La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/05/2009 | LUXEMBOURG | N°32/09

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 14 mai 2009, 32/09


N° 32 / 09.

du 14.5.2009.

Numéro 2462 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze mai deux mille neuf.

Composition:

Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, présidente, Irène FOLSCHEID, présidente de chambre à la Cour d’appel, Jean-Claude WIWINIUS, président de chambre à la Cour d’appel, Eliane EICHER, première conseillère à la Cour d’appel, Gilbert HOFFMANN, conseiller à la Cour d’appel, Eliane ZIMMER, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.r>
E n t r e :

la société anonyme A.), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil...

N° 32 / 09.

du 14.5.2009.

Numéro 2462 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, quatorze mai deux mille neuf.

Composition:

Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, présidente, Irène FOLSCHEID, présidente de chambre à la Cour d’appel, Jean-Claude WIWINIUS, président de chambre à la Cour d’appel, Eliane EICHER, première conseillère à la Cour d’appel, Gilbert HOFFMANN, conseiller à la Cour d’appel, Eliane ZIMMER, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

E n t r e :

la société anonyme A.), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, immatriculée au registre de commerce et des sociétés d’Amsterdam sous le numéro (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Patrick KINSCH, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :

1) la société anonyme B.), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître André ELVINGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, 2 2) la société anonyme C.), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Paul MOUSEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

=======================================================

LA COUR DE CASSATION :

Sur le rapport de la conseillère Léa MOUSEL et sur les conclusions du premier avocat général Georges WIVENES ;

Vu l’arrêt attaqué rendu le 12 juillet 2006 sous les numéros 27266 et 27931 du rôle par la Cour d’appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;

Vu le mémoire en cassation signifié par la société A.), le 16 janvier 2007 à la société anonyme B.), ainsi qu’à la société anonyme C.), mémoire déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 5 février 2007 ;

Vu le mémoire en réponse signifié par la société B.) le 14 mars 2007 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 15 mars 2007 ;

Vu le mémoire en réponse signifié par la société anonyme C.) le 13 mars 2007 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 16 mars 2007 ;

Vu le nouveau mémoire signifié le 24 septembre 2007 par la société anonyme A.) et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 28 septembre 2007 ;

Attendu qu’en application de l’article 17 de la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation il y a lieu d’écarter des débats le mémoire en réponse supplémentaire signifié le 27 juillet 2007 par la société B.) et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 10 août 2007 ;

Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :

3 La société anonyme B.) oppose l’irrecevabilité du pourvoi à défaut d’extension de celui-ci à la société d’investissement à capital variable D.) à laquelle l’arrêt attaqué a été déclaré commun ;

Mais attendu que la déclaration d’arrêt commun n’a pas créé une situation d’indivisibilité au niveau de l’exécution de deux décisions qui seraient contraires, de sorte que la société anonyme A.) n’était pas obligée de diriger son pourvoi également contre la société D.);

Que le moyen d’irrecevabilité soulevé est partant à rejeter ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement, siégeant en matière commerciale, saisi d’une demande dirigée par la société B.) contre la société C.) en présence de la société d’investissement à capital variable D.), tendant principalement à la condamnation de la société C.) à échanger les Attestations établies par elle et à délivrer à la demanderesse 154.818 actions de la classe capitalisante, catégorie « Classic » du compartiment « PARVEST SHORT TERM DOLLAR » de D.) et subsidiairement à lui payer la somme de USD 25.439.693 (vingt-cinq millions quatre cent trente-neuf mille six cent quatre-vingt-treize dollars américains), a dit la demande de la société B.) irrecevable pour autant qu’elle tendait à l’échange des Attestations contre les parts PARVEST et non fondée pour autant qu’elle était basée sur la responsabilité délictuelle de la société C.); que, statuant sur la demande en intervention de la société C.) contre la société A.), tendant à condamner celle-ci à tenir la demanderesse en intervention quitte et indemne de toute condamnation prononcée à son égard, à lui restituer 154.818 actions de la classe capitalisante, catégorie « Classic » du compartiment « PARVEST SHORT TERM DOLLAR » de D.), sinon à lui payer une somme égale à la valeur de ces actions, le tribunal a dit cette demande sans objet ;

