N° 29 / 16.
du 10.3.2016.
Numéro 3603 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix mars deux mille seize.
Composition:
Georges SANTER, président de la Cour, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Valérie HOFFMANN, conseiller à la Cour d’appel, Carole KERSCHEN, conseiller à la Cour d’appel, Rita BIEL, conseiller à la Cour d’appel, Serge WAGNER, avocat général, Viviane PROBST, greffier à la Cour.
Entre:
A), (…), demeurant professionnellement à (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, et:
1) B), (…), demeurant à (…), défendeur en cassation, comparant par Maître Monique WIRION, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, 2) la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, représentée par le Président de son comité de direction, établie et ayant son siège à L-1471 Luxembourg, 125, route d’Esch, 3) la MUTUALITE DES EMPLOYEURS, établissement public, représentée par son conseil d’administration, établie et ayant son siège à L-1471 Luxembourg, 125, route d’Esch, défenderesses en cassation, comparant par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 4) C), (…), demeurant à (…), 5) le CENTRE HOSPITALIER DE LUXEMBOURG, établissement public, représenté par son comité de direction, sinon par sa commission administrative, établi à L-1210 Luxembourg, 4, rue Barblé, défendeurs en cassation.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 22 avril 2015 sous le numéro 41365 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 25 juin 2015 par A) à B), à la CAISSE NATIONALE DE SANTE, à la MUTUALITE DES EMPLOYEURS, à C) et au CENTRE HOSPITALIER DE LUXEMBOURG, déposé au greffe de la Cour le 29 juin 2015 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 10 août 2015 par B) à A), à la CAISSE NATIONALE DE SANTE, à la MUTUALITE DES EMPLOYEURS, à C) et au CENTRE HOSPITALIER DE LUXEMBOURG, déposé au greffe de la Cour le 14 août 2015 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 17 août 2015 par la CAISSE NATIONALE DE SANTE et la MUTUALITE DES EMPLOYEURS à A), à B), à C) et au CENTRE HOSPITALIER DE LUXEMBOURG, déposé au greffe de la Cour le 24 août 2015 ;
Sur le rapport du président Georges SANTER et sur les conclusions de l’avocat général Mylène REGENWETTER ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, saisi par le défendeur en cassation B) d’une demande en indemnisation basée sur la responsabilité médicale dirigée contre le demandeur en cassation et les parties défenderesses en cassation Dr. C) et CENTRE HOSPITALIER DE LUXEMBOURG, avait déclaré la demande non fondée ; que sur appel de la partie défenderesse en cassation B), la Cour a, par réformation, dit fondée en principe sur la base contractuelle la demande dirigée contre le demandeur en cassation, confirmant le rejet de la demande dirigée contre les autres parties ;
Sur les premier et deuxième moyens de cassation réunis :
tirés, le premier, « de la violation de l'article 65 du Nouveau code de procédure civile établissant le principe de la contradiction.
