N° 43 / 11.
du 24.6.2011.
Numéro 2859 du registre.
Audience publique extraordinaire de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du vendredi, vingt-quatre juin deux mille onze.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Eliane ZIMMER, première conseillère à la Cour d’appel, Théa HARLES-WALCH, conseillère à la Cour d’appel, John PETRY, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.
E n t r e :
X.), demeurant à L-(…), (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Sabrina MARTIN, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, e t :
1) la société anonyme de droit belge SOC1.) établie et ayant son siège social à B-
(…), (…) représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce comme suit Bruxelles n° (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) la société anonyme de droit belge SOC2.), anciennement établie et ayant eu son siège social à B-(…), (…), actuellement établie et ayant son siège social à B-(…), (…), (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce comme suit Bruxelles n° (…), défenderesse en cassation, en présence de :
Y.), demeurant à L-(…), (…).
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de la conseillère Léa MOUSEL et sur les conclusions du premier avocat général John PETRY ;
Vu le jugement attaqué rendu le 30 juin 2009 par le tribunal d’arrondissement de Diekirch, siégeant en matière civile et en instance d’appel dans la cause inscrite sous le numéro 14.437 du rôle ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 26 août 2010 par X.) à la société anonyme de droit belge SOC1.), à la société anonyme de droit belge SOC2.) ainsi qu’à Y.), déposé le 30 août 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 19 octobre 2010 par la société anonyme de droit belge SOC1.) à X.), déposé le 20 octobre 2010 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réplique signifié le 16 décembre 2010 par X.) à la société anonyme de droit belge SOC1.), à la SOC2.) et à Y.), déposé le 20 décembre 2010 au greffe de la Cour ;
Sur les faits :
Attendu, selon le jugement attaqué, que le tribunal de paix de Diekirch, statuant sur une demande en paiement dirigée par la société anonyme de droit belge SOC1.) et la société de droit belge SOC2.) contre X.) et à son épouse Y.), avait déclaré cette demande non fondée pour autant qu’introduite par la société de droit belge SOC2.), et fondée, jusqu’à concurrence d’une certaine somme, pour autant qu’introduite par la société anonyme de droit belge SOC1.) ; que sur appel de X.) et de Y.), le tribunal d’arrondissement de et à Diekirch, par réformation partielle, réduisit le montant de la condamnation ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation ou de la fausse application de la loi, en l’occurrence de la violation ou de la fausse application de l’article 1er de la loi luxembourgeoise modifiée du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur, respectivement de l’article 3 de la directive 93/13 du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs en ce que les juges du fond ont appliqué la loi belge au contrat de prêt à tempérament au détriment de la protection juridique conférée au consommateur par la loi luxembourgeoise ainsi que par la directive européenne n° 93/13 du 5 avril 1993.
S’agissant de la loi applicable au contrat de prêt du 20 juin 1997, la motivation des juges du fond est surprenante et dubitative dans la mesure où les juges d’appel considèrent à tort que « (…) le contrat de prêt a été signé en Belgique (St Vith) avec une société de droit belge, de sorte que conformément aux conclusions du premier juge « la loi belge est applicable au prêt litigieux, ce ci d’après les stipulations du contrat et en l’absence d’un élément permettant de conclure à l’applicabilité de la loi luxembourgeoise sur la protection du consommateur. » En outre, les juges d’appel poursuivent en considérant que «ce n‘est qu‘afin d’être complet que le Tribunal retient qu‘en cas d’applicabilité de la loi luxembourgeoise, les conditions générales, et notamment, les clauses applicables en cas de défaut de paiement, étant donné que même si les emprunteurs n‘ont pas spécialement signé les conditions générales de la société SOC2.), leur attention a néanmoins été attirée sur la clause précitée correspondant à la reproduction de la législation belge en raison du fait que cette clause a été imprimée en gras ».
Pourtant, force est d’admettre qu’aucune stipulation dans le contrat de prêt du 20juin 1997 ne fait référence à l’application du droit belge au contrat. A défaut de stipulations contractuelles, l’article 5 de la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles prévoit que les contrats de consommation sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, soit le Grand-Duché de Luxembourg.
