N° 74 / 16.
du 7.7.2016.
Numéro 3665 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg
du jeudi, sept juillet deux mille seize.
Composition:
Georges SANTER, président de la Cour,
Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation,
Jean-Claude WIWINIUS, conseiller à la Cour de cassation,
Nico EDON, conseiller à la Cour de cassation,
Xie MACKEL, conseiller à la Cour d’appel,
John PETRY, premier avocat général,
Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
la société à responsabilité limitée SOC1), établie et ayant son siège social à (…),
représentée par son gérant, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le
numéro (…),
demanderesse en cassation,
comparant par Maître Nathalie SARTOR, avocat à la Cour, demeurant à
Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu,
et:
1) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, pris en sa qualité de
gestionnaire du Fonds pour l’Emploi, représenté par son Ministre d’Etat, ayant ses
bureaux à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation,
défendeur en cassation,
comparant par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, demeurant à
Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu,
2) X, demeurant à (…),
défendeur en cassation,
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comparant par Maître Ferdinand BURG, avocat à la Cour, demeurant à
Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’ordonnance attaquée rendue le 15 octobre 2015 sous le numéro 42669
du rôle par un président de chambre à la Cour d’appel siégeant en matière
d’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 9 novembre 2015 par la société à
responsabilité limitée SOC1) à X et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE
LUXEMBOURG, déposé au greffe de la Cour le 13 novembre 2015 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 23 décembre 2015 par l’ETAT DU
GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG à la société à responsabilité limitée SOC1)
et à X, déposé au greffe de la Cour le 30 décembre 2015 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 7 janvier 2016 par X à la société à
responsabilité limitée SOC1) et à l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE
LUXEMBOURG, déposé au greffe de la Cour le 8 janvier 2016 ;
Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions de
l’avocat général Simone FLAMMANG ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’ordonnance attaquée, que le président du tribunal du travail
d’Esch-sur-Alzette, saisi par X, suite à son licenciement pour motif grave par la
société à responsabilité limitée SOC1), d’une demande tendant à voir autoriser
l’attribution par provision au requérant de l’indemnité de chômage complet en
attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité ou le
bien-fondé de son licenciement, avait déclaré cette demande irrecevable au motif
que les conditions de recevabilité prévues à l’article L. 521-7 du Code du travail
n’étaient pas remplies, à défaut par le requérant d’établir qu’il eût introduit une
demande d’indemnisation auprès de l’Agence pour le Développement de l’Emploi
(ADEM) ; que le président de chambre à la Cour d’appel saisi de l’appel a, par
réformation, déclaré la demande fondée et a autorisé l’attribution provisionnelle de
l’indemnité de chômage complet pendant 182 jours à partir de la demande afférente
d’X auprès de l’ADEM ;
Sur le premier moyen de cassation, pris en ses deux branches :
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tiré, première branche, « de la violation sinon de la non-application de
l'article L.521-8 (1) du Code du travail qui stipule que : << (...) le droit à
l'indemnité de chômage complet prend cours au plus tôt à partir de la première
journée de l'expiration de la relation de travail, à condition que le salarié se fasse
inscrire comme demandeur d'emploi le jour même de la survenance du chômage et
qu'il introduise sa demande d'indemnisation dans les deux semaines au plus tard de
l'ouverture du droit à l'indemnité >>.
en ce que l'ordonnance attaquée en violation de ces dispositions a autorisé
l'attribution provisionnelle de l'indemnité de chômage complet malgré le fait que
les conditions légales n'étaient pas remplies, le demandeur en chômage ne s'étant
pas inscrit comme demandeur d'emploi le jour même de la survenance du chômage
et n'ayant pas non plus introduit sa demande d'indemnisation dans les deux
semaines au plus tard de l'ouverture du droit à l'indemnité,
alors que le défendeur en cassation sub 1) a été licencié en date du 22 juillet
2014 et n'a introduit sa demande d'indemnisation auprès de l'ADEM qu'en date du
17 février 2015, les conditions cumulatives prévues audit article L.521-8(1) du
Code du travail n'étant partant pas remplies,
en ce faisant la Cour d’appel a violé la loi sinon non appliqué les
dispositions légales afférentes » ;
deuxième branche, « du fait que la Cour d'appel n'a pas non plus statué
sur le moyen subsidiaire invoqué par la partie demanderesse en cassation et basé
sur les dispositions de l'article L-521-8 (3) du Code du travail à savoir : << ... En
cas d'inscription tardive comme demandeur d'emploi le droit à l'indemnité prend
cours le jour même de l'inscription.
En cas d'introduction tardive de la demande d'indemnisation l'indemnité est
accordée avec effet rétroactif portant sur deux semaines au maximum ... >>, tout
en violant simultanément le prédit texte légal,
alors que la Cour d'appel a autorisé l'attribution provisionnelle de
l'indemnité de chômage pendant une période de 182 jours à partir de la demande
d'indemnisation de chômage du sieur X auprès de l'ADEM,
en ce que la Cour d'appel en violation des dispositions de l'article L-521-8
(3) du Code du travail en a décidé ainsi alors même qu'en cas d'introduction
tardive de la demande d'indemnisation l'indemnité est accordée avec effet rétroactif
portant sur deux semaines au maximum,
en ce faisant la Cour d'appel a violé la loi, sinon a omis de statuer sur un
moyen invoqué par la partie demanderesse en cassation » ; Attendu qu’en autorisant l’attribution provisionnelle de l’indemnité de
chômage complet après avoir constaté que les conditions posées par les articles L.
521-4, paragraphe 2, et L. 521-7 du Code du travail étaient remplies, sans analyser
si celles énoncées à l’article L. 521-8 du même code l’étaient également, au motif
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qu’elles ne relevaient pas de sa compétence, le magistrat d’appel a correctement
appliqué la loi et a statué sur le moyen invoqué par la demanderesse en cassation ;
Que le moyen n’est partant pas fondé en ses deux branches ;
Sur le second moyen de cassation :
tiré « du défaut de base légale,
en ce que la Cour d’appel a estimé, sans donner cependant de base légale
afférente, que l’ADEM était compétente en la matière, alors que : << … les
décisions portant attribution, maintien, reprise, prorogation, refus ou retrait des
indemnités de chômage relèvent de l’ADEM et ne sont pas de la compétence de la
juridiction du président du tribunal du travail siégeant en matière d’attribution par
provision de l’indemnité de chômage >>,
alors que ce faisant la Cour d’appel n’a pas motivé légalement sa décision,
décision dépourvue de toute base légale » ;
Attendu qu’aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885
sur les pourvois et la procédure en cassation un moyen ou un élément de moyen ne
doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;
Attendu que le moyen articule, outre le défaut de base légale, qui constitue
un vice de fond, encore un défaut de motifs, partant un vice de forme ;
Que le moyen est dès lors irrecevable ;
Sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser entièrement à charge du salarié
défendeur en cassation les frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il
convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
condamne la demanderesse en cassation à payer au défendeur en cassation
X une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en
cassation, dont distraction au profit de Maîtres Georges PIERRET et Ferdinand
BURG sur leurs affirmations de droit.
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La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Monsieur John PETRY,
premier avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.