N° 39 / 16.
du 21.4.2016.
Numéro 3631 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt et un avril deux mille seize.
Composition:
Georges SANTER, président de la Cour, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Jean-Claude WIWINIUS, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Laure MEYER, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
1) A), (…), 2) B), (…), les deux demeurant à (…), demandeurs en cassation, comparant par la société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois GRUMBERG & PARTNERS, établie et ayant son siège social à L-2330 Luxembourg, 140, boulevard de la Pétrusse, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B194.397, représentée dans la présente procédure par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude duquel domicile est élu, et:
la société anonyme Soc1), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Annick WURTH, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 20 mai 2015 sous le numéro 39418 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 17 août 2015 par A) et B) à la société anonyme Soc1), déposé au greffe de la Cour le 20 août 2015 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 1er octobre 2015 par la société anonyme Soc1) à A) et B), déposé au greffe de la Cour le 8 octobre 2015 ;
Sur le rapport du conseiller Jean-Claude WIWINIUS et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, saisi par A) et B) d’une demande tendant à voir condamner la société anonyme Soc1) au paiement de la somme de 250.000 euros et de dommages-intérêts, au motif que la banque aurait exécuté le 2 juillet 2002, soit le lendemain du jour du décès de leur père, C), un ordre de transfert daté du 30 juin 2002, du montant de 250.000 euros, sans vérifier l’existence et l’authenticité de la signature de C), avait déclaré cette demande non fondée ; que la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris ;
Sur les premier, deuxième et troisième moyens réunis :
tirés, le premier, « de la violation de la loi par fausse qualification des faits, sinon refus d'application, sinon fausse application des articles 1991 et 1992 du Code civil, combinés avec la jurisprudence en matière bancaire définissant les obligations légales du banquier mandataire de son client, L'article 1991 du Code civil disposant que d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé et répond des dommages-
intérêts qui pourraient résulter de son inexécution. Il est tenu de même d'achever la chose commencée au décès du mandant, s'il y a péril en la demeure », L'article 1992 du Code civil disposant que seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire », En ce que la Cour d'appel a retenu, concernant la Banque, qu' saurait lui être reproché de ne pas avoir détecté d'anomalie et d'avoir commis une faute en procédant à l'exécution de l'ordre de virement litigieux », Alors que, conformément à la loi et à la jurisprudence bancaire, le banquier qui reçoit un ordre de virement devient mandataire du client dans l'exécution de ce virement, et doit partant effectuer certaines vérifications en vertu de ses obligations légales, vérifications qui n'ont pas été effectuées par la SOC1), raison pour laquelle sa responsabilité pour faute devait être engagée » ;
le deuxième, « de la violation de la loi par fausse qualification du contrat, sinon refus d'application, sinon par fausse application des articles 1927, 1932, 1934 et 1939 du Code civil, combinés avec la jurisprudence en matière bancaire définissant les obligations légales du banquier dépositaire des fonds appartenant à son client, L'article 1927 du Code civil disposant que dans la garde de la chose déposée, les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent », L'article 1932 du Code civil disposant que identiquement la chose même qu'il a reçue. Ainsi, le dépôt des sommes monnayées doit être rendu dans les mêmes espèces qu'il a été fait, soit dans le cas d'augmentation, soit dans le cas de diminution de leur valeur », L'article 1934 du Code civil disposant que été enlevée par une force majeure, et qui a reçu un prix ou quelque chose à la place, doit restituer ce qu'il a reçu en échange », L'article 1939 du Code civil disposant enfin qu' personne qui a fait le dépôt, la chose déposée ne peut être rendue qu'à son héritier. (2) S'il y a plusieurs héritiers, elle doit être rendue à chacun d'eux pour leur part et portion. (…) », En ce que la Cour d'appel a uniquement retenu que Banque sera examinée au regard de la circonstance que la Banque a reçu un mandat valable et qu'elle a agi en sa qualité de mandataire de son client » et que la Banque n'avait commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, Alors que lors de toute opération par laquelle le client remet entre les mains du banquier une certaine somme, le banquier est lié à son client par un contrat de dépôt, et que par conséquent, il assume envers son client une obligation de restitution portant sur les fonds déposés, et (Cour 14 juillet 1993, 29, 257) » ;
le troisième, « de la violation de la loi par refus, sinon fausse application de l’article 1134 du Code civil, qui dispose que , En ce que la Cour d’appel a retenu que l’intimée n’(est) pas engagée », Alors que les conditions générales signées, et tenant lieu de loi entre parties prévoient la possibilité pour la Banque de surseoir à l’exécution d’un virement bancaire en cas de doute » ;
Attendu que sous le couvert du grief de la violation des textes visés aux moyens, ceux-ci ne tendent qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond du respect des obligations de la banque résultant du contrat et de l’existence d’une faute contractuelle;
Que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le quatrième moyen ;
tiré « de la violation par fausse application, sinon refus d'application de l'article 280 du Nouveau code de procédure civile qui dispose que , ainsi que de la jurisprudence applicable en matière d'injonction de communiquer les pièces, En ce que l'arrêt attaqué a retenu que l'original de l'ordre de virement du 2 juillet 2002 ainsi que du spécimen de la signature de feu C), sous peine d'astreinte de 100 euros par document et par jour de retard, s 'avère donc superfétatoire », Alors qu'il appartient au juge d'enjoindre une partie de communiquer les pièces demandées par l'autre partie dès lors que les pièces sont déterminées avec précision, que leur existence est vraisemblable, que leur détention l'adversaire est vraisemblable, et enfin qu'elle soit pertinente (Tribunal d'Arrondissement de Luxembourg, 7 juillet 2005) » ;
Attendu que l’injonction de communiquer des pièces prévue à l’article 280 du Nouveau code de procédure civile n’est pas obligatoire pour le juge ; que les juges du fond, en décidant que la pièce litigieuse ne constituait pas un faux, ont pu déclarer irrecevable la demande des demandeurs en cassation sans violer la disposition visée au moyen ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur les demandes en allocation d’une indemnité de procédure :
Attendu que les demandeurs en cassation étant à condamner aux dépens de l’instance en cassation, leur demande est à rejeter ;
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser entièrement à charge de la défenderesse en cassation les frais exposés non compris dans les dépens ; qu’il convient de lui allouer la somme de 2.000 euros ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
rejette la demande des demandeurs en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne les demandeurs en cassation à payer à la défenderesse en cassation une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
condamne les demandeurs en cassation aux dépens de l'instance en cassation, dont distraction au profit de Maître Annick WURTH, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.