Que sur appel de la société B.) et de la société C.) la Cour d’appel, réformant le jugement entrepris, condamna la société C.) à délivrer à la société B.) 154.818 actions de la classe capitalisante, catégorie « Classic » du compartiment « PARVEST SHORT TERM DOLLAR » de D.) au plus tard le 30 juin 2007 et, pour le cas où cette condamnation ne serait pas exécutée dans le délai imparti, au paiement de la contre-valeur des actions non délivrées, à augmenter des intérêts légaux à partir du 1er juillet 2007 ; que la Cour d’appel condamna encore la société A.) à tenir la société C.) quitte et indemne de la condamnation encourue et déclara la décision commune à la société d’investissement à capital variable D.) ;

Sur le premier moyen de cassation :

4 tiré : « de la violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 (alinéa 1er) en combinaison avec l’article 587 du nouveau code de procédure civile, pour contradiction de motifs, en ce que la Cour d’appel a dit la demande du B.) recevable et fondée et a condamné en conséquence C.) à délivrer à B.) 154.818 actions de la classe capitalisante, catégorie du compartiment de D.) au plus tard pour le 30 juin 2007, en condamnant C.) pour le cas où l’arrêt n’est pas exécuté dans le délai imparti, à payer à B.. la contre-valeur monétaire en US$, sinon en EUR, des 154.818 actions de la classe capitalisante, catégorie du compartiment de D.), au jour du paiement effectif, et en disant que la contre-valeur des titres est à augmenter des intérêts légaux à partir du 1er juillet 2007 jusqu’au jour du paiement ; et en ce qu’elle a condamné A.) à tenir C.) quitte et indemne de la condamnation ainsi intervenue à son égard, et condamné A.) aux frais et dépens des deux instances en garantie ;

en rejetant, pour ce faire, le moyen de la demanderesse en cassation qui soutenait que la société C.), société tierce par rapport à D.), n’était pas habilitée à émettre les Attestations certifiant au détenteur un droit de propriété sur les titres sous-jacents, ou comportant un engagement de livrer des actions au porteur de D.) dès que celles-ci seraient disponibles, le droit de les émettre étant réservé à la société émettrice D.) (conclusions de A.) du 15 décembre 2003, p. 8-10) ;

en motivant sa décision comme suit :

le droit pour la banque dépositaire de remettre au souscripteur, pour le cas où les certificats représentatifs des actions ne seraient pas matériellement disponibles, une attestation de propriété signée par elle (Partie III sub n.2 p.16).

Rien ne s’y oppose dans la mesure où lesdits certificats n’ont pas vocation à se substituer aux titres sous-jacents, mais confèrent simplement au détenteur un droit sur ceux-ci.

C’est à bon droit que B.) fait valoir que lorsque les statuts de la sicav, texte à vocation générale, parlent de l’émission de titres provisoires par la sicav, cette formule générale inclut le cas où cette émission est déléguée à la banque dépositaire, délégation que la sicav confirme dans son prospectus.

Aucune loi ne s’oppose à ce que un tiers émette des certificats, par lesquels il s’engage à livrer au détenteur de ces certificats des actions qui sont disponibles soit par souscription soit par acquisition en bourse.

5 B.) détenteur des attestations a jusqu’à l’échange des Attestations des droits directs contre C.) et non contre D.).

D’après le professeur André Prüm, dont un avis juridique est versé en cause par B.), les marchés financiers accordent à ces certificats la même foi qu’aux titres dont ils constituent le reflet, sous réserve qu’ils aient été établis par une personne digne de confiance. Qu’en tant que professionnel du secteur financier, C.) ne pouvait pas ignorer que les Attestations, qui prévoyaient leur échange contre des actions PARVEST, seraient acceptées comme équivalentes à ces dernières.

En l’espèce la banque, qui a pris bien soin de certifier en tant que banque dépositaire de D.), a donné un caractère solennel à son Attestation destiné à renforcer la foi que sont censés y accorder le détenteur aussi bien que les tiers.

