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14/10/2016 | LUXEMBOURG | N°44/16

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 14 octobre 2016, 44/16


N° 44 / 2016 pénal.
du 13.10.2016.
Not. 12433/15/CD
Numéro 3677 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à
la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique
du jeudi, treize octobre deux mille seize,


sur le pourvoi de :


1) A, né le (…), et

2) B, née le (…), les deux demeurant à (…),

demandeurs au civil,

demandeurs en cassation,

comparant par Maître Anne PAUL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle

domicile est élu,

en présence de :


C, né le (…), demeurant à (…),

défendeur au civil,

défendeur en cassation,


et du...

N° 44 / 2016 pénal.
du 13.10.2016.
Not. 12433/15/CD
Numéro 3677 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à
la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique
du jeudi, treize octobre deux mille seize,


sur le pourvoi de :


1) A, né le (…), et

2) B, née le (…), les deux demeurant à (…),

demandeurs au civil,

demandeurs en cassation,

comparant par Maître Anne PAUL, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle
domicile est élu,

en présence de :


C, né le (…), demeurant à (…),

défendeur au civil,

défendeur en cassation,


et du Ministère public,

l’arrêt qui suit :



-----------------------------------------------------------------------------------------------------






LA COUR DE CASSATION :


2
Vu l’arrêt attaqué rendu le 26 novembre 2015 sous le numéro 928/15
Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel du Grand-Duché de
Luxembourg ;

Vu le pourvoi en cassation déclaré le 9 décembre 2015 par Maître Anne
PAUL pour et au nom de A et B au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 4 janvier 2016 par A et B à C, déposé
le 8 janvier 2016 au greffe de la Cour ;

Vu le « mémoire en réponse » signifié le 27 juillet 2016 par A et B à C,
déposé le 1 er
août 2016 au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du président Jean-Claude WIWINIUS et les conclusions de
l’avocat général Simone FLAMMANG ;


Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’un juge d’instruction près le tribunal
d’arrondissement de Luxembourg avait rendu une ordonnance de non-informer du
chef des faits visés dans une plainte avec constitution de partie civile déposée par A et
B, au motif que les faits avancés dans la plainte étaient prescrits ; que la chambre du
conseil de la Cour d’appel a confirmé l’ordonnance entreprise ;


Sur le premier moyen de cassation :

<< Violation des articles 89 de la Constitution et de l’article 6§1 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme :

Il est fait grief à l’arrêt attaqué de ne pas avoir motivé son arrêt sur la
prescription de l'action publique.

L'article 89 de la Constitution dispose que << tout jugement est motivé >>.

La Cour européenne des droits de l'homme sanctionne le défaut de visa de
l'article 6§1 de la Convention.

Selon la jurisprudence de la Cour, un manque de motivation, ou une
motivation lapidaire équivaut à une absence de motivation (Hiro Balani / Espagne
du 09/12/1994).

En l'espèce, la Cour d'appel affirme de façon laconique que les faits sont
prescrits.

Elle ne détaille nullement en quoi le délai ne court pas à compter de la date
avancée par les demandeurs.

3
De plus, les juges d'appel affirment que tout autre délit serait de toute
manière prescrit.

Dans un souci de précision il convient de préciser que tous les délits ne se
prescrivent pas au moment des faits

En un paragraphe de quelques lignes, la Cour se contente d'affirmer que la
plainte a été déposée quand l'action publique était éteinte.

Les juges ne développent et n’argumentent pas en quoi la suspension du
délai de prescription demandée par les époux A-B n’est pas recevable.

La Cour de céans notera qu’aucun motif ne concerne la prescription et
qu’aucun texte légal de référence n’est exposé comme visa.

Le défaut de motif sur la prescription est de nature à faire encourir la
cassation à l'arrêt d'appel attaqué.

Les explications lapidaires de la Cour d'appel ne permettent pas aux
demandeurs de contester sa position selon les exigences posées par la Cour de
Strasbourg.

Ce manque de motivation et d'explication est assimilable à une absence de
motivation.

Conclusion :

L'absence de motivation de l'arrêt du 26 novembre 2015 de la Chambre du
conseil de la Cour d'appel est de nature à entrainer sa cassation sur la base des
articles 89 de la Constitution et 6§1 de la CEDH. » ;

Attendu qu’en tant que tiré de la violation de l’article 89 de la Constitution
et, sous ce rapport, de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de motifs qui est un
vice de forme ;

Qu’une décision judiciaire est régulière en la forme dès qu’elle comporte
une motivation, expresse ou implicite, sur le point considéré ;

Attendu qu’en retenant que « le point de départ de la prescription de
l’action publique quant à ces faits est la date de commission de ces faits », la Cour
a motivé l’arrêt ;

Qu’il en suit que le moyen n’est pas fondé ;


Sur le second moyen de cassation :

<< Violation de l’article 638 du Code d’instruction criminelle :

4
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d'avoir mal appliqué et interprété l'article
638 du Code d'instruction criminelle en retenant la prescription de l'action publique
alors qu'il existe des causes de suspension du délai.

L'article 638 du Code précité dispose que les délits se prescrivent par 5 ans.

Quelle est la ratio legis de cet article ?

La prescription pénale a pour raison d'être la sanction de la victime
inactive ou l'absence de punition d'une infraction qui n'a plus d'impact social.

