Assistance judiciaire accordée à X.) par décision du bâtonnier du 25 octobre 2007.
N° 39 / 08.
du 3.7.2008.
Numéro 2551 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, trois juillet deux mille huit.
Composition:
Marc SCHLUNGS, président de la Cour, Marie-Paule ENGEL, conseillère à la Cour de cassation, Léa MOUSEL, président de chambre à la Cour d’appel, Astrid MAAS, conseiller à la Cour d’appel, Jean-Paul HOFFMANN, conseiller à la Cour d’appel, Georges WIVENES, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
E n t r e :
X.), ouvrière, demeurant à L-(…), (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître Robert LOOS, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, e t :
Maître Y.), notaire, demeurant à L-(…), (…), défendeur en cassation, comparant par Maître Roland ASSA, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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2 LA COUR DE CASSATION :
Ouï Madame le président de chambre Léa MOUSEL en son rapport et sur les conclusions de Madame le premier avocat général Martine SOLOVIEFF ;
Vu l’arrêt attaqué rendu le 28 juin 2007 par la Cour d’appel, neuvième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié par X.) à Maître Y.) en date du 23 octobre 2007 et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 24 octobre 2007 ;
Vu le mémoire en réponse signifié par Maître Y.) le 19 décembre 2007 à la demanderesse en cassation au domicile élu chez Maître Robert LOOS et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 21 décembre 2007 ;
Ecartant du débat le mémoire en réponse signifié le 19 décembre 2007 à la demanderesse en cassation à son domicile, la signification n’étant pas conforme aux dispositions de l’article 16 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;
Sur l’unique moyen de cassation :
tiré « de la violation de la loi, in specie de l’article 89 de la Constitution ainsi que de l’article 1382 du code civil, en ce que l’arrêt entrepris – pour réformer le jugement de première instance qui avait retenu pour établi dans le chef de la demanderesse en cassation l’existence en principe d’un préjudice en relation avec la faute commise par le notaire Y.) – a invoqué d’une part le délai presque quinquénnal que la demanderesse en cassation a pris avant d’assigner et d’autre part le fait qu’une raison étrangère au litige l’aurait finalement déterminée à agir, à savoir la certitude qu’elle aurait acquise, à partir d’un certain moment non précisé par la Cour, qu’elle n’obtiendrait pas de la part du (…)» le prix qu’elle avait espéré obtenir, tout en déduisant du délai qu’elle a mis pour assigner que la dame X.) se serait ce temps durant de sa situation, ceci amenant la Cour à conclure qu’il n’existerait dans son chef aucun préjudice, alors que première branche, en affirmant que par le fait de n’avoir assigné qu’après presque cinq ans ceux qu’elle croyait responsables de sa situation en relation avec l’achat auprès du sieur Z.) d’un appartement dans la Cité (…) et 3 donc au motif que la dame X.) se serait de sa situation en se servant elle et sa fille durant ce temps de l’immeuble litigieux, celle-ci n’aurait pas de préjudice, l’arrêt méconnait et viole les dispositions de l’article 1382 du code civil sur lequel est fondée l’action en responsabilité contre le notaire Y.) et qui exige de la part d’un demandeur qui veut engager la responsabilité délictuelle d’une personne sur base de cette disposition, la preuve uniquement de trois éléments, à savoir une faute, un préjudice et une relation causale entre ces deux premiers éléments constitutifs de la responsabilité délictuelle, alors que - le préjudice qu’un demandeur fait valoir ne peut devenir inexistant ni par le fait de n’engager son action qu’après l’écoulement d’un certain délai non prescrit, ni pour avoir accepté de et d’éprouver les conséquences de son préjudice pendant ce temps, - sans avoir à aucun moment de leur décision mis en doute l’effet causal entre la faute retenue dans le chef du notaire d’une part et le préjudice réclamé par la dame X.) dans son acte d’appel d’autre part, les juges d’appel ne pouvaient se fonder sur de simples purement subjectives et hypothétiques puisque non avérées – et même contredits par les faits de la cause ainsi qu’il sera exposé dans la troisième branche – qui peuvent avoir conduit la demanderesse à agir en justice pour écarter son action en responsabilité contre le notaire, les juges du second degré ont rajouté ainsi une condition supplémentaire prévue ni par la loi, ni par la jurisprudence à la mise en jeu de la responsabilité délictuelle d’une personne, en l’occurrence celle d’un notaire » ;