L'article 65 du NCPC prévoit que faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties, que si elles ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations. » Cet article a été violé en ce que les juges d’appel ont dit l’appel incident de Monsieur A) irrecevable par le motif suivant :
intérêt à obtenir la réformation du jugement entrepris. Il est cependant de principe qu'on ne peut pas plus former appel incident qu'un appel principal contre les motifs d'un jugement (…) », Attendu que la Cour d'appel a donc soulevé d'office ce moyen d'irrecevabilité de l'appel incident interjeté par Monsieur A), Que la Cour aurait dû inviter les parties à conclure sur ce point, Qu'elle s'est abstenue de cette obligation, Qu'elle a donc privé Monsieur A) de prendre position quant à la recevabilité de son pourvoi incident, Qu'il y a eu violation du principe du contradictoire, Que la décision de la Cour encourt cassation sur ce point. » ;
le deuxième, « de la violation de l'article 10 bis (1) de la Constitution, de l'article 578 du Nouveau code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention Européenne de Droits de l'Homme Attendu que l'article 10bis. (1) de la Constitution dispose que :
Attendu que l'article 578 du NCPC prévoit que ouverte en toute matière, même gracieuse, contre les jugements de première instance s'il n'en est disposé autrement. » Attendu que l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dispose que :
dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle », Que la Cour d'appel a violé ces articles en décidant que :
intérêt à obtenir la réformation du jugement entrepris. Il est cependant de principe qu'on ne peut pas plus former appel incident qu'un appel principal contre les motifs d'un jugement (…) », Attendu que le Nouveau code de procédure civile prévoit le principe du double de degré de juridiction qui permet au justiciable de voir réexaminer sa demande par une juridiction du second degré, Attendu que la juridiction d'appel a dit irrecevable l'appel incident de Monsieur A) pour voir réformer la motivation des juges de première instance qui ont retenu un geste inapproprié dans sa motivation sans pour autant le condamner, Que Monsieur B) a interjeté appel, en se fondant, entre autre, sur cette motivation, Que s'il est vrai qu'un appel principal est entrepris à l'encontre du dispositif d'une décision de justice, les motifs qui en sont le soutien, sont également objet de l'appel, Qu'un appel est entrepris juridiquement contre le dispositif et les motifs, si le seul dispositif était appelé, il y aurait libellé obscur, Qu'en refusant le droit d'appel pour défaut d'intérêt au motif qu'en première instance une partie a eu gain de cause, les juges d'appel ont rompu l'égalité des parties à l'instance devant la loi dès lors qu'il y a réformation en appel et condamnation de la partie ayant eu gain de cause, Que la possibilité offerte d'organiser sa défense à l'encontre des arguments d'appel sans pouvoir remettre en cause des motifs défavorables, ne suffit pas à permettre l'effectivité du principe d'égalité et du double degré de juridiction pour toutes les parties à l'instance, Qu'en effet, Monsieur A) se voit opposer un geste inapproprié constaté en première instance qu'il ne peut remettre en cause en appel car Monsieur B) n'a pas interjeté appel contre ce motif et l'utilise aux fins de voir Monsieur A) condamner en instance d'appel, Qu'ainsi, la partie appelante, demanderesse en première instance, Monsieur B), se voit octroyer le droit à un double degré de juridiction alors que Monsieur A) se le voit refuser au motif qu'il a eu gain de cause en première instance, cependant, il est condamné en instance d'appel, Que c'est l'effectivité du droit à un double degré de juridiction dans le chef de l'une des parties qui est mise en cause, respectivement qui fait défaut, tout comme les droits de la défense, Que par la décision des juges d'appel, la demande de Monsieur B) est réinstruite par les juges d'appel en se fondant sur une motivation en la défaveur de Monsieur A), alors que ce droit est refusé à ce dernier, Qu’il y a donc violation du principe d’égalité devant la loi et des droits de la défense, du principe du double degré de juridiction dans le chef d'une partie à l'instance, alors qu'une partie à l'instance voit son droit d'interjeter appel effectif et qu'une autre en est privée pour se voir condamner, Que l'effectivité du double degré de juridiction joue seulement et uniquement pour une partie, Qu'il y a donc lieu à cassation pour ces motifs. » Attendu que les moyens tiennent grief aux juges d’appel d’avoir, en déclarant d’office irrecevable l’appel incident du demandeur en cassation et en le privant ainsi de la possibilité de remettre en cause des motifs défavorables contenus dans le jugement de première instance, violé le principe de la contradiction (premier moyen), ainsi que le principe d’égalité devant la loi, les droits de la défense et le principe du double degré de juridiction (deuxième moyen) ;
