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12/05/2011 | LUXEMBOURG | N°32

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 12 mai 2011, 32


N° 32 / 11. du 12.5.2011.
Numéro 2865 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze mai deux mille onze.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Françoise MANGEOT, première conseillère à la Cour d'appel, Marianne PUTZ, conseillère à la Cour d'appel, Christiane BISENIUS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

Entre:
X.), demeurant à B-(.), (.),

demandeur en ca

ssation,
comparant par Maître Sabrina MARTIN, avocat à la Cour, en l'étude de laquelle domic...

N° 32 / 11. du 12.5.2011.
Numéro 2865 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, douze mai deux mille onze.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Françoise MANGEOT, première conseillère à la Cour d'appel, Marianne PUTZ, conseillère à la Cour d'appel, Christiane BISENIUS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

Entre:
X.), demeurant à B-(.), (.),

demandeur en cassation,
comparant par Maître Sabrina MARTIN, avocat à la Cour, en l'étude de laquelle domicile est élu,
et:
la société anonyme SOC1.), établie et ayant son siège social à L-(..), (.), représentée par son conseil d'administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B (.),

défenderesse en cassation,
comparant par Maître Claudie HENCKES-PISANA, avocat à la Cour, en l'étude de laquelle domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de la présidente Marie-Paule ENGEL et sur les conclusions de l'avocat général John PETRY ;
Vu l'ordonnance attaquée rendue le 14 août 2009 par le magistrat présidant une des chambres de la Cour d'appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 14 septembre 2010 par X.) à la société SOC1.) et déposé le 15 septembre 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 10 novembre 2010 par la société SOC1.). à X.) et déposé le 16 novembre 2010 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réplique signifié le 7 janvier 2011 par X.) à la société SOC1.) et déposé le 10 janvier 2011 au greffe de la Cour ;

Sur les faits :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, que le président de la juridiction du travail de Diekirch avait dit non fondée la demande formée sur base de l'article L.415-11 du Code du travail par le salarié X.) contre son employeur, la société SOC1.), tendant à la constatation de la nullité de son licenciement au motif qu'il méconnaîtrait la protection spéciale dont le salarié bénéficierait en sa qualité de candidat aux fonctions de membre de la délégation du personnel ; que le salarié ayant été licencié après la période de trois mois à partir de la présentation de sa candidature, période pendant laquelle la loi protège le candidat contre le licenciement, avait fait valoir à l'appui de sa demande qu'à la date du licenciement, les élections des délégués du personnel avaient été annulées sur réclamation du demandeur par le Directeur de l'inspection du travail et des mines, que cette décision avait été attaquée par l'employeur devant les juridictions administratives et que ce recours était pendant ; que sur appel le magistrat présidant une des chambres de la Cour d'appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail confirma l'ordonnance entreprise ;

Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation ou de la fausse application de la loi, en l'occurrence la violation ou la fausse application des règles portant sur la protection spéciale contre le licenciement d'un candidat aux élections des délégués du personnel, en ce que le juge d'appel s'est abstenu de procéder à l'interprétation des articles L.415-11 et L.415-12 du Code du travail, alors qu'il lui appartient d'interpréter la loi lorsque le texte légal ne prévoit pas expressément la situation donnée en vertu de l'article 4 du Code civil.
Les juges d'appel ont à tort retenu que "" Le fait que le directeur de l'inspection du travail et des mines ait annulé les élections du 12 novembre 2008et que cette décision a fait l'objet d'un recours devant les juridictions administratives ne peut pas avoir pour effet de prolonger le délai de protection jusqu'à ce que le recours administratif soit vidé alors que le Code du travail ne prévoit aucunement une telle prolongation ou suspension du délai de protection d'un candidat aux élections. Décider autrement serait ajouter au texte du Code du travail une disposition qui n'y figure nullement.
Il s'en suit que la demande de X.) tendant à voir prononcer la nullité de son licenciement du 27 février 2009 et son maintien est à déclarer non fondée.
Aucun élément concluant en sens contraire n'étant proposé en instance d'appel, il échet de constater que la motivation de la décision de première instance est correcte et répond adéquatement aux moyens produits de part et d'autre, de sorte qu'elle est à entériner. ""
Aux termes de l'article 4 du Code civil, le juge ne saurait se retrancher derrière le silence, l'obscurité ou l'insuffisance de la loi pour ne pas avoir à trancher un litige. "" L'interprétation de la loi par le juge doit se fonder sur la volonté du législateur telle qu'elle est formulée dans le texte de loi. Si le texte est clair, le juge n'a pas la mission de chercher les intentions du législateur et, le cas échéant, de les faire prévaloir sur le texte légal "" (Lux., 29 septembre 1982, 25, 453, jurisprudence sous article 4 du Code civil).
Le juge est chargé de l'interprétation et de l'application des lois. La loi, à sa promulgation, n'est encore qu'une formulation abstraite des normes, une construction théorique, destinée à régir à une date ultérieure des situations données. Le législateur ne peut donc, à ce stade, avoir une idée exacte de toutes les conséquences possibles de l'exécution de la loi et, par la même, de l'efficacité des normes que la loi véhicule et leur conformité au but recherché.
Le rôle du juge est déterminant pour donner corps aux principes juridiques et, en quelque sorte, les matérialiser tout en dessinant leur contour. De l'approche adoptée par le juge à l'égard de ces principes, de la manière dont il conçoit leur interprétation et leur application, ceux-ci peuvent produire pleinement les effets voulus par le législateur.
Or, la prorogation du délai de protection du salarié candidat aux élections sociales contre le licenciement doit être admise et découle non seulement implicitement des dispositions légales et réglementaires mais également de la volonté même du législateur.
Nonobstant le fait que les textes légaux ne prévoient pas expressément la prorogation de la protection des candidats contre le licenciement en cas d'annulation des élections sociales par l'Inspection du travail et des mines, il n'en demeure pas moins que la prorogation de la protection du salarié candidat se déduit de la volonté même du législateur.
Le but poursuivi par le législateur en instituant le système de la protection contre le licenciement des articles L.415-11 et L.415-12 du Code du travail était en effet de protéger contre toutes représailles les salariés qui se découvrent en manifestant le désir de représenter le personnel, dès la présentation de leur candidature.
Il faut dès lors que cette protection soit efficace.
Admettre que, à la suite de l'annulation des élections des délégués du personnel, la protection des candidats aux élections expire après écoulement du délai de trois mois, sans interruption, ni prorogation du délai, aurait pour effet à la fois de porter atteinte au caractère obligatoire de l'article 41 du Règlement grand-ducal modifié du 21 septembre 1979 concernant les opérations électorales pour la désignation des délégués du personnel, et de vider de leur substance les dispositions protectrices des articles L.415-11 et L.415-12 du Code du travail en incitant un employeur, en cas d'annulation des élections sociales, à repousser la tenue de nouvelles élections à une période indéterminée en engageant un recours devant les juridictions administratives. Cela, tout en attendant que le délai de protection contre le licenciement des candidats aux élections pour la désignation des délégués du personnel expire ce qui lui permettra ainsi impunément de licencier le salarié instigateur du recours déposé devant le directeur de l'Inspection du travail et des mines.
Par conséquent, ne pas admettre la possibilité d'une prorogation tacite de la protection du salarié, candidat aux élections sociales, en cas d'annulation des élections par l'Inspection du travail et des mines, aurait pour effet de nier purement et simplement la volonté du législateur. »
Attendu que le moyen critique la violation ou fausse application des articles L.415-11. et L.415-12. du Code du travail ;
Vu l'article L.415-11 (1) du Code du travail qui dispose :
« Pendant la durée de leur mandat, les membres titulaires et suppléants des différentes délégations du personnel, le/la délégué-e à l'égalité et le/la délégué-e à la sécurité ne peuvent être licencié-e-s ; le licenciement notifié par l'employeur à un de ces délégués ou, le cas échéant, la convocation à l'entretien préalable sont nuls et de sans effet.{.} »
et l'article L.415.12. du Code du travail qui dispose :
« Les dispositions de l'article L.415-11 sont applicables aux licenciements des anciens membres des délégations du personnel et des anciens/anciennes délégué-e-s à l'égalité, pendant les six premiers mois qui suivent l'expiration ou la cessation de leur mandat ainsi qu'aux candidats aux fonctions de membre des délégations dès la présentation des candidatures et pendant une durée de trois mois. »
Attendu que la protection spéciale contre le licenciement dont bénéficie le délégué du personnel vise à protéger les salariés qui manifestent leur désir de représenter le personnel ; qu'elle n'a un effet utile que si elle est maintenue au profit du candidat aux fonctions de membre de la délégation du personnel jusqu`à la fin de la procédure électorale ;
Qu'en cas de recours contre la décision d'annulation des élections de la délégation du personnel, le délai de protection spéciale contre le licenciement du candidat aux fonctions de membre de la délégation du personnel doit être prorogé soit jusqu'à la décision de la Cour administrative déclarant régulières les opérations électorales annulées par le directeur de l'inspection du travail et des mines, décision qui met fin à la procédure électorale, soit, en cas de confirmation de l'annulation du scrutin par la Cour administrative, jusqu'au moment où le candidat est en mesure de présenter sa candidature pour le nouveau scrutin ;
Qu'en confirmant l'ordonnance du président du tribunal du travail de Diekirch qui avait dit non fondée la demande de X.) fondée sur les articles L.415-11 et L.415-12 du Code du travail tendant à la constatation de la nullité de son licenciement avec préavis par adoption des motifs du juge de première instance qui avait dit que « Le fait que le directeur de l'inspection du travail et des mines ait annulé les élections du 12 novembre 2008 et que cette décision a fait l'objet d'un recours devant les juridictions administratives ne peut avoir pour effet de prolonger le délai de protection jusqu'à ce que le recours administratif soit vidé alors que le Code du travail ne prévoit aucunement une telle prolongation ou suspension du délai de protection d'un candidat aux élections » le magistrat présidant une des chambres de la Cour d'appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail a violé les articles L.415-11. (1) et L.415.12. du Code du travail ;
Que l'arrêt encourt la cassation ;

Par ces motifs :
et sans qu'il faille statuer sur les deux autres moyens,
casse et annule l'ordonnance rendue le 14 août 2009 par le magistrat ayant présidé une chambre de la Cour d'appel à laquelle sont attribués les appels en matière de droit du travail ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s'en sont suivis et remet les parties dans l'état où elles se sont trouvées avant l'ordonnance cassée et pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel, autrement composée ;
condamne la société anonyme SOC1.) aux dépens de l'instance en cassation et en ordonne la distraction au profit de Maître Sabrina MARTIN sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu'à la diligence du procureur général d'Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d'appel et qu'une mention renvoyant à la transcription de l'arrêt sera consignée en marge de la minute de l'ordonnance annulée.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Madame Christiane BISENIUS, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 32
Date de la décision : 12/05/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2011-05-12;32 ?
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