A noter que D.), partie en cause, n’a à aucun moment de la procédure, mis en doute que la banque dépositaire, qui est en même temps son agent administratif, était habilitée de ce faire » (page 47 de l’expédition), alors qu’en droit il était indispensable pour la Cour d’appel de choisir entre deux explications, incompatibles entre elles, de l’émission des Attestations par C.), Attestations qui portaient, selon leur interprétation arrêtée par la Cour d’appel, sur le droit de recevoir des actions d’une autre société, la société D.) : ou bien C.) ne prenait qu’un engagement qui lui était personnel, et auquel D.) devait rester étrangère, de livrer des actions PARVEST lors de l’échange des Attestations ; ou bien c’est au nom et pour le compte de D.) qu’elle a prétendu prendre l’engagement d’échanger ces Attestations contre des actions au porteur dès que les actions en porteur seraient disponibles ;

que les premier, deuxième et troisième ainsi que le dernier des alinéas de la motivation ci-dessus citée reposent sur l’idée que C.) était autorisée par les statuts de D.) à émettre les Attestations ou certificats ;

qu’il s’en déduit que selon lesdits alinéas de la motivation, C.) a agi, en émettant les Attestations, au nom et pour le compte de D.) ; qu’en revanche, selon les quatrième et cinquième alinéas de la motivation ci-

dessus citée, la B.) a, en émettant les Attestations, contracté un engagement purement personnel qui portait sur des actions , partant un engagement que n’importe quelle société tierce aurait pu prendre ; que les sixième et septième alinéas sont compatibles avec l’une comme avec l’autre explication ; que, les deux explications se contredisant mutuellement, la motivation de l’arrêt, qui les juxtapose sans choisir entre elles, est entachée d’une contradiction ; que, les motifs contradictoires s’annulant mutuellement, l’arrêt méconnaît dès lors l’obligation de 6 motivation des décisions judiciaires formulée par les textes visés au moyen » ;

Sur la recevabilité du moyen :

B.) oppose l’irrecevabilité de ce moyen pour autant que dirigé contre lui dans la mesure où il n’était pas, devant les juges du fond, « l’adversaire direct de A.) » ;

Attendu que le garant A.) est recevable à critiquer dans son pourvoi la condamnation du garanti C.) prononcée au bénéfice de la demanderesse principale, même si celle-ci n’avait pas conclu contre lui devant les juges du fond ;

Que l’irrecevabilité soulevée n’est dès lors pas fondée ;

Sur la substance du moyen :

Mais attendu que le moyen procède d’une lecture incorrecte de l’arrêt attaqué qui n’a pas décidé que C.) avait émis les Attestations au nom et pour compte de la société D.), mais a dit que : « B.), détenteur des attestations, a jusqu’à l’échange des Attestations des droits directs contre C.) et non contre D.) » ;

Que le fait par la société D.) de confier à un agent administratif l’émission de titres provisoires sinon, au cas où les certificats représentatifs de ces actions ne seraient pas matériellement disponibles, la remise de certificats de propriété signés par l’agent, n’est pas en contradiction avec la faculté de celui-ci de s’obliger personnellement, par des attestations, à délivrer les titres définitifs aux détenteurs de ces attestations ;

Que le moyen manque donc en fait et ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l’article 571 du Nouveau code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel a reçu l’appel de C.. et a par la suite prononcé une condamnation contre A.) de garantir C.) contre les condamnations intervenues à l’égard de C.), et une condamnation de A.) aux dépens de l’instance en garantie, en motivant sa décision sur la recevabilité de l’appel comme suit :

7 l’appelante, qui avait obtenu gain de cause en première instance, n’avait aucun intérêt à interjeter appel.

S’il est de principe que pour pouvoir entreprendre un jugement il faut avoir été lésé par ce jugement, il a cependant toujours été admis, nonobstant l’absence de texte en ce sens, qu’une partie, qui en première instance avait obtenu gain de cause et qui avait lors de la procédure de première instance, mis en intervention un tiers en garantie, peut, si elle est intimée, à son tour signifier un appel à la partie qu’elle avait mise en intervention en première instance.