Subsidiairement, le choix par les parties de la loi applicable, ce qui n’a pas été fait en l’espèce, ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle, notamment si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat (publicité au Grand-Duché de Luxembourg, remboursement des mensualités de 331,68.-€ sur un compte CCP au Grand Duché de Luxembourg appartenant à la société anonyme de droit belge SOC2.)…).
La seule clause figurant en gras sur la première page de l’offre de prêt à tempérament du 20 juin 1997 fait uniquement référence au fait qu’«il ne peut être exigé du consommateur d’autres frais ou indemnités que ceux qui ont été expressément convenus, à l’exception des indemnités et intérêts convenus en cas d’inexécution du contrat », sans autre précision quant au point de départ des intérêts de retard et quant à la base donnant lieu à cette prétendue indemnité de retard.
A toutes fins utiles, il convient de préciser que les emprunteurs ont signé le contrat de prêt à tempérament en mentionnant de manière manuscrite « lu et approuvé pour six cent dix mille francs à crédit », sans rien indiquer sur les intérêts de retard au taux de 9,5 % par an, de sorte que ladite clause en gras n’a manifestement pas été acceptée par les emprunteurs et ne leur est partant pas opposable.
Dans le contrat de prêt, l’obligation de payer les intérêts est une obligation indépendante appelant la mention de l’article 1326 du Code civil (cf. J. Cl., Droit Civil, art.1326, Fasc. 141, n° 16).
Il est de jurisprudence établie qu’« à dé’faut de mention manuscrite quant à des intérêts à payer à Y, 1‘acte signé par X ne saurait, à lui seul, valoir comme preuve que l’appelant (l’emprunteur) s‘est engagé à payer à l’intimé (la société SOC2.) les intérêts de retard que ce dernier est de tenu de payer à la banque (la société SOC2.) en cas de non paiements des échéances prévues au contrat ». (Arrêt civil de la Cour d’appel, 2e chambre, 28 juin 2006, N° 27393 du rôle).
En outre, la partie demanderesse en cassation n’a jamais eu connaissance ni reçu communication des conditions générales de vente invoquées par les deux sociétés de droit belge SOC2.) et SOC1.).
D’ailleurs, le document versé dans le cadre de la procédure par les deux sociétés de droit belge et intitulé « informations et conditions générales faisant partie intégrante de l’offre et du contrat de prêt » ne comporte ni signature comme le relève les juges du fond ni paraphe des emprunteurs de sorte que le document versé n’est certainement pas opposable au sieur X.).
C’est en méconnaissance de cause que les tribunaux de Diekirch ont admis un tel document à l’encontre du sieur X.).
Il aurait appartenu aux deux sociétés de droit belge de rapporter la preuve que les emprunteurs avaient connaissance et ont approuvé les conditions générales lors de la conclusion du contrat de prêt, ce qui ne fut pas le cas.
Dans la présente affaire, à défaut de stipulation contractuelle, la loi applicable au contrat de prêt est certainement la loi luxembourgeoise, alors qu’il s’agit d’un contrat de prêt à la consommation.
Dans l’hypothèse où la clause invoquée par les sociétés de droit belge SOC2.) et SOC1.) et retenue à tort par les juges du fond en cas de défaut de paiement devait être déclarée opposable à la partie demanderesse en cassation, quod non, cette dernière fait valoir que ladite clause est manifestement abusive.
Ladite clause litigieuse au point E.2. des conditions générales est reproduite ci-après pour les besoins de la cause uniquement:
« Un retard de huit jours permet au permet au prêteur d’adresser au consommateur un rappel pour le montant impayé augmenté d’une indemnité de 250F (…).
Un retard de deux échéances ou un retard de 30 jours de la dernière échéance engendre une mise en demeure des consommateurs par huissier avec obligation de payer, outre le retard et les intérêts, son coût et une indemnité forfaitaire égale à 20 % du retard avec un minimum de F 500,-.