Attendu que si une partie intimée ne peut interjeter appel contre les motifs du jugement entrepris, elle peut cependant, sans former appel incident, reproduire en instance d’appel des moyens invoqués en première instance qui n’ont pas été retenus par les premiers juges ;
Attendu qu’il résulte de la motivation de l’arrêt attaqué que les juges d’appel ont tenu compte des moyens invoqués par le demandeur en cassation, intimé en instance d’appel, à l’appui de son appel incident, destinés à combattre une motivation des premiers juges en sa défaveur ;
Qu’en effet, la Cour d’appel, constatant que « l’intimé Dr A) conteste formellement que l’effraction de la lame papyracée soit à l’origine de la cécité de B), respectivement le seul facteur de cette cécité », a retenu que « cette contestation est sans objet alors que ni l’expert, ni la partie appelante ne soutiennent que l’effraction de la lame papyracée soit à l’origine de la cécité gauche de B), dans la mesure où l’appelant demande l’entérinement de la conclusion de l’expert suivant laquelle la brèche importante de la lame papyracée et de la périorbite ont causé la cécité, avec la circonstance que la fracture de la périorbite est à considérer comme un geste inapproprié » ;
D’où il suit que le deuxième moyen n’est pas fondé ;
Qu’il s’ensuit encore qu’une éventuelle violation de l’article 65 du Nouveau code de procédure civile n’a pas causé grief au demandeur en cassation, de sorte que le premier moyen est irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré de la « Violation de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme Que la Cour a encore violé cet article en ce qu'elle a écarté des débats des pièces versées par le demandeur en cassation au motif qu', Que la Cour n'a pas tenu compte des arguments du Docteur A) corroboré par des pièces produites à l'instance, Qu'il lui appartient d'ordonner toute mesure et de solliciter des explications, Qu'elle a manifestement violé l'article 6 de ladite convention alors que le Dr A) n'a pas été entendu, Que l'arrêt encourt cassation de ce chef. » Attendu que la Cour d’appel n’a pas écarté des débats des pièces versées par le demandeur en cassation, mais a dit que n’ayant aucune compétence en matière médicale, il ne lui appartient pas d’analyser et d’interpréter ces textes, et qu’elle doit s’en tenir aux conclusions de l’expert judiciaire, à défaut par le demandeur en cassation de produire un avis médical spécialisé et circonstancié qui aurait mis en doute les conclusions de l’expert judiciaire et aurait permis à la Cour d’ordonner une contre-expertise ;
Attendu que les juges du fond apprécient souverainement la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments de preuve leur soumis ; que sous le couvert du grief de violation de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le moyen ne tend qu’à remettre en cause cette appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation :
tiré de la « Violation de l'article 1142 du Code civil Attendu que l'article 1142 du Code civil dispose que :
intérêts, en cas d'inexécution de la part du débiteur ».
Attendu que les juges d'appel ont violé ce texte susvisé alors qu'ils ont dit que Monsieur B) et Que les juges d’appel ont qualifié l’intervention chirurgicale d’intervention de routine pour dire que l'obligation de sécurité était une obligation de résultat, Que le médecin a une obligation de soin qui est définie comme suit :
s'engage sinon à guérir le malade du moins à le soulager et à lui donner des soins consciencieux, attentifs et, réserve faite d'hypothèses exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science. Selon une autre formule, l'objet du contrat médical est le traitement du malade et non sa guérison, de sorte que le médecin ne promet pas de guérir, mais simplement de mettre en œuvre les moyens pour y arriver, donc de fournir des soins et des conseils » (La responsabilité civile des personnes privées et publiques, 3ème édition, Georges RAVARINI, p.671, n°656), Que entraînant que le patient qui entend engager la responsabilité du médecin doit rapporter la preuve d'une faute de celui-ci, d'un dommage et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage. L'acte médical est en effet intrinsèquement aléatoire ;
le risque lui est consubstantiel. (…). » (RAVARANI, Responsabilité Civile, 2ème édition, n°585).
