N° 64 / 12.
du 20.12.2012.
Numéro 3077 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt décembre deux mille douze.
Composition:
Georges SANTER, président de la Cour, Edmée CONZEMIUS, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, président de chambre à la Cour d’appel, Roger LINDEN, premier conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
Entre:
la société anonyme SOC1.), établie et ayant son siège social à L-(…), (…),(…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et:
la société SOC2.), établie et ayant son siège social à (…), (…), (…), agissant en qualité de trustee, défenderesse en cassation, comparant par Maître Denis VAN DEN BULKE, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport du conseiller Edmée CONZEMIUS et sur les conclusions du premier avocat général Jeanne GUILLAUME ;
Vu l’arrêt attaqué rendu le 11 mai 2011 sous le numéro 37175 du rôle par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, septième chambre, siégeant en matière d’appel de référé ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 10 novembre 2011 par la société anonyme SOC1.) à la société SOC2.), déposé au greffe de la Cour le 16 novembre 2011 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 9 janvier 2012 par la société SOC2.) à la société anonyme SOC1.), déposé au greffe de la Cour le 10 janvier 2012 ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 24 janvier 2012 par la société anonyme SOC1.) à la société SOC2.), déposé au greffe de la Cour le même jour ;
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
Attendu que la défenderesse en cassation soulève l’irrecevabilité du pourvoi pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la demanderesse en cassation qui aurait volontairement accordé mainlevée de la saisie-arrêt pratiquée le 27 décembre 2010 ;
Mais attendu que l’exécution d’une ordonnance de référé, exécutoire par provision, qui ne saurait être qualifiée de volontaire, n’entraîne pas la forclusion du droit de recours ;
Que le pourvoi est donc recevable ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le juge des référés du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait ordonné la mainlevée des effets de la seconde saisie-arrêt pratiquée par la société SOC1.) en vertu de l’autorisation présidentielle de saisir-arrêter du 5 décembre 2008 sous peine d’une astreinte de 10.000 euros par jour de retard ; que sur appel, la Cour d’appel a confirmé la décision entreprise ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « - de la violation de l’article 89 de la Constitution pour défaut de motif, sinon absence de réponse à conclusions ;
- du défaut de base légale ;
- de la violation, sinon de la fausse application de l’article 693 du Nouveau code de procédure civile, en ce que l’arrêt attaqué, a justifié sa décision en énonçant le principe qu’une autorisation présidentielle de faire saisie-arrêt ne vaudrait que pour une seule saisie et que, si le juge du fond a statué sur la demande en validation, cette autorisation cesserait ses effets de sorte que le créancier serait obligé, en l’absence d’un titre authentique ou privé, de s’adresser de nouveau au Président du Tribunal, mais sans avoir examiné si ce principe pouvait s’appliquer au cas où le juge du fond n’a pas statué sur le fond de la demande en validation de la saisie, alors qu’en l’espèce, le jugement du 22 décembre 2010 n’avait pas statué sur le bien-fondé de la saisie, mais s’était limité à déclarer que la saisie n’aurait pas été faite sur les comptes visés par l’ordonnance, et ainsi l’arrêt attaqué, n’ayant pas examiné ce point nonobstant les conclusions de la demanderesse en cassation, a (i) violé l’obligation contenue dans l’article 89 de la Constitution de motiver sa décision, (ii) motivé sa décision de manière insuffisante, et (iii) violé, sinon a fait une fausse application de l’article 693 du Nouveau code de procédure civile, qui permet au créancier de faire une saisie-
arrêt sur base d’une autorisation présidentielle, saisie qui selon le jugement du 22 décembre 2010 n’avait justement pas été faite. » Sur la recevabilité du moyen:
Attendu, selon la défenderesse en cassation, que le moyen est irrecevable pour se baser sur l’article 693 du Nouveau code de procédure civile, qui n’est pas en cause ;
Attendu, toutefois, qu’il appert de la lecture du moyen, que la demanderesse en cassation a entendu viser l’article 694 du même code ;
Que le moyen est donc recevable sous ce rapport ;
Attendu que le Ministère public se rapporte à prudence de justice sur la recevabilité du moyen qui invoque simultanément un moyen de forme et un moyen de fond ;
Attendu, selon l’article 10 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation, qu’un moyen en cassation ne doit, sous peine d’irrecevabilité, mettre en œuvre qu’un seul cas d’ouverture ;
Que le moyen articule, d’une part, une violation de l’article 89 de la Constitution qui sanctionne l’absence de motifs et l’absence de réponse à conclusions qui constituent un vice de forme, d’autre part, le défaut de base légale et la violation, sinon la fausse application de l’article 694 du Nouveau code de procédure civile ;
D’où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « - de la violation de l’article 2059 du Code civil et l’article 1 de la loi uniforme Benelux sur l’astreinte introduite par la Convention Benelux du 26 novembre 1973, en ce que l’arrêt attaqué, confirmant l’ordonnance du 4 mars 2011 a ordonné la mainlevée de la saisie-
arrêt pratiquée par la demanderesse en cassation entre ses propres mains sous peine d’une astreinte de 10.000 Euros par jour de retard à partir du prononcé de l’ordonnance en justifiant cette décision par le motif que , alors même que suivant la formule de la Cour de Justice Benelux énoncée dans deux arrêts du 24 mai 2004, (…) c/ (…) et (…) c/(…) le texte de l’article 2059 du Code civil luxembourgeois doit être compris, en ce sens que toute injonction à l’égard d’une partie de mettre une somme d’argent à disposition d’une autre partie est à considérer comme une condamnation principale au sens de cet article, qui ne saurait être prononcé sous peine d’astreinte, de sorte qu’en décidant ainsi, l’arrêt a fait injonction à la demanderesse en cassation de payer à la défenderesse en cassation une somme d’argent sous peine d’astreinte, et a ainsi violé les textes sus-visés » ;
Mais attendu que les juges du fond, en assortissant d’une astreinte la condamnation à la mainlevée des effets de la saisie-arrêt, ont fait une juste application de la loi ;
Qu’il en suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Par ces motifs, rejette le pourvoi en cassation, condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation et en ordonne la distraction au profit de Maître Denis VAN DEN BULKE, avocat à la Cour, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Georges SANTER, en présence de Madame Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.