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04/12/2008 | LUXEMBOURG | N°58/2008

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 04 décembre 2008, 58/2008


N° 58 / 2008 pénal. du 4.12.2008 Numéro 2588 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, quatre décembre deux mille huit,
dans la poursuite pénale dirigée contre :
A.), né le (...) en Malaisie, demeurant à B-(...), (...),
demandeur en cassation,
comparant par Maître Claudia MONTI, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu,
l’arrêt qui suit :
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Madame la conseillère Léa MOUSEL...

N° 58 / 2008 pénal. du 4.12.2008 Numéro 2588 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, quatre décembre deux mille huit,
dans la poursuite pénale dirigée contre :
A.), né le (...) en Malaisie, demeurant à B-(...), (...),
demandeur en cassation,
comparant par Maître Claudia MONTI, avocat à la Cour, en l’étude de laquelle domicile est élu,
l’arrêt qui suit :
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Madame la conseillère Léa MOUSEL en son rapport et sur les conclusions de Madame le premier avocat général Eliane ZIMMER ;
Vu l’arrêt attaqué rendu le 29 janvier 2008 sous le numéro 4/08 par la Cour d’appel, chambre criminelle ;
Vu la déclaration de pourvoi faite le 25 février 2008 par Maître Claudia MONTI pour et au nom de A.) au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en cassation déposé le 25 mars 2008 par Maître Claudia MONTI au même greffe ;
Sur les faits :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la chambre criminelle du tribunal d’arrondissement, rejetant les moyens de nullité opposés, avait condamné A.) du chef de tentative d’extorsion de fonds sur la personne de B.) avec la circonstance aggravante qu’elle avait été commise, par violences et menaces, dans une maison habitée, la nuit par deux personnes, des armes ayant été employées et montrées, du chef de détention et de transport d’armes prohibées, du chef d’une deuxième tentative d’extorsion de fonds, par menaces, sur la personne de C.) avec la circonstance aggravante qu’elle avait été commise dans une maison habitée, la nuit par deux personnes, du chef d’extorsion de fonds sur la personne de D.) , ainsi que du chef d’association de malfaiteurs, ces diverses infractions se trouvant pour partie en concours réel et pour partie en concours idéal ; que sur les appels de A.) et du Procureur d’Etat, la Cour, acquittant A.) de la prévention d’extorsion de fonds sur la personne de D.) et, déclarant que les circonstances aggravantes de l’article 471 du code pénal n’étaient pas établies en ce qui concerne la tentative d’extorsion de fonds sur la personne de C.) , confirma pour le surplus le jugement entrepris sauf à réduire la peine de réclusion ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 127.5 du code d’instruction criminelle tel que modifié par la loi du 7 juillet 1989 (article 127-5 CIC) en ce que la Chambre du Conseil qui a procédé au renvoi du demandeur en cassation dit avoir statué sur le rapport écrit motivé du juge d’instruction ;
Que force est cependant de constater que la saisine des juridictions de fond s’est faite sur le rapport du juge d’instruction du 10 mars 2006 à la chambre du conseil, rapport qui s’est contenté de renvoyer en droit au réquisitoire du Parquet et de s’y rallier ;
Qu’il échet de constater que le prédit rapport est libellé comme suit :
<< La soussignée Monique STIRN, Juge d’Instruction près le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg, renvoie quant aux faits à l’instruction diligentée et en droit se rallie aux réquisitoire du Ministère Public du 9 mars 2006 concluant :
- Au renvoi des inculpés E.) , F.) , G.) et A.) devant la Chambre Criminelle du Tribunal d’Arrondissement de ce siège,
- A un non-lieu de poursuites quant aux inculpés E.) , F.) , G.) et A.) du chef de tentative de meurtre et du chef d’extorsion en relation avec les faits qui se sont passés le 21 janvier 2003 à (...),
- A la disjonction des poursuites quant à I.) , J.) , K.) et inconnus >>
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Que ce faisant, le renvoi de la Chambre du Conseil de Première Instance, confirmé est partant contraire aux prescriptions légales alors que le rapport en question se limite à se rapporter au réquisitoire du Parquet et n’est en rien motivé comme prévu par la loi, et ce surtout en considérant la complexité des faits en cause, le nombre et le rôle prétendu respectifs des inculpés et donc les décisions de renvoi sont à annuler et l’arrêt attaqué du 29 janvier 2007 est à casser » ;
Mais attendu que le grief invoqué ne vise pas l’arrêt attaqué, mais l’ordonnance de renvoi ;
Que le moyen est dès lors inopérant ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la nullité de la citation à prévenu en raison du libellé obscur (article 6 paragraphe 1, article 6 paragraphe 3 point a de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques combinés – article 6§1, art 6§3-a CEDH, art 14 PIDCP combiné avec l’article X du Code d’Instruction Criminelle – art CIC) en ce que la citation à prévenu a été rédigée dans une langue qu’il ne maîtrise pas de sorte que le demandeur en cassation n’a pas été informé, dans une langue qu’il comprenait, de la nature et de la cause des accusations portées contre lui ;
