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19/02/2009 | LUXEMBOURG | N°11/09

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 19 février 2009, 11/09


N° 11 / 09.

du 19.2.2009.

Numéro 2601 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf février deux mille neuf.

Composition:

Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Andrée WANTZ, conseillère à la Cour de cassation, Françoise MANGEOT, première conseillère à la Cour d’appel, Charles NEU, conseiller à la Cour d’appel, Gilbert HOFFMANN, conseiller à la Cour d’appel, Jean ENGELS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

E n t r e :

la société anonyme A.),

établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, ins...

N° 11 / 09.

du 19.2.2009.

Numéro 2601 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf février deux mille neuf.

Composition:

Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Andrée WANTZ, conseillère à la Cour de cassation, Françoise MANGEOT, première conseillère à la Cour d’appel, Charles NEU, conseiller à la Cour d’appel, Gilbert HOFFMANN, conseiller à la Cour d’appel, Jean ENGELS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

E n t r e :

la société anonyme A.), établie et ayant son siège social à (…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Alex SCHMITT, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :

B.), demeurant à (…), défenderesse en cassation, comparant par Maître Jean HOSS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.

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2 LA COUR DE CASSATION :

Ouï la présidente Marie-Paule ENGEL en son rapport et sur les conclusions de l’avocat général Jean ENGELS ;

Vu l’arrêt attaqué rendu le 6 décembre 2007 par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale et signifié le 12 février 2008 à la société anonyme A.);

Vu le mémoire en cassation signifié le 8 avril 2008 conformément à l’article 4, paragraphe 3 du règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale à B.) et déposé le 10 avril 2008 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réponse de B.) signifié le 9 juillet 2008, dans le délai légal, ce délai n’ayant pris cours, suivant l’article 9, paragraphe 1, du même règlement qu’à partir de la notification du 15 mai 2008 par l’entité italienne requise à la défenderesse en cassation, mémoire déposé le 9 juillet 2008 au greffe de la Cour ;

Vu le mémoire en réplique signifié le 31 décembre 2008 par la société anonyme A.) et déposé le 5 janvier 2009 au greffe de la Cour ;

Sur la recevabilité du pourvoi :

Attendu que B.) conteste la recevabilité du pourvoi aux motifs que le mémoire de cassation n’indiquerait pas les dispositions attaquées et que l’arrêt, instituant une expertise, ne serait pas définitif ;

Mais attendu que, contrairement aux allégations de la défenderesse en cassation, la banque indique bien, sous la rubrique « III.

DISPOSITIONS ATTAQUEES » de son mémoire, les dispositions attaquées de l’arrêt du 6 décembre 2007 ;

Attendu qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 3 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure de cassation « Les arrêts et jugements rendus en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d’instruction ou une mesure provisoire peuvent également être déférés à la Cour de cassation comme les décisions qui tranchent tout le principal » ;

Que l’arrêt attaqué a tranché dans son dispositif la question des responsabilités des parties dans le dommage accru à B.) et ordonné une expertise pour évaluer ce dommage ;

3 Qu’ayant tranché une partie du principal et ordonné une mesure d’instruction il peut être déféré à la Cour de cassation ;

Que les moyens d’irrecevabilité opposés par B.) ne sont dès lors pas fondés ;

Sur les faits :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, a dit non fondée la demande de B.) tendant à la condamnation de la société anonyme A.) à la réparation du dommage par elle subi suite aux fautes commises par la banque dans l’exécution du mandat de gestion que la demanderesse lui avait confié ; que sur appel de B.), la Cour d’appel, réformant, dit que la banque a engagé sa responsabilité à l’égard de l’appelante laquelle a, par sa faute, contribué pour 50% aux pertes qu’elle a subies et nomma un expert pour calculer les pertes subies par B.)dans les investissements dans les « contrats futures » entre juin 1998 et février 2000 ;

Sur le premier moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse interprétation des articles 1135, 1147 et 1991 du Code civil, en ce que c'est à tort que la Cour d'appel a dit que A.) a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme B.) pour avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, alors que, première branche, le banquier est uniquement tenu d’informer son client des risques encourus dans les opérations spéculatives, si le client n’en a pas connaissance, de sorte que, en relevant (i) que l'Accord cadre contient une mise en garde pour les risques encourus, (ii) que Mme B.) avoue avoir reçu des explications sur les contrats futures, et, (iii) qu'en consultant ses extraits bancaires, Mme B.) a dû se rendre compte que les contrats futures constituaient des opérations à risque pouvant entraîner des pertes conséquentes, la Cour d'appel a commis une erreur dans la qualification des faits constatés, sinon n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, qui impliquaient que Mme B.) avait connaissance des risques inhérents aux contrats futures, qu'elle était par conséquent à qualifier d'investisseur 4 averti et que A.) n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité » ;

Mais attendu que sous le couvert du grief d’une erreur de qualification des juges du fond sinon d’un défaut par ceux-ci de tirer les conséquences légales de leurs constatations de fait, la demanderesse en cassation ne tend qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des faits et éléments de preuve qui lui avaient été soumis ;

