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07/04/2011 | LUXEMBOURG | N°25/11

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 avril 2011, 25/11


N° 25 / 11.

du 7.4.2011.

Numéro 2853 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept avril deux mille onze.

Composition:

Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, président de chambre à la Cour d’appel, Lotty PRUSSEN, conseillère à la Cour d’appel, Christiane BISENIUS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

E n t r e :

la société anonyme de droit fra

nçais SOC1.), établie et ayant son siège social à F-

(…), (…), (…), représentée par son conseil d’administrati...

N° 25 / 11.

du 7.4.2011.

Numéro 2853 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, sept avril deux mille onze.

Composition:

Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Nico EDON, président de chambre à la Cour d’appel, Lotty PRUSSEN, conseillère à la Cour d’appel, Christiane BISENIUS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

E n t r e :

la société anonyme de droit français SOC1.), établie et ayant son siège social à F-

(…), (…), (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce sous le numéro RCS (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :

l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT ET DES DOMAINES, prise en la personne de son directeur, ayant ses bureaux à L-2010 Luxembourg, 1-3 avenue Guillaume, défenderesse en cassation, comparant par Maître François KREMER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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LA COUR DE CASSATION :

Sur le rapport de la présidente Marie-Paule ENGEL et sur les conclusions de l’avocat général Jean ENGELS ;

Vu l’arrêt attaqué rendu le 3 mars 2010 par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, dans la cause inscrite sous le numéro 34259 du rôle ;

Vu le mémoire en cassation signifié le 4 août 2010 par la société anonyme de droit français SOC1.) et déposé le 10 août 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réponse signifié le 27 septembre 2010 par l’ADMINISTRATION DE L’ENREGISTREMENT ET DES DOMAINES (l’Administration) à la société anonyme de droit français SOC1.) et déposé le 30 septembre 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice ;

Vu le mémoire en réplique signifié le 25 octobre 2010 par la société anonyme de droit français SOC1.) et déposé le 27 octobre 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice qui est recevable dans la mesure où il répond aux moyens d’irrecevabilité opposés par l’Administration ;

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

Attendu que l’Administration oppose l’irrecevabilité du pourvoi au motif que la société SOC1.) n’aurait déposé qu’une simple copie du jugement de première instance auquel les juges d’appel se seraient référés ;

Mais attendu que si les juges d’appel se réfèrent à l’interprétation donnée par le tribunal de l’article 5 du Règlement grand-ducal du 23 mai 1980 en ce qui concerne la « présentation » du recours à l’Administration, ils y ajoutent cependant un résumé de la motivation des juges de première instance en disant : « Il appartenait à la SOC1.) de s’organiser de façon telle que sa demande de remboursement parvienne à l’Administration au plus tard le 30 juin 2010, pendant les heures de bureau normales » de sorte que le dépôt du jugement de première instance sous forme d’une copie authentique signifiée soit à partie, soit à avoué ou sous forme d’expédition pour permettre à la Cour de cassation de contrôler l’authenticité de la décision n’est pas exigé ;

Attendu que l’Administration se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du pourvoi qui serait dirigé contre une administration dépourvue de personnalité juridique et en ce qui concerne l’erreur matérielle relative à la date de l’arrêt cité au pourvoi ;

Mais attendu que la règle générale de procédure de l’article 163 du Nouveau code de procédure civile selon laquelle les assignations concernant une administration publique étatique qui n’a pas de personnalité juridique sont à diriger contre l’Etat, représenté par le ministre d’Etat, connaît une exception au cas où la loi donne à une administration qui n’a pas la personnalité juridique le pouvoir d’agir en justice ou d’y défendre, comme c’est le cas pour les articles 76, paragraphe 3, et 79 de la loi modifiée du 12 février 1979 sur la TVA ;

Attendu que l’erreur quant à la date de l’arrêt contenue dans le mémoire en cassation, erreur qualifiée par la défenderesse elle-même de matérielle n’a pas pu entraîner de méprise quant à l’identification de l’arrêt attaqué;