La non régularisation du compte un mois après l’envoi du recommandé de mise en demeure engendre d’office la déchéance du terme (résiliation-dénonciation du contrat), à 1‘égard du sommé. En ce cas, le solde est totalement exigible et augmenté d’une indemnité forfaitaire égale à 15 % de son montant, avec un minimum de F 500,-, des intérêts de retard, sans pour autant excéder la moyenne entre le taux d’intérêt légal et le taux annuel effectif global convenu, des frais de sommation-mise en demeure et des frais de procédure et d’exécution forcée, sauf jugement contraire. » L’article 3 de la directive 93/13 du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs dispose:
« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsqu’en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.
(…).
Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.
L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. » Le point 1 de l’annexe de la directive vise les « clauses ayant pour objet ou pour effet (…) d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé (…).
Suivant l’article 6, paragraphe 1er de la directive: « Les Etats membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclus avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties, s’il peut subsister sans les clauses abusives. » L’article 1er de la loi modifiée du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur en droit luxembourgeois dispose: « Dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, toute clause ou toute combinaison de clauses qui entraîne dans le contrat un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur est abusive et comme telle réputée nulle et non écrite ».
Dans ses considérants, la directive du 5 avril 1993 retient qu’« il incombe aux Etats membres de veiller à ce que des clauses abusives ne soient pas incluses dans les contrats conclus avec des consommateurs ; (…) que les Etats membres doivent prendre les mesures nécessaires afin d’éviter la présence de clauses abusives dans les contrats conclus avec des consommateurs par un professionnel ;
que si, malgré tout, de telles clauses venaient à y figurer, elles ne lieront pas les consommateurs ; (…) que les autorités judiciaires et organes administratifs des Etats membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.» Ainsi qu’il a été décidé par la Cour de Justice des Communautés Européennes, dans son arrêt du 27 juin 2000 dans les affaires C-240/98 à C-
244/98, OCEANO GRUPO EDITORIAL (cf. notamment les points 26 à 29), et dans son arrêt du 21 novembre 2002 dans l’affaire C473/00, COFIDIS (cf. notamment les points 32 à 34), la protection que la directive confère au consommateur ne peut être effective que si le juge a le pouvoir d’examiner d’office le caractère valable d’une clause et le pouvoir d’écarter d’office une clause abusive, même si le consommateur n’en invoque pas le caractère abusif.
La loi modifiée du 25 août 1983 sur la protection juridique du consommateur, qui sanctionne de nullité les clauses abusives transpose la directive en droit interne. Comme la loi doit permettre la réalisation de l’objectif de protection du consommateur fixé par la directive et qu’elle doit permettre d’atteindre le résultat fixé à l’article 6 de la directive, à savoir empêcher qu’un consommateur ne soit lié par une clause abusive, la loi est à interpréter en ce sens qu’elle confère au juge le pouvoir d’examiner d’office le caractère abusif d’une clause» (Jugement civil n° 268/2004 du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, 1ière chambre, rendu en date du 9 juin 2004, N° 84629 du rôle).
En l’espèce, l’article E.2. des conditions générales, pour autant qu’elles soient opposables au sieur X.), ce qui reste formellement contesté, prévoit les hypothèses dans lesquelles la société SOC2.) peut mettre fin au contrat de prêt, pour des raisons tenant à la situation de l’emprunteur, notamment au cas où l’emprunteur n’effectuerait pas l’un des remboursements à la date convenue.
En l’espèce, les juges du fond n’ont pas vérifié ni examiné la validité de la clause litigieuse au point E.2. des conditions générales au regard des règles de droit applicables en la matière, alors qu’ils auraient dû le faire d’office.
Dans la présente affaire, le contrat de vente à tempérament du 20 juin 1997 a été conclu entre un professionnel et un consommateur au sens de l’article 1ier de la loi luxembourgeoise modifiée du 25 août 1983.
