N° 48 / 16.
du 12.5.2016.
Numéro 3639 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze mai deux mille seize.
Composition:
Georges SANTER, président de la Cour, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation Jean-Claude WIWINIUS, conseiller à la Cour de cassation, Jean ENGELS, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
X, demeurant à (…), demandeur en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois GRUMBERG & PARTNERS, établie et ayant son siège social à L-2330 Luxembourg, 140, boulevard de la Pétrusse, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B194.397, représentée dans la présente instance par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, et:
la société anonyme SOC1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par la société anonyme ARENDT & MEDERNACH, inscrite au Barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2082 Luxembourg, 41A, avenue John F. Kennedy, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 186371, représentée dans de la présente instance par Maître Christian POINT, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu le jugement attaqué rendu le 16 juin 2015 sous le numéro 161648 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 8 septembre 2015 par X à la société anonyme SOC1), déposé au greffe de la Cour le 10 septembre 2015 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 4 novembre 2015 par la société anonyme SOC1) à X, déposé au greffe de la Cour le 6 novembre 2015 ;
Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES ;
Sur les faits :
Attendu, selon le jugement attaqué, que le tribunal de paix de Luxembourg avait dit non fondée la demande d’X tendant à voir condamner la société anonyme SOC1) sur base du contrat d’assurance protection juridique conclu entre parties à lui rembourser les frais et honoraires d’avocat qu’il avait payés à son mandataire dans le cadre d’une affaire de bail à loyer ; que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en instance d’appel, a confirmé cette décision ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de la loi par fausse interprétation, sinon fausse application de l'article 4 de la directive 87/344/CE du Conseil du 22 juin 1987 portant coordination des dispositions législatives, règlementaires et administratives concernant l'assurance protection juridique, ensemble avec l'article 94 de la loi du 27 juillet 1997 (modifié par les lois du 21 décembre 2007 et du 12 avril 2015) sur le contrat d'assurance, L'article 4 de la directive 87/344 disposant que :
explicitement que :
a) lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l'assuré, clans toute procédure judiciaire ou administrative, l'assuré a la liberté de le choisir ;
b) l’assuré a la liberté de choisir un avocat ou, s'il le préfère et dans la mesure où la loi nationale le permet, toute autre personne ayant les qualifications nécessaires, pour servir ses intérêts chaque fois que surgit un conflit d'intérêts.
2. Par avocat on entend toute personne habilitée à exercer ses activités professionnelles sous une des dénominations prévues par la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l'exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (1) », L'article 94 de la loi du 27 juillet 1997, intitulé » disposant que :
que, lorsqu'il est fait appel à un avocat pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l'assuré, l'assuré a la liberté de le choisir.
Le contrat stipule également que l'assuré a la liberté de choisir un avocat chaque fois que survient un conflit d'intérêt entre lui-même et l'assureur, ou, le cas échéant, le bureau de règlement des sinistres dont question à l'article 84 point b) de la loi modifiée du 6 décembre 1991.
