N° 41 / 10.
du 27.5.2010.
Numéro 2684 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt-sept mai deux mille dix.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Irène FOLSCHEID, présidente de chambre à la Cour d’appel, Charles NEU, premier conseiller à la Cour d’appel, Ria LUTZ, conseillère à la Cour d’appel, Pierre CALMES, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY, avocat général, Guy NUSSBAUM, adjoint du greffier en chef de la Cour.
E n t r e :
la société anonyme A.), établie et ayant eu son siège social à (…), actuellement avec siège à (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Jean MEDERNACH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :
1) B.), défendeur en cassation, comparant par Maître Jean WELTER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2) C.), défendeur en cassation, comparant par Maître Jean MINDEN, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2 3) la CAISSE NATIONALE DE SANTE, établissement public, établie et ayant son siège à L-1471 Luxembourg, 125 route d’Esch, représentée par le président de son comité directeur actuellement en fonction, substituée de plein droit dans les droits et obligations de l’UNION DES CAISSES DE MALADIE aux termes de l’article 15 de la loi portant introduction d’un statut unique, défenderesse en cassation, 4) l’ASSOCIATION D’ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, établissement public, établie et ayant son siège à L-1471 Luxembourg, 125 route d’Esch, représentée par le président de son comité directeur actuellement en fonction, défenderesse en cassation, comparant par Maître Edmond LORANG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de la présidente Marie-Paule ENGEL et sur les conclusions de l’avocat général Jean ENGELS ;
Vu les arrêts attaqués rendus respectivement le 2 décembre 1998 et le 30 avril 2008 par la Cour d’appel, deuxième chambre, dans la cause inscrite sous les numéros 20540 et 20946 ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 17 décembre 2008 par la société anonyme A.) à B.), à C.), à l’UNION DES CAISSES DE MALADIE et à l’ASSOCIATION D’ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS et déposé le 19 décembre 2008 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 9 février 2009 par l’ASSOCIATION D’ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS à la demanderesse en cassation ainsi qu’aux autres défendeurs en cassation, l’UNION DES CAISSES DE MALADIE ayant pris la dénomination de CAISSE NATIONALE DE SANTE et déposé le 13 février au greffe de la Cour ;
3 Vu le mémoire en réponse signifié le 11 février 2009 par C.) à la demanderesse en cassation ainsi qu’aux autres défendeurs en cassation et déposé le 17 février 2009 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 13 février 2009 par B.) à la demanderesse en cassation ainsi qu’aux autres défendeurs en cassation et déposé le 17 février 2009 au greffe de la Cour ;
Attendu que la Cour d’appel a, dans son arrêt du 30 avril 2008 mis hors de cause la CAISSE NATIONALE DE SANTE ; que cette disposition de l’arrêt n’ayant pas été attaquée, le pourvoi est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la CAISSE NATIONALE DE SANTE ;
Sur la demande en rejet des pièces de B.) :
Attendu que B.) demande le rejet des pièces nos 76, 83 et 84 de l’inventaire, déposées par la demanderesse en cassation, ces pièces n’ayant pas été produites devant les juges du fond ni communiquées au défendeur en cassation ;
Attendu que les pièces nouvelles qui sont soumises aux juges de cassation sans avoir été produites devant les juges du fond sont à rejeter des débats ;
qu’il y a lieu de rejeter les pièces 76, 83 et 84 de l’inventaire de A.) des débats ;
Sur les faits:
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait dit non fondée la demande de B.) tendant à l’indemnisation des suites d’une chute sur le parvis de l’immeuble sis à Luxembourg, 11, bvd Royal, dirigée contre C.)et la société A.) et avait déclaré le jugement commun à l’UNION DES CAISSES DE MALADIE (UCM) et l’ASSOCIATION D’ASSURANCES CONTRE LES ACCIDENTS ; que sur recours de B.), la Cour d’appel déclara recevable les appels dirigés contre C.) et la société A.) et, réformant, dit la demande fondée en principe et nomma des experts pour déterminer le préjudice subi par l’appelant, compte tenu du recours des organismes sociaux ; que, par arrêt postérieur, la Cour d’appel mit hors de cause l’UCM, fixa le préjudice de droit commun subi par B.), détermina