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16/07/2010 | LUXEMBOURG | N°28/2010

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 16 juillet 2010, 28/2010


N° 28 / 2010 pénal.
du 16.7.2010
Not. 05/10840/LD
Numéro 2801 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique extraordinaire du vendredi, seize juillet deux mille dix,
dans la poursuite pénale dirigée contre :



X.) , retraité, né le (…) à Luxembourg, demeurant à L-(…), (…), demandeur en cassation,

comparant par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu

r>en présence du MINISTERE PUBLIC

l’arrêt qui suit :


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N° 28 / 2010 pénal.
du 16.7.2010
Not. 05/10840/LD
Numéro 2801 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique extraordinaire du vendredi, seize juillet deux mille dix,
dans la poursuite pénale dirigée contre :



X.) , retraité, né le (…) à Luxembourg, demeurant à L-(…), (…), demandeur en cassation,

comparant par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu


en présence du MINISTERE PUBLIC

l’arrêt qui suit :


---------------------------------------------------------------------------------




LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de la conseillère Marie-Jeanne HAVÉ et sur les conclusions
de l’avocat général Marie-Jeanne KAPPWEILER ; Vu le jugement attaqué rendu le 12 novembre 2009 par le tribunal
d’arrondissement de Luxembourg, dix-huitième chambre correctionnelle, siégeant en instance d’appel en matière de police sous le numéro 3221/2009 ;
Vu la déclaration de pourvoi faite le 4 décembre 2009 au greffe du tribunal
d’arrondissement de Luxembourg par Maître Sevinc GUVENCE, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, pour et au nom de X.) , suivi d’un mémoire en cassation déposé le 4 janvier 2010 au susdit greffe ;

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Vu le nouveau mémoire de X.) déposé le 4 juin 2010 ; Sur les faits : Attendu, selon le jugement attaqué, que le tribunal de police avait condamné
X.) , en sa qualité de gérant administratif et de gérant de fait, pour infraction à l’article 107 de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain et aux articles 14.2, 14.3 et 57.3 du Règlement sur les bâtisses de la Ville de Luxembourg du 16 juillet 1967, tel qu’il a été modifié et complété par la suite, à une amende et qu’il avait ordonné la suppression des travaux exécutés pour l’aménagement du parking illégal se trouvant sur le terrain de la société Entreprise de montage SOC1.) et le rétablissement des lieux en leur pristin état aux frais de X.) ;
que sur appels de X.) et du ministère public, le tribunal d’arrondissement
déclara l’action prescrite pour autant qu’elle porte sur le défaut d’autorisation pour les travaux effectués, acquitta le prévenu de la prévention non établie, le condamna pour avoir procédé à l’installation d’une barrière d’accès sans disposer préalablement d’une autorisation à une amende de 50.000 € et ordonna le rétablissement des lieux dans leur pristin état aux frais de X.) ;
Sur la procédure : Attendu que le demandeur en cassation conclut au rejet pour cause de
tardiveté des conclusions écrites du ministère public déposées le 6 mai 2010 ; Mais attendu qu’en matière pénale, la loi modifiée du 18 février 1885 sur les
pourvois et la procédure en cassation n’impose pas de délai au ministère public pour le dépôt de ses conclusions ;
que les conclusions déposées par le parquet général au greffe de la Cour le 6
mai 2010 pour l’audience du 17 juin 2010 sont partant recevables ; Sur le premier moyen de cassation :
première branche, tiré « de la violation de l’article 16 de la Constitution,
en ce que le droit de propriété consacré à l’article 16 de la Constitution est
limité entre autres par l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sur
l’aménagement communal et le développement urbain,

et en ce que l’article 57.3.1.e) du règlement des bâtisses de la Ville de
Luxembourg dépasse la limitation prévue à l’article 37 de la loi modifiée du 19
juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain, en exigeant
une autorisation de bâtir à une structure non prévue dans l’article 37 de la loi
modifiée du 19 juillet 2004, à savoir l’établissement et la modification de clôtures
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qu’en vertu de l’article 95 de la Constitution, le Tribunal aurait partant dû
écarter l’article 57.3.1. e) du règlement des bâtisses pour n’être pas conforme à
l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 et par voie de conséquence à
l’article 16 de la Constitution et acquitter X.) de l’infraction à l’article 57.3.1. e)
du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg » ;


