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16/02/2017 | LUXEMBOURG | N°8/17

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 16 février 2017, 8/17


N° 8 / 2017 pénal.

du 16.2.2017.

Not. 2140/13/CD Numéro 3768 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, seize février deux mille dix-sept, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :



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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 9 mai 2016 sous le numéro 266...

N° 8 / 2017 pénal.

du 16.2.2017.

Not. 2140/13/CD Numéro 3768 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, seize février deux mille dix-sept, sur le pourvoi de :

X, né le (…) à (…), demeurant à (…), prévenu, demandeur en cassation, comparant par Maître Sébastien LANOUE, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en présence du Ministère public, l’arrêt qui suit :

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt attaqué, rendu le 9 mai 2016 sous le numéro 266/16 VI. par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, sixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation déclaré le 1er juin 2016 au greffe de la Cour supérieure de justice par Maître Sébastien LANOUE pour et au nom de X ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 1er juillet 2016 au greffe de la Cour par Maître Sébastien LANOUE pour et au nom de X ;

Sur le rapport du conseiller Nico EDON et les conclusions de l’avocat général Simone FLAMMANG;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné le demandeur en cassation à une peine d’emprisonnement du chef de coups et blessures volontaires sur une personne avec laquelle il avait vécu habituellement et d’endommagement volontaire de biens mobiliers d’autrui ; que la Cour d’appel a confirmé la décision rendue sur l’action publique ;

Sur l’unique moyen de cassation :

tiré « de la violation de la Convention Européenne des Droits de l'Homme -

Dispositions visées de la Convention : Article 6§1- Droit à un procès équitable -

Droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

Attendu que la Cour d'appel retient dans les motifs de l'arrêt attaqué :

° Page 12 paragraphe 2 :

peine d'emprisonnement ferme prononcée à son encontre par les juges de première instance, tout en contestant aussi les coups et blessures volontaires à Y : il y aurait eu une bousculade et elle aurait été blessée. » ° Page 13 paragraphe 2 :

au prévenu en première instance constitue une sanction adéquate tenant compte de la gravité des infractions commises ainsi que du fait que X nie son problème d'agressivité.

Cette peine est à confirmer. » Attendu que cette motivation est conforme à la jurisprudence en vigueur de la Cour de cassation, telle qu'elle résulte notamment de l'arrêt N° 26 / 2014 pénal, du 19.06.2014. Numéro 3368 du registre, et par lequel la Cour de cassation admet qu'est valablement motivée la décision de la Cour d'appel qui refuse d'octroyer le sursis à l'emprisonnement au prévenu qui a refusé de faire des aveux.

Attendu cependant que cette analyse se heurte au droit fondamental de tout prévenu de ne pas contribuer à sa propre incrimination.

Attendu ainsi que la Cour de cassation française censure les décisions prononçant une peine d'emprisonnement sans sursis en se fondant sur le fait que le prévenu ne reconnait pas sa culpabilité, alors que tout prévenu a le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (Cass. crim., 1er oct. 2008, n° 08-81.338 :

JurisData n° 2008-045456 ; Bull crim. 2008, n° 201). (Jurisclasseur Procédure Pénale Art. 485 à 486 : Fasc. 20, paragraphe 64. - Emprisonnement ferme).

Attendu que cette analyse se heurte plus généralement à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui reconnaît comme une garantie 2 fondamentale faisant partie du Droit à un procès équitable, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, laquelle a notamment retenu dans son arrêt :

Arrêt CHAMBAZ c. SUISSE du 5 avril 2012 Requête 11663/04 mentionne pas expressément, le droit de garder le silence et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacrée par l'article 6 § 1. En particulier, le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination présuppose que les autorités cherchent à fonder leur argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou les pressions, au mépris de la volonté de l' (voir Funke précité ; John Murray c. Royaume-Uni, 8 février 1996, § 45, Recueil 1996-I ; Saunders c. Royaume-Uni, 17 décembre 1996, §§ 68-69, Recueil 1996-VI ; Serves c. France, 20 octobre 1997, § 46, Recueil 1997-

VI ; J.B. c. Suisse, précité, § 64). » Attendu ainsi que la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, qui admet comme un motif valable de refus du sursis la circonstance que le prévenu a refusé de reconnaître sa culpabilité, impose de facto à celui-ci l'obligation de faire des aveux si il veut échapper à l'emprisonnement ferme en cas de condamnation.