D’où il suit que les moyens d’irrecevabilité du pourvoi opposés par l’Administration ne sont pas fondés ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, saisi par la société SOC1.) d’une demande en annulation de la décision de refus de remboursement de TVA pour les mois de janvier à décembre 1999, décision maintenue par le directeur de l’Administration qui a rejeté le recours gracieux formé par la société, le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile avait annulé la décision de l’Administration de l’Enregistrement et des domaines ;

que sur appel de l’Administration, la Cour d’appel, réformant, débouta la société SOC1.) de sa demande ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation de l’article 7 de la Directive 79/1072/CEE du Conseil du 6 décembre 1979, de l’article 5 du Règlement Grand-Ducal du 23 mai 1980, du Règlement Grand-Ducal du 9 décembre 1983 et des articles 1256 et 1259 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que l’arrêt a déclaré s’organiser de façon telle que sa demande de remboursement parvienne à l’Administration au plus tard le 30 juin 2000, pendant ses heures de bureau normales. La présentation de la demande doit être considérée comme tardive ».

Alors que première branche, le délai de présentation d’une demande en remboursement de TVA est expressément défini par les textes normatifs en vigueur au moment de la présentation de la demande et ne se prête à aucune interprétation, et encore moins à une réinterprétation qui ajoute une condition supplémentaire, qui n’est pas prévue par les textes applicables au cas d’espèce et aurait pour effet de réduire le délai de présentation d’une demande en remboursement de TVA, pour des raisons d’organisation interne de l’Administration, afin de tenir compte des horaires d’ouverture de l’Administration des Contributions Directes et in fine imposerait des délais raccourcis non prévus par les textes applicables ;

Qu’en imposant de déposer la demande en remboursement de TVA avant 16 :00 heures le dernier jour légal d’admission du dépôt de la demande, l’Administration impose des conditions supplémentaires à celles prescrites par la huitième Directive et le Règlement grand-ducal alors en vigueur, conditions additionnelles illégales qui amènent à refuser d’appliquer la loi.

Et alors que deuxième branche, le refus se base sur le fait que l’Administration ne s’est pas donnée les moyens administratifs de respecter la huitième Directive et les Règlements en vigueur » ;

Attendu qu’il résulte des constatations des juges du fond que la société SOC1.) a remis sa demande en remboursement de la TVA le 30 juin 2000 à Dieppe au service Chronopost et que cette demande est parvenue à l’Administration le 3 juillet 2000 ; que la demanderesse en cassation n’a à aucun moment établi ni même allégué devant les juges du fond que le service Chronopost se soit présenté le 30 juin 2000 après 16 heures aux bureaux de l’Administration ;

que la question de l’heure de fermeture des bureaux de l’Administration n’est donc pas pertinente et que la première branche du moyen est inopérante ;

Attendu que la deuxième branche du moyen ne formule aucun grief en droit à l’encontre de l’arrêt attaqué mais reproche un manque d’organisation à l’Administration défenderesse en cassation ;

que la deuxième branche du moyen est donc irrecevable ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation de la loi par fausse application de la loi sinon violation de la loi par refus d’application de la loi donc de l’article 7 de la Directive 79/1072/CEE du Conseil du 6 décembre 1979 et de l’article 5 du Règlement Grand-Ducal du 23 mai 1980, alors que, première branche, la Cour a, à tort, créé une sanction qui n’existe pas dans les textes susmentionnés, que la demande de remboursement est intervenue dans le respect du délai fixé tant par les normes communautaires que par la réglementation grand-ducale, soit dans les six mois qui suivent la fin de l’année civile pour laquelle la demande de remboursement est réalisée, que la demande de la société requérante ayant été adressée le 30 juin 2000, il appartient à l’Administration de la TVA de faire droit à cette demande, que la société SOC1.) a présenté sa demande en remboursement de TVA pour l’année 1999 par un courrier daté du 29 juin 2000, déposé à l’Administration fiscale par courrier CHRONOPOST en date du vendredi 30 juin 2000 alors que les bureaux étaient fermés, Attendu que si la demande devait être considérée comme introduite hors des délais fixés par la réglementation applicable, il y a lieu de prendre en considération les circonstances de la cause et de juger cette affaire en équité tel que cela est repris dans les développements relatifs à la deuxième branche.