Mais attendu que l’article 57.3.I.e) du règlement des bâtisses modifié de la Ville de Luxembourg du 16 juillet 1967 n’est pas contraire à l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain qui impose l’exigence d’une autorisation du bourgmestre pour les constructions, transformations et démolitions des bâtiments, mais ne défend pas de soumettre d’autres constructions ou aménagements qui ne constituent pas des « bâtiments » à certaines règles et à une autorisation communale ; que les articles 38 et 39 de la susdite loi autorisent la Ville de Luxembourg à réglementer entre autres les clôtures (…) ;
que l’article 57.3.1.e) du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg
est conforme à la loi modifiée du 19 juillet 2004 et que l’application de cet article du règlement ne viole ni l’article 95 ni l’article 16 de la Constitution ;
d’où il suit que le moyen n’est pas fondé en sa première branche ; deuxième branche, tiré « de la violation de l’article 37 de la loi modifiée
du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement urbain et de
l’article 95 de la Constitution,

en ce que l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 sur l’aménagement
communal et le développement urbain soumet à une autorisation de bâtir toute
construction, transformation ou démolition d’un bâtiment,

en ce que le règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg prévoit, en
son article 57.3.1. e), que << Sans préjudice des dispositions légales en vigueur,
une autorisation de bâtir est requise : (…)

e) pour l’établissement et la modification de clôtures de toute nature le long
des voies publiques ; (…) >>,

et que le Tribunal a estimé, en s’appuyant sur l’article 107 de la
Constitution, que cette disposition réglementaire était conforme à l’article 37 de la
loi modifiée du 19 juillet 2004 sur l’aménagement communal et le développement
urbain, au motif que l’article 37 n’exigerait << pas que seuls les bâtiments soient
soumis à autorisation par le pouvoir communal >>,

que pourtant, cette disposition réglementaire est contraire à l’article 37 de
la loi précitée, qui est de stricte interprétation au vu de l’article 16 de la
Constitution, alors qu’elle soumet à autorisation de bâtir l’établissement ou la
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modification de clôtures le long de la voie publique et dépassant ainsi le cadre
circonscrit dans l’article 37 alinéa 1 er
de la loi du 19 juillet 2004,

que dépassant le cadre circonscrit par l’article 37 de la loi du 19 juillet
2004, le Tribunal aurait dû refuser l’application de l’article 57.3.1. e) du règlement
des bâtisses, ce en vertu de l’article 95 de la Constitution, et acquitter X.) d’une
infraction à l’article 57.3.1. e) » ;

Mais attendu que le tribunal n’a pas dit que la barrière ou clôture installée par le prévenu constitue un bâtiment au sens de l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement et le développement urbain, mais il a retenu que l’article 38 de cette loi oblige les communes à édicter un règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites et que son article 37 ne s’oppose pas à ce que la Ville de Luxembourg exige que l’installation d’une clôture le long des voies publiques soit soumise à autorisation de la Ville de Luxembourg ;
que les juges d’appel ont légalement justifié leur décision d’appliquer
l’article 57.3.1.e) du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant dont fait état le moyen ;
d’où il suit que le moyen n’est pas fondé en sa deuxième branche ; troisième branche : tiré « de la violation ou de la mauvaise interprétation
de l’article 107 de la Constitution,

en ce que le tribunal retient qu’en vertu de l’article 107 de la Constitution
l’administration communale de Luxembourg pouvait ne pas limiter à << l’exigence
légale minimale >> de l’article 37 de la loi modifiée de 2004 et qu’elle pouvait
donc soumettre à autorisation de bâtir les clôtures le long de la voie publique,

