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10/02/2011 | LUXEMBOURG | N°10/11

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 10 février 2011, 10/11


N° 10 / 2011 pénal.

du 10.2.2011 Not. 9436/08/CD Numéro 2844 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi dix février deux mille onze, dans la poursuite pénale dirigée contre :

X.), directeur-comptable, né le (…) à (…) (France), demeurant à L-(…), (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu en présence du MINISTERE PUBLIC l’arrêt qui suit

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LA COUR...

N° 10 / 2011 pénal.

du 10.2.2011 Not. 9436/08/CD Numéro 2844 du registre.

La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi dix février deux mille onze, dans la poursuite pénale dirigée contre :

X.), directeur-comptable, né le (…) à (…) (France), demeurant à L-(…), (…), demandeur en cassation, comparant par Maître Henri FRANK, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu en présence du MINISTERE PUBLIC l’arrêt qui suit :

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LA COUR DE CASSATION :

Sur le rapport du conseiller Georges SANTER et sur les conclusions de l’avocat général Jean ENGELS ;

Vu l’arrêt attaqué rendu le premier juin 2010 sous le numéro 245/10 V. par la Cour d’appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;

Vu le pourvoi en cassation déclaré le 30 juin 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice par Maître Henri FRANK pour et au nom de X.) ;

Vu le mémoire en cassation déposé le 15 juillet 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice par Maître Henri FRANK ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière correctionnelle, avait, par jugement du 3 juillet 2008, condamné X.) du chef de banqueroute simple et d’infraction à l’article 163, 3° (actuellement 163,2°) de la loi modifiée du 10 août 1915 sur les sociétés commerciales, infractions se trouvant en concours réel, à une amende de 2.000.-

euros ; que la Cour d’appel, par arrêt du premier juin 2010, a confirmé le jugement à l’encontre de X.), sauf à redresser le libellé d’une des préventions retenues ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation des articles 1er et suivants de la loi du 3 mars 2010 introduisant la responsabilité pénale des personnes morales dans le Code pénal et dans le Code d’instruction criminelle ensemble le principe de l’application de la loi pénale plus douce conformément à l’article 2, alinéa 2 du Code pénal, en ce que malgré le fait que la prédite loi du 3 mars 2010 était en vigueur tant en date du 27 avril 2010, date à laquelle l’affaire a été instruite et plaidée en instance d’appel qu’en date du 1er juin 2010, date à laquelle l’arrêt attaqué a été prononcé, la Cour d’appel a estimé outre le fait que la loi ne saurait être appliquée à des personnes morales à raison des faits commis avant son entrée en vigueur, que cette loi n’opérait aucune substitution de la responsabilité pénale de la personne morale à celle de la personne physique dont la responsabilité pénale est recherchée, alors que ce faisant, la Cour d’appel a non seulement dénaturé et partant violé la nouvelle loi du 3 mars 2010 mais a en outre violé le principe inscrit dans l’article 2, alinéa 2 du Code pénal » ;

Mais attendu qu’en retenant que la responsabilité pénale du demandeur en cassation, ensemble avec celle d’un autre co-prévenu, est recherchée à raison des manquements dont ils sont personnellement et directement responsables en tant que personnes physiques en charge de la direction de deux sociétés, incluant la gestion de la société SOC1.) S.A., et en concluant, aux termes d’une appréciation souveraine des éléments du dossier répressif, que le demandeur en cassation est à retenir dans les liens des préventions libellées à son encontre pour avoir, par négligence fautive manqué aux obligations légales régissant la tenue d’une comptabilité, l’aveu de la cessation des paiements et la publication des documents comptables, la Cour d’appel a correctement appliqué tant l’article 2, alinéa 2, du Code pénal que l’article 34, alinéa 2, du même Code, tel qu’introduit par la loi du 3 mars 2010 sur la responsabilité pénale des personnes morales, énonçant que « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes infractions » ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation du principe de la personnalité des peines et du caractère personnel des infractions, en ce que la Cour d’appel a estimé que malgré le fait que le conseil d’administration constitue un organe collégial et malgré le fait que, comme c’est le cas en l’espèce, le conseil d’administration a délégué la gestion quotidienne à un administrateur délégué, que ces faits et surtout le fait que le conseil d’administration constitue un organe collégial ne ferait pas obstacle à l’imputabilité pénale à tout administrateur d’infraction liée à la direction et à la gestion de la société, alors que ce faisant, l’arrêt attaqué a violé le principe de la personnalité des peines en vertu duquel personne ne peut être condamné pour des faits qui relèvent soit d’une autre personne soit d’un organe dont la personne inculpée n’est qu’un membre sans pouvoir prendre par exemple seule la décision de déposer le bilan comme cela est reproché au sieur X.) dans le présent cas » ;

Attendu, selon les conclusions du Parquet Général, que le moyen ne précise pas le texte légal concernant le principe général invoqué et qu’il ne saurait dès lors être accueilli ;