Et alors que deuxième branche, en sanctionnant par la déchéance d’un droit acquis le défaut de présentation de la demande dans le délai – alors qu’aucune sanction légale n’est prévue -, l’Administration a violé le principe d’équité fiscale » Et pour autant que de besoin, surseoir à statuer et soumettre à la Cour de Justice des Communautés Européennes la question préjudicielle de savoir si, à l’instar de la jurisprudence de la CJCE qui déclare contraire au principe communautaire de non-discrimination une disposition légale ou réglementaire d’un Membre créant une discrimination entre les ressortissants de cet Etat membre et les ressortissants des autres Etats membres, une pratique administrative d’un Etat membre consistant en une tolérance pour le dépôt au-delà des délais prescrits des déclarations fiscales concernant la TVA et par là même pour une demande en remboursement de TVA, doit être appliquée aux assujettis communautaires non-

ressortissants de cet Etat membre qui sont amenés à demander un tel remboursement à cet Etat membre, en vertu du principe communautaire de non-

discrimination des ressortissants des Etats membres de l’Union Européenne » ;

Mais attendu, d’une part, que l’article 7 de la Directive 79/1072/CEE du Conseil dispose au sujet de la demande de remboursement de l’assujetti non établi à l’intérieur du pays mais établi dans un autre Etat membre que « La demande doit être présentée au service compétent visé à l’article 9 premier alinéa au plus tard dans les six mois qui suivent l’expiration de l’année civile au cours de laquelle la taxe est devenue exigible » ; que l’article 5 du règlement grand-ducal modifié du 23 mai 1980 déterminant les conditions et modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis établis à l’étranger dispose à son tour que « La demande en remboursement prévue à l’article 3 doit être présentée à l’Administration de l’enregistrement au plus tard dans les six mois qui suivent l’expiration de l’année civile au cours de laquelle la taxe ayant grevé les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à l’assujetti ainsi que les importations de biens effectuées par l’assujetti est devenue exigible » ;

qu’il résulte de ces textes que la Cour d’appel n’a pas « créé une sanction qui n’existe pas dans les textes susmentionnés », mais qu’en retenant la déchéance comme sanction de la présentation d’une demande en remboursement en dehors du délai d’exclusion fixé par les textes normatifs, elle a correctement appliqué les textes normatifs visés au moyen ;

Attendu, d’autre part, que le moyen est irrecevable pour autant qu’il est fondé sur un principe d’équité fiscale, la Cour de cassation ne procédant pas à un contrôle de l’équité ;

Attendu, finalement, que la question préjudicielle proposée par la société SOC1.) est manifestement dénuée de fondement, la situation des assujettis, obligés de déposer des déclarations de TVA n’étant pas comparable à celle des assujettis non établis à l’intérieur du pays, disposant d’une faculté de présenter des demandes en remboursement de la TVA ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé dans aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation des articles 544 du Code civil et 711 du Code civil, libellés en ces termes :

l’article 544 du Code civil dispose que et de disposer des choses, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par des règlements ou qu’on cause par un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage rompant l’équilibre entre des droits équivalents », et l’article 711 du Code civil dispose que et se transmet par succession, par donation entre vifs ou testamentaire et par l’effet des obligations ».

Alors que moyen unique, l’Administration de l’Enregistrement et des Domaines s’est attribuée la propriété d’une somme d’argent qu’elle ne détient qu’à titre temporaire avant de procéder au remboursement de ce trop perçu, dans les conditions fixées par la loi.

Attendu que l’Administration fiscale n’a aucun moyen pour s’opposer à la demande de remboursement, laquelle doit avoir lieu par le jeu des règles applicables en matière de TVA, règles par lesquelles le contribuable se rend temporairement pourvoyeur de fonds de l’Etat, Que cela suppose le respect pur et simple des règles de base sans interprétation aucune, et le respect d’un peu de circonspection sinon d’équité voire de moralité, pour éviter de tourner les règles dans un sens que le législateur n’a pas souhaité, en conséquence l’arrêt attaqué a violé la loi et est à casser, que la partie demanderesse se réserve de produire d’autres pièces et de développer d’autres moyens et arguments en cours d’instance suivant qu’il appartiendra » ;

Mais attendu que le moyen est nouveau et, mélangé de droit et de fait, il est irrecevable ;

Par ces motifs :

rejette le pourvoi ;

condamne la société anonyme de droit français SOC1.) aux dépens de l’instance en cassation et en ordonne la distraction au profit de Maître François KREMER sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Madame Christiane BISENIUS, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25/11
Date de la décision : 07/04/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2011-04-07;25.11 ?

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