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07/04/2011 | LUXEMBOURG | N°18/2011

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 07 avril 2011, 18/2011


N° 18 / 2011 pénal.
du 7.4.2011
Not. 25574/06/CD
Numéro 2850 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée
conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en
son audience publique du jeudi sept avril deux mille onze,


dans la poursuite pénale dirigée contre :



X.), employée de banque, née le (…) à (…), demeurant à L-(…), (…),

demanderesse en cassation,

comparant par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel
domicile est

élu


en présence du MINISTERE PUBLIC


l’arrêt qui suit :



----------------------------------------------------------...

N° 18 / 2011 pénal.
du 7.4.2011
Not. 25574/06/CD
Numéro 2850 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée
conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en
son audience publique du jeudi sept avril deux mille onze,


dans la poursuite pénale dirigée contre :



X.), employée de banque, née le (…) à (…), demeurant à L-(…), (…),

demanderesse en cassation,

comparant par Maître Yves PRUSSEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel
domicile est élu


en présence du MINISTERE PUBLIC


l’arrêt qui suit :



---------------------------------------------------------------------------------




LA COUR DE CASSATION :

Sur le rapport de la présidente Marie-Paule ENGEL et sur les conclusions de
l’avocat général John PETRY ;

Vu l’arrêt attaqué rendu le 6 juillet 2010 sous le numéro 307/10 V. par la
Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu la déclaration de pourvoi faite le 6 août 2010 au greffe de la Cour
supérieure de justice par Maître Max BECKER, en remplacement de Maître Yves
PRUSSEN, pour et au nom de X.) ;

Vu le mémoire en cassation de X.) déposé le 27 août 2010 au greffe de la
Cour supérieure de justice ;
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Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de
Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait condamné X.) à une amende
pour avoir, en infraction à l’article 163 de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les
sociétés commerciales, omis de publier dans le délai légal, en qualité
d’administratrice de six sociétés anonymes de droit luxembourgeois, l’inventaire, le
bilan et le compte de profits et pertes relatifs à différents exercices ; que sur appel
de la prévenue et du ministère public, la Cour d’appel, siégeant en matière
correctionnelle avait confirmé le jugement entrepris ; que cette décision avait été
annulée par arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2010 ; que, statuant sur
renvoi après cassation, la Cour d’appel confirma le jugement entrepris.


Sur le premier moyen de cassation :

tiré

« a) de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ;
b) du défaut de base légale et de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ;
c) de la violation de l’article 6 § 2 de la Convention Européenne des
Droits de l’Homme, ainsi que des articles 161, 189 et 195 du Code d’Instruction
Criminelle selon lesquels la preuve de l’infraction incombe au Ministère Public;
d) de la violation de l’article 71-2 du Code Pénal et du principe
général du droit de la personnalité des peines,
en ce que l’arrêt attaqué
a justifié la condamnation de la demanderesse en cassation en jugeant que
la cause justificative invoquée par la demanderesse en cassation ne pourrait être
retenue parce que d’une part il y aurait eu, selon l’arrêt, des retards et des
carences imputables aux administrateurs dans les étapes préliminaires au respect
de l’exigence de l’article 79 de la loi de 2002 sur les comptes, et que d’autre part
l’instruction de l’employeur, qui avait imposé de faire approuver les comptes
sociaux de manière informelle par les actionnaires ou associés avant la soumission
des comptes aux assemblées générales des actionnaires, ne serait pas une cause de
justification admissible, parce que la demanderesse en cassation n’aurait pas été
dans une situation de. dépendance telle vis-à-vis de l’employeur qu’elle n’aurait
pas pu conjurer par sa volonté des comportements illégaux et qu’elle aurait pu
obtenir la modification d’une procédure erronée, le redressement de cette
procédure erronée par la suite révélant, selon l’arrêt, que les administrateurs
disposeraient suffisamment de liberté pour éviter les infractions reprochées et pour
intervenir auprès de leurs employeurs aux fins de se conformer aux exigences
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légales;
alors cependant que le premier point relevé par la Cour d’appel dans ses
motifs est lié au second, puisque la procédure définie par la direction générale de
l’employeur prévoyait l’arrêté des comptes et la convocation de l’assemblée
générale des actionnaires par le conseil d’administration comme devant intervenir
après l’accord des actionnaires ou associés sur le projet de comptes, qui leur était
adressé avant toute intervention du conseil d’administration, et que c’est donc cette
procédure, qui a empêché les administrateurs de procéder aux mesures préalables
à la tenue des assemblées générales,
et que relativement à la question si la demanderesse en cassation aurait été
en mesure de faire modifier la procédure existante, l’arrêt procède par pure
affirmation, en admettant comme exacte l’hypothèse que la demanderesse aurait pu
convaincre la direction générale de l’employeur de modifier une procédure établie
depuis des années, force est de constater que le juge du fond ne disposait d’aucune
preuve qu’une telle démarche aurait pu aboutir et que la procédure aurait été
modifiée à la suite d’une intervention de la demanderesse en cassation, alors que la
procédure en question avait été modifiée, comme cela a été précisé dans la note de
la demanderesse versées en cause lors des plaidoiries du 10 juin 2010, à la suite de
l’intervention de l’avocat-conseil de l’employeur et non pas en raison des
interventions des employés tels que la demanderesse en cassation et ses collègues,
et ce faisant, l’arrêt procédant par affirmation
(i) a omis de motiver la condamnation par le constat de la preuve de
l’absence de la cause justificative invoquée,