C.), intimée par l’appelant B.), a en effet un réel intérêt à signifier un appel à la banque A.) qu’elle avait appelée en garantie en première instance, pour pouvoir conclure contre elle dans l’hypothèse d’une réformation de jugement.

L’appel de C.) est donc recevable » ;

alors que, s’il peut être exact que C.) avait un intérêt à obtenir de la Cour d’appel une condamnation de A.) à la garantir dans l’hypothèse où elle serait elle-même condamnée suite à l’appel interjeté par B.), il n’en reste pas moins que l’appel est une voie de recours contre un jugement de première instance dont le dispositif doit obligatoirement faire grief à l’appelant, faute de quoi l’appel n’est pas recevable ; qu’en conséquence, dans une situation procédurale comme celle de l’espèce, la partie C.) qui a introduit un recours en garantie contre un tiers A.) devant la juridiction de première instance, mais qui a obtenu gain de cause devant cette juridiction contre le demandeur principal, ne peut pas, en cas d’appel du demandeur principal, à son tour interjeter appel contre un jugement de première instance qui, comme le jugement du tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg intervenu en cause le 12 juillet 2002, se borne à constater que la demande en garantie est sans objet (cf.

la mention de cette partie de son dispositif à la p. 39 de l’expédition de l’arrêt attaqué) ; que cette partie doit au contraire formuler sa demande soit par une nouvelle assignation en garantie devant la Cour d’appel, soit par voie de conclusions entre parties intimées si (comme en l’espèce) le défendeur en garantie A.) a lui-même été intimé sur l’appel du demandeur principal ; que par contre, la voie de l’appel ne lui est pas ouverte ; qu’en déclarant recevable l’appel interjeté par C.) contre le jugement, l’arrêt attaqué a méconnu le principe selon lequel pour pouvoir entreprendre un jugement il faut avoir été lésé par le dispositif de ce jugement et en conséquence l’article 571 du Nouveau code de procédure civile » ;

Sur la recevabilité du moyen :

8 Attendu que C.) oppose l’irrecevabilité de ce moyen pour être un moyen nouveau, A.) invoquant une nouvelle base textuelle, à savoir l’article 571 du Nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que les juges du fond, en examinant l’irrecevabilité opposée par A.) à l’appel de C.) pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de cette dernière, ont nécessairement statué en application de l’article 571 du Nouveau code de procédure civile ;

que le moyen est dès lors recevable ;

Sur la substance du moyen :

Mais attendu qu’en cas de succès de l’appel de la demanderesse principale B.), C.) serait lésée par la partie du dispositif ayant « déclaré sans objet » sa demande récursoire contre A.) ; que C.) a dès lors pu recourir à la voie de l’appel aux fins de préserver ses droits pour, en cas de condamnation encourue, entendre dire, par réformation, que sa demande en garantie simple était fondée ;

que les juges du fond, en disant qu’« une partie, qui en première instance avait obtenu gain de cause et qui avait lors de la procédure de première instance mis en intervention un tiers en garantie, peut, si elle est intimée, à son tour signifier un appel à la partie qu’elle avait mise en intervention en première instance » ont correctement appliqué l’article 571 du Nouveau code de procédure civile ;

que le moyen est dès lors non fondé ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation de l’article 1376 du code civil, à titre subsidiaire du manque de base légale, et à titre plus subsidiaire du défaut de réponse à conclusions valant violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 (alinéa 1er) en combinaison avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile, en ce que la Cour d’appel a fait droit à la demande de C.) contre la demanderesse en cassation, en condamnant la demanderesse en cassation à tenir C.) quitte et indemne de la condamnation prononcée à son égard ; et en ce qu’elle a condamné la demanderesse en cassation aux frais et dépens des deux instances en garantie ;

aux motifs qu’ a souscrit auprès de C.) aux titres PARVEST pour ses clients Lernout, Willaert et Hauspie » (p. 51, al. 7, de l’expédition de l’arrêt) ; que ;

