N° 56 / 13. du 11.7.2013. Numéro 3222 du registre. Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, onze juillet deux mille treize. Composition:
Georges SANTER, président de la Cour, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Monique BETZ, conseiller à la Cour de cassation, Valérie HOFFMANN, conseiller à la Cour d’appel, Elisabeth WEYRICH, conseiller à la Cour d’appel, Jeanne GUILLAUME, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
Entre:
X.), demeurant à L-(…), (…), (…), (appartement sis au 2e étage), demanderesse en cassation, comparant par Maître Ana ALEXANDRE, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu,
et:
Y.), demeurant à L-(…), (…),(…), (appartement sis au 1er étage), défendeur en cassation.
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LA COUR DE CASSATION : Sur le rapport du président Georges SANTER et sur les conclusions du
procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES ; Vu l’arrêt attaqué rendu le 17 octobre 2012 sous le numéro 39034 du rôle
par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, deuxième chambre, siégeant
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en matière de référé ; Vu le mémoire en cassation signifié le 10 janvier 2013 par X.) à Y.), déposé
au greffe de la Cour le 11 janvier 2013 ; Sur les faits : Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, saisi d’une demande en fixation des
mesures provisoires dans le cadre d’une demande en divorce entre parties, le juge des référés auprès du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait, entre autres, condamné Y.) à payer à X.) un secours alimentaire mensuel d’appoint ; que sur appel de Y.), la Cour d’appel, par réformation, a dit que le juge des référés n’avait pas compétence pour connaître de la demande et a déchargé l’appelant de la condamnation au paiement d’une pension alimentaire ;
Sur le premier moyen de cassation : tiré « de la violation de l’article 54 du Nouveau code de procédure civile
qui dispose que << Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé >>, en ce que la juridiction d’appel a statué sur l’applicabilité au litige de l’article 267 bis, alinéa 1er du Code civil, alors que la partie appelante Y.) n’a à aucun moment dans son acte d’appel du 17 novembre 2011, que ce soit dans la motivation ou dans le dispositif de celui-ci, critiqué la compétence du juge des référés divorce pour fixer les mesures provisoires durant l’instance de divorce en raison du non dépôt par Madame X.) de la demande en divorce au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg au moment où le juge des référés était appelé à statuer sur les mesures provisoires applicables durant l’instance de divorce des époux Y.) – X.), de sorte que la Cour d’appel aurait dû déclarer cette demande irrecevable et ne pas statuer sur ce nouveau moyen de droit. En statuant sur ce nouveau moyen de droit, non consigné dans l’acte d’appel, la Cour a violé la loi » ;
Attendu que la Cour d’appel ne s’est pas prononcée sur ce qui n’a pas été
demandé, mais a statué sur une exception d’incompétence du juge du premier degré, qui est de nature procédurale et d’ordre public ;
D’où il suit que le moyen tiré de la violation de l’article 54 du Nouveau
code de procédure civile est étranger à la décision attaquée ; Qu’il est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation : tiré « de la violation par la Cour d’appel de l’article 64 du Nouveau code de
procédure civile qui dispose que << Les parties doivent se faire connaître
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mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense », en ce que la juridiction d’appel a fait application dans le litige de l’article 267bis, alinéa 1er du Code civil, alors que la violation de cette disposition par le juge des référés divorce n’était pas invoquée par Monsieur Y.) dans son acte d’appel du 17 novembre 2011, de sorte que contrairement à l’article 64 du Nouveau code de procédure, et en violation de la loi, la Cour d’appel a statué sur un moyen de droit nouvellement invoqué par Monsieur Y.) le jour des débats et non communiqué au préalable à la partie intimée » ;
Mais attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que le moyen
d’incompétence du juge des référés a été soulevé à l’audience de la Cour d’appel par le défendeur en cassation, et que la demanderesse en cassation a pris position en faisant valoir qu’une affaire de divorce avait été introduite par assignation, aucune disposition n’imposant le dépôt de l’assignation au greffe dans un délai précis ;
