N° 5 / 14.
du 23.1.2014.
Numéro 3278 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-trois janvier deux mille quatorze.
Composition:
Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, conseiller à la Cour de cassation, Danielle SCHWEITZER, conseiller à la Cour d’appel, Jeanne GUILLAUME, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
Entre:
1)A.), demeurant à L-(…), (…),(…), 2)la société à responsabilité limitée SOC1.), établie et ayant son siège social à L-(…), (…), (…), représentée par son gérant actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B (…), demandeurs en cassation, comparant par Maître Roy REDING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
B.), demeurant à L-(…), (…), (…), défendeur en cassation.
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LA COUR DE CASSATION :
Vu l’arrêt attaqué rendu le 31 octobre 2012 sous le numéro 37539 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, première chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 22 mai 2013 par A.) et la société à responsabilité limitée SOC1.) à B.), déposé au greffe de la Cour le 3 juin 2013 ;
Sur le rapport du conseiller Irène FOLSCHEID et sur les conclusions du procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES ;
Sur les faits :
Statuant sur une demande de A.) et de la société à responsabilité limitée SOC1.) tendant à la résiliation aux torts de B.) du compromis de vente conclu entre parties avec allocation de dommages et intérêts, et sur une demande reconventionnelle de B.) en résolution du compromis aux torts de A.) et en condamnation solidaire, sinon in solidum de A.) et de la société à responsabilité limitée SOC1.) à lui payer des dommages et intérêts, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg avait dit la demande principale non fondée, la demande reconventionnelle partiellement fondée, avait prononcé la résolution judiciaire du compromis de vente aux torts de A.) et avait condamné ce dernier à payer à B.) la somme de 25.000.- euros ; que sur appels, principal et incident, la Cour d'appel a confirmé le jugement entrepris ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application ou mauvaise interprétation de l'article 215 alinéa 2 du Code civil, en ce que les juges d'appel ont confirmé l'application de la protection prévue à l'article 215 alinéa 2 du Code civil à l'immeuble objet du compromis de vente et confirmé que l'accord de l'épouse de A.) pour la conclusion du compromis était dès lors exigé, au motif que l'immeuble constituait le logement de la famille et demeurait protégé même en cas de séparation de fait ou d'instance en divorce, alors que l'immeuble objet du compromis ne constituait pas le logement de la famille et n'était donc pas soumis à la protection prévue à l'article 215 alinéa 2 du Code civil, que le consentement de l'épouse de A.) n'était nullement requis pour la conclusion du compromis. » 2Mais attendu que le logement de famille au sens de l’article 215, alinéa 2, du Code civil, ne perd pas cette qualité en cas de séparation de fait des époux ou d’instance en divorce ;
que c’est donc à juste titre que les juges du fond ont retenu l’application de l’article 215, alinéa 2, du Code civil à l’immeuble, objet du compromis de vente ;
qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation, sinon du refus d'application, sinon de la mauvaise application ou mauvaise interprétation de l'article 215 alinéa 2 du Code civil, en ce que les juges d'appel ont confirmé la résolution du compromis aux torts de A.) à la demande de B.), au motif que l'immeuble constituait le logement de la famille et que A.) ne s'était pas assuré le consentement de son épouse, alors que, même à supposer que l'appartement litigieux constitue le logement de la famille, la seule sanction prévue par l'article 215 alinéa 2 du Code civil, lorsqu'un époux ne s'est pas assuré du consentement de son conjoint, réside dans une action en nullité ouverte à l'époux qui devait donner son consentement et non dans la résolution du contrat à la demande du co-contractant. » Vu l’article 215, alinéa 2, du Code civil ;
Attendu que, selon cette disposition légale, celui des époux qui n’a pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation ; que cette nullité est une nullité relative, ne pouvant être invoquée que par l’époux non vendeur ;
Attendu qu’en retenant que « c’est, partant, à juste titre que le tribunal, s’emparant des dispositions de l’article 215, alinéa 2, du code civil, a considéré que l’accord de l’épouse pour la conclusion du contrat était exigé, avec les conséquences qui en découlent dans le cas d’espèce et, notamment, la résolution du compromis aux torts de A.) … » et en transformant ainsi la nullité relative que l’article 215, alinéa 2, du Code civil prévoit au profit de l’époux non consentant à la vente en droit pour l’acheteur de demander la résolution de cette vente, la Cour d’appel a violé la disposition susvisée ;
d’où il suit que l’arrêt encourt la cassation ;
Par ces motifs :
casse et annule l’arrêt rendu le 31 octobre 2012 par la Cour d’appel, première chambre, siégeant en matière civile, sous le numéro 37539 du rôle ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt attaqué et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel, autrement composée ;
condamne le défendeur en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Roy REDING, sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d'appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de l’arrêt annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, premier avocat général, et de Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.