que ce faisant, le Tribunal a méconnu les limites posées par la loi au
principe de l’autonomie communale, en ce que si l’administration communale
garde son pouvoir de réglementation tel que prévu par les articles 38 et 39 de la loi
modifiée de 2004, ce pouvoir n’ouvre pas la voie à une violation de l’article 37 de
la loi modifiée de 2004, qui limite le champ d’application des autorisations de
bâtir » ;
Mais attendu qu’en disant que l’article 38 de la loi modifiée du 19 juillet
2004 concernant l’aménagement et le développement urbain oblige les communes à édicter un règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites et que son article 37 ne s’oppose pas à ce que la Ville de Luxembourg exige que l’installation d’une clôture le long des voies publiques soit soumise à autorisation de la Commune, le tribunal a justifié l’application de l’article 57.3.1.e) du règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg par ces seuls motifs, abstraction faite du motif surabondant dont fait état le moyen ;
d’où il suit que le moyen n’est pas fondé en sa troisième branche ;
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Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 107 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 sur
l’aménagement communal et le développement urbain,

qu’à supposer que le règlement des bâtisses de la Ville de Luxembourg soit
valable et applicable, quod non, l’article 57.3.1. e) dudit règlement des bâtisses n’a
pas été violé par le demandeur en cassation, alors que ses conditions d’application
n’étaient pas remplies,

qu’en effet, cet article impose une autorisation de bâtir pour : <<
L’établissement et la modification de clôtures de toute nature le long des voies
publiques >>,

qu’en l’espèce, la barrière automatique située à 6 mètres derrière le portail
de clôture existant du terrain n’est pas à qualifier de clôture installée le long de la
voie publique,

que les juges du fond ont appliqué l’article 57.3.1 e) du règlement des
bâtisses, sans avoir vérifié au préalable que ses conditions d’application étaient
remplies,

que les éléments de l’infraction retenue à charge du prévenu n’étaient pas
donnés,

qu’étant donné que la barrière située dans le terrain n’est pas à qualifier de
clôture le long de la voie publique, il n’y a pas d’exigence d’une autorisation de
bâtir, et ainsi pas violation de l’article 57.3.1. e) du règlement des bâtisses, et donc
pas lieu à condamnation sur base de l’article 107 de la loi modifiée de 2004,

que partant le tribunal aurait dû prononcer l’acquittement du sieur X.) de
l’infraction de l’article 57.3.1. e) du règlement des bâtisses de la Ville de
Luxembourg » ;
Attendu que dans la discussion du moyen le demandeur en cassation
invoque encore dans la deuxième branche le défaut de base légale ; Vu l’article 57.3.1. e) du règlement sur les bâtisses de la Ville de
Luxembourg du 16 juin1967 tel qu’il a été modifié et complété ; Attendu qu’en se bornant à dire « que la barrière est en l’espèce installée le
long de la voirie et sert de clôture, étant donné qu’elle a pour objet de contrôler
quels véhicules peuvent accéder depuis la voie publique au parking » le tribunal n’a pas fourni les éléments de faits suffisants permettant de qualifier la barrière de « clôture le long des voies publiques » ;
que le moyen est dès lors fondé dans sa deuxième branche ;
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que le jugement attaqué encourt partant la cassation ;
Par ces motifs :
reçoit le pourvoi ;
rejette le premier moyen dans ses trois branches ; dit le pourvoi fondé pour le surplus ; casse et annule le jugement rendu le 12 novembre 2009 par le tribunal
d’arrondissement de Luxembourg, dix-huit chambre correctionnelle, siégeant en instance d’appel en matière de police sous le numéro 3221/2009 ;
déclare nulle et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont
suivis et remet les parties dans l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, autrement composé ;
laisse les frais à charge de l’Etat ; ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera
transcrit sur le registre du tribunal d’arrondissement et qu’une mention renvoyant à la transcription du jugement sera consignée en marge de la minute du jugement annulé.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de
Luxembourg en son audience publique extraordinaire du vendredi, seize juillet deux mille dix, à la Cité Judiciaire, Bâtiment CR, Plateau du St. Esprit, composée de : Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Marie-Jeanne HAVÉ, conseillère à la Cour de cassation, Marc KERSCHEN, premier conseiller à la Cour d’appel, Roger LINDEN, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour, qui ont signé le présent arrêt. La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique extraordinaire par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur Georges WIVENES, procureur général d’Etat adjoint, et de Madame Marie- Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 28/2010
Date de la décision : 16/07/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2010-07-16;28.2010 ?

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