En cas de défaillance du débiteur, la société SOC2.) aurait droit au remboursement anticipé de l’intégralité du prêt, au paiement des intérêts de retard, des frais de sommation-mise en demeure, des frais de procédure et d’exécution forcée et en outre à une indemnité forfaitaire de 15 % du solde en capital avec un minimum de F. 500.-.
En l’espèce, le débiteur perd donc le bénéfice du prêt, est tenu de réorganiser ses ressources financières et de rembourser immédiatement l’intégralité du solde, qu’il avait prévu contractuellement de rembourser sur une période convenue de 60 mois par des paiements mensuels. Sa dette immédiatement exigible est donc du montant en capital augmentée d’une somme substantielle qui est d’autant plus lourde que la dette principale.
En l’espèce, force est de constater que l’article E.2. des conditions générales invoquées par les sociétés SOC2.) et SOC1.), pour autant qu’il soit opposable à la partie demanderesse en cassation, ce qui reste formellement contesté, entraîne un déséquilibre des droits et obligations au préjudice du consommateur. L’article E.2. précité des conditions générales est donc abusif et est réputé nul et non écrit en application de l’article 1er de la loi modifiée du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur, sinon en application de l’article 3 de la directive européenne du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
Partant, le jugement attaqué encourt cassation pour violation des dispositions ci-avant précitées. Le 1er moyen de cassation est donc fondé en l’espèce » ;
Attendu que le premier moyen de cassation est fondé sur trois griefs différents :
- les juges du fond ont appliqué la loi belge alors qu’ils auraient dû qualifier le contrat litigieux de contrat conclu avec un consommateur au sens de l’article 5 de la Convention du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles signée à Rome et conclure que la loi luxembourgeoise était applicable ;
- la clause litigieuse est inopposable au demandeur en cassation ;
- la clause litigieuse est abusive ;
Mais attendu que la loi du 3 août 2010 modifiant l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation dispose que sous peine d’irrecevabilité du moyen, chaque moyen ou chaque élément du moyen ne doit mettre en oeuvre qu’un seul cas d’ouverture et impose dès lors au demandeur en cassation de n’invoquer qu’un seul grief par branche de moyen et l’oblige à faire autant de branches que de griefs ;
D’où il suit que les trois griefs étant simultanément soulevés dans un même moyen, ce moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation ou de la fausse application de la loi, en l’occurrence de la violation ou de la fausse application de l’article 5 de la Convention 80/934/CEE de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, en ce que les juges d’appel n’ont pas appliqué les règles de protection impératives au consommateur résident au Grand-Duché de Luxembourg.
L’article 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 dispose, en outre, que:
1. Le présent article s’applique aux contrats ayant pour objet la fourniture d’objets mobiliers corporels ou de services à une personne, le consommateur, pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle, ainsi qu’aux contrats destinés au financement d’une telle fourniture.
2. Nonobstant les dispositions de l’article 3, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle:
- si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat, ou, - si le cocontractant du consommateur ou son représentant a reçu la commande du consommateur dans ce pays, ou - si le contrat est une vente de marchandises et que le consommateur se soit rendu de ce pays dans un pays étranger et y ait passé la commande, à la condition que le voyage ait été organisé par le vendeur dans le but d’inciter le consommateur à conclure une vente.
3. Nonobstant les dispositions de l’article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l’article 3, ces contrats sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, s’ils sont intervenus dans les circonstances décrites au paragraphe 2 du présent article.
L’idée qu’exprime l’article 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 est que le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour effet de priver le consommateur (défini comme une personne contractant pour un usage étranger à son activité professionnelle) de la protection que lui assure les dispositions impératives de la loi de sa résidence habituelle. Les pays comme le Grand-Duché de Luxembourg qui poursuivent une politique protectrice sont donc assurés de voir s’appliquer leur propre loi à leurs « propres » consommateurs-résidents. La même loi est au demeurant applicable à défaut de choix (la présomption de l’article 4 de la Convention de Rome, qui risque de conduire à l’applicabilité de la loi de l’établissement du professionnel, est inapplicable).
