N° 54 / 11.
du 14.7.2011.
Numéro 2708 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze juillet deux mille onze.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Irène FOLSCHEID, présidente de chambre à la Cour d’appel, Jean-Claude WIWINIUS, président de chambre à la Cour d’appel, Roger LINDEN, conseiller à la Cour d’appel, Georges WIVENES, procureur général d’Etat adjoint, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.
E n t r e :
1) l’ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, ayant son siège au Ministère d’Etat à L-1352 Luxembourg, 4 rue de la Congrégation, représenté par son Ministre d’Etat, et pour autant que de besoin par son Ministre des Finances, ayant dans ses attributions l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines dont les bureaux sont établis à L-1352 Luxembourg, 3 rue de la Congrégation, 2) l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT ET DES DOMAINES, ayant ses bureaux à L-1651 Luxembourg, 1-3 avenue Guillaume, représentée par son directeur actuellement en fonction, demandeurs en cassation, comparant par Maître François KREMER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :
1) Maître Pierre FELTGEN, avocat, demeurant à L-1160 Luxembourg, 12-
14 boulevard d’Avranches, en sa qualité de curateur de la faillite de la société anonyme SOC1.), établie et ayant son siège social à L-(…),(…), immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro (…), 2) la société anonyme SOC1.), établie et ayant son siège social à L-(…), (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, 2 immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro (…), défendeurs en cassation, comparant par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
=======================================================
LA COUR DE CASSATION :
Revu l’arrêt du 18 février 2010 par lequel la Cour de cassation avait soumis à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« Les prestations de services effectuées par le propriétaire d’un bateau qui le met, contre rémunération, avec un équipage, à la disposition de personnes physiques à des fins de voyages d’agrément en haute mer par ces clients, peuvent-elles être exonérées au titre de l’article 15, paragraphe 5, de la sixième directive TVA 77/388/ CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – système commun de taxe sur le valeur ajoutée : assiette uniforme, si ces prestations sont considérées à la fois comme prestation de location de bateau et comme prestation de transport ? » Vu l’arrêt du 22 décembre 2010 par lequel la Cour de justice de l’Union européenne répondit à la question préjudicielle posée en les termes suivants :
« L’article 15, point 5, de la sixième directive 77/388/ CEE du Conseil du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur le valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, doit être interprété en ce sens que l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par cette disposition ne s’applique pas aux prestations de services consistant à mettre un bateau, contre rémunération, avec équipage, à la disposition de personnes physiques à des fins de voyages d’agrément en haute mer. » 3 Sur le deuxième moyen de cassation dirigé contre l’arrêt du 15 octobre 2008 rendu par la deuxième chambre de la Cour d’appel, moyen énoncé dans l’arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2010 :
tiré « de la violation de :
- l’article 43, paragraphe 1, sous i, deuxième tiret de la Loi sur la TVA, - de l’article 7.2. sous a) premier tiret du règlement grand-ducal du 16 juin 1999 relatif à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée des opérations à l’exportation en dehors de la Communauté, des livraisons intercommunautaires de biens et d’autres opérations (le « Règlement grand-ducal »), - de l’article 15, paragraphe 4 sous a) ainsi que de l’article 15, paragraphe 5 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (ci-après, la « 6ème Directive TVA « ), et tiré du manque de base légale et d’absence, insuffisance et contradiction de motifs, en ce que l’arrêt attaqué a déduit que les conditions permettant l’exonération de TVA en vertu de l’article 43, paragraphe 1, sous i, deuxième tiret de la Loi sur la TVA pour les prestations de location litigieuses étaient remplies dans le chef de la SOC1.) (prestataire de service), en ce que l’arrêt attaqué a cependant omis de définir la nature de la prestation de services effectuée par la SOC1.), alors que la qualification de la prestation de services effectuée par la SOC1.) est un préalable indispensable à la détermination du lieu de la prestation pour les besoins de la TVA et partant, du pays compétent pour décider de l’application d’une éventuelle exonération de la TVA, que les conditions d’exonération prévues par l’article 7.2. sous a) premier tiret du Règlement grand-ducal et par les articles 15, paragraphe 4 sous a) et 15, paragraphe 5 de la 6ème Directive TVA imposent un examen de l’utilisation effective du bateau dans le chef du preneur de service, qu’en procédant à une analyse globale de l’activité de la SOC1.) et aux prestations de services globalement effectuées par elle sans examiner (i) la nature exacte de la prestation effectuée par la SOC1.) et (ii) si dans l’exécution des différents contrats de location, le preneur avait navigué avec le bateau(…) en Haute Mer, dans le but de réaliser un transport rémunéré de personnes ou de biens, ou avait navigué avec le bateau (…) en Haute Mer dans le but de réaliser une activité commerciale, industrielle ou de pêche, l’arrêt viole les dispositions susvisées » ;
4 Vu l’article 15, point 5, de la sixième directive 77/388/ CEE du Conseil du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur le valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991, et l’article 43, paragraphe 1, sous i, deuxième tiret de la loi modifiée du 12 février 1979 relative à la taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu l’interprétation donnée par la Cour de Justice de l’Union européenne à la directive modifiée visée ;
Attendu dès lors qu’en annulant les bulletins d’imposition des années 1998 et 1999 et en réservant à la masse de la faillite de la société anonyme SOC1.) le droit de demander la condamnation de l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines au paiement de la somme de 70.891,33.- euros ainsi que des intérêts sur cette somme alors que l’exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l’article 15, point 5, de la sixième directive 77/388/ CEE du Conseil du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur le valeur ajoutée : assiette uniforme, telle que modifiée par la directive 91/680/CEE du Conseil, du 16 décembre 1991 ne s’applique pas aux prestations de services consistant à mettre un bateau, contre rémunération, avec équipage, à la disposition de personnes physiques à des fins de voyages d’agrément en haute mer, la Cour d’appel a violé les dispositions normatives susvisées ;
Que l’arrêt encourt la cassation ;
Par ces motifs :
casse et annule l’arrêt rendu le 15 octobre 2008 par la Cour d’appel, deuxième chambre, sous les numéros 29752 et 29753 du rôle ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d’appel, autrement composée ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de l’arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé :
5 dit que les dépens de l’instance en cassation sont à charge de la masse de la faillite de la société anonyme BACINO CHARTER COMPANY S.A. et en ordonne la distraction au profit de Maître François KREMER sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur Georges WIVENES, procureur général d’Etat adjoint et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.