D’où il suit que la première branche du moyen n’est pas fondée ;

alors que, seconde branche, « L’exécution de l’obligation d’information et de conseil du banquier ne doit pas être appréciée de façon définitive au moment de l’ouverture du compte titres, sans qu’il ne soit tenu compte de l’expérience de la pratique des marchés acquise par le client avant l’apparition des pertes litigieuses, de sorte que la Cour d’appel aurait dû tenir compte de l’expérience acquise par Mme B.) et de la prise de conscience de la cliente des risques inhérents aux futures, au fur et à mesure des investissements. » Mais attendu que la Cour d’appel n’a pas dit que l’obligation d’information et de conseil doit être appréciée de façon définitive au moment de l’ouverture du compte titres qui a eu lieu en 1991 ;

Que B.) a reproché à la banque de ne pas l’avoir informée ni conseillée lorsqu’elle a commencé les investissements en contrats « futures » en juin 1998 ;

Que la Cour d’appel, en disant que pour apprécier la qualité d’investisseur averti, il faut se placer avant les opérations litigieuses, c'est-

à-dire avant juin 1998, puisque c’est à ce moment que l’obligation d’information et de conseil doit opérer, n’a pas violé les textes susvisés ;

D`où il suit que la deuxième branche du moyen n’est pas fondée ;

Sur le deuxième moyen de cassation :

tiré « de la violation, sinon de la fausse interprétation des articles 1151, 1147 et 1149 du Code civil, en ce que c'est à tort que la Cour d'appel a dit que A.) a engagé sa responsabilité à l'égard de Mme B.) et contribué par sa faute pour 50% aux pertes subies par elle, au motif que le défaut d'information de la 5 banque était à l'origine des investissements ayant entraîné la perte invoquée comme préjudice par Mme B.), alors que, première branche, la violation de l'obligation d'information et de conseil peut uniquement être considérée comme l'une des causes d'un dommage, lorsqu'il est démontré que si le créancier de cette obligation avait été correctement conseillé, il aurait agi autrement, de sorte qu'en s'abstenant de rechercher précisément quelle aurait été l'attitude de Mme B.) si elle avait été correctement informée des risques inhérents aux contrats futures, la Cour n'a pas correctement établi le caractère direct du lien de causalité entre la faute reprochée à A.) et les pertes dont le remboursement est réclamé par Mme B.) » ;

Mais attendu que les juges apprécient souverainement s’il existe une relation causale directe entre l’inexécution d’une obligation contractuelle et la perte alléguée ; que la Cour d’appel a pu induire du contenu des développements auxquels elle renvoie relatifs notamment aux connaissances très limitées de B.) en matière d’investissements financiers que la faute de la banque est à l’origine des investissements ayant entraîné les pertes invoquées comme préjudice par la défenderesse en cassation ;

D’où il suit que la première branche du moyen ne peut être accueillie ;

seconde branche, « alors que les dommages et intérêts ne doivent comprendre que ce qui est la suite immédiate et directe de l’inexécution d’une obligation contractuelle, de sorte que la Cour aurait dû juger qu’à partir du moment où, d’après l’avis de la Cour, Mme B.) a dû se rendre compte que les contrats futures constituaient des opérations à risque pouvant entraîner des risques considérables et que malgré cela, elle a continué sa politique d’investissement, le lien de cause à effet immédiat et direct entre les pertes subséquentes et la faute reprochée à A.) n’existait plus » ;

Mais attendu que tant l’existence et l’importance des pertes subies que l’admission que les pertes sont la suite immédiate et directe de l’inexécution d’une obligation contractuelle relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond et échappent au contrôle de la Cour de cassation ; que la Cour d’appel a en fait tenu compte du comportement de 6 B.) en opérant un partage des responsabilités en ce qui concerne les pertes invoquées par celle-ci ;

D’où il suit que la deuxième branche du moyen ne peut être accueillie ;

Sur le troisième moyen de cassation :

tiré « de la violation sinon de la fausse application des articles 1147 et 1149 du Code civil, en ce que c'est à tort que la Cour d'appel a dit que A.) a engagé sa responsabilité à l'égard de Mme B.) et contribué par sa faute pour 50% aux pertes subies par la cliente, et qu'elle a nommé un expert avec la mission de calculer ces pertes, alors qu'en manquant à son obligation d'éclairer Mme B.) sur les risques inhérents aux investissements dans les contrats futures, A.) a uniquement privé sa cliente d'une chance d'échapper, par une décision peut-être plus judicieuse, au risque qui s'est réalisé, causant une perte qui constitue un préjudice distinct de celui qui résulte des opérations sur futures que la cliente a effectivement réalisées ou fait réaliser » ;

Mais attendu que la consistance du préjudice en relation causale avec l’inexécution d’une obligation contractuelle est souverainement appréciée par les juges du fond et échappe à l’appréciation de la Cour régulatrice ;

D’où il suit que le troisième moyen n’est pas fondé ;

Sur l’indemnité de procédure :

Attendu que la demande en paiement d’une indemnité de procédure de B.) est à rejeter pour défaut de justification de l’iniquité requise par l’article 240 du nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs :

rejette le pourvoi ;

rejette la demande en paiement d’une indemnité de procédure de la défenderesse en cassation ;

7 condamne la demanderesse en cassation aux dépens de l’instance en cassation et en ordonne la distraction au profit de Maître Jean HOSS sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur Jean ENGELS, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 11/09
Date de la décision : 19/02/2009

Origine de la décision
Date de l'import : 09/12/2019
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2009-02-19;11.09 ?

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