9 qu’ ; que ; qu’ ; que ;

que A.) oppose à C.) ; mais que l’envoi des titres par C.) avait été fait par erreur, et que A.) était consciente de l’erreur ainsi commise par C.) si bien qu’elle n’était pas de bonne foi ; qu’ ;

alors que, première branche, il est de principe qu’en présence d’une relation de mandat entre la personne qui reçoit matériellement la chose sujette à restitution (le mandataire) et une personne tierce pour le compte de laquelle cette chose a été reçue (le mandant), la répétition ne peut être demandée qu’au mandant, et non au mandataire qui, ayant reçu pour le compte d’autrui, a transmis à son mandant ce qu’il a reçu ; que la Cour d’appel constate que c’était pour ses clients Lernout, Willaert et Hauspie, et non en son nom personnel, partant en qualité de mandataire que A.) avait souscrit auprès de C.) aux titres PARVEST ; qu’en droit il s’en déduit que de même que la remise des Attestations entre les mains de M. Willaert a valu remise des Attestations à MM. Lernout, Willaert et Hauspie, la livraison des titres expédiés en date du 17 novembre 2000, même intervenue à tort, a nécessairement été effectuée à A.) non en son nom personnel, mais en sa qualité de mandataire de MM. Lernout, Willaert et Hauspie ; qu’il résulte encore des constatations, ci-dessus rappelées, de l’arrêt attaqué que A.) n’a pas considéré les titres PARVEST comme lui appartenant personnellement, mais comme appartenant à ses mandants Lernout, Willaert et Hauspie, ce qui explique qu’elle ait invoqué à leur égard un droit de gage et pratiqué sur eux une saisie-arrêt ; qu’il se déduit de ces constatations de l’arrêt d’appel que A.) est intervenue lors de la livraison des actions au porteur expédiées le 17 novembre 2000 en qualité de mandataire de MM. Lernout, Willaert et Hauspie et n’a pas reçu les titres pour son propre compte ; qu’en conséquence la Cour d’appel ne pouvait, sans violer le texte visé au moyen, faire droit à une demande de répétition dirigée non pas contre MM. Lernout, Willaert et 10 Hauspie mais contre leur banquier et mandataire, la demanderesse en cassation ; que l’ayant néanmoins fait, elle a violé l’article 1376 du code civil ;

et que, seconde branche (subsidiaire par rapport à la première), avant de décider – ayant été saisie d’un moyen de la demanderesse en cassation tiré de ce qu’une action en répétition de l’indu devrait être exercée contre les clients de A.) et non contre A.) elle-même (conclusions du 15 novembre 2003, p. 14) – que A.) avait et était dès lors obligée de les restituer, la Cour d’appel aurait préalablement dû rechercher si A.) avait reçu les actions pour son propre compte ou, au contraire, en qualité de mandataire de ses clients, puisque dans le dernier cas l’action en répétition de l’indu ne pourrait être dirigée contre elle ; que cette recherche était indispensable afin que la qualification adoptée par la Cour d’appel – selon laquelle A.) aurait au sens de l’article 1376 du code civil – ait une base légale ; que cette recherche ayant été omise, l’arrêt manque de base légale au regard de l’article 1376 du code civil ;

et que, troisième branche (subsidiaire par rapport aux deux premières), pour le cas où la Cour de cassation estimerait que l’arrêt attaqué ne répond pas du tout au moyen de la demanderesse en cassation tiré de ce qu’une action en restitution de l’indu devrait être exercé, dans les circonstances de la cause, contre les clients de A.) et non contre A.) elle-même (conclusions du 15 novembre 2003, p. 14), l’arrêt encourt la cassation pour défaut de réponse à conclusions valant violation de l’article 89 de la Constitution et de l’article 249 (alinéa 1er) en combinaison avec l’article 587 du Nouveau code de procédure civile » ;

Sur le troisième moyen de cassation, première et deuxième branches :