Que l'obligation de soins est une obligation de moyen qui s'apprécie in abstracto (ibid), respectivement qui s'apprécie eu égard au comportement du médecin normalement prudent et diligent, Que le Docteur A) n'a pas violé son obligation de soins, Que le médecin est encore débiteur d'une obligation de sécurité, Que la jurisprudence luxembourgeoise a été amenée à préciser l'étendue de cette obligation de sécurité, Qu'ainsi, la Cour supérieure de justice rappelle, dans un arrêt du 1er avril 2009 préjudice est lié aux instruments utilisés, (et qu'il) s'agit d'une présomption de responsabilité dont le praticien ne peut se libérer qu'en prouvant l'existence d'une cause étrangère, comme le défaut de la chose, à l'exclusion de l'aléa thérapeutique (Jurisclasseur Civil, V Santé, Fasc.441 n°11).
Or, d'une part, si l'arrêt de la Cour de cassation française du 9 novembre 1999 auquel se réfèrent les premiers juges impose aux médecins une obligation de sécurité de résultat pour ce qui concerne les matériels qu'il utilise pour l'exécution de l'acte médical, le médecin n'est, aux termes dudit arrêt de cassation, tenu à indemnisation que dès lors que le patient établit que le matériel incriminé est à l'origine du dommage dont il sollicite réparation.
Par conséquent, si cet arrêt dispense le patient de prouver de la preuve d'une faute du médecin, il lui incombe cependant de prouver que le dommage qu'il subit procède d'un défaut du matériel utilisé, et par conséquent, de désigner la cause exacte du dommage.
L'attribution de la charge de cette preuve au patient trouve sa justification en ce que, mettre à la charge du médecin des dommages dont la cause est inconnue, reviendrait en fait à mettre en échec le principe que l'obligation de soins du médecin, formant l'objet du contrat médical est une obligation de moyens, principe néanmoins réaffirmé par l'arrêt de cassation.
Une seconde restriction à l'obligation de sécurité consacrée par l'arrêt de cassation français du 9 novembre 1999 découle du même souci de ne pas altérer la nature de l'obligation principale de soins du médecin qui est de moyen.
En effet, non seulement l'obligation de sécurité de résultat n'est envisagée par l'arrêt précité du 9 novembre 1999 que par rapport à l'innocuité du matériel employé, mais il résulte encore du libellé de l'arrêt que toute responsabilité sans faute - partant - doit être exclue dès lors que c'est l'acte médical proprement dit qui est en cause. » (Cour 01.04.2009, P.34, p.463 et 464, pièce n°4) Or que dans la présente espèce, l'expert judiciaire affirme :
paroi interne de l'orbite au niveau de la lame papyracée sont connus depuis le début de ce type d'intervention, cités par exemple dans - ’’Rare complications following ethmoidectomies : a report of eleven cases, Maniglia AJ, Chandler JR, Goodwin WJ Jr, Flynn J, Laryngoscope 1981 Aug. ; 91 (8): 1234-44’’, - (…).
La paroi osseuse en cause qui sépare les cellules ethmoïdales de la cavité orbitaire est extrêmement mince et fragile, comme l'indique sa dénomination (papyracée). L'effraction relève de l'aléa thérapeutique.
Il ne résulte pas d'une manipulation inappropriée des instruments chirurgicaux (…).
’’Il ne s'agit pas d'un risque courant mais d'un risque connu et habituellement sans conséquence. L'existence d'une telle brèche au niveau de la lame papyracée ne nécessite pas d'investigations complémentaires, en particulier dans le cas de Monsieur B) car cette brèche a été reconnue en per-opératoire et explorée endoscopiquement’’ (pièce n° 5).