le montant du recours de l’ASSOCIATION D’ASSURANCES CONTRE LES ACCIDENTS, déduisit le montant du recours du préjudice de droit commun et condamna C.) à payer à B.) le montant restant avec les intérêts compensatoires à partir d’une date moyenne pour la perte de revenus, à partir de la consolidation médicale pour l’atteinte à l’intégrité physique et à partir du jour de l’accident pour le préjudice d’agrément, le montant total avec les 4 intérêts moratoires à partir de l’arrêt ; qu’elle dit encore fondée la demande de B.) contre la société A.) pour le même montant total, ce jusqu’à concurrence du plafond de la garantie, outre les intérêts moratoires à partir de l’arrêt ; qu’elle prononça encore condamnation de la société A.) à payer à B.) le montant précédemment arrêté in solidum avec la condamnation prononcée contre C.) ;
Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt du 2 décembre 1998 :
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 456 de l’ancien Code de procédure civile (abrogé par la loi du 11 août 1996 entrée en vigueur le 16 septembre 1998 introduisant l’article 584 du Nouveau code de procédure civile) et de celle de l’article 14 alinéa 4 2de la loi du 22 avril 1985 modifiant la loi du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis en ce que dans l'arrêt attaqué, la Cour d'appel, après avoir constaté que D.) avait cessé ses fonctions de syndic de C.) dès le 1er octobre 1988 et qu’au moment de la signification de l'acte d'appel des 9 et 10 avril 1997, E.) avait la qualité de syndic du syndicat intimé, a dit que la signification de l'acte d'appel des 9 et 10 avril 1997 au syndicat représenté par l'ancien syndic, D.), avait été valablement faite, au motif que le changement dans les fonctions de syndic dès le 1er octobre 1988 n'avait pas été dénoncé à B.) et déclaré en conséquence recevable l'appel de B.) ;
alors que, première branche, l'article 14 alinéa 4 de la loi du 16 mai 1975 telle que modifiée et complétée par la loi du 22 avril 1985 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis prévoit expressément que le syndic représente le syndicat, tant en demandant qu'en défendant, dans tous les actes civils en justice et alors que, deuxième branche, il appartient à l'huissier instrumentant de vérifier les qualités de la personne à qui il remet l'acte à signifier, sans qu'il soit besoin d'une quelconque dénonciation aux copropriétaires ou à des tiers, d'un changement dans les fonctions de syndic, la Cour d'appel qui a déclaré valablement faite une signification à une personne n'ayant pas la qualité de syndic a violé les textes susvisés et doit encourir la cassation. » Attendu que B.) conclut à l’irrecevabilité du moyen soulevé par la demanderesse en cassation, les demandes dirigées contre C.), condamnés in solidum, n’étant pas indivisibles ;
Attendu qu’en l’absence d’une impossibilité de fait de l’exécution conjointe de décisions éventuellement divergentes, le litige n’est pas indivisible et la demanderesse en cassation n’est pas autorisée à opposer le 5 moyen de nullité de l’acte d’appel dirigé par B.) contre C.) ;
que le moyen ne saurait dès lors être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 1384. alinéa 1er du Code civil, ensemble les articles 89 de la Constitution et 249 du Nouveau Code de procédure civile, en ce que pour fonder la responsabilité de principe de C.) sur base du fondement légal de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil, les juges d'appel se sont décidés sur la base d'une simple supposition que le sol recouvert de glace aurait bien été l'instrument du dommage, mais sont restés en défaut de déterminer, tel que les conclusions de Maître Vogel du 18 septembre 1998 (pages 5 et 6) les y avaient pourtant invités, si en présence d'une bande déblayée la veille du jour de la chute dommageable de B.), l'état du sol sur la partie non déblayée revêtait un caractère anormal omettant de rechercher la preuve positive du contact matériel entre la victime B.) et la partie déblayée du parvis jugée anormale alors que l'application de l'article 1384 alinéa 1er du Code Civil suppose que soient positivement établis par la victime, en cas de chose inerte tel que l'est le parvis de la Résidence (…), tant le caractère anormal par la position, l'installation ou le comportement de cette chose que l'intervention matérielle de cette même chose dans la réalisation du dommage, partant un contact matériel entre cette chose et la victime, si bien que les juges d'appel ayant insuffisamment recherché et constaté les éléments de fait nécessaires à leur décision, l'arrêt d'appel du 2 décembre 1998 doit encourir la cassation pour insuffisance de motifs et violation des textes susvisés. » Attendu que la demanderesse en cassation invoque encore, dans la discussion de son moyen un défaut de base légale sinon une insuffisance de motifs ;
