N° 10 / 12.
du 8.3.2012.
Numéro 2961 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit mars deux mille douze.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Nico EDON, président de chambre à la Cour d’appel, Marianne PUTZ, première conseillère à la Cour d’appel, Jérôme WALLENDORF, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.
E n t r e :
la société anonyme SOC1.), établie et ayant son siège social à L-(…), (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Pierre THIELEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :
1) A.) et son épouse 2) B.), demeurant ensemble à (…), (…), défendeurs en cassation, comparant par Maître Gérard A. TURPEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 3) C.), demeurant à L-(…), (…), défendeur en cassation, comparant par Maître Alex SCHMITT, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 4) D.), ayant fait le commerce sous la dénomination de (…), demeurant à L-(…), (…), défendeur en cassation.
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de la conseillère Léa MOUSEL et sur les conclusions du premier avocat général Jeannot NIES ;
Vu les arrêts attaqués rendus les 31 janvier 2008 et 7 octobre 2010 par la Cour d’appel du Grand-Duché de Luxembourg, neuvième chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous les numéros 30482, 30484 et 30511 du rôle ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 23 mars 2011 par la société anonyme SOC1.) à A.), B), C.) et D.), déposé le 12 avril 2011 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 12 mai 2011 par A.) et B.) à la société anonyme SOC1.), C.) et D.) déposé le 20 mai 2011 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 18 mai 2011 par C.) à la société anonyme SOC1.), A.), B.) et D.), déposé le 20 mai 2011 au greffe de la Cour ;
Sur les faits :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que, saisi par les époux A.)-B.) d’une demande en indemnisation du chef de vices, malfaçons et non-conformités des travaux de construction de leur maison dirigée contre D.), entrepreneur, C.), architecte et la société SOC1.) , société d’ingénieurs, le tribunal d’arrondissement a dit dans un premier jugement que les demandeurs ne sont pas forclos à agir sur le fondement des articles 1792 et 2270 du Code civil ; que dans un deuxième jugement ils ont condamné C.) à payer le montant de 3.750.- euros aux demandeurs et ont condamné C.), la société SOC1.) et D.) in solidum à leur payer le montant de 36.102,64 euros, chaque fois avec les intérêts légaux à partir du 25 février 2000 jusqu’à solde ; que le tribunal a dit que la part de responsabilité de C.), de la société SOC1.) et de D.) est de un tiers pour chacun ; que C.) et D.) ont relevé appel principal des deux jugements du tribunal d’arrondissement, la société SOC1.) appel principal et les époux A.)-B.) appel incident du deuxième jugement de ce tribunal ; que la Cour d’appel a, par arrêt du 31 janvier 2008, confirmé le premier jugement du tribunal d’arrondissement et a, quant aux appels dirigés contre le deuxième jugement, ordonné une expertise supplémentaire ; que, suite au dépôt du rapport d’expertise, elle a , par arrêt du 7 octobre 2010, dit non fondés les appels principaux dirigés contre le deuxième jugement et fondé l’appel incident des époux A.)-B.), confirmé le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité des trois appelants principaux dans la genèse des désordres affectant la maison d’habitation des époux et fixé la part de responsabilité de chacun des trois appelants pour le recours entre les co-auteurs in solidum ; que la Cour d’appel, réformant, a augmenté les montants indemnitaires alloués aux époux A.)-B.) ; qu’elle a finalement débouté les appelants principaux de leur demande en paiement d’une indemnité de procédure et les a condamnés à payer une indemnité de procédure aux époux A.)-B.) ;
Arrêt du 7 octobre 2010 Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de la loi pour fausse interprétation, sinon fausse application de celle-ci et plus particulièrement l’article 249 du Nouveau code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel ayant constaté que (arrêt page 6) :
2008, les parties appelantes (architectes, entrepreneur et bureau d’ingénieurs) persistent à contester toute responsabilité dans la genèse des désordres dont les intimés A.)-B.) demandent réparation.
Il n’y a pas lieu de revenir sur ce qui a définitivement été jugé aux termes du susdit arrêt », a décidé (page 8) que :
l’article 1792 du Code civil pose une présomption de responsabilité à charge des personnes qu’il vise, c’est-à-dire les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, qui ont l’obligation de concevoir et de réaliser un ouvrage exempt de vices, cette obligation s’analysant en une obligation de résultat, le maître de l’ouvrage n’ayant qu’à établir que l’existence du désordre … la responsabilité de l’appelant la SOC1.) (bureau d’ingénieurs) est également à analyser sur base de l’article 1792 du Code civil.
