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06/01/2010 | LUXEMBOURG | N°1

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 06 janvier 2010, 1


N° 1 / 11. du 6.1.2011.
Numéro 2807 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, six janvier deux mille onze.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Marie-Anne STEFFEN, première conseillère à la Cour d'appel, Françoise MANGEOT, première conseillère à la Cour d'appel, Jean-Paul HOFFMANN, conseiller à la Cour d'appel, John PETRY, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

Entre:
1) X.), 2) Y.) les deux demeurant à (.), (.), <

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comparant par Maître Philippe DENIS, avocat à la Cour, en l'é...

N° 1 / 11. du 6.1.2011.
Numéro 2807 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, six janvier deux mille onze.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Marie-Anne STEFFEN, première conseillère à la Cour d'appel, Françoise MANGEOT, première conseillère à la Cour d'appel, Jean-Paul HOFFMANN, conseiller à la Cour d'appel, John PETRY, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

Entre:
1) X.), 2) Y.) les deux demeurant à (.), (.),

demandeurs en cassation,
comparant par Maître Philippe DENIS, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,
et:
la société anonyme SOC1.), établie et ayant son siège social à L-(.),(.), représentée par son conseil d'administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B(.),

défenderesse en cassation,
comparant par Maître André ELVINGER, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de la conseillère Léa MOUSEL et sur les conclusions du procureur général d'Etat adjoint Georges WIVENES ;
Vu l'arrêt attaqué rendu le 5 novembre 2009 par la Cour d'appel, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 3 mars 2010 par X.) et Y.) à la société anonyme SOC1.) et déposé le 4 mars 2010 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 27 avril 2010 par la société anonyme SOC1.) à X.) et Y.) et déposé le 29 avril 2010 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réplique signifié le 22 juin 2010 par X.) et Y.) à la société anonyme SOC1.) et déposé le 6 juillet 2010 au greffe de la Cour ;

Sur les faits :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, saisi par les consorts X.)-Y.) d'une demande en dommages-intérêts dirigée contre la société anonyme SOC1.) du chef de violation de secret bancaire, avait dit non fondée la demande basée sur la responsabilité contractuelle et irrecevable celle basée sur la responsabilité délictuelle ; que sur appel des consorts X.)-Y.), la Cour d'appel confirma la décision entreprise ;

Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 89 de la Constitution, de l'article 249 du Nouveau code de procédure civile, des articles 1142 et 1147 du Code civil, et, en ordre subsidiaire, des articles 1382, 1383 et 1384 du même Code,
en ce que la Cour a rejeté la demande en indemnisation formulée par les demandeurs aux motifs que :
elle partage l'appréciation faite par les premiers juges consistant à dire que le préjudice moral caractérisé par les appelants par la déception de leur attente légitime de voir la banque respecter son obligation au secret, n'a, dans le contexte des faits gisant à la base de la demande, à savoir l'interpellation par le fisc au sujet d'avoirs bancaires en vue d'une enquête fiscale suivie d'un redressement, pas suffisamment d'existence concrète et autonome par rapport aux désagréments liés à la dette fiscale pour justifier l'allocation de dommages et intérêts,
alors que, première branche, les requérants ont souligné en page 7 de leurs conclusions d'appel qu'ils ont contracté à Luxembourg et y ont placé leurs économies en raison du secret bancaire ; que le secret bancaire est une des obligations qui naît du contrat, et qui doit être respectée, obligation déterminante du contrat sans laquelle des ressortissants étrangers, tels les requérants n'auraient jamais déposé leurs fonds à Luxembourg ; qu'ils se sont déplacés à maintes reprises vers Luxembourg et ont contracté avec une banque luxembourgeoise pour cette unique raison ; qu'ils ont accordé leur confiance à leur cocontractant, confiance qui fonde la relation contractuelle ; que toute confiance trahie ou abusée engendre un préjudice moral en tant que tel parce qu'elle remet en cause le contrat ; que toute violation d'une obligation contractuelle fondamentale cause un dommage moral et doit être sanctionnée ; que, si une quelconque obligation peut être violée en toute impunité, sans sanction, autant franchement dire que cette obligation en l'occurrence l'obligation du secret bancaire n'existe pas, et que la loi ne sert à rien ; que le contexte tel qu'il a été exposé et la manière dont la violation du secret a eu lieu, est source de stress, alors que se posent beaucoup de questions ; que le doute que fait naître la diffusion d'informations, que l'on ait quelque chose à cacher ou non est source de stress ;
qu'en se limitant à énoncer que le préjudice n'avait aucune existence concrète, sans prendre en considération les conclusions des demandeurs, l'arrêt attaqué est entâché d'un défaut de réponse aux conclusions et que, ce faisant, a violé l'article 89 de la Constitution et l'article 248 du Nouveau code de procédure civile ;
alors que, deuxième branche, la victime a droit à la réparation intégrale de son dommage ; que toutes les attentes légitimes résultant de la violation de l'obligation de résultat au secret bancaire doivent être indemnisées ; que l'arrêt attaqué reconnaît l'existence de ces dommages moraux mais en en écarte l'indemnisation au motif que ce dommage ne serait pas autonome ; que l'arrêt méconnaît ainsi le principe de la réparation intégrale du dommage, violant les articles 1142 et 1147 du Code civil, et, en ordre subsidiaire, les articles 1382, 1383 et 1384 du même Code ;
et que, troisième branche, pour être indemnisé, le préjudice moral ne doit pas avoir une existence autonome par rapport aux désagréments liés à la dette fiscale ; que en ajoutant cette condition d'autonomie, la Cour réduit à néant l'indemnisation du dommage résultant de la violation de l'attente légitime de voir la banque respecter son obligation de secret ; qu'en ajoutant au principe de la réparation intégrale du dommage, des restrictions et conditions non prévues par la loi, la Cour viole les articles 1142 et 1147 du Code civil et subsidiairement les articles 1382, 1383 et 1384 du même Code » ;