La partie demanderesse en cassation, résidente au Grand-Duché du Luxembourg au moment de la conclusion du contrat litigieux du 20juin 1997, rappelle que dans la présente affaire, et contrairement à la motivation retenue par les juges d’appel, aucune stipulation dans le contrat de prêt du 20 juin 1997 ne fait référence à l’application du droit belge au contrat. A défaut de stipulations contractuelles, l’article 5 de la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles prévoit que les contrats de consommation sont régis par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle, soit le Grand-Duché de Luxembourg.
Subsidiairement, le choix par les parties de la loi applicable, ce qui n’a pas été fait en l’espèce, ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle, notamment si la conclusion du contrat a été précédée dans ce pays d’une proposition spécialement faite ou d’une publicité, et si le consommateur a accompli dans ce pays les actes nécessaires à la conclusion du contrat (publicité au Grand-Duché de Luxembourg, remboursement des mensualités de 331,68.-E sur un compte CCP au Grand Duché de Luxembourg appartenant à la société anonyme de droit belge SOC2.)…).
C’est en méconnaissance de cause que les juges d’appel ont privé la partie la plus faible de la protection que lui confère la loi du 25 août 1983 relative à la protection juridique du consommateur.
C’est également en méconnaissance de cause que les juges d’appel ont appliqué la loi belge en se référant à la motivation du juge de première instance, et ce sans autre précision, en se basant uniquement sur une clause écrite en gras, laquelle ne fait d’ailleurs aucune référence de la loi belge et laquelle n’a, au demeurant, pas été approuvée par les emprunteurs.
C’est enfin sans conviction que les juges d’appel ont appliqué la loi belge au contrat de prêt à tempérament du 20juin 1997, tout en faisant référence à la loi luxembourgeoise.
Partant, la juridiction d’appel a violé les dispositions de l’article 5 de la Convention 80/934/CEE de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, en matière de contrats conclus avec les consommateurs, en n’appliquant pas au litige les règles de protection impératives au consommateur, alors que le contrat de prêt à tempérament du 20 juin 1997 est manifestement régi par la loi du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle.
Il s’en suit que le second moyen de cassation relatif à la violation ou la fausse application de l’article 5 de la Convention 80/934/CEE de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, est fondé en l’espèce » ;
Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des pièces de la procédure auxquelles la Cour de cassation peut avoir égard que le moyen ait été soulevé devant la Cour d’appel ; que le moyen est nouveau et, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation ou de la fausse application de la loi, en l’occurrence de la violation ou de la fausse application de l’article 61 du Nouveau Code de Procédure Civile, en ce que les juges du fond n’ont pas tranché le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, notamment en ce que les juges du fond ont statué en se basant sur des motifs erronés notamment en ce qui concerne la loi applicable au contrat de prêt du 20 juin 1997 (cf. développements pris dans le 1er moyen de cassation), en ce qui concerne la prétendue dénonciation du contrat de prêt à tempérament du 20 juin 1997 ainsi que la prétendue cession de droits entre la société anonyme de droit belge SOC2.) et la société anonyme de droit belge SOC2.) S’agissant de la prétendue dénonciation du contrat de prêt du 20 juin 1997, il convient de rappeler que suivant le contrat de prêt à tempérament du 20 juin 1997, la première échéance était payable trente jours après la remise des fonds.
Or, la partie demanderesse en cassation a réglé la première mensualité le 14 juillet 1997.
De juillet 1997 à octobre 1998, le sieur X.) s’est acquitté des seize mensualités de 331,68.-€.
Une sommation-mise en demeure aurait été adressée aux emprunteurs en date du 23 décembre 1998 invitant ces derniers à régler les deux mensualités échues des mois de novembre 1998 et décembre 1998 endéans le mois.
Contrairement aux affirmations des sociétés SOC2.) et SOC1.), les mensualités de novembre 1998 et de décembre 1998 ont été réglées par Monsieur X.) suivant deux virements successifs, l’un en date du 6 janvier 1999 et le second en date du 22 janvier 1999 donc dans le mois de la sommation-mise en demeure du 23 décembre 1998.