Mais attendu que sous le couvert de griefs de violation de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil, ensemble les articles 89 de la Constitution et 249 du Nouveau code de procédure civile, d’insuffisance de motifs, de défaut de réponse à conclusions et de manque de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en discussion les constatations et appréciations souveraines des juges du fond relatives à l’état du parvis jugé anormal et ayant constitué l’instrument du dommage ; que ces constatations et appréciations échappent au contrôle de la Cour de cassation ;
que le moyen ne saurait dès lors être accueilli ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation des articles 571 et 597 du Nouveau code de 6 procédure civile (anciennement articles 443 (règlement grand-ducal du 9 décembre 1983) et 473 (règlement grand-ducal du 22 août 1985) du Code de procédure civile), en ce que la Cour a abjugé la demande de renvoi en première instance des parties intimées C.) et A.) en prosécution de cause aux motifs suivants : « Le tribunal ayant statué sur le fond, le premier degré de jugement est épuisé. L'effet dévolutif de l'appel se déterminant d'après l'acte d'appel et les conclusions prises par l'appelant dans la suite, la Cour est saisie de l'intégralité du litige et partant devra statuer sur le fondement des prétentions soumises devant elle » ;
alors qu'en vertu de l'effet dévolutif, une juridiction d'appel ne se trouve pas obligée ipso facto de statuer sur l'intégralité du litige tel qu'il se présente devant elle, mais peut renvoyer devant la première juridiction pour des points non examinés en première instance et doit même renvoyer en première instance si demande en est faite et si elle ne peut pas statuer définitivement sur des prétentions lui soumises quant au fond par une seule et même décision, cas où l'évocation ne lui est pas permise, si bien que la Cour d'appel qui a refusé un tel renvoi demandé par les parties intimées au motif qu'elle doit statuer sur l'intégralité des prétentions lui soumises par l'acte d'appel et les conclusions du demandeur s'est partant trompée dans l'application de la loi et doit encourir la cassation. » Mais attendu que la Cour d’appel, saisie d’un appel général contre un jugement de première instance ayant statué au fond, est investie de l’entière connaissance du litige par l’effet dévolutif de l’appel et n’est pas autorisée à renvoyer les parties devant le premier juge ;
que le moyen n’est dès lors pas fondé ;
Sur le pourvoi dirigé contre l’arrêt du 30 avril 2008 :
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 1235 du Code civil en ce que :
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en refusant de tenir compte des montants déjà décaissés en raison du sinistre par la compagnie d'assurance avant le prononcé de l'arrêt, -
en omettant de tenir compte des droits de recours des organismes de sécurité sociale intéressés sur l'indemnité d'assurance et -
en condamnant la compagnie d'assurance au paiement d'intérêts moratoires sur le montant de 247.893,43.-€, l'arrêt critiqué a condamné la compagnie d'assurance à divers paiements dont la somme dépasse en définitive la dette d'assurance en principal, intérêts et frais fixée par la police d'assurance dont le 7 plafonnement n'a pas fait l'objet d'une contestation devant les juridictions du fond et qui a d'ailleurs été reconnu par les juges d'appel, ce tant dans leur décision du 2 décembre 1998 où ils y ont donné acte à A.) de ce que sa garantie se limite actuellement à un montant de 9.070.949.-frs (10.000.000-929.051 en décaissements opérés à ce moment par A.), que dans celle du 30 avril 2008 où ils disent fondée la demande en principal et intérêts de B.) contre A.), ce jusqu'à concurrence du plafond de 247.893,52.-€ (10.000.000.-frs);
alors qu'en prononçant à l'encontre de A.) des condamnations dont l'import total dépasse le plafond d'assurance, l'arrêt attaqué a condamné A.) à des paiements excédant sa dette contractuelle, violant de ce fait l'article susvisé qui exige que tout paiement suppose une dette.