Mais attendu que les juges du fond, en constatant souverainement sur base des faits et circonstances leur soumis, « qu’en date du 1er août 2000 C.) a remis, sur demande expresse du souscripteur A.), les Attestations (bearer certificates) à un des trois clients de A.) muni d’une procuration des deux autres clients de A.) » et que « suite à la remise des Attestations entre les mains de Willaert, C.) a débité le compte de A.) … » ont pu retenir que « le contrat qui liait C.) à la banque A.) au sujet des titres PARVEST qu’elle avait souscrit pour compte de Lernout, Willaert et Hauspie avait pris fin avec la remise des Attestations à Willaert » pour en déduire, par des motifs exempts d’insuffisance, que A.) qui avait reçu livraison des titres PARVEST en date du 17 novembre 2000 était devenue de ce fait vis-à-vis de C.), la débitrice directe d’une obligation de restitution des titres lui envoyés et sur lesquels elle n’avait pas de droits ;

Que le moyen en ses deux branches n’est donc pas fondé ;

11 Sur la troisième branche :

Mais attendu qu’au regard de la réponse donnée aux deux premières branches du moyen, la troisième branche est non fondée ;

Sur le quatrième moyen de cassation :

tiré « de la violation des articles 1376 et 1379 du code civil, et à titre subsidiaire du manque de base légale, en ce que la Cour d’appel – après avoir fait droit à la demande de B.), en condamnant C.) à délivrer à B.) 154.818 actions de la classe capitalisante, catégorie du compartiment de D.) au plus tard pour le 30 juin 2007 ; en condamnant C.) pour le cas où l’arrêt n’est pas exécuté dans le délai imparti, à payer ä B.) la contre-valeur monétaire en US$, sinon en EUR, des 154.818 actions de la classe capitalisante, catégorie du compartiment de D.), au jour du paiement effectif ; et en disant que la contre-valeur des titres est à augmenter des intérêts légaux à partir du 1er juillet 2007 jusqu’au jour du paiement – a fait droit à la demande de C.) contre la demanderesse en cassation, et a condamné la demanderesse en cassation à tenir C.) quitte et indemne de la condamnation prononcée à son égard ; et en ce qu’elle a condamné la demanderesse en cassation aux frais et dépens des deux instances en garantie ;

en écartant, pour ce faire, le moyen tiré par la demanderesse en cassation des saisies-arrêts (et de la saisie pénale) pratiquées entre les mains de la demanderesse en cassation aux Pays-Bas, lesquelles empêcheraient A.) de restituer les titres à C.) aussi longtemps que mainlevée n’aurait pas été donnée de ces saisies, aux motifs que entre les mains de A.) et en ordonnant la restitution de ces titres PARVEST, la Cour n’intervient pas dans les procédures conservatoires pendantes aux Pays-Bas. Le fait que les titres, dont la restitution est demandée, font l’objet d’une saisie-arrêt constitue tout au plus une difficulté d’exécution de la décision, obligeant les parties condamnées à faire le nécessaire pour obtenir la mainlevée des saisies devant les juridictions compétentes » (page 50 de l’expédition) et encore aux motifs que énumérés dans l’Attestation.

12 Cette demande est fondée.

Ces titres font actuellement l’objet de plusieurs saisies-arrêts. C.) est à condamner à remettre lesdits titres à B.) au plus tard pour le 30 juin 2007 ce qui devrait lui permettre tout comme à son garant A.) à intervenir devant les juridictions néerlandaises pour voir ordonner la mainlevée des saisies-arrêts pratiquées entre les mains de A.).

Pour le cas où ces titres ne pourraient pas être libérés et remis à B.) jusqu’au 30 juin 2007 au plus tard, C.) est à condamner à payer à B.) la contre-valeur des actions, à apprécier au jour du paiement, cette somme étant à majorer des intérêts légaux à partir du 1er juillet 2007 jusqu’à solde.

