié à charge de la société SOC1) et pour moitié à charge de la société SOC2) avec distraction au profit de Maître Pierre REUTER, sur ses affirmations de droit ;

ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Sandra KERSCH, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 73/2017
Date de la décision : 26/10/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2018
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2017-10-26;73.2017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award