(…) », alors que la Cour d’appel, en retenant la responsabilité objective de l’ingénieur en se référant à la motivation de l’arrêt du 31 janvier 2008 a violé la loi pour contradiction des motifs alors que précisément, l’arrêt avant dire droit du 31 janvier 2008 analyse la responsabilité de l’ingénieur sous l’angle de la faute » ;
Mais attendu que la contradiction des motifs incriminés doit exister au sein de la même décision ;
Que le moyen vise une contradiction entre les motifs d’un arrêt avant dire droit et ceux de l’arrêt attaqué ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de la loi pour fausse interprétation, sinon fausse application de celle-ci et plus particulièrement des articles 1792 et 2270 du Code civil, en ce que la Cour d’appel ayant constaté que (arrêt page 6) :
charge des personnes qu’il vise, c’est-à-dire les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, qui ont l’obligation de concevoir et de réaliser un ouvrage exempt de vices, cette obligation s’analysant en une obligation de résultat, le maître de l’ouvrage n’ayant qu’à établir que l’existence du désordre », a décidé (page 8) que :
également à analyser sur base de l’article 1792 du Code civil. (…) ces éléments ayant amené la Cour à conclure à l’existence dans le chef du bureau d’ingénieurs de la mission de contrôler la mise en place effective du joint Kilcher, ce point ne saurait plus être remis en question par l’appelante SOC1.). La responsabilité de cette partie dans l’apparition des fissures, à l’exception de la fissure se situant entre la dalle de plafond et la maçonnerie, est donc également donnée», alors que la Cour d’appel, en rejetant l’appel au motif que la responsabilité du bureau d’ingénieurs, respectivement l’obligation de surveillance de l’ingénieur, s’analyse sous l’angle de l’obligation de résultat et partant en examinant uniquement l’existence d’un lien contractuel entre parties et l’existence du désordre pour déclarer la responsabilité établie sans avoir égard à l’existence d’une faute a violé la loi pour avoir fait une fausse application des articles 1792 et 2270 du Code civil » ;
Mais attendu que la Cour d’appel, après avoir souverainement constaté que la société d’ingénieurs SOC1.) était liée aux maîtres de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, qu’elle avait préconisé la mise en place du joint Kilcher, qu’elle avait à cet effet dressé les plans d’exécution et qu’elle avait pour mission de contrôler la mise en place effective du joint Kilcher, a pu dire que la société d’ingénieurs, compte tenu de sa participation aux travaux affectés de désordres, était, en application des articles 1792 et 2270 du Code civil, présumée responsable de ces désordres ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Arrêt du 31 janvier 2008 Sur l’unique moyen de cassation :
tiré « de la violation de la loi pour fautes d’interprétations, sinon fautes d’applications de celle-ci et plus particulièrement des articles 1792 et 2270 du Code civil, en ce que la Cour d’appel ayant constaté que (arrêt page 8) :
retiennent que l’article 1792 du Code civil est interprété comme posant une présomption de responsabilité à charge des personnes qu’ils visent, c’est-à-dire des architectes, des entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage, et qui relèvent que l’architecte comme entrepreneur a l’obligation de concevoir et de réaliser un ouvrage exempt de vices, cette obligation s’analysant en une obligation de résultats, le maître n’ayant à établir que l’existence du désordre », a décidé, page 8 que :
dispositifs de l’arrêt », a considérer que ce faisant, la Cour d’appel, par son arrêt du 31 janvier 2008 tranche dans le sens d’une responsabilité objective de l’ingénieur dans le cadre de l’exécution de son obligation de conseil et de surveillance, quod non, encore faudrait-il alors constater à titre subsidiaire qu’il s’agirait d’une violation des articles 1792 et 2270 du Code civil justifiant que la décision soit cassée.
Le recours dirigé contre l’arrêt du 31 janvier 2008, à le supposer fondé, devra entraîner la mise à néant de l’arrêt postérieur du 7 octobre 2010, contre lequel le pourvoi est également dirigé, en ce que la décision postérieure se fonde sur la motivation de l’arrêt du 31 janvier 2008. » Attendu qu’il résulte de la réponse au deuxième moyen dirigé contre l’arrêt de la Cour d’appel du 7 octobre 2010 que le moyen est à rejeter ;
Indemnité de procédure :
Attendu que les défendeurs en cassation n’ont pas justifié de la condition d’inéquité requise par l’article 240 du Nouveau code de procédure civile ;
Qu’ils sont dès lors à débouter de leur demandes en indemnité de procédure ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
rejette les demandes en indemnité de procédure des défendeurs en cassation ;
condamne la société anonyme SOC1.) aux dépens de l’instance en cassation et en ordonne la distraction au profit de Maîtres Gérard A. TURPEL et Alex SCHMITT, avocats à la Cour, sur leurs affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Madame Marie-Jeanne KAPPWEILER, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.