Force est de constater que le demandeur en cassation s’est vu convoquer à l’audience par voie de la citation à prévenu du 12 juillet 2006, rédigée entièrement en français, la citation faisant expressément référence au réquisitoire du Ministère Public du 9 mars 2006, rédigé en français, au rapport du juge d’instruction du 10 mars 2006, rédigé en français, et aux décisions de renvoi de la Chambre du Conseil siégeant en première instance (4 mai 2006) respectivement siégeant en appel (4 juillet 2006), ces décisions étant encore rédigées en français ;
C’est pourtant établi que le demandeur en cassation ne maîtrise nullement le français, langue dans laquelle il est inculpé, sans qu’il n’a été veillé à s’assurer qu’il comprenne l’intégralité des faits lui reprochés, ceci étant contraire aux droits de la défense les plus fondamentaux ;
En effet l’exception de libellé obscur relève du droit de tout prévenu à être informé dans le plus bref délai dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; son application est dès lors d’ordre public et pourra ainsi être invoquée pour la première fois en appel (Cour 22 mai 1992 M.P. c/L. ; Cour 30 janvier 1996 M.P. c/G.). Elle peut être invoquée en tout état de cause sans être enfermée dans un quelconque délai de forclusion (Ch. crim. 9 juillet 1992 no 986/92). S’il est substantiel que le prévenu, pour préparer sa défense, doit connaître le motif de la poursuite a été annulée une citation pour être rédigée dans une langue que le prévenu ne comprenait pas (cf. Cour d’appel 17 février 1984, n° 49/84) ;
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Qu’en conséquence la citation à prévenu préqualifiée est contraire aux prescriptions légales pour avoir été rédigée dans une langue ignorée par le demandeur en cassation sans assurance que ce dernier comprenait parfaitement et intégralement l’ampleur et le contenu des infractions lui reprochées, soit la citation à prévenu doit être annulée et la décision attaquée préqualifiée est à casser » ;
Mais attendu que le juge pénal est saisi par l’ordonnance de renvoi ; que la citation n’est qu’une invitation à comparaître ;
D’où il suit que le moyen est inopérant ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (art 6§1 CEDH) combiné avec l’article 51 du code d’instruction criminelle (art 51 CIC) en ce que la Cour d’appel a cautionné la violation de l’obligation d’une instruction à charge et à décharge du prévenu et partant du principe de la présomption d’innocence ;
En effet dès l’arrivée sur les lieux pour l’affaire B.) ayant déclenchée les enquêtes, le demandeur en cassation a été considéré comme << Täter >>, donc même pas comme suspect, mais immédiatement comme auteur d’une infraction ;
Cette présomption de culpabilité s’est tirée comme un fil rouge dans les enquêtes diligentées par après, l’instruction tant avant le renvoi qu’à la barre a été menée uniquement à charge, la parole du demandeur en cassation étant de façon permanente mise en doute, celle des accusateurs étant accueillie de facto comme la vérité, aucune mise à l’épreuve n’étant tolérée ;
Par ailleurs tout élément dans le dossier a été interprété en défaveur du demandeur en cassation aucune foi n’étant accordée à ses explications, par contre uniquement des déductions à son encontre en ont été admises, ceci en parfaite contradiction avec l’article 51 CP qui retient que : << Le juge d’instruction procède, conformément à la loi, à tous les actes d’information qu’il juge utiles à la manifestation de la vérité. Il recueille et vérifie, avec soin égal, les faits et les circonstances à charge ou à décharge de l’inculpé. >> et l’article 6§1 garantissant à tout un prévenu d’être traduit devant un tribunal impartial et indépendant ;
Partant l’arrêt attaqué en ayant adopté la même attitude que les juges de première instance doit être cassé » ;
Mais attendu que le demandeur en cassation ne dit pas concrètement en quoi les juges du fond auraient violé les textes légaux visés ;
Que le moyen est partant irrecevable ; Sur le quatrième moyen de cassation :
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tiré « de la violation de l’article 51 du code pénal (art 51 CP), de l’article 470 du code pénal (art 470 CP) combinés pour violation de la loi, respectivement mauvaise interprétation de la loi, en ce que la Cour d’appel criminelle confirme les juges de première instance et retient que Monsieur A.) s’était rendu coupable d’une tentative d’extorsion au détriment du dénommé C.) , alors que l’acte en cause était tout au plus un acte préparatoire non punissable légalement ;
En effet l’article 470 retient que << Quiconque aura extorqué, par violences ou menaces, soit la remise de fonds, valeurs ou objets mobiliers … >> et l’article 51 CP exige – pour que la tentative soit établie – l’existence << d’actes extérieurs qui forment un commencement d’exécution >> de l’infraction in concreto << il y a tentative punissable lorsque la résolution de commettre un crime ou un délit a été manifestée par des actes extérieurs qui forment un commencement d’exécution de ce crime ou délit, et qui n’ont été suspendus ou n’ont manqué leur effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur >> ;