Que ce raisonnement contredit le droit à un procès équitable et spécialement le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination tel que précédemment décrit.

Attendu que la Cour d'appel admet implicitement mais nécessairement dans son raisonnement que Monsieur X aurait été légalement en droit de bénéficier du sursis, alors que cette question avait été débattue à l'audience, mais qu'en l'espèce l'octroi d'un sursis n'est pas justifié au regard notamment du fait .

Attendu cependant que rien dans le raisonnement de la Cour d'appel ne permet à la Cour de cassation de contrôler si le refus d'octroyer le sursis aurait été considéré comme tout autant justifié par la Cour d'appel au vu de la seule gravité des infractions retenues à l'encontre du prévenu, élément auquel la Cour d'appel fait également référence pour motiver sa décision, et ce à l'exclusion de toute considération relative à l'existence ou à l'absence d'aveux du prévenu.

Attendu, à contrario, que rien dans le raisonnement de la Cour d'appel ne permet non plus à la Cour de cassation de contrôler si la Cour d'appel aurait considéré en l'espèce que l'octroi du sursis aurait été justifié pour le cas où le prévenu aurait fait l'aveu des faits lui reprochés.

Attendu au contraire que pour refuser l'octroi du sursis la Cour d'appel se fonde indissociablement à la fois sur la gravité des faits et sur le refus du prévenu de reconnaître son problème d'agressivité, partant sur le refus du prévenu de reconnaître sa culpabilité.

3 Attendu qu'en raisonnant de la sorte, la Cour d'appel refuse le bénéfice du sursis au prévenu parce qu'il a refusé de faire des aveux, et viole en cela le droit du prévenu à bénéficier d'un procès équitable et à ne pas contribuer à sa propre incrimination, tels qu'ils résultent de l'article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

Que l'arrêt entrepris encourt dès lors la cassation en ce qu'il a retenu le prévenu dans les liens de la prévention de coups et blessures et qu'il a refusé d'octroyer le sursis au prévenu du chef de cette infraction retenue à sa charge. » ;

Attendu que le moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, et plus particulièrement du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination, fait grief aux juges d’appel d’avoir retenu le demandeur en cassation dans les liens de la prévention de coups et blessures volontaires et d’avoir refusé d’octroyer au demandeur en cassation le sursis à l’exécution de la peine d’emprisonnement du chef de cette prévention retenue à sa charge ;

Attendu que le moyen, d’une part, ne précise pas en quoi les juges d’appel auraient violé la disposition visée au moyen en confirmant le jugement de première instance en ce qu’il a déclaré le demandeur en cassation coupable de la prévention de coups et blessures volontaires, les motifs critiqués de l’arrêt entrepris, reproduits au moyen, étant étrangers à la déclaration de culpabilité ;

Qu’il en suit qu’à cet égard le moyen est irrecevable ;

Attendu que le moyen procède, d’autre part, d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué en ce qu’il critique les juges d’appel pour avoir confirmé la peine d’emprisonnement ferme prononcée en première instance en raison du refus du demandeur en cassation de reconnaître sa culpabilité ;

Que la peine d’emprisonnement ferme prononcée en première instance a été confirmée par les juges d’appel en « tenant compte de la gravité des infractions commises ainsi que du fait que X nie son problème d’agressivité » ;

Que les juges d’appel ont ainsi statué sur l’application de la peine au regard de la personnalité du demandeur en cassation, et non pas au regard de considérations relatives à l’existence ou à l’absence d’aveux du demandeur en cassation ;

Qu’il en suit qu’à cet égard le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi ;

condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 3,75 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, seize février deux mille dix-sept, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation, Marianne EICHER, conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Madame/Monsieur, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8/17
Date de la décision : 16/02/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2017-02-16;8.17 ?

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