C'est pour cette raison que très tôt les diverses jurisprudences européennes
ont appliqué le principe général et fondamental << contra non valentem agere non
currit praescriptio >> qui dispose que la prescription ne peut pas courir contre celui
qui se trouve dans l'incapacité d'agir.

Récemment la Cour de cassation française a refusé de constater la
prescription au motif que le Parquet n'était pas en mesure de poursuivre des
infanticides cachés (Assemblée plénière, 12 novembre 2014).

Cette décision revient à considérer l'absence de prescription lorsque les
autorités de poursuites sont confrontées à un obstacle insurmontable.

La Cour de Luxembourg a déjà appliqué le principe susvisé et ainsi retenu
la suspension de la prescription (Cour, 8 juillet 1959, 18, 23).

En espèce, Monsieur A, après l'apparition des symptômes, a valablement
saisi les juridictions de la Sécurité sociale afin de voir sa maladie reconnue comme
résultant de son activité professionnelle.

La saisine a eu lieu le 20 mai 2009 par requête devant le Conseil.

L'instance devant cette juridiction s'est achevée le 4 mars 2014 par la
reconnaissance expresse du lien de causalité entre la maladie de Monsieur A et son
ancienne activité.

Ce n'est donc qu'à ce moment que Monsieur A a été en mesure de prouver le
lien de causalité entre son préjudice et les faits de Monsieur C ainsi que la nature du
dommage.

Ce lien de causalité et la nature du dommage étaient nécessaires pour
démontrer la culpabilité pénale de Monsieur C.

En effet, la jurisprudence exige qu'en matière de non-assistance à personne
en péril, la nature du dommage doit être caractérisée par la victime et porter sur la
vie ou l'intégrité physique (Tribunal d'Arrondissement de Luxembourg, 15 juillet
2009, n°2314/2009).

Les époux A-B ne pouvaient donc pas agir valablement avant cette décision.

5
De la décision du Conseil arbitral dépendait la preuve de l'origine de la
maladie.

L'obstacle rencontré était de nature à tenir en état l'action publique des
demandeurs puisque l'instance en cours a permis d'établir l'origine et la nature
exactes de la maladie.

Ces derniers ont rencontré un obstacle de droit empêchant la mise en œuvre
de l'action publique.

En application du principe susvisé, le délai de prescription de l'article 638
du Code d'instruction criminelle doit être regardé comme suspendu pendant cette
instance.

En outre, la prescription a pour dessein d'empêcher de punir une infraction
ancienne qui ne porte plus atteinte à la société.

Or, les conséquences de cette infraction perdurent et l'atteinte de ce
comportement à l'ordre public persiste.

Rappelons que le 20 mai 2009 (1 an 4 mois et 18 jours plus tard) Monsieur
A déposait sa requête devant le Conseil arbitral.

La sentence définitive a été rendue le 4 mars 2014, au terme de 4 ans, 9
mois et 4 jours.

Le délai de prescription est suspendu pendant cette période.

La plainte avec constitution de partie civile à l'encontre d’C a été déposée
le 27 avril 2015, soit seulement après 2 ans et 5 mois d'expiration du délai de
prescription.

En déposant plainte le 27 avril 2015 après la suspension de la prescription,
les époux A-B ont donc agi dans les délais.

La Cour d'appel a retenu la prescription de l'action publique et pénalise par
là la victime en contradiction avec l'esprit, la ratio legis de l'article 638 du Code
d'instruction criminelle.

La Cour d'appel a fait une mauvaise interprétation de l'article susvisé.

Il est demandé à la juridiction de céans une application de l'article 638
susvisé à la lumière de sa ratio legis, la prescription ayant pour but de sanctionner
l'inaction de la victime et non pas l'empêcher d'user des voies de droit nécessaires.

L'action n'était dès lors pas prescrite.

Conclusion :

6
La mauvaise interprétation de l'article 638 du Code d'instruction criminelle
et par conséquence sa mauvaise application ont conduit la Cour d'appel à retenir la
prescription de l'action publique, sa décision encourt la cassation. » ;

Attendu qu’il résulte de la lecture de l’arrêt entrepris que les actuels
demandeurs en cassation ont exposé devant les juges d’appel que la prescription
courait à partir de la date de la consolidation de la maladie de A et non à partir de la
fin de l’instance devant les juridictions sociales ;

Qu’il s’ensuit que le moyen, qui n’est pas de pur droit, est nouveau et, en ce
qu’il est mélangé de fait et de droit, irrecevable ;


Par ces motifs,

rejette le pourvoi ;

condamne les demandeurs en cassation aux frais de l'instance en cassation,
ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 1,50 euros.

Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son
audience publique du jeudi, treize octobre deux mille seize, à la Cité Judiciaire,
Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :


Jean-Claude WIWINIUS, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation,
Carlo HEYARD, conseiller à la Cour de cassation,
Marie MACKEL, conseiller à la Cour d’appel,


qui ont signé le présent arrêt avec le greffier Viviane PROBST, à l’exception
du conseiller Carlo HEYARD, qui se trouvait dans l’impossibilité de signer.




La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Monsieur le président Jean-Claude WIWINIUS, en présence de Monsieur Marc
HARPES, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44/16
Date de la décision : 14/10/2016

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2016-10-14;44.16 ?

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