Attendu qu’en effet, l’obligation de sécurité est relative au matériel utilisé et à la technique opératoire, et non à l’activité chirurgicale, Qu'en la présente espèce, le Docteur A) a usé de moyens conformes aux données acquises de la science (pièce n°5, p.6, dernier paragraphe), Que la Cour d'appel a inclus dans l'obligation de sécurité l'activité opératoire, Qu'en décidant ainsi, elle a violé l'article 1142 du Code civil et l'application jurisprudentielle qui en a été faite à propos de l'obligation de sécurité du chirurgien. » Attendu que la critique exprimée au moyen porte sur la qualification de l’acte chirurgical proprement dit, laquelle, pour ce qui est des conséquences subies par le défendeur en cassation B), relève, selon le demandeur en cassation, d’une fatalité, d’un aléa thérapeutique engendré par le risque accidentel inhérent à l’acte et qui ne pouvait être maîtrisé, de sorte que l’exécution technique de ce geste médical ne saurait fonder une quelconque responsabilité ;
Attendu que l’atteinte portée par un chirurgien à un organe ou une partie du corps du patient que son intervention n’impliquait pas est fautive en l’absence de preuve, qui lui incombe, d’une anomalie rendant cette atteinte inévitable ;
Attendu que les juges d’appel, après avoir, en vertu de leur pouvoir d’appréciation souverain, retenu que « Cet accident est manifestement imputable à l’activité médicale elle-même, alors qu’il ne résulte pas de l’expertise judiciaire que cet accident trouve son origine dans l’état antérieur de la victime ou dans une anomalie particulière non décelable de la victime ou dans une autre circonstance exceptionnelle », ont pu, sans violer la disposition visée au moyen, dire que « Le Dr A) a failli à son obligation de sécurité qui, au vu des circonstances de l’espèce et plus particulièrement au vu du fait que l’appelant a perdu son œil gauche à l’occasion d’une intervention chirurgicale de routine concernant un autre organe, est une obligation de résultat » ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen de cassation :
tiré de la « Violation de l'article 1151 du Code civil :
Attendu que l'article 1151 du Code civil dispose que tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n'est point par son dol que l'obligation n'est point été exécutée » Attendu que les juges d'appel ont violé ce texte susvisé en ce qu'ils ont dit que Monsieur B) et Que pour motiver leur décision, ils ont dit qu' médecin cause une blessure, ce seul fait démontre sa maladresse et engage sa responsabilité, sauf à lui de prouver une anomalie particulière ou circonstance exceptionnelle » (pièce n°2, page 9), Qu'en conséquence de quoi ils ont décidé que la cécité de l'œil gauche de Monsieur B) Qu'il a été décidé que la question de savoir si une faute constatée par le juge du fond se trouve en relation causale avec un préjudice de manière à engager la responsabilité civile de son auteur est une question de droit soumise au contrôle de la Cour de Cassation (Cass. 14 février 1974, Pasicrisie 22, page 371 et Cass. 27 février 1969, Pasicrisie 21, page 50).
Attendu que selon l'article 1151 du Code civil, intérêts ne doivent comprendre que ce qui est la suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention » (RAVARANI, Responsabilité Civile, 3ème édition, n°1001, 2ème paragraphe), Que selon la théorie de la causalité adéquate qui le dommage à celui de ses antécédents qui, normalement était de nature à le produire, à la différence d'autres antécédents du dommage du dommage, n'ayant entrainé celui-ci qu'en raison de circonstances exceptionnelles. Dans le cadre de cette théorie, il y a lieu de se demander, à propos de chaque événement dont l'intervention causale dans la réalisation d'un dommage est invoquée, si cet événement, dans un cadre habituel des choses et selon les expériences de la vie, entraine normalement tel effet dommageable (Cour d'appel, 25 mars 2005, n° 28774 du rôle). Pour ce faire, il faut plonger dans le passé et apprécier, par un objectif rétrospectif, si l'événement était de nature à entrainer, probablement, le dommage. » (RAVARANI, Responsabilité Civile, 3ème édition, n°999), Que dommage indirect, seul le préjudice direct étant réparable, précisément en raison du fait que seul ce préjudice