N° 10 / 13.
du 7.2.2013.
Numéro 3116 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept février deux mille treize.
Composition:
Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, présidente, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Monique BETZ, conseiller à la Cour de cassation, Ria LUTZ, premier conseiller à la Cour d’appel, Théa HARLES-WALCH, conseiller à la Cour d’appel, Jeanne GUILLAUME, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
Entre:
1)X.), et son épouse 2)Y.), les deux demeurant ensemble à L-(…),(…),(…), demandeurs en cassation, comparant par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
Z.), demeurant à L-(…), (…), (…), en sa qualité de liquidateur de la société anonyme SOC1.) ;
défendeur en cassation, comparant par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport du conseiller Edmée CONZEMIUS et sur les conclusions du premier avocat général John PETRY ;
Vu l’arrêt attaqué rendu le premier décembre 2011 sous le numéro 35296 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 2 mars 2012 par X.) et Y.) à Z.), déposé au greffe de la Cour le 14 mars 2012 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 24 avril 2012 par Z.) à X.) et à Y.) , déposé au greffe de la Cour le 2 mai 2012 ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait déclaré non fondée la demande des demandeurs en cassation en octroi de dommages-intérêts dirigée contre Z.), pour avoir, en sa qualité de liquidateur de la société anonyme SOC1.), procédé à la liquidation de la société nonobstant le fait que le délai de garantie décennale des articles 1792 et 2270 du Code civil n’avait pas expiré et qu’une provision suffisante pour couvrir le passif de la société n’avait pas été constituée ; que sur appel, la Cour d’appel a confirmé le jugement entrepris ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation des articles 1792 et 2270 du Code civil qui prévoient que :
par le vice du sol, les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage en sont responsables pendant dix ans » (article 1792), l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage sont déchargés de la garantie des ouvrages qu’ils ont faits ou dirigés après dix ans, s’il s’agit de gros ouvrages, après deux ans pour les menus ouvrages » (article 2270), en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a débouté les demandeurs en cassation du chef de leur demande en responsabilité dirigée contre Z.) en sa qualité de liquidateur de la société SOC1.), au motif qu’ clôturer la liquidation d’une société avant l’écoulement du délai de garantie décennale », et qu’ suspens jusqu’à l’expiration de ce délai », alors qu’en décidant ainsi, la Cour d’appel a, sans les viser expressément, méconnu les articles 1792 et 2270 du Code civil qui instituent une garantie décennale au profit du maître de l’ouvrage. » Mais attendu que Z.) n’a pas été actionné sur le fondement des articles 1792 et 2270 du Code civil, mais en sa double qualité de liquidateur et d’administrateur délégué de la société liquidée SOC1.) sur le fondement des articles 149 et 157 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales et sur la base délictuelle ;
Qu’en décidant « qu’aucune disposition légale ne prévoit une interdiction de clôturer la liquidation d’une société avant l’écoulement du délai de garantie décennale de l’entrepreneur, il n’a donc pas obligation de tenir la liquidation d’une société en suspens jusqu’à l’expiration de ce délai », la Cour d’appel n’a pas violé les dispositions citées ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 149 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales qui prévoit que , en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a débouté les demandeurs en cassation du chef de leur demande en responsabilité dirigée contre Z.) en sa qualité de liquidateur de la société SOC1.), au motif que réglée par la société SOC1.) envers X.) et Y.) avant la clôture de la liquidation n’est pas établie », alors qu’en décidant ainsi, la Cour d’appel a ajouté une condition qui n’est pas prévue par la loi » ;
Attendu que le moyen tel que libellé s’analyse en un défaut de base légale ;
Vu l’article 149 de la loi du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales ;
Attendu que la Cour d’appel, en se bornant à retenir que l’existence, ni d’un litige, ni d’une dette non réglée par la société SOC1.) envers les demandeurs en cassation, n’était établie avant la clôture de la liquidation, pour en conclure « une faute pour défaut de constitution d’une provision aux fins de couvrir un passif de la société ayant dû sinon pu être connu, n’est donc pas non plus à retenir à charge du liquidateur », sans rechercher si le liquidateur amiable ne devait pas anticiper, par la constitution d’une provision ou la conclusion de contrats d’assurance, l’obligation de réparer le préjudice découlant de la survenance de malfaçons, après la clôture de la liquidation, au cours du délai de la garantie restant à courir, les juges du fond n’ont pas donné de base légale à leur décision ;
D’où il suit que l’arrêt encourt la cassation ;
Sur l’indemnité de procédure :
Attendu qu’il est inéquitable de laisser à charge des demandeurs en cassation l’entièreté des frais exposés en instance de cassation et non compris dans les dépens ;
Que la Cour de cassation fixe l’indemnité de procédure à allouer aux demandeurs en cassation à la somme de 2.500 euros ;
Attendu que le défendeur en cassation ayant succombé dans le litige, il est à débouter de sa demande ;
Par ces motifs ;
casse et annule l’arrêt rendu le premier décembre 2011 par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile, sous le numéro 35296 du rôle ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;
condamne Z.) à payer à X.) et Y.) une indemnité de procédure de 2.500 euros ;
rejette la demande afférente de Z.) ;
condamne le défendeur en cassation aux frais de l’instance en cassation ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
La Lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame le conseiller Edmée CONZEMIUS, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, premier avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.