N° 78 / 16.
du 14.7.2016.
Numéro 3684 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze juillet deux mille seize.
Composition:
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, président, Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation, Alain THORN, conseiller à la Cour d’appel, Jean ENGELS, conseiller à la Cour d’appel, Rita BIEL, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée GRUMBERG & Partners, inscrite au Barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2330 Luxembourg, 140, boulevard de la Pétrusse, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 194394, représentée dans la présente procédure par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu.
et:
Y, demeurant à (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Alex PENNING, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu.
=======================================================
LA COUR DE CASSATION :
Vu le jugement attaqué rendu le 5 mai 2015 sous le numéro 165751 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière de bail à loyer et en instance d’appel ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 7 décembre 2015 par X à Y, déposé au greffe de la Cour le 22 décembre 2015 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 8 février 2016 par Y à X, déposé au greffe de la Cour le même jour ;
Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de l’avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ;
Sur les faits :
Attendu, selon le jugement attaqué, que le tribunal de paix d’Esch-sur-
Alzette, siégeant en matière de bail à loyer, avait dit non fondée la demande en dommages-intérêts pour dégâts locatifs formée par X à l’encontre de Y ; que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en instance d’appel, a confirmé cette décision ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon de la fausse application de l’article 1315 du Code civil pris ensemble avec les articles 1731 et 1732 du Code civil, En ce que l’article 1315 du Code civil dispose que l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation », Que l’article 1731 du Code civil dispose que des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire », Que l’article 1732 du même Code dispose encore qu’ dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute », En ce que le tribunal d’arrondissement a rejeté la demande en paiement d’une indemnité pour dégâts locatifs, sans rechercher si Madame Y apportait ou non la preuve que les dégâts locatifs ne résultaient pas de sa faute, Alors que, lorsque le bien a été remis sans état des lieux d’entrée, il est censé avoir été remis en parfait état locatif, ce qui confère à la charge du locataire une obligation de résultat de restitution du bien en bon état, lui incombant alors, en cas de dégâts constatés à la sortie, la charge de prouver qu’ils sont arrivés sans sa faute » ;
Attendu qu’après avoir retenu l’absence de preuve, par le bailleur, de l’existence de dégâts locatifs, les juges d’appel n’avaient pas à en examiner l’imputabilité à la locataire ;
Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon de la fausse application des articles 1731 et 1732 du Code civil pris ensemble avec l'article 1728 du Code civil, L'article 1731 disposant que preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf la preuve contraire », Selon l'article 1732 du Code civil pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute », L'article 1728 dispose que principales :
1° d'user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;
2° de payer le prix du bail aux termes convenus », En ce que le tribunal d'arrondissement, en ne recherchant pas auprès de Madame Y la preuve du respect de ses obligations d'entretien du bien, ainsi de son obligation de résultat de restituer le bien en bon état, a inversé les présomptions ainsi que la charge de la preuve en présumant implicitement qu'il appartenait au bailleur de prouver le rôle de la locataire dans les dégradations, et qu'à défaut d'état des lieux de sortie, l'appartement était présumé remis au propriétaire en bon état de toute réparation, Alors que, obligation de résultat dans le chef du preneur, le bailleur n'a rien à prouver sauf le fait matériel de la dégradation ou de la perte, le preneur étant responsable par le seul fait de l'existence d'une dégradation ou d'une perte qui n'existait pas à la conclusion du contrat, sauf à démontrer lui-même la cause étrangère, le fait qui rend la dégradation ou la perte non imputable au locataire. Dans le mécanisme de l'article 1732 du Code civil, il n'incombe partant pas au bailleur de prouver que la dégradation est imputable au locataire, mais il lui suffit de prouver que pendant la jouissance des lieux, il y a eu dégradation excédant celle résultant d'une usure normale. Par le fait même de cette preuve, il y a une présomption d'inexécution fautive à charge du preneur dans les cas où l'appartement est présumé avoir été remis en bon état locatif, il incombe au locataire une obligation de restituer le bien, l'absence d'état des lieux de sortie ne fait pas foi de l'absence de tous dégâts dans le bien loué » (M. HARLES, Le bail à loyer compte-rendu de jurisprudence, Pas.
31, p. 343, n° 114, TAL, 5 février 1987, rôle n° 35323) » ;
Attendu qu’en retenant qu’en l’absence d’un état des lieux de sortie, il incombe au bailleur d’établir l’existence de dégradations et que si cette preuve est rapportée, il appartient au locataire de prouver que celles-ci ne lui sont pas imputables, les juges d’appel ont fait l’exacte application des dispositions visées au moyen ;
Qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu que le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter ;
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser entièrement à charge de la défenderesse en cassation les frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
rejette la demande du demandeur en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation, dont distraction au profit de Maître Alex PENNING, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le conseiller Romain LUDOVICY, en présence de Madame Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.