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09/07/2015 | LUXEMBOURG | N°42/15

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 09 juillet 2015, 42/15


N° 42 / 2015 pénal.

du 9.7.2015.

Not. 24833/13/CC Numéro 3504 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, neuf juillet deux mille quinze, l’arrêt qui suit :

Entre :

X, née le (…), (…), demeurant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et :

le Ministère public, en présence des parties civiles :

1) A), n

ée le (…), et 2) B), né le (…), agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de ...

N° 42 / 2015 pénal.

du 9.7.2015.

Not. 24833/13/CC Numéro 3504 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, neuf juillet deux mille quinze, l’arrêt qui suit :

Entre :

X, née le (…), (…), demeurant à (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Eyal GRUMBERG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et :

le Ministère public, en présence des parties civiles :

1) A), née le (…), et 2) B), né le (…), agissant tant en leur nom personnel qu’en leur qualité d’administrateurs légaux de leur enfant commun mineur C), demeurant ensemble à (…), 3) D), née le (…), demeurant à (…), 4) la VILLE DE LUXEMBOURG, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, établi à L-2090 Luxembourg, 42, place Guillaume II, défendeurs en cassation, et de :

E), né le (…), demeurant à (…), défendeur en cassation.

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LA COUR DE CASSATION :

Vu l’arrêt rendu le 8 octobre 2014 sous le numéro 403/14 X par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil déclaré le 28 octobre 2014 par Maître Jessica JOVENET, en remplacement de Maître Eyal GRUMBERG, pour et au nom de X au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 25 novembre 2014 au co-prévenu E), aux parties civiles A), B), D) et VILLE DE LUXEMBOURG et au Parquet général, déposé le 27 novembre 2014 par Maître Eyal GRUMBERG pour et au nom de X au greffe de la Cour ;

Sur le rapport du conseiller Romain LUDOVICY et les conclusions du premier avocat général Jeannot NIES ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné X et E) au pénal du chef de diverses infractions à la législation en matière de circulation routière et de coups et blessures involontaires et, au civil, avait opéré un partage de responsabilité entre les deux prévenus et statué sur les différentes demandes civiles ; que sur appel, la Cour d’appel, réformant, a, au pénal, acquitté E) des préventions en relation avec les demandes civiles et, au civil, a dit que X est seule responsable des suites dommageables de l’accident et a confirmé le jugement de première instance pour le surplus ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation de l'article 9 bis de la loi modifiée du 14 février 1955 qui prévoit que : , 2 En ce que l'arrêt de la Cour d'appel de et à Luxembourg du 8 octobre 2014 déclare que .

En ce que l'arrêt de la Cour d'appel de et à Luxembourg omet de préciser en quoi les dommages causés aux parties civiles résultent de façon exprès d'un défaut de prévoyance ou de précaution dans le chef de la partie demanderesse en cassation, Alors qu'il est prévu par l'article 9 bis de la loi modifiée du 14 février 1955 que la Cour doit apprécier si les coups et blessures alléguées résultent du défaut de prévoyance ou de précaution reproché, Alors qu'en l'espèce, la Cour d'appel de et à Luxembourg se borne à affirmer que Madame X a mis en danger les autres usagers de la route sans préciser en quoi ce comportement a causé un dommage aux personnes et aux biens, Alors qu'au regard des éléments de la cause, il n'existe aucun lien de causalité entre l'infraction reprochée et les dommages allégués, Alors que Madame X aurait donc dû être acquittée » ;

Mais attendu qu’avant de venir à la conclusion citée au moyen, les juges d’appel ont retenu que « Soudainement, après avoir traversé la moitié du croisement, elle bifurqua à gauche, en direction de la place de l’Etoile, coupant la trajectoire à E). » et « Par l’effet du choc, le véhicule conduit par E) fut projeté en direction de plusieurs piétons, se trouvant en face et à hauteur de l’établissement « Brasserie du Parc » sis au 26 de l’avenue Emile Reuter, leur causa des blessures et finit sa course contre un poteau de signalisation. » ;

Que les juges du fond ont ainsi correctement constaté l’existence du lien de causalité requis entre le défaut de prévoyance et de précaution retenu à charge de la demanderesse en cassation et les coups et blessures causés aux autres usagers de la route, sans encourir le reproche d’une violation de la disposition visée au moyen ;

