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19/05/2011 | LUXEMBOURG | N°35/11

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 mai 2011, 35/11


N° 35 / 11.

du 19.5.2011.

Numéro 2834 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille onze.

Composition:

Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Jacqueline ROBERT, première conseillère à la Cour d’appel, Aloyse WEIRICH, conseiller à la Cour d’appel, Jeanne GUILLAUME, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

E n t r e :

X.), demeurant à

L-(…), (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, en l’étude de l...

N° 35 / 11.

du 19.5.2011.

Numéro 2834 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille onze.

Composition:

Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Jacqueline ROBERT, première conseillère à la Cour d’appel, Aloyse WEIRICH, conseiller à la Cour d’appel, Jeanne GUILLAUME, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

E n t r e :

X.), demeurant à L-(…), (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu, e t :

la personne morale de droit public CAISSE NATIONALE DES PRESTATIONS FAMILIALES, établie et ayant son siège à L-1724 Luxembourg, 1A boulevard Prince Henri, représentée par le président de son comité-directeur actuellement en fonction, défenderesse en cassation, comparant par Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Sur le rapport de la conseillère Léa MOUSEL et sur les conclusions du Procureur général d’Etat adjoint Georges WIVENES ;

Vu l’arrêt attaqué rendu le 14 avril 2010 par le Conseil supérieur des assurances sociales sous le numéro 2010/0066 ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 18 juin 2010 par X.) à la CAISSE NATIONALE DES PRESTATIONS FAMILIALES, ci-après CNPF, déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le même jour ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 17 août 2010 par la CNPF à X.), déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 18 août 2010 ;

Sur les faits :

Attendu, selon les actes de procédure auxquels la Cour peut avoir égard, que X.), de nationalité congolaise, entra au Luxembourg, ensemble avec Y.), de nationalité néerlandaise, avec lequel elle vivait auparavant aux Pays-Bas sous le régime du partenariat, la déclaration d’arrivée de ces deux personnes ayant été enregistrée le 6 juin 2006 ; qu’elle fit une demande de carte de séjour le 18 octobre 2006 laquelle lui fut délivrée le 6 mars 2008 ; que X.), se trouvant enceinte d’un enfant né le 15 janvier 2007, introduisit une demande en allocation de maternité en date du 21 décembre 2006, puis une demande d’allocation prénatale en date du 28 décembre 2006 ; que ces deux demandes furent refusées par décisions présidentielles du 12 mars 2007 par la Caisse Nationale des prestations familiales au motif que X.) n’avait pas de permis de séjour et que partant la condition de domicile prévue par l’article 1er de la loi modifiée du 30 avril 1980 portant création d’une allocation de maternité et par la loi du 20 juin 1977 concernant l’allocation de naissance n’était pas remplie ; que le comité-directeur de la Caisse Nationale des prestations familiales, par deux décisions successives du 19 avril 2007 et du 21 février 2008, confirma les décisions présidentielles ; que sur recours contre la deuxième décision, le Conseil arbitral des assurances sociales, par réformation de la décision du comité-directeur, dit que X.) avait droit à l’allocation prénatale et à l’allocation de maternité ; que sur appel de la CNPF, le Conseil supérieur des assurances sociales réforma la décision entreprise et dit que X.) n’a pas droit aux allocations réclamées et redonna plein effet à la décision du comité-directeur ;

Sur l’unique moyen de cassation :

tiré « de la contravention à la loi par fausse interprétation sinon fausse application de la loi in specie des articles 7 paragraphe 2, 10 paragraphe 1 de la Directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement dans les Etats membres (ci-après dénommée ), en ce que l’arrêt attaqué ayant constaté que pas d’un droit de séjour » et que il en conclut que ;

alors que aux termes de - l’article 7 paragraphe 2 de la Directive paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un Etat membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’Etat membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) », - l’article 10 paragraphe 1 de la Directive prévoit que des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un Etat membre est constaté par la délivrance d’un document dénommé au plus tard dans les six mois suivant le dépôt de la demande. Une attestation de dépôt de la demande de carte de séjour est délivrée immédiatement », - l’article 24 paragraphe 1 de la Directive spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’Etat membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet Etat membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un Etat membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent » ;

Attendu que l’examen de la demande d’allocation maternité et d’allocation de naissance doit être réalisé sur base de la législation en vigueur au moment de la demande (le 21 décembre 2006 pour l’allocation de maternité et le 28 décembre 2006 pour l’allocation de naissance);

Qu’au moment de la demande de l’allocation de maternité, le 21 décembre 2006, l’article 1er de la loi modifiée du 30 avril 1980 portant création d’une allocation de maternité prévoyait que « a droit à une allocation de maternité toute femme enceinte et toute femme accouchée à condition qu’elle ait eu son domicile légal au Luxembourg au moment de l’ouverture du droit tel que prévu à l’article 2 ci-après »;

Qu’au moment de la demande l’allocation prénatale, le 28 décembre 2006, les conditions d’attribution étaient fixées par l’article 11 de la loi modifiée du 20 juin 1977 :

dernier examen médical prévu à l’article 1er et qu’elle rapporte la preuve des différents examens médicaux y prévus au moyen des certificats établis à cet effet par le médecin examinateur lors de chaque visite » ;

