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12/10/2017 | LUXEMBOURG | N°71/17

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 12 octobre 2017, 71/17


N° 71 / 17.

du 12.10.2017.

Numéro 3860 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze octobre deux mille dix-sept.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la CAISSE POUR L’AVENIR DES E

NFANTS, établissement public, établie et ayant son siège à L-2249 Luxembourg, 6, boulevard Royal, représ...

N° 71 / 17.

du 12.10.2017.

Numéro 3860 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze octobre deux mille dix-sept.

Composition:

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Marc WAGNER, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.

Entre:

la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS, établissement public, établie et ayant son siège à L-2249 Luxembourg, 6, boulevard Royal, représentée par la présidente de son comité directeur, demanderesse en cassation, comparant par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:

1) X, et son épouse 2) Y, les deux demeurant à (…), défendeurs en cassation, comparant par la société en commandite simple ALLEN & OVERY, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 33, avenue John F. Kennedy, inscrite à la liste V du Barreau de Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu, représentée aux fins de la présente instance par Maître Maurice MACCHI, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué rendu le 27 octobre 2016 sous le numéro 2016/0188 (no.

du registre : ALFA 2016/0031) par le Conseil supérieur de la sécurité sociale ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 19 décembre 2016 par la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS à X et à Y, déposé au greffe de la Cour le 22 décembre 2016 ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 10 février 2017 par X et Y à la CAISSE POUR L’AVENIR DES ENFANTS, déposé au greffe de la Cour le 17 février 2017 ;

Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de l’avocat général Marc HARPES ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le comité directeur de la Caisse nationale des prestations familiales avait confirmé une décision présidentielle ayant déclaré non fondée une demande de X en obtention d’allocations familiales pour ses trois enfants au motif que le requérant n’avait pas son domicile légal au Luxembourg au sens de l’article 269 du Code de la sécurité sociale ; que sur un recours formé par les époux X et Y, le Conseil arbitral de la sécurité sociale avait confirmé cette décision ; que le Conseil supérieur de la sécurité sociale a, par réformation, dit que les requérants avaient droit aux allocations familiales demandées ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 269 (1) et (2) du Code de la sécurité sociale, renvoyant aux articles 102, 103, 104 et 108 du Code civil luxembourgeois, et qui définissent la notion de domicile légal, alors que, pour ouvrir droit aux allocations familiales au Grand-Duché du Luxembourg, la personne concernée doit prouver justifier aux conditions cumulatives de résidence effective et de domicile légal au pays, étant entendu qu'il faut prouver tant la matérialité de la résidence effective et du domicile légal, que l'intention de s'établir définitivement au pays ;

en ce que, pour décider que la partie défenderesse a droit au versement des allocations différentielles pour ses enfants, le CSSS a retenu que :

modifiant l'article 1er de la loi du 19 juin 1985 (actuel article 269 du Code de la sécurité sociale), le texte proposé (…) (confirme) la référence au domicile visé par l'article 102 du Code civil, à savoir le principal établissement (Conseil supérieur des assurances sociales 13 octobre 2010, no 2010/0161).

La Cour de cassation française considère que la question de savoir en quel lieu se trouve le domicile est essentiellement une question de fait et, si les tribunaux retiennent, généralement, pour caractériser le lieu du principal établissement, la résidence et une installation durable, ils tiennent également compte d'éléments additionnels tels que: paiement des impôts, inscription sur les listes électorales, réception de la correspondance, déclarations de l'intéressé, attaches familiales, professionnelles et affectives … (Encyclopédie Dalloz, verbo Domicile, n° 4).

En vertu de l'article 103 du Code civil le changement de domicile s'opérera par le fait d'une habitation réelle dans un autre lieu, joint à l'intention d'y fixer son principal établissement.

La preuve de l'intention résultera d'une déclaration expresse, faite à la commune où on aura transféré son domicile (article 104 du Code civil).

En l'espèce, il n'est pas contesté que les appelants et leurs enfants sont autorisés à résider au Luxembourg.

La famille est déclarée auprès de la commune de Mamer depuis le 27 août 2013, tel qu'il résulte du certificat de composition de ménage de cette dernière.

X et Y ont fait une déclaration statutaire quant à leur déménagement du Canada au Luxembourg par-devant le consul du Canada en date du 6 octobre 2014 , un système d'enregistrement de la population n'existant pas au Canada.

Depuis cette date, la famille habite de façon continue dans son logement à (…), de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'elle y a fixé son principal établissement.