Que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens de cassation réunis :

tirés, le deuxième, « de la violation de l'article 6, alinéa 2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme lequel prévoit que » ;

tiré « de la violation du principe général de droit découlant des dispositions de l'article 6§2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, à savoir que le doute profite à l'accusé, 3 En ce que la Cour d'appel n'a, tout comme la juridiction de première instance, prêté aucune crédibilité aux déclarations de la prévenue et a, au contraire, maintenu une foi absolue dans les attestations du témoin B) et du co-

inculpé E) tout en écartant les contradictions manifestes relatives à celles-ci ainsi qu'à son comportement lors de l'occurrence des faits, Alors que l'article 6§2 de la Convention Européenne des Droits de l'homme entérine le principe de la présomption d'innocence. En l'espèce, les éléments du dossier répressif laissaient subsister un doute raisonnable quant à la culpabilité de Madame X, ce qui aurait dû résulter dans l'acquittement de l'appelante ;

Alors que l'arrêt attaqué a, après avoir retenu que répressif, notamment du témoignage de B) et de D), que de E) (…) » a remis en doute la véracité des témoignages au profit de E) compte tenu du fait que Alors que l'arrêt attaqué fait profiter du doute établi à l'un des inculpés et non à l'autre, Alors que l'arrêt attaqué ne tire donc pas les mêmes conséquences des mêmes circonstances au profit des deux inculpés, Alors qu'en n'acquittant pas Madame X pour cause de doute, l'arrêt a violé, par fausse interprétation, sinon par fausse application, les dispositions de l'article 6.2 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, ainsi que le principe général de droit en découlant à savoir qu'en matière pénale, la présomption d'innocence induit nécessairement que le doute profite à l'accusé, Alors qu'ainsi l'arrêt attaqué aurait dû déclarer fondé dans son intégralité l'appel interjeté par Madame X en constatant qu'il n'était pas établi à l'exclusion de tout doute que Madame X avait heurté les victimes de l'accident et aurait partant dû l'acquitter » ;

le troisième « de la violation de l'article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme qui garantit le droit à un procès équitable disposant que », 4 première branche, « En ce que l'arrêt a conclu à une responsabilité intégrale et exclusive de Madame X dans la réalisation du dommage, sans faire droit à une exonération, du moins partielle, et sans retenir par conséquent un partage de responsabilités entre le sieur E) et la dame X ;

Alors que l'arrêt accorde à des comportements fautifs de Monsieur E) et de Madame X – manœuvre dangereuse et excès de vitesse - un sort diamétralement opposé, en le qualifiant de faute dans le chef de Madame X pour voir engager sa responsabilité, d'une part, et en faisant tout simplement abstraction dans le chef de Monsieur E) lorsqu'il s'agit de statuer sur l'exonération de Madame X, le principe du procès équitable étant violé de façon flagrante, la qualification de faute connaissant un sort opposé dans le cadre d'un même procès. » ;

deuxième branche, « En ce que la Cour d'appel n'a accordé aucun crédit aux dépositions de Madame X mais a accordé crédit uniquement au témoin et au co-inculpé et a tout simplement entériné les dépositions du co-inculpé qui sont en partie contraires aux éléments matériels contenus dans le dossier, Alors qu'en motivant cette condamnation par la seule constatation que les infractions retenues à charge de X en première instance sont partant à confirmer dans leur intégralité » Alors que ce type de motivation par simple affirmation constitue en réalité un cas d'absence de motifs, pareils motifs se bornant à reprendre le dispositif sous une autre forme ; qu'elle vaut violation de l'article 89 de la Constitution, de l'article 6, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 195 du Code d'instruction criminelle, en combinaison avec l'article 222 du même Code. » ;

Mais attendu que sur base des éléments de fait du dossier, et notamment des témoignages recueillis en cause, dont l’appréciation relève de leur pouvoir souverain, les juges d’appel ont retenu par une motivation exhaustive qu’il subsistait un doute quant à la prévention de vitesse dangereuse selon les circonstances libellée à charge de E), tandis que les préventions retenues à charge de X par les juges de première instance étaient établies, de sorte que l’accident était imputable aux seules fautes de cette dernière, et ils ont pu se déterminer ainsi sans violer les dispositions visées aux moyens, l’article 222 du Code d’instruction criminelle, qui détermine les règles de procédure applicables aux chambres criminelles des tribunaux d’arrondissement, étant par ailleurs étranger au litige ;