La mensualité de janvier 1999 a été réglée en date du 29 janvier 1999.
Par conséquent, la prétendue dénonciation du contrat de prêt à tempérament au 23 janvier 1999 arguée par les sociétés SOC2.) et SOC1.) et retenue erronément par les juges de première instance et d’appel, n’est pas fondée en l’espèce.
La partie demanderesse en cassation s’est donc acquittée des dix-huit mensualités de 331,68.- € durant la période allant du 14 juillet 1997 au 22 janvier 1999 en conformité avec les termes du contrat de prêt du 20 juin 1997 et a régularisé la situation de son compte avant le 23 janvier 1999, date de la dénonciation du contrat retenue à tort par les juges, de sorte que la dénonciation du prédit contrat de prêt du 20 juin 1997 est nulle et de nul effet.
Là encore, les juges du fond ont fait une mauvaise application des règles de droit en la matière en admettant la dénonciation du contrat du 20 juin 1997 sans vérifier si les stipulations contractuelles qui lui ont été soumises étaient remplies.
Le jugement attaqué encourt donc cassation alors que litige n’a pas été tranché conformément aux règles de droit applicables.
S’agissant de la cession de droits entre la société SOC2.) et SOC1.), la partie demanderesse en cassation affirme qu’elle n’a jamais eu connaissance de la cession de droits revendiquée par la société SOC1.), ce qu’elle n’a eu de cesse d’affirmer depuis le début de la procédure lancée à son encontre, de sorte que c’est en méconnaissance de cause que les juges de première instance et d’appel ont retenu valable la cession alléguée et déclaré recevable la demande formée par la société SOC1.).
Sur ce point, la motivation des juges en instance d’appel est incertaine dans la mesure où le sieur X.) a affirmé que « la SOC1.) ne s’est jamais manifesté auprès de lui et qu’il ignorait s’il devait payer ou non à la SOC1.) », ce que les juges d’appel ont, à juste titre, relevé dans le jugement attaqué.
Cependant, la juridiction d’appel en a déduit à tort que les emprunteurs n’avaient pas contesté la cession. La motivation des juges d’appel est altérée par ses propres contradictions.
Par cette affirmation, la partie demanderesse en cassation conteste bien évidemment la cession de la créance entre les sociétés SOC2.) et SOC1.), de sorte que la demande introduite par la société SOC1.) est irrecevable contrairement à ce qui a été retenu par les juges du fond.
Cette dernière n’a d’ailleurs pas rapporté la preuve que les emprunteurs avaient reçu une information en ce sens et que les emprunteurs auraient accepté le transport.
A défaut de notification et d’acceptation conformément à l’article 1690 du Code civil, la créance alléguée ne peut être revendiquée par la société anonyme de droit belge SOC1.), laquelle ne justifie d’aucune qualité à agir et d’aucun intérêt à agir.
Partant, le jugement attaqué encourt cassation quant à la recevabilité de la demande introduite par la société anonyme de droit belge SOC1.), laquelle n’a manifestement pas la qualité de créancière à l’égard de la partie demanderesse en cassation en vertu du contrat de prêt à tempérament du 20 juin 1997. Le moyen tenant à la violation de l’article 61 du Nouveau Code de Procédure Civile est donc fondé en l’espèce » ;
Attendu que le demandeur en cassation, en reprochant à la Cour d’appel de n’avoir constaté la non-validité ni de la dénonciation du contrat de prêt ni de la cession de créance entre la société SOC2.) et la société SOC1.), a soulevé simultanément deux griefs dans un même moyen sans les subdiviser en branches comportant respectivement un cas d’ouverture, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche invoqué ;
D’où il suit que le moyen est irrecevable en application de la loi du 3 août 2010 modifiant l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;
Sur le quatrième moyen de cassation :
tiré « de la violation ou de la fausse application de la loi, en l’occurrence de la violation ou de la fausse application de l’article 2277 du Code civil, en ce que les juges du fond n’ont pas opposé la prescription quinquennale à la demande en paiement introduite par les sociétés de droit belge SOC2.) et SOC1.).