Il convient en outre de relever que les enfants fréquentent dès leur arrivée l'International School of Luxembourg, que X se trouve affilié auprès du Centre commun de la sécurité sociale luxembourgeois, sauf en ce qui concerne le risque pension, et qu'il ne touche plus des allocations familiales au Canada (cf. notice de l'Agence du revenu du Canada du 20 juin 2014). » et en concluant qu' Code de la sécurité sociale et qu'il a, contrairement à ce qui a été retenu par le Conseil arbitral dans son jugement du 12 janvier 2016, son domicile légal au Luxembourg. ».

alors que la résidence de Monsieur X au Luxembourg reste en tant qu'employé détaché, que temporaire, il reste soumis pour l'essentiel à la sécurité sociale au Canada, au régime fiscal canadien et au pouvoir de direction de son employeur canadien. Le lien avec son pays subsiste, il y garde son domicile légal.

La preuve de la matérialité de la résidence au Luxembourg, et surtout de l'intention d'y rester, n'a pas été prouvée alors que sa présence au Luxembourg ne l'est que du fait du contrat de détachement, de sorte qu'en admettant que l'article 269 du Code de la sécurité sociale et qu'il a, contrairement à ce qui a été retenu par le Conseil arbitral dans son jugement du 12 janvier 2016, son domicile légal au Luxembourg », le Conseil supérieur de la sécurité sociale a violé le texte de l'article 269 du Code de la sécurité sociale » ;

Attendu que sous le couvert du grief de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des éléments de fait sur base desquels ils ont retenu que les défendeurs en cassation avaient établi leur principal établissement, partant leur domicile, au Grand-Duché de Luxembourg, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 89 de la Constitution pour défaut de motivation, en ce que le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale n'a pas motivé les raisons lui permettant de faire application des principes édictés par l'article 269 tirets 1 et 2 et des articles 103, 104 et 105 du Code civil pour apprécier le respect de la condition de l'intention de fixer son principal [établissement], pour dire fondée la demande en obtention des prestations familiales présentée par Monsieur X;

Aux motifs que Le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale a retenu que déclarée auprès de la commune de Mamer depuis le 27/08/2013, tel qu'il résulte du certificat de composition de ménage de cette dernière. Y et X ont fait une déclaration statutaire quant à leur déménagement du Canada au Luxembourg par-devant le Consul du Canada en date du 6 octobre 2014, un système d'enregistrement de la population n'existant pas au Canada. Depuis cette date, la famille habite de façon continue dans son logement à (…), de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'elle y a fixé son principal établissement » ;

Alors qu'aux termes de l'article 89 de la Constitution, tout arrêt doit être motivé, le contrôle de la motivation des décisions judiciaires étant exercé par la Cour de cassation.

Or en l'espèce, dans l'arrêt attaqué, le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale s'est borné à caractériser l'élément matériel du changement de domicile en retenant les inscriptions administratives au Canada et au Luxembourg sans analyser l'élément intentionnel, autre condition essentielle caractérisant le changement de domicile ;

De sorte que les juges du fond ont violé l'article 89 de la Constitution, la CAE n'ayant pas été en mesure de comprendre les motifs exacts de l'octroi des prestations familiales en faveur de la famille X-Y pour apprécier la règle édictée à l'article 269 du Code de la sécurité sociale combinée aux articles 103, 104 et 105 du Code civil » ;

Attendu que le moyen de cassation articule en fait une insuffisance de motifs ;

Attendu que l’insuffisance de motifs est constitutive d’un défaut de base légale, partant d’un vice de fond ;

Qu’il en suit qu’en tant que basé sur la violation de l’article 89 de la Constitution, qui vise le défaut de motifs en tant que vice de forme, le moyen est irrecevable ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 89 de la Constitution pour défaut de réponse à moyens présentés par la partie demanderesse en cassation, en ce que le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale n'a pas répondu aux moyens de contestation développés par la CAE dans le cadre de l'affaire dont il était saisi, pour dire fondée la demande en obtention des prestations familiales présentées par Monsieur X;

Aux motifs que Le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale a retenu que déclarée auprès de la commune de Mamer depuis le 27/08/2013, tel qu'il résulte du certificat de composition de ménage de cette dernière. Y et X ont fait une déclaration statutaire quant à leur déménagement du Canada au Luxembourg par-

devant le Consul du Canada en date du 6 octobre 2014, un système d'enregistrement de la population n'existant pas au Canada. Depuis cette date, la famille habite de façon continue dans son logement à (…), de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'elle y a fixé son principal établissement » et sans analyser le moyen de la CAE consistant à dire que dans le cadre d'un contrat de détachement, la résidence au Luxembourg est fonction de ce contrat de détachement et liée à ce contrat de sorte que cette résidence ne remplit pas les critères de fixité et de stabilité qui permettent de définir le domicile légal.

Alors que aux termes de l'article 89 de la Constitution, tout arrêt doit être motivé.