Que les deux moyens ne sont partant pas fondés ;

Sur le quatrième moyen de cassation, première branche :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce des articles 1382 et 1383 du Code civil, qui posent les principes en matière de responsabilité civile délictuelle et quasi-délictuelle et régissent les conditions de mise en œuvre de cette responsabilité de même que les causes et conditions d'exonération ;

En ce que l'arrêt a conclu à une responsabilité intégrale et exclusive de Madame X dans la réalisation du dommage, sans faire droit à une exonération, du moins partielle, et sans retenir par conséquent un partage de responsabilités entre le sieur E) et la dame X, Alors que l'arrêt, tout en affirmant que le sieur E) roulait sans lunettes et alors que deux témoins attestent qu'il roulait excessivement vite, il a partant commis une faute causale exonératoire et la Cour n'en tire pas les conséquences légales qui s'imposeraient au regard notamment des articles 1382 et 1383 du Code civil, c'est-à-dire une exonération partielle de Madame X et un partage de responsabilités entre Monsieur E) et Madame X » ;

Mais attendu que sous le couvert du grief de la violation des dispositions visées au moyen, celui-ci ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine par les juges du fond de la relation causale du non-port des lunettes par E) avec la réalisation de l’accident et celle de la preuve de l’excès de vitesse lui reproché ;

Que le moyen ne saurait être accueilli en sa première branche ;

deuxième branche :

tiré « de la violation sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce de l'article 1384 du Code civil, En ce que la Cour se déclare incompétente pour statuer sur les demandes civiles du fait de l'acquittement au pénal de Monsieur E), Alors que la Cour ayant retenu une faute pénale à l'encontre de Monsieur E), les demandes civiles dirigées contre lui étaient recevables, l'acquittement n'étant que partiel, Alors qu'au regard de l'article 1384 du Code civil, le lien de causalité entre la faute commise et la survenance du dommage est présumée lorsque la chose sous sa garde qui est intervenue matériellement dans le dommage tait en mouvement au moment de cette intervention, Alors que véhicule de Madame X n'est jamais entré en contact direct avec les victimes, Alors que seul le véhicule de Monsieur E) en mouvement est entré en contact avec les parties civiles et leur a causé un dommage, 6 Alors qu'ainsi il ne pouvait civilement s'exonérer que par la preuve d'une cause étrangère revêtant les caractères de la force majeure » ;

Mais attendu que l’article 1384 du Code civil est étranger au litige pour ne pas avoir été appliqué par la juridiction répressive ;

Que le moyen est irrecevable en sa deuxième branche ;

troisième branche :

tiré « de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce de l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, telle qu'elle a été modifiée, qui dispose notamment que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement » ;

tiré « de la violation, sinon de la fausse application de la loi, en l'espèce de l'article 89 de la Constitution, qui dispose que tout jugement est motivé, En ce que l'arrêt a conclu à une responsabilité intégrale et exclusive de Madame X dans la réalisation du dommage, sans faire droit à une exonération, du moins partielle, et sans retenir par conséquent un partage de responsabilités entre le sieur E) et la dame X, Alors que l'arrêt omet tout simplement d'expliquer et de motiver explicitement pourquoi elle parvient à la solution d'une responsabilité à 100 % de la dame X au vu des éléments factuels et objectifs du dossier mais se borne à établir que » ;

Mais attendu qu’en déduisant la responsabilité exclusive de la demanderesse en cassation dans la genèse et les suites dommageables de l’accident, d’une part, de la condamnation au pénal de celle-ci du chef des préventions retenues à sa charge et, d’autre part, de l’acquittement du co-prévenu E) des préventions ayant trait à la survenance de la collision, ainsi que de l’absence de relation causale de celle du non-port des lunettes, retenue à sa charge, avec la réalisation de l’accident, la Cour d’appel a motivé sa décision sur le point considéré ;

Que le moyen n’est pas fondé en sa troisième branche ;

Par ces motifs :

rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le Ministère public étant liquidés à 8,25 euros.

7 Ainsi jugé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, neuf juillet deux mille quinze, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Christiane RECKINGER, premier conseiller à la Cour d’appel, qui ont signé le présent arrêt avec le greffier en chef Lily WAMPACH.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Monsieur Jeannot NIES, premier avocat général et de Madame Lily WAMPACH, greffier en chef de la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 42/15
Date de la décision : 09/07/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2015-07-09;42.15 ?

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