C’est à tort que la Cour d’appel criminelle confirme les juges de première instance comme quoi le demandeur en cassation aurait commis des actes constituant un commencement d’exécution constitutive de la tentative d’extorsion en allant voir le dénommé C.) pour lui demander un remboursement d’argent, sans menaces ni violences contrairement aux déductions des juges ;
C’est encore à tort que la Cour d’appel criminelle confirme les juges de première instance en déduisant des confirmations de C.) qu’il était impressionné par le demandeur en cassation l’existence de menaces, élément constitutif de l’infraction d’extorsion ;
Partant l’arrêt attaqué confirmant le jugement de première instance dans une analyse erronée est à casser » ;
Mais attendu que les juges du second degré, renvoyant aux circonstances de fait constatées par les juges de première instance, selon eux non énervées en appel, en disant que « le fait pour trois personnes inconnues, circulant à bord d’un véhicule immatriculé à l’étranger, de se présenter chez C.) , l’une de ces personnes intimant à C.) de payer dans un proche avenir une somme d’argent, cette personne déclarant encore, selon C.) , qu’elle avait pour mission de le mettre en garde et de le préparer psychologiquement au paiement de cette somme », ont pu admettre que cette mise en scène était constitutive d’une menace au sens de l’article 483 du Code pénal et partant n’ont pas violé l’article 470 du code pénal ;
Attendu qu’en ajoutant aux susdits faits « même si C.) a déclaré que le prévenu A.) n’a pas indiqué de montant précis, pour ce qu’était de la somme à payer », les juges du fond ont pu admettre que « toute cette mise en scène était à ce point explicite, qu’il ne saurait être question de simples actes préparatoires d’une tentative d’extorsion, laquelle n’a finalement échoué que parce que C.) s’est à un moment donné rebiffé et a refusé de céder aux pressions » et partant n’ont pas violé l’article 51 du code pénal ;
Que le moyen n’est pas fondé ;
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D’où il suit qu’il ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l’article 322 du code pénal en ce que la Cour d’appel, chambre criminelle, maintient le demandeur en cassation dans les liens d’une participation à une association de malfaiteurs, sans en préciser une participation intentionnelle et en connaissance à pareille association de malfaiteurs niée par l’ensemble des protagonistes ;
En effet pour qu’il y ait association une participation consciente et voulue doit être établie, ce qui n’est pas le cas pour le demandeur en cassation, les développements des juges pour retenir une << entente >> étant des plus farfelus alors que le fait de se fréquenter ne saurait suffire à en déduire une volonté quelconque et l’arrêt attaqué confirmant le jugement de première instance dans une analyse erronée est à casser » ;
Mais attendu que le moyen procède d’une lecture incorrecte de l’arrêt ;
Que la Cour d’appel, se fondant sur les éléments indiqués dans le jugement a quo, selon elle non énervés en appel, adoptant par là la motivation des juges de première instance qui, après avoir relevé que les prévenus E.) , F.) , G.) et A.) , « se connaissent et se fréquentent assidûment sur une période de 8 à 10 ans, formaient avec d’autres individus le << groupe E /F >>, ont qualifié ce groupe d’association de malfaiteurs « de par sa permanence (au moins depuis 1994), l’existence d’une hiérarchie, le but commun (sous la direction d’un patron se donnant des airs de « parrain »), la répartition des rôles, et celle du butin (qui va au patron qui distribue sa part à chacun des exécutants) » et ont dit que « dans cette association de malfaiteurs, E.) paraît sans contestation possible être le membre dominant dans ce groupe … il paraît à l’évidence que tant G.) que A.) doivent être considérés comme des subordonnés de E.) auquel ils vouent un respect et une loyauté certaine. Il est tout aussi évident qu’ils jouent le rôle de << soldats >> ou d’hommes de main pour les basses, pour ne pas dire les sales besognes, et ce nonobstant le fait qu’ils se disent être mutuellement << amis >> » ;
Que le moyen est dès lors non fondé ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, les frais exposés par le Ministère Public étant liquidés à 14,50 euros.

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Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, quatre décembre deux mille huit, au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, composée de :
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Andrée WANTZ, conseillère à la Cour de cassation, Romain LUDOVICY, président de chambre à la Cour d’appel, Roger LINDEN, conseiller à la Cour d’appel, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour,
qui ont signé le présent arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Monsieur Jean ENGELS, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 58/2008
Date de la décision : 04/12/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2008-12-04;58.2008 ?

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