En effet, Monsieur X.) et son ex-épouse Y.) ont conclu un contrat de prêt à tempérament avec la société anonyme de droit belge SOC2.) en date du 20 juin 1997 pour un montant de 610.000.-Francs belges soit 15.121,50 € remboursable par 60 mensualités de 13.380,00 Francs belges soit 331,68 €.
La demande introduite en date du 6 juillet 2005 par les deux sociétés de droit belge SOC2.) et SOC1.) ne pouvait excéder la période au-delà du 7 juillet 2000, l’action étant prescrite pour la période antérieure à la date du 7 juillet 2000.
A partir du 7 juillet 2000 au 1er août 2002, Monsieur X.) a réglé dix-sept mensualités de 331,68.- € chacune, au lieu des 24 mensualités.
A supposer qu’un montant subsisterait à charge de Monsieur X.), quod non, seuls sept mensualités de 331 .68.- € resteraient à régler.
Partant, le capital, ainsi que les intérêts échus antérieurement à la date 7 juillet 2000 inclus sont purement et simplement prescrits. En effet, la prescription du capital emporte automatiquement la prescription des intérêts produits par celui-
ci.
Or, les juges du fond, en condamnant la partie demanderesse en cassation au paiement de la somme de 2.653,44 € à titre de solde du prêt, ce montant avec les intérêts conventionnels de 9,5 % sur le montant de 14.262,21 € à partir du 23 janvier 1999 jusqu’à solde, ont fait une mauvaise application de la loi en ne tenant pas compte de la prescription quinquennale telle que légalement admise par l’article 2277 du Code civil.
Par ailleurs, en présence de mensualités qui comportent, en sus des intérêts échus, une portion du capital prêté, il aurait fallu logiquement distinguer au sein de chacune d’elles la composante intérêt de la composante capital, notamment en ce qui concerne l’échéance mensuelle de 331,68 €.
Ainsi, une condamnation tel que cela a été décidé par les juges du fond, à partir du 23 janvier 1999 sur un montant principal de 14.262,21 € contrevient gravement aux dispositions de l’article 2277 du Code civil, de sorte que le jugement attaqué encourt cassation pour violation des dispositions de l’article 2277 précité, l’action étant prescrite pour la période antérieure à la date 7 juillet 2000 » ;
Attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des pièces de la procédure auxquelles la Cour de cassation peut avoir égard que le moyen ait été soulevé devant la Cour d’appel ; que le moyen est nouveau et que, conformément à l’article 2223 du Code civil qui dispose que les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen découlant de la prescription, il ne peut être soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation ;
D’où il suit que le moyen, mélangé de fait et de droit, ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation :
tiré « de la violation ou de la fausse application de la loi, en l’occurrence de la violation ou de la fausse application de l’article 89 de la Constitution, en ce que la juridiction d’appel a fourni une motivation insuffisante dans son jugement rendu en date du 30 juin 2009, en se basant sur des motifs insuffisants, dubitatifs voire erronés notamment en ce qui concerne la prétendue dénonciation du contrat de prêt à tempérament du 20 juin 1997 ainsi que la prétendue cession de droits entre la société anonyme de droit belge SOC2.) et la société anonyme de droit belge SOC1.).
« L ‘article 89 de la Constitution luxembourgeoise exige que le jugement soit motivé. (…) Le contrôle de la motivation des décisions judiciaires est exercé par la Cour de cassation. Un des moyens de cassation le plus fréquemment invoqué par les requérants est celui tiré de l’absence de motivation, sinon de l’insuffisance de motivation » (Rapport luxembourgeois par Jean-Claude WIWINIUS, premier conseiller à la Cour Supérieure de Justice).
Le principe relatif à la motivation des jugements et des arrêts est consacré par l’article 89 de la Constitution.
L’applicabilité à toutes les juridictions de la règle de motivation est justifiée par la considération que cette règle est inhérente à la fonction juridictionnelle.