Mais attendu qu’en faisant grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé le principe de la personnalité des peines et du caractère personnel des infractions, en disant que malgré le fait que le conseil d’administration constitue un organe collégial, ceci ne fait pas obstacle à l’imputabilité pénale à tout administrateur d’infractions liées à la direction et à la gestion de la société, le moyen vise en fait une violation de l’article 66 du Code pénal ;

D’où il suit que le moyen est recevable ;

Attendu qu’il laisse cependant d’être fondé ;

Attendu que la Cour d’appel, après avoir rappelé la qualité d’administrateurs-délégués de X.) et d’un autre co-prévenu dans deux sociétés elles-

mêmes administratrices de la société SOC1.) S.A., a souligné que la responsabilité pénale des deux prévenus est recherchée à raison des manquements dont ils sont personnellement et directement responsables en tant que personnes physiques en charge de la direction des deux premières sociétés incluant la gestion de la société SOC1.) S.A., a retenu que le fait que le conseil d’administration constitue un organe collégial ne fait pas obstacle à l’imputabilité pénale à tout administrateur d’infractions liées à la direction et à la gestion de la société et a admis qu’au regard des circonstances telles que se dégageant des éléments du dossier, le demandeur en cassation ne pouvait ignorer l’impasse totale de liquidités et l’état de cessation de paiements de la société et que, face à une éventuelle inaction du conseil d’administration, il n’était pas démuni alors qu’en tant que dirigeant d’une des sociétés administratrices de la société SOC1.) S.A. il lui aurait toujours été possiblede demander la convocation du conseil d’administration en vue de voir prendre les décisions qui s’imposaient ;

que ce faisant, la Cour d’appel a pu retenir le demandeur en cassation dans les liens des préventions mises à sa charge, sa condamnation n’intervenant pas pour le fait d’autrui, mais en raison de sa négligence fautive personnelle par laquelle il a manqué à ses obligations régissant la tenue d’une comptabilité, l’aveu de la cessation de paiements et la publication des comptes annuels ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l’article 1034 du Code civil ensemble avec l’article 437 du Code de commerce, en ce que tant les premiers juges que la Cour d’appel n’ont pas tenu compte de l’accord ayant existé entre la société SOC1.) et la société de leasing SOC2.), accord en vertu duquel la dette de SOC1.) pouvait être apurée moyennant un échéancier convenu entre parties, alors que ce faisant, tant les premiers juges que la Cour d’appel ont violé l’accord entre parties, cette violation de l’accord entre parties entraînant la non exigibilité de la créance de SOC2.), non exigibilité qui aurait dû amener tant le tribunal correctionnel que surtout la Cour d’appel de dire que les conditions de la mise en faillite n’étaient pas données en raison justement de l’absence d’exigibilité de la seule créance à l’origine de la faillite » ;

Attendu qu’il s’avère que la référence à l’article 1034 du Code civil est erronée, seule pouvant être visée la violation de l’article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que sous le couvert de violation des articles 1134 du Code civil et 437 du Code de commerce, le moyen ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond de l’état de cessation de paiements sur base des faits constatés ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation :

tiré « de la violation des articles 440 du Code de commerce qui dispose que le commerçant qui cesse ses paiements doit en faire l’aveu au greffe du tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale de son domicile ou de son siège social dans le mois ensemble l’article 574(4) du Code de commerce qui dispose que pour être déclaré banqueroutier simple tout commerçant qui n’a pas fait l’aveu de la cessation de ses paiements dans le délai précisé dans l’article 440 du Code de commerce, 4 en ce que malgré un jugement déclaratif de faillite du 26 mars 2007 rendu par la XVème chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et aux termes duquel il fût fixé provisoirement l’époque de la cessation des paiements au 26 septembre 2006, tant les premiers juges que la Cour d’appel ont fait fi de la valeur erga omnes dudit jugement déclaratif de faillite pour fixer une date de cessation de paiements pour le 21 juin 2006, alors que ce faisant, tant les premiers juges que la Cour d’appel ont violé manifestement l’autorité de chose jugée attachée au jugement déclaratif de faillite du 26 mars 2007 rendu par la XVème chambre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ayant fixé l’époque de la cessation des paiements au 26 septembre 2006 » ;

Mais attendu que le grief de la violation de l’autorité de la chose jugée est étranger au cas d’ouverture tiré de la violation des articles 440 et 574 (4) du Code de commerce ;

D’où il suit que le moyen est irrecevable ;

Par ces motifs :

rejette le pourvoi ;

condamne X.) aux frais de l’instance en cassation, les frais exposés par le Ministère public étant liquidés à 27,50 euros.

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix février deux mille onze, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de :

Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Georges SANTER, conseiller à la Cour de cassation, Marc KERSCHEN, premier conseiller à la Cour d’appel, Camille HOFFMANN, premier conseiller à la Cour d’appel, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour, qui ont signé le présent arrêt.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur Jean ENGELS, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 10/11
Date de la décision : 10/02/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2011-02-10;10.11 ?

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