(ii) et dans la mesure où l’arrêt a entendu motiver sa solution par un motif
hypothétique, a omis de justifier cette solution et manque de base légale,
(iii) violant au demeurant le principe selon lequel le Ministère public a la
charge de la preuve, y compris celle de l’inexistence d’une cause justificative » ;


Première branche du moyen : la violation de l’article 89 de la Constitution
et de l’article 6§1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

Mais attendu qu’en tant que tiré de l’article 89 de la Constitution et, dans ce
contexte, de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, le moyen vise le défaut de motifs qui est un
vice de forme ; que l’arrêt est motivé sur le point considéré ;

D’où il suit que cette branche du moyen ne saurait être accueillie ;

Deuxième branche du moyen : le défaut de base légale et violation de
l’article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme

Mais attendu qu’en disant, après avoir constaté que les retards préalables à
la publication obligatoire étaient imputables aux administrateurs dès lors que la
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décision d’exécuter les formalités relatives à l’établissement des comptes sociaux,
ainsi que le rapport sur les opérations de la société et la convocation des assemblées
générales incombaient aux seuls administrateurs ou gérants ou au conseil
d’administration, indépendamment d’une intervention des actionnaires ou associés,
qu’ « En acceptant le mandat d’administrateur de sociétés et en exerçant cette
fonction pour le compte de l’établissement bancaire qui les employait, les prévenus
n’étaient pas dans une situation quant à l’administration des sociétés en question, de
dépendance telle qu’ils n’eussent pu conjurer par leur volonté des comportements
illégaux. Tant le fait que, pour un certain nombre de sociétés, les démarches
entamées après l’intervention de la police ont permis l’approbation en bonne et due
forme des comptes sociaux, que le fait que la procédure en matière d’administration
des sociétés, qualifiée d’erronée par le mandataire de la prévenue X.), a été
redressée, révèlent que les administrateurs disposaient de suffisamment de liberté
pour éviter les retards ou omissions reprochés et pour intervenir auprès de leur
employeur aux fins de se conformer aux exigences légales » la Cour d’appel a, par
des motifs exempts d’insuffisance, - ni hypothétiques ni ne constituant de simples
affirmations -, procédant d’une appréciation souveraine des faits, justifié le rejet de
la cause de justification invoquée par la prévenue ; que la décision n’encourt donc
pas le grief de défaut de base légale ;

D’où il suit que cette branche du moyen n’est pas fondée ;

Troisième branche du moyen : la violation de l’article 6§2 de la convention
Européenne des Droits de l’Homme, ainsi que des articles 161, 189 et 195 du Code
d’Instruction Criminelle selon lesquels la preuve de l’infraction incombe au
Ministère public.

Quatrième branche du moyen : la violation de l’article 71-2 du Code Pénal
et du principe général du droit de la personnalité des peines.

Mais attendu que, sous le couvert du grief de violation des normes
invoquées, ces deux branches du moyen ne tendent qu’à remettre en discussion
devant la Cour de cassation, les faits relatifs au degré de dépendance de l’employée
en tant qu’ administratrice de sociétés, constatés et appréciés souverainement par
les juges du fond ; que ces constatations et appréciations échappent au contrôle de
la Cour de cassation ;

D’où il suit que les troisième et quatrième branches ne sauraient être
accueillies ;


Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré

« a) de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 6 § 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et du principe général de la
personnalisation des peines;

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b) du défaut de base légale;
en ce que l’arrêt attaqué, après avoir constaté que la demanderesse en
cassation avait demandé le bénéfice du sursis, a omis de statuer sur cette demande
tout en omettant de motiver de quelque manière que ce soit le refus du sursis,
violant ainsi l’obligation du juge de motiver l’étendue de la peine infligée à un
prévenu, et dans la mesure où les motifs contiendraient un élément quelconque qui
pourrait justifier le refus du sursis, ne donnant pas en raison de motifs incomplets,
de base légale à sa décision » ;

Attendu que l’article 626, premier alinéa, du code d’instruction criminelle
dispose que l’octroi du sursis à l’exécution de la peine doit être prononcé par
décision motivée ; que ce texte ne comporte pas d’obligation formelle de motiver le
refus d’accorder ce sursis ;

Attendu qu’en disant : « quant aux peines d’amende prononcées par les
juges de première instance, la Cour estime, au vu de l’absence d’antécédents
judiciaires dans le chef des deux prévenus et du fait qu’ils ont agi en qualité
d’employés de l’établissement bancaire domiciliataire des sociétés défaillantes,
qu’il y a lieu de ramener les peines d’amende à 5.000 euros pour chacun des
prévenus », la Cour d’appel a pris en compte les circonstances de l’espèce pour
admettre une réduction de la peine et retenu implicitement que ces circonstances ne
justifient cependant pas l’octroi d’un sursis à l’exécution de cette peine ;

Que l’arrêt n’encourt donc pas les griefs allégués au moyen ;

D’où il suit que le moyen est à rejeter.




Par ces motifs :


rejette le pourvoi ;

condamne X.) aux frais de l’instance en cassation, les frais exposés par le
Ministère public étant liquidés à 8,50 euros.


Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de
Luxembourg en son audience publique du jeudi, sept avril deux mille onze, à la Cité
Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :




Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour,
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Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation,
Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation,
Marc KERSCHEN, premier conseiller à la Cour d’appel,
Camille HOFFMANN, premier conseiller à la Cour d’appel,
Marie-Paule KURT, greffière à la Cour,

qui ont signé le présent arrêt.




La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Madame Christiane
BISENIUS, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18/2011
Date de la décision : 07/04/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2011-04-07;18.2011 ?

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