peut être lié de manière causale à l'acte ou l'événement incriminé, la Cour a retenu que ’’le préjudice doit être la conséquence directe, la ’suite nécessaire’ (Potier) du fait et de l'acte dommageable. - Pour opérer le choix entre les divers antécédents du dommage, tracer une limite à la série causale, la méthode la plus simple consiste à examiner la continuité de l'enchaînement causal, du ’cheminement du mal’, selon l'expression d'un auteur (Dejean de la Batie in Aubry et Rau, n°393). Dès qu'un événement s'est interposé dans l'enchainement, une rupture est intervenue ; le dommage n'est pas réparable car il est indirect. (…) » (RAVARANI, Responsabilité Civile, 3ème édition, n°1001, p. 986, dernier paragraphe), Attendu que la perte de la vue de l'œil gauche de Monsieur B) est le résultat d'une atteinte du nerf optique (pièce n°5, page 9), Que le Docteur A) a opéré Monsieur B) pour une déformation de la cloison nasale vers la gauche, une hypertrophie des cornets inférieurs et moyens ainsi que des remaniements de sinusite chronique au niveau des sinus maxillaires gauche et droite, des sinus ethmoïdaux essentiellement antérieurs et postérieurs, ainsi que des obstructions des canaux naso-frontaux avec impact sur les sinus frontaux, Que le demandeur au pourvoi n'a pas blessé le nerf optique, Que la preuve d'une telle blessure fait défaut, et que le rapport d'expertise ne l'établit pas, Que le rapport retient justement que hypersignal du segment postérieur du nerf optique gauche qui témoigne d'une souffrance du nerf optique du type ischémique car le fond d'œil était normal sans signe de compression hématique. Quelle que soit l'étiologie de l'atteinte du nerf optique (compression aérique, ischémie secondaire ??) » (pièce n°5), Que par ailleurs, la cécité n'est intervenue que le lendemain de l'opération, Que le rapport d'expertise retient justement un intervalle libre entre le post opératoire lors duquel la fonction de l'œil gauche était effective et l'apparition de la cécité (pièce n°5, page 6 in fine), Que cet intervalle libre constaté par l'expert est de plus de vingt heures, Que toute personne opérée d'une ethmoïdectomie peut avoir une fracture de la lame papyracée et de la périorbite, sans pour autant perdre la vue d'un œil ou des deux, Qu'il y a eu rupture dans la chaine de causalité en raison de l'intervalle libre de plus de 20 heures, Qu'en omettant de tenir compte de ces éléments, et en rattachant aux actes du Docteur A) un dommage qui n'en est pas la conséquence directe, les juges du fond ont violé l'article 1151 du Code civil et le principe de la causalité adéquate, et ont déduit de l'existence d'un lien causal de motifs insuffisants contradictoires et erronés en négligeant l'absence de blessure au nerf optique par le demandeur en cassation et l'existence d'un long intervalle libre post opératoire, Qu'il échet de prononcer la cassation de l'arrêt pour violation de la loi. » Mais attendu que l’arrêt attaqué ne se prononce pas sur l’étendue du préjudice, mais arrête uniquement le principe d’une indemnisation sur base de la responsabilité contractuelle retenue ;
Attendu que l’article 1151 du Code civil, dont la violation est invoquée, est étranger au grief formulé au moyen ;
Que le moyen est irrecevable ;
Sur les indemnités de procédure :
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser entièrement à charge du défendeur en cassation B) les frais exposés non compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
Attendu que la condition d’inéquité n’est pas remplie dans le chef des parties défenderesses CAISSE NATIONALE DE SANTE et MUTUALITE DES EMPLOYEURS ; qu’elles sont à débouter de leurs demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation à payer au défendeur en cassation B) une indemnité de procédure de 2.000 euros ;
déboute les parties défenderesses en cassation CAISSE NATIONALE DE SANTE et MUTUALITE DES EMPLOYEURS de leurs demandes en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur en cassation aux dépens de l'instance en cassation, dont distraction au profit de Maîtres Monique WIRION et Jean MINDEN, sur leurs affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Monsieur Serge WAGNER, avocat général, et de Madame Viviane PROBST, greffier à la Cour.