… A.) pour sa part est à condamner à tenir quitte et indemne C.) pour la condamnation intervenue à son encontre » (page 55 de l’expédition), alors que la base légale de la condamnation de A.) à tenir quitte et indemne C.) est l’article 1376 du code civil (obligation de restituer ce qu’on a reçu indûment à celui de qui on l’a indûment reçu) ; que l’obligation de restitution s’exécute en principe en nature, et qu’une condamnation à restituer la contre-valeur du bien reçu ne se conçoit, aux termes de l’article 1379 du code civil, que si la chose sujette de restitution est ou, en cas de mauvaise foi de ce débiteur, si elle a été perdue même par cas fortuit ; qu’en conséquence, une condamnation à restitution de la contre-valeur de la chose suppose, dans tous les cas, que la restitution en nature soit devenue définitivement impossible ;

que dès lors, première branche, du moins dans les relations entre C.) et A.), le seul fait que les titres n’aient pas été libérés jusqu’au 30 juin 2007 n’équivaut pas à l’impossibilité définitive de restitution, le choix de la date du 30 juin 2007 étant, à cet égard, purement arbitraire ; que la Cour d’appel aurait dû subordonner la condamnation à restitution prononcée à la charge de A.) à la condition que la mainlevée des saisies pratiquées aux Pays-Bas soit effectivement obtenue et n’aurait dû prononcer une condamnation à restitution de la contre-valeur des titres qu’après avoir constaté que la mainlevée était devenue effectivement impossible à obtenir ; qu’en décidant néanmoins de condamner A.) à restituer, sur le fondement de la répétition de l’indu, la contre-valeur des titres à C.) – de manière à garantir celle-ci contre la condamnation intervenue à l’encontre de C.) et au profit de B.) – dans l’hypothèse où les titres ne lui auraient pas été rendus en nature jusqu’au 30 juin 2007, l’arrêt attaqué a méconnu la notion de chose ou de de la chose au sens de l’article 1379 du code civil et a violé tant cet 13 article que l’article 1376 du même code qui constitue la base de l’obligation de restitution ;

et que, seconde branche (subsidiaire à la première), à tout le moins les motifs de l’arrêt attaqué ne contiennent aucune précision sur les raisons pour lesquelles la Cour d’appel a estimé devoir assimiler le passage du 30 juin 2007 à l’impossibilité de la restitution des titres en nature ; qu’en conséquence, la Cour d’appel a mis la Cour de cassation dans l’impossibilité d’exercer son contrôle sur le respect des conditions d’application des articles 1376 et 1379 du code civil lors de la condamnation de A.) à garantir C.) en lui payant la contre-valeur des titres si ceux-ci ne se trouvent pas libérés le 30 juin 2007 ; qu’en conséquence l’arrêt manque de base légale au regard des articles 1376 et 1379 du code civil » ;

Sur la recevabilité du moyen :

Attendu que C.) soulève l’irrecevabilité de ce moyen pour être nouveau ;

Attendu que la demanderesse en cassation, dans la mesure où elle fait grief aux juges du fond de l’avoir condamnée à tenir C.) quitte et indemne de la condamnation au paiement de la contre-valeur des actions PARVEST, à défaut de restitution en nature pour le 30 juin 2007 au plus tard, et articulant à l’appui de ses critiques l’article 1379 du Code civil, vise un moyen qui s’est révélé seulement par la décision attaquée, de sorte que celui-ci ne produit pas les effets d’un moyen nouveau ;

Que le moyen est dès lors recevable ;

Sur la substance du moyen, les deux branches réunies :

Mais attendu que les juges du fond, constatant que les titres PARVEST envoyés par C.) à A.) étaient frappés de diverses saisies, dont une saisie pénale aux Pays-Bas et une autre à l’initiative de A.), ont souverainement pu admettre qu’au-delà du 30 juin 2007, les titres ne pouvaient plus être libérés, de sorte que l’exécution en nature devenant impossible, le droit s’ouvrait pour l’exécution par équivalent ; que le choix de la susdite date relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ;

Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Par ces motifs :

14 rejette le pourvoi ;

condamne la demanderesse en cassation à tous les frais et dépens de l’instance en cassation, à l’exception des frais occasionnés par la signification du mémoire supplémentaire de B.) et en ordonne la distraction au profit de Maître Paul MOUSEL et de Maître André ELVINGER, avocats à la Cour, sur leurs affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la conseillère Léa MOUSEL, en présence de Madame Eliane ZIMMER, premier avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

Document Outline e t :


Synthèse
Numéro d'arrêt : 32/09
Date de la décision : 14/05/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2009-05-14;32.09 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award