« L’obligation de motivation est une exigence formelle. Le voeu de l’article 89 est rempli quand le juge indique les motifs qui servent de base à sa décision, alors même qu’ils sont inexacts ou mal fondés » (Le Conseil d’Etat, gardien de la Constitution et des droits et Libertés fondamentales, Luxembourg, 2006, p. 305).
A titre exemplatif, la deuxième chambre de la Cour de cassation française a considéré dans un arrêt rendu en date du 6 décembre 1995 (JCP 1996, rôle n° 22719) ce qui suit :
« Pour retenir à raison d’un quart la responsabilité d’un des conducteurs en cause dans une collision en sens inverse entre deux véhicules, la Cour d’appel a relevé que les impacts sur son véhicule laissent à penser que le conducteur ne tenait pas scrupuleusement sa droite. En se déterminant par de tels motifs, qui sont dubitatifs, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile » .
En effet, la défaillance dans la motivation du jugement attaqué du 30 juin 2009 est avérée, notamment en ce que les juges d’appel ont estimé que :
« En instance d’appel, SOC1.) et SOC2.) ont demandé à être déchargés de la condamnation prononcée à leur encontre et ils font valoir qu’à partir d’un certain moment ils auraient .
De cette affirmation, le Tribunal d’arrondissement de Diekirch en déduit que:
« Les parties appelantes ne contestent donc pas la régularité de la cession de créance opérée entre les sociétés SOC2.) et SOC1.), (…) ».
Force est d’admettre que la motivation des juges d’appel est altérée par ses propres contradictions et ne reflète pas la réalité des faits.
En l’espèce, abstraction faite que le Tribunal d’arrondissement de et à Diekirch fonde sa décision sur des motifs dubitatifs, d’ailleurs contestés, ce dernier ne statue pas définitivement quant à la loi applicable au contrat de prêt du 20 juin 1997, puisque d’une part il retient la loi belge en se référant à la motivation du juge de première instance puis il cite la loi luxembourgeoise de protection du consommateur (« […] le Tribunal retient qu’en cas d’applicabilité de la loi luxembourgeoise…[..] »).
La motivation des juges du fond est manifestement lacunaire. Il est notamment reproché aux juges du fond de ne pas avoir pris position de manière claire et précise quant à la loi applicable au contrat en faisant abstraction des circonstances ayant entouré la conclusion du contrat de prêt litigieux et en ne recherchant pas les éléments permettant d’appliquer la protection que le consommateur était en droit d’avoir. Il est également reproché aux juges du fond de ne pas avoir statué sur la validité des clauses sur base desquelles les sociétés SOC2.) et SOC1.) ont fondé leur demande tendant à voir condamner au paiement la partie demanderesse en cassation, alors qu’il s’agit là d’une question déterminante pour la solution du litige.
A l’évidence, la motivation du jugement rendu en appel en date du 30 juin 2009 est insuffisante pour justifier une condamnation au paiement de la partie demanderesse en cassation.
Partant, le moyen de cassation tiré de la violation ou de la fausse application de l’article 89 de la Constitution est fondé en l’espèce » ;
Attendu que le demandeur en cassation invoque simultanément trois griefs, le premier tiré de l’insuffisance et du mal fondé de la motivation des juges d’appel par laquelle ils ont constaté que les appelants ne contestent pas la régularité de la cession de créance, le deuxième tiré de l’insuffisance de la motivation par laquelle les juges d’appel ont conclu à l’application de la loi belge, le troisième tiré de l’insuffisance de la motivation par laquelle les juges d’appel ont déclaré la clause pénale opposable au demandeur en cassation, sans les subdiviser en branches comportant respectivement un cas d’ouverture, la partie critiquée de la décision et ce en quoi elle encourt le reproche invoqué ;
D’où il suit que le moyen est irrecevable en application de la loi du 3 août 2010 modifiant l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux frais et dépens de l’instance en cassation avec distraction au profit de Maître Jean-Paul NOESEN, avocat à la Cour, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique extraordinaire par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur John PETRY, premier avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.