Attendu qu’en matière d’assurance non obligatoire, les parties sont libres de convenir d’un plafond de la garantie et que ce plafond est opposable à la victime ; qu’il ne résulte cependant pas de la loi du 3 juin 1891 sur le contrat d’assurance, invoqué par A.) à l’appui de son moyen dans la discussion y relative comme loi applicable au contrat des parties, que les « débours », constitués suivant le développement du moyen, par les frais d’avocat et les dépens, soient à la charge de celui-ci et doivent être imputés sur la couverture plafonnée par le contrat ;
Attendu qu’en l’absence de demande en condamnation de l’ASSOCIATION D’ASSURANCE CONTRE LES ACCIDENTS, les juges d’appel n’ont pu que fixer le montant du recours de celle-ci et le déduire du montant du préjudice de droit commun déterminé par eux ; que les juges d’appel n’ont condamné A.) qu’au paiement à B.) du montant restant après déduction du recours, avec les intérêts compensatoires, et ce jusqu’à concurrence du plafond de la garantie convenue, outre les intérêts moratoires à partir de l’arrêt sur le montant en principal augmenté des intérêt compensatoires ;
Attendu que les intérêts moratoires qui sont alloués à partir de l’arrêt fixant la réparation du dommage due à la victime et condamnant l’assureur au paiement de cette réparation ne sont pas soumis au plafond convenu par les parties au contrat d’assurance ;
que l’arrêt attaqué n’a pas condamné A.) à des paiements dont l’import total dépasse le plafond de la garantie convenue par les parties au contrat et reconnue par les juges d’appel ;
d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 1134 alinéa 1 er du Code civil en ce que :
-
en refusant de tenir compte des montants déjà décaissés en 8 raison du sinistre par la compagnie d'assurance avant le prononcé de l'arrêt, -
en omettant de tenir compte des droits de recours des organismes de sécurité sociale intéressés sur l'indemnité d'assurance et -
en condamnant la compagnie d'assurance au paiement d'intérêts moratoires sur le montant de 247.893,43.-€, l'arrêt critiqué a condamné la compagnie d'assurance à divers paiements dont la somme dépasse en définitive la couverture d'assurance en principal, intérêts et frais convenue à la police d'assurance RC 467.399 signée le 16.4.1969 entre C.) et A.) qui prévoit, comme l'ont justement reconnu les juges d'appel, ce tant dans leur décision du 2 décembre 1998 où ils y ont donné acte à A.) de ce que sa garantie se limite actuellement à un montant de 9.070.949.-frs (10.000.000-929.051 en décaissements opérés à ce moment par A.), que dans celle du 30 avril 2008 où ils disent fondée la demande en principal et intérêts de B.) contre A.), ce jusqu'à concurrence du plafond de 247.893,52.-€ (10.000.000.- frs) , alors qu'en se prononçant de la sorte, la Cour d'appel a dénaturé une stipulation claire et précise du contrat d'assurance qui n'a pas fait l'objet de contestations devant les juridictions du fond et violé en conséquence l'article 1134 al. ler du Code civil, encourant ainsi la cassation. » Mais attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt attaqué ni des pièces de la procédure que la demanderesse en cassation ait fait état de la clause des conditions générales du contrat d’assurance des parties relative aux frais, invoquée actuellement à l’appui du moyen dans le cadre de la discussion de ce moyen ;
que, pour autant que basé sur cette clause, le moyen est nouveau et, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;
que, pour le surplus, il y a lieu de renvoyer à la réponse donnée au premier moyen ;
Par ces motifs :
dit le pourvoi irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre la CAISSE NATIONALE DE SANTE et recevable pour le surplus ;
le rejette ;
condamne la société anonyme d’assurance A.) aux dépens de l’instance en cassation.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de 9 Monsieur John PETRY, avocat général et de Monsieur Guy NUSSBAUM, adjoint du greffier en chef de la Cour.
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