Or le défaut de répondre à un moyen respectivement aux moyens d'une partie équivaut à une absence de motivation.

Toutefois en l'espèce, dans l'arrêt attaqué, le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale s'est borné à caractériser l'élément matériel du changement de domicile en retenant les inscriptions administratives au Canada et au Luxembourg et n'a pas pris position sur la situation juridique rattachée au contrat de détachement et à ses conséquences sur l'analyse du domicile légal de la famille X-Y quant à son critère de fixité et de stabilité.

De sorte que Les juges du fond ont violé l'article 89 de la Constitution, la CAE n'ayant pas été en mesure de comprendre les motifs exacts de l'octroi des prestations familiales en faveur de la famille X-Y pour apprécier la règle édictée à l'article 269 du Code de la sécurité sociale combinée aux articles 103, 104 et 105 du Code civil, et ce en rapport avec le contrat de détachement de Monsieur X-Y » ;

Attendu que le défaut de réponse à conclusions constitue une forme du défaut de motifs, qui est un vice de forme ;

Attendu qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu que par les motifs reproduits au moyen, les juges d’appel, non tenus d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, en retenant qu’il résultait des faits énoncés auxdits motifs que les défendeurs en cassation avaient fixé leur principal établissement au Luxembourg et en rejetant ainsi implicitement, mais nécessairement le moyen de la demanderesse en cassation suivant lequel l’existence d’un contrat de détachement était incompatible avec la fixation du domicile légal au Luxembourg, ont répondu aux conclusions de cette dernière sur le point considéré ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la mauvaise application, sinon de la mauvaise interprétation de l'article 1353 du Code civil alors que les juges du fond se sont basés sur un fait unique pour interpréter le caractère intentionnel du changement de domicile sans mettre en balance la présomption liée au contrat de détachement, en ce que le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale n'a pas analysé les conséquences juridiques du contrat de détachement dans la caractérisation du domicile légal de la famille X-Y, pour dire fondée la demande en obtention des prestations familiales présentée par Monsieur X-Y ;

Aux motifs que Le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale a retenu le fait unique que La famille est déclarée auprès de la commune de Mamer depuis le 27/08/2013, tel qu'il résulte du certificat de composition de ménage de cette dernière. Terri et X ont fait une déclaration statutaire quant à leur déménagement du Canada au Luxembourg par-devant le Consul du Canada en date du 6 octobre 2014, un système d'enregistrement de la population n'existant pas au Canada. Depuis cette date, la famille habite de façon continue dans son logement à (…), de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'elle y a fixé son principal établissement » et sans analyser les autres présomptions graves, précises et concordantes soulevées par la CAE caractérisées par le contrat de détachement, le pouvoir de direction de l'employeur, l'affiliation au Canada, la résidence fiscale au Canada notamment de sorte que le CSSS n'a pas recherché si dans l'ensemble des faits invoqués le domicile légal était constitué ;

Alors que aux termes de l'article 1353 du Code civil, les magistrats ne peuvent admettre que des présomptions graves, précises et concordantes ;

Or le fait de se baser sur un fait matériel unique sans discussion des autres faits en balance pour caractériser le domicile, n'est pas permis, lorsque le CSSS est saisi de plusieurs faits pouvant constituer un faisceau de présomptions, de les envisager isolément. (Cour de cassation française chambre commerciale 23/10/1967, Boré Dalloz n°64.63) Toutefois en l'espèce, dans l'arrêt attaqué, le Conseil Supérieur de la Sécurité sociale s'est borné à caractériser l'élément matériel du changement de domicile en retenant les inscriptions administratives au Canada et au Luxembourg et n'a pas pris position sur la situation juridique rattachée au contrat de détachement et à ses conséquences sur l'analyse de la qualification du domicile légal de la famille X-Y.

De sorte que Les juges du fond ont violé l'article 1353 du Code civil, les faits et présomptions concordantes mis en avant par la CAE n'ayant pas été discutés par le CSSS qui s'est basé sur un fait unique sans le confronter à l'ensemble des faits précis, graves, et concordants qui ont été mis en avant. » ;

Attendu que sous le couvert du grief de la violation de la disposition légale visée au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en discussion l’appréciation souveraine, par les juges du fond, de la pertinence des différents éléments de fait leur soumis pour déterminer si les défendeurs en cassation avaient établi leur domicile légal au Luxembourg, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à charge des défendeurs en cassation l’intégralité des frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de leur allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à payer aux défendeurs en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;

condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de la société en commandite simple ALLEN & OVERY, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame Marie-

Jeanne KAPPWEILER, premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 71/17
Date de la décision : 12/10/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2017-10-12;71.17 ?

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