Qu’en présence d’un texte communautaire, à savoir la Directive 2004/38/CE du 29 Avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement dans les Etats membres (ci-après dénommée ), entrée en vigueur le 30 avril 2004 avec un délai de transposition jusqu’au 30 avril 2006, et conformément à l’obligation de l’interprétation conforme du droit national (voir CJCE 4 février 1988 MURPHY Aff. 157/86), il appartenait au Conseil supérieur des assurances sociales de vérifier si les dispositions de la loi nationale ne se trouvaient pas en contradiction avec les dispositions communautaires d’application directe, et en cas de contradiction, de ne pas appliquer les dispositions de la loi nationale ou le cas échéant de solliciter l’interprétation du juge communautaire par la voie d’une question préjudicielle ;

Attendu que pour statuer, le Conseil supérieur des assurances social a analysé la situation lui soumise sur base de loi luxembourgeoise et a ainsi retenu sur base de l’article 1er de la loi du 19 juin 1985 concernant les allocations familiales et portant création de la Caisse nationale des prestations familiales tel que modifié par la loi du 21 novembre 2002 selon lequel , outre que la notion de domicile légal est identique en matière d’allocation de naissance et de maternité qu’en matière d’allocations familiales eu égard au fait qu’elles poursuivent des buts comparables et complémentaires, visant à l’amélioration de la santé publique et de la croissance de la natalité, que et , Qu’en application de cette définition du domicile légal, il a estimé dans le cas d’espèce lui soumis que Madame ;

Que le Conseil supérieur des assurances sociales a ensuite conclu au respect de la Directive par la loi nationale expliquant :

- sur base de l’article 24 de la Directive que séjourne sur le territoire de l’Etat d’accueil bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants et le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille qui n’ont pas la nationalité d’un Etat membre mais sous condition qu’ils bénéficient du droit de séjour », et que , - sur base de l’article 24 paragraphe 2 de la Directive possession d’une carte de séjour afin d’entrer dans le bénéfice des prestations, l’Etat luxembourgeois a implicitement mais nécessairement exclu les personnes se trouvant sur son territoire lors de la phase transitoire des trois premiers mois » ;

Sur sa recevabilité :

Attendu que la défenderesse soutient que le moyen est irrecevable pour être tiré de la violation d’une directive européenne à défaut d’effet direct de celle-ci ;

Attendu cependant que cette contestation de principe est dénuée de fondement dès lors que le droit européen fait partie intégrante de l’ordre juridique national dès son adoption ; qu’en vertu du principe de la primauté du droit européen, la norme européenne s’oppose à l’application d’une norme nationale contraire ; que l’article 7 de la directive 2004/38 relatif au droit de séjour de plus de trois mois et l’article 10 de cette directive relatif à la délivrance de la carte de séjour sont clairs, précis et inconditionnels, et dès lors d’effet direct ;

Attendu d’autre part, que les critiques formulées contre l’arrêt ressortissant clairement du moyen et de sa discussion, il y a lieu de retenir que le moyen répond au critère de précision requise par l’article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;

Sur la substance du moyen :

Attendu que la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, énonce en son considérant 11 que « le droit fondamental et personnel de séjour dans un autre Etat membre est conféré directement aux citoyens de l’Union par le traité et ne dépend pas de l’accomplissement de procédures administratives » ;

Vu l’article 20 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ex-

article 17 TCE), article 2, paragraphe a) qui dispose :

« Les citoyens de l’Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres » ;

Vu l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38/CE du Parlement Européen et du Conseil qui dispose :

« Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un Etat membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’Etat membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) » ;

Vu l’article 10, paragraphe 1, de cette même directive qui dispose :

« Le droit de séjour des membres de la famille d’un citoyen de l’Union qui n’ont pas la nationalité d’un Etat membre est constaté par la délivrance d’un document dénommé au plus tard dans les six mois suivant le dépôt de la demande. Une attestation du dépôt de la demande de carte de séjour est délivrée immédiatement » ;

Vu l’article 24, paragraphe 1, qui dispose :

« Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’Etat membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet Etat membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un Etat membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent. » Attendu que les juges du fond, en faisant dépendre la légalité du domicile défini à l’article 1er de la loi modifiée du 19 juin 1985 concernant les allocations familiales et portant création de la Caisse nationale des prestations familiales (l’actuel article 269, paragraphe 2, du Code de la sécurité sociale) de la date de l’obtention d’une carte de séjour, qui est une simple formalité administrative, intervenue en l’occurrence près d’un an et demi après la demande, alors que la délivrance d’un titre de séjour à un ressortissant d’un pays tiers, accompagnant ou rejoignant dans l’Etat membre d’accueil le citoyen de l’Union qui satisfait aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c) de l’article 7, n’est pas un acte constitutif de droits, mais est à considérer comme un acte destiné à constater, de la part d’un Etat membre, la situation individuelle d’un ressortissant d’un pays tiers au regard des dispositions du droit communautaire, et, en disant que X.) n’a son domicile légal au pays que depuis l’obtention de sa carte de séjour en mars 2008, ont violé les normes visées au moyen ;

Que l’arrêt attaqué encourt dès lors la cassation ;

Sur l’indemnité de procédure :

Attendu que la défenderesse étant condamnée aux frais et dépens de l’instance en cassation, sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est irrecevable ;

Par ces motifs :

casse et annule l’arrêt rendu le 14 avril 2010 par le Conseil supérieur des assurances sociales, sous le numéro 2010/0066 ;

déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le Conseil supérieur des assurances sociales, autrement composé ;

déclare irrecevable la demande de la défenderesse en cassation en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne la défenderesse en cassation aux frais de l’instance en cassation, dont distraction au profit de Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, premier avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 35/11
Date de la décision : 19/05/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2011-05-19;35.11 ?

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