Attendu que sous le couvert de la violation de l’article 1382 du code civil, la demanderesse en cassation ne fait que remettre en cause l’appréciation souveraine du préjudice par les juges du fond ;
Que la première branche du moyen n’est dès lors pas fondée ;
Sur les deuxième et troisième branches réunies, « en affirmant que du moment où la dame X.) avait acquis la certitude qu’elle n’obtiendrait pas de la part du (…)» le prix qu’elle avait espéré obtenir, son action n’avait pas eu pour la perte d’une chance dans son chef de pouvoir ne pas signer l’acte notarié du 1er juillet 1994, l’arrêt attaqué a en contravention de l’article 89 de la Constitution omis de motiver ou en tout cas a-t-il omis de motiver suffisamment sa décision – l’insuffisance de motifs valant absence de motivation – , faute d’indiquer à quel moment exact cette certitude aurait d’après la Cour été acquise dans le chef de la dame X.) et quel élément en fait aurait créé cette certitude, 4 alors que tant le moment où la Cour a cru situer cette certitude que le fait même qui l’aurait constitué selon elle, sont déterminants pour savoir d’une part si ce fait se situait avant l’assignation en justice du 8 avril 1999 – seul un événement antérieur à cette assignation peut avoir motivé celle-ci pour en constituer une - et d’autre part si le fait invoqué comme créant cette certitude est réellement susceptible d’avoir créé dans son chef une telle certitude » la troisième branche, « en affirmant que du moment où la dame X.) avait acquis la certitude qu’elle n’obtiendrait pas de la part du (…)» le prix qu’elle avait espéré obtenir, son action n’avait pas eu pour la perte d’une chance dans son chef de pouvoir ne pas signer l’acte notarié du 1er juillet 1994, l’arrêt attaqué a en contravention de l’article 89 de la Constitution basé sa décision sur des motifs erronés puisqu’il fut constant en cause que la vente de l’immeuble litigieux au (…) » ne s’est fait que le 10 décembre 2003 et qu’une première évaluation de son immeuble n’a été donnée à la dame X.) que le 10 novembre 1999 (l’acte de vente du 10 décembre 2003 de même que l’évaluation du 10 novembre 1999 furent soumis aux juges d’appel en pièces nos 25 et 32), soit chaque fois après l’assignation introductive du 8 avril 1999, et dès lors les juges d’appel ne pouvaient donner pour motif à leur décision de déclarer inexistant le préjudice dans le chef de la dame X.), le fait qu’elle n’aurait finalement assigné Z.) et Maître Y.) qu’après avoir eu la certitude qu’elle n’obtiendrait pas de la part du (…)» le prix qu’elle avait espéré obtenir, alors que cette certitude la dame X.) ne l’a acquise nécessairement qu’au plus tôt au moment même de cette vente qui n’a eu lieu que le 10 décembre 2003, soit après l’assignation contre Z.) et Maître Y.) » ;
Attendu que l’article 89 de la Constitution sanctionne l’absence totale de motifs qui est un vice de forme ;
Que les griefs invoqués dans ces deux branches ne sont pas concernés par le susdit texte normatif ;
Que partant les deuxième et troisième branche ne sauraient être accueillies ;
5 Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
condamne X.) aux frais et dépens de l’instance en cassation à l’exception de ceux de la signification du mémoire en réponse écarté.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc SCHLUNGS, en présence de Monsieur Georges WIVENES, premier avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.