Qu’une atteinte aux droits de la défense, au motif que le moyen n’aurait pas
été communiqué en temps utile, n’a pas été soulevée par la demanderesse en cassation devant les juges d’appel ;
Qu’une violation de l’article 64 du Nouveau code de procédure civile ne
saurait être reprochée au juge du fond que s’il a été invité à statuer sur un moyen d’une partie invoquant le respect des droits de la défense ou critiquant une violation de ces droits ;
Attendu que le moyen est dès lors nouveau en instance de cassation, et que,
mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ; Sur le troisième moyen de cassation : tiré « de la violation de l’article 267bis, alinéa 1er du Code civil (loi du 15
mars 1993) qui dispose que : << Le président statuant en référé, le Ministère public entendu, connaît en tout état de cause, dès le dépôt de la demande en divorce au greffe, des mesures provisoires relatives à la personne, aux aliments et aux biens, tant des parties que des enfants. Dans l’intérêt des enfants mineurs, le juge peut tenir compte des sentiments exprimés par eux dans les conditions de l’article 388-1. (Loi du 27 juillet 1997) >>, en ce que la juridiction d’appel a considéré qu’au moment où le juge des référés divorce était appelé à statuer sur la demande en pension alimentaire personnelle de Madame X.), aucune demande en divorce n’avait été déposée au greffe du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, de sorte que le juge des référés n’avait pas compétence pour apprécier cette demande, alors qu’au jour où la juridiction d’appel a statué (le 17 octobre 2012), le tribunal d’arrondissement de Luxembourg était déjà saisi de la demande en divorce, de sorte que la Cour d’appel, statuant en matière de référé-divorce en appel, aurait dû se déclarer compétente pour statuer sur le bienfondé de la demande de pension alimentaire formulée par Madame X.) et sur la condamnation de Monsieur Y.) au paiement de celle-ci prononcée par la juridiction de première instance » ;
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Mais attendu que la Cour d’appel a réformé l’ordonnance entreprise et
retenu que le juge des référés n’avait pas compétence pour connaître de la demande de référé, en constatant que la demande en divorce n’avait pas été déposée au greffe du tribunal d’arrondissement ;
Qu’en considérant la date du dépôt de la demande en divorce, non au regard
de la date à laquelle elle a statué sur l’appel, mais au regard de la décision de première instance, la Cour d’appel a correctement appliqué l’article 267bis (1) du Code civil, qui impose, pour fonder la compétence du juge des référés, la condition du dépôt préalable d’une demande en divorce au greffe du tribunal d’arrondissement ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Sur le quatrième moyen de cassation : tiré « de la violation de l’article 267bis, alinéa 1er du Code civil (loi du 15
mars 1993) qui dispose que << Le président statuant en référé, le Ministère public entendu, connaît en tout état de cause, dès le dépôt de la demande en divorce au greffe, des mesures provisoires relatives à la personne, aux aliments et aux biens, tant des parties que des enfants. Dans l’intérêt des enfants mineurs, le juge peut tenir compte des sentiments exprimés par eux dans les conditions de l’article 388-1. (Loi du 27 juillet 1997) >>, en ce que la juridiction d’appel a statué sur le mérite de l’appel interjeté en date du 17 novembre 2011 par Monsieur Y.), sans avoir préalablement entendu le Ministère public en ses conclusions, comme le prévoit expressément la disposition précitée, de sorte qu’en procédant de la sorte, elle a violé la loi » ;
Mais attendu que l’article 183 du Nouveau code de procédure civile, tel que
modifié par la loi du 25 juin 2004 ayant pour objet d’augmenter le taux de compétence en premier et dernier ressort des justices de paix et de modifier certaines dispositions du Nouveau code de procédure civile, dispose que :
« Seront communiquées au procureur d’Etat les causes suivantes :
…
2) celles concernant l’état des personnes, à l’exception des causes de
divorce et de séparation de corps, … » ; Qu’au regard des principes d’application de la loi dans le temps, cette
modification législative abroge implicitement mais nécessairement la disposition visée de l’article 267bis (1) du Code civil ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
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Par ces motifs :
rejette le pourvoi ; condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, premier avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.