Sur la première branche :
Mais attendu que la Cour d'appel a énoncé « qu'elle s'en tient à ce qui a été retenu par les premiers juges lorsqu'ils ont exclu de toute indemnisation, au titre de préjudice moral, les désagréments qui se trouvent en relation directe avec la dette fiscale » ; que sur l'affirmation des demandeurs en cassation de l'existence dans leur chef d'un préjudice moral, distinct, caractérisé par la déception de leur attente légitime de voir la banque respecter son obligation au secret, la Cour d'appel, en disant que ce préjudice n'a « dans le contexte des faits gisant à la base de la demande, pas suffisamment d'existence concrète et autonome par rapport aux désagréments liés à la dette fiscale pour justifier l'allocation de dommages-intérêts » a répondu aux conclusions des demandeurs sur cet élément du préjudice invoqué ;
Que le moyen ne saurait être accueilli en cette branche ;

Sur les deuxième et troisième branches réunies :
Mais attendu que sous le couvert du grief de violation des textes légaux cités, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à l'existence d'un préjudice résultant de la violation du secret bancaire ; que cette appréciation échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Que le moyen ne saurait être accueilli en ces deux branches ;

Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, de l'article 11(3) de la Constitution luxembourgeoise et en ce que l'arrêt attaqué rejette la demande en indemnité fondée sur l'atteinte à l'intimité de la vie privée,
aux motifs que :
après avoir constaté que les autorités fiscales avaient été saisies après la parution d'un livre de J. VERDUYN intitulé "" Le charme secret d'un banquier luxembourgeois "", la Cour rejette l'indemnisation du dommage résultant de la violation de la vie privée,
"" après avoir retenu que les informations de nature patrimoniale concernant une personne physique à l'écart du monde politique ou des affaires font partie de la sphère privée de cette personne et qu'en principe les révélations de données couvertes par le secret bancaire peuvent engendrer une atteinte à l'intimité de la vie privée "",
La Cour estime que
Parmi les pièces versées dans le dossier des consorts X.) -Y.) il n'y a pas d'extrait du livre précité et le seul article de presse du "" Volkskrant "" du 5 avril 2003 ne mentionne ni le nom, ni le domicile des appelants. Il s'en suit que ce grief n'est pas établi en cause à défaut d'élément matériel probant.
La Cour renvoie aux motifs des premiers juges qui ont dit que pour autant que les appelants devaient estimer qu'il y aurait atteinte à leur vie privée en raison du fait que l'administration fiscale néerlandaise a eu connaissance de l'existence d'un compte bancaire à leur nom auprès de la SOC1.), il convient de noter que le contribuable a l'obligation légale de renseigner l'administration fiscale et de lui fournir les données matérielles permettant de procéder à son imposition de sorte que les appelants ne sauraient se prévaloir de l'intimité de leur vie privée en rapport avec leur situation patrimoniale à l'égard du fisc "",
alors que la vie privée constitue un droit fondamental de tout citoyen protégé par la convention européenne des droits de l'homme, notamment en son article 8, et par l'article 11(3) de la Constitution luxembourgeoise qui prescrit que "" l'Etat garantit la protection de la vie privée "" ;
que la violation de la vie privée ne suppose pas que le nom des demandeurs soit expressément mentionné dans les ouvrages mais qu'il soit simplement divulgué à des tiers, ce que la Cour constate puisqu'elle reconnaît que l'enquête a été ouverte suite à la divulgation à et par un auteur ;
qu'au surplus, la relation des faits dans les journaux et les livres publiés n'ont pas été sans répercussion sur l'intimité des requérants, même si leur nom n'était pas expressément cité » ;
Mais attendu que sous le couvert de violation des textes légaux cités, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à l'existence du préjudice résultant d'une atteinte à la vie privée, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
condamne les demandeurs en cassation aux frais et dépens de l'instance en cassation et en ordonne la distraction au profit de Maître André ELVINGER sur ses affirmations de droit ;
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par
Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur John PETRY,
avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1
Date de la décision : 06/01/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2010-01-06;1 ?
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