Aucune clause du contrat ne doit porter atteinte, dans les limites de la garantie, au libre choix ouvert à l'assuré par les deux alinéas précédents. » En ce que le Tribunal d'Arrondissement, statuant en appel, a retenu que la compagnie d'assurance n'avait pas fait obstacle au droit de l'assuré de choisir librement son avocat en refusant de prendre en charge les frais et honoraires du second avocat mandaté en remplacement du premier avocat par son assuré, Alors que le libre choix de l'avocat par l'assuré est un droit garanti à chaque assuré par la directive européenne 87/344, valablement transposée en droit interne luxembourgeois, et qu'en aucun cas l'assureur ne peut y porter atteinte, il lui appartient au contraire de respecter le droit de l'assuré de choisir et de changer librement d'avocat, l'unique limite étant celle du plafond de garantie prévu au contrat. » ;
Attendu que la Cour d’appel, se référant à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne suivant laquelle des limitations de la couverture des frais exposés dans le cadre de la défense d’un assuré sont valables au regard de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344/CE du Conseil du 22 juin 1987, consacrant la liberté de l’assuré de choisir son avocat, pour autant que cette liberté ne soit pas vidée de sa substance, a retenu que l’article 11.5. des conditions générales du contrat d’assurance conclu entre parties qui, après avoir énoncé que le preneur d’assurance a toujours le droit de choisir librement un avocat compétent, précise en son point b) que pour chaque sinistre il ne peut être mandaté qu’un seul avocat et que si le preneur d’assurance change tout de même d’avocat, l’assureur ne supporte que les frais du premier avocat, est valable au regard des dispositions de l’article 94 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 sur le contrat d’assurance, qui constitue la transposition de l’article 4 de la directive 87/344/CE dans le droit national luxembourgeois ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, elle n’a pas violé cette disposition légale ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation par fausse interprétation, sinon fausse application de l'article L. 211-2 (1) de la loi du 8 avril 2011 portant introduction d'un Code de la Consommation, ensemble avec les articles 94 alinéa 3 de la loi du 27 juillet 1997 (modifié par les lois du 21 décembre 2007 et du 12 avril 2015) sur le contrat d'assurance, et 4.1 de la directive 87/344, L'article L. 211-2 (1) de la loi du 8 avril 2011 portant introduction d'un Code de la Consommation disposant que , L'article 94 alinéa 3 de la loi du 27 juillet 1997 disposant qu' clause du contrat ne doit porter atteinte, dans les limites de la garantie, au libre choix ouvert à l'assuré par les deux alinéas précédents » (libre choix de l'avocat), L'article 4.1 la directive 87/344 disposant que :
qualifications admises par la loi nationale, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l'assuré, dans toute procédure judiciaire ou administrative, l'assuré a la liberté de le choisir ;
b) l’assuré a la liberté de choisir un avocat ou, s'il le préfère et dans la mesure où la loi nationale le permet, toute autre personne ayant les qualifications nécessaires, pour servir ses intérêts chaque fois que surgit un conflit d'intérêts. » En ce que la Tribunal d'Arrondissement a retenu que la clause 11.5.b des conditions générales SOC1) qui stipule que ne saurait être qualifiée d'abusive, et que partant, le droit au libre choix d'X n'avait pas été entravé, Alors que le contrat d’assurance est à qualifier de contrat de consommation et qu’en conséquence, toute clause de nature à causer un déséquilibre préjudiciable au consommateur dit , telle une clause restreignant l’assuré dans son droit au libre choix de l’avocat, est abusive et partant nulle et sans effets » ;
Attendu que sous le couvert du grief de violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine, par les juges du fond, du caractère prétendument abusif des conditions générales du contrat d’assurance ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation par refus d'appliquer l'article 8.1 alinéa 2 du Règlement Intérieur de l'Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, pris ensemble avec l'article 1 alinéa 1 de la loi du 10 août 1991 sur la profession d'avocat, L'article 8.1 alinéa 2 du règlement intérieur de l'ordre disposant que l'avocat doit veiller à éviter de tomber sous la dépendance du mandant, et plus encore, de tiers qui prétendront diriger la défense du mandant et qui éventuellement régleront les honoraires, », L'article 1 alinéa 1 de la loi du 10 août 1991 disposant que profession d'avocat est une profession libérale et indépendante, », En ce que le Tribunal d'Arrondissement a implicitement reconnu à l'assureur le droit de ne prendre en charge les honoraires que d'un seul avocat, Alors qu'au regard des articles susvisés, le fait d'empêcher l'assuré de choisir, de changer librement d'avocat implique l'interdiction, pour l'avocat, de déposer son mandat, ce qui porte atteinte au principe sacré d'indépendance de l'avocat, violant ainsi l'article 8.1 alinéa 2 du règlement intérieur de l'ordre et l'article 1er alinéa 1 de la loi du 10 août 1910 » ;
Attendu que le moyen, non invoqué devant les juges du fond, est nouveau et, en ce qu’il impliquerait un examen des stipulations contractuelles et des faits, mélangé de fait et de droit et partant irrecevable ;
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu que le demandeur en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, sa demande est à rejeter ;
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser entièrement à charge de la défenderesse en cassation les frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
rejette la demande du demandeur en cassation en obtention d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.