N° 16 / 2008 pénal.
du 10.4.2008 Numéro 2477 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, dix avril deux mille huit, l'arrêt qui suit :
E n t r e :
la société anonyme BANQUE S.A. LUXEMBOURG, établie et ayant son siège social à L-(…),(…), représentée par son conseil d’administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B (…), demanderesse en cassation, comparant par Maître André ELVINGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, et :
X.) , employé, né le (…) à (…) (B), domicilié à L-(…), (…), défendeur en cassation, comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu, en présence du MINISTERE PUBLIC.
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le président Marc SCHLUNGS en son rapport et sur les conclusions de Madame le premier avocat général Martine SOLOVIEFF ;
Vu l’arrêt attaqué rendu le 6 mars 2007 sous le numéro 80/07 Ch.c.C. par la Chambre du conseil de la Cour d’appel ;
Vu le pourvoi en cassation déclaré le 6 avril 2007 par la société anonyme BANQUE S.A. LUXEMBOURG au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 3 mai 2007 par la BANQUE et déposé le 4 mai 2007 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 31 mai 2007 par X.) et déposé le premier juin 2007 au greffe de la Cour ;
Sur les faits :
Attendu que par l’arrêt attaqué la chambre du conseil de la Cour d’appel confirma une ordonnance par laquelle la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait dit que l’action publique instruite contre X.) du chef d’escroquerie et de falsifications de documents informatisés et de l’usage de ceux-ci était éteinte par prescription ;
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
Attendu que X.) conclut à l’irrecevabilité du pourvoi au motif que, l’action publique étant déclarée éteinte, seul le Ministère public serait qualifié pour se pourvoir en cassation ;
Mais attendu que la limitation de l’effet dévolutif du pourvoi de la victime aux seuls intérêts civils ne s’applique pas au cas où, comme en l’espèce, la décision attaquée n’a pas statué au fond sur l’action publique ;
Attendu qu’en deuxième lieu X.) se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du pourvoi au regard de l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;
Mais attendu que le défendeur en cassation est en défaut de préciser en quoi la susdite disposition légale n’aurait pas été respectée ;
2 Attendu que finalement X.) conclut à l’irrecevabilité du pourvoi au motif que les éléments de la décision attaquée ne pourraient être soumis au contrôle de la Cour régulatrice pour être de purs faits ;
Mais attendu qu’au regard des dispositions légales visées par les moyens invoqués par la demanderesse et en l’absence de toute précision de la part du défendeur la Cour de cassation n’est pas en mesure de vérifier à priori et avant l’examen des moyens si, comme l’entend X.) les « éléments de la décision frappée du pourvoi en cassation ne sont pas susceptibles d’être soumis à son contrôle pour être de purs faits » ;
D’où il suit que les moyens d’irrecevabilité du pourvoi avancés par X.) ne sont pas fondés et que le recours en cassation est recevable ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de la violation des dispositions des articles 638 et 637, 51, 52, 9-2 (2) du code d’instruction criminelle, en ce que l’arrêt attaqué a constaté la prescription de l’action publique pendante contre le prévenu X.) , en déniant au du juge d’instruction Georges Oswald en date du 3 novembre 2000 la qualité d’un acte d’instruction ou de poursuite susceptible d’interrompre la prescription aux vœux des articles 638 et 637 alinéa 2 du code d’instruction criminelle, aux motifs que transmis du 10 septembre 2003, et plus particulièrement entre le 10 septembre 2003 et le 10 septembre 2000, aucun acte susceptible d’interrompre la prescription n’a été accompli, les juges du premier degré ayant à raison dénié ce caractère au transmis du 3 novembre 2000. » Partant aux motifs que tel que ceux-ci résultent de l’ordonnance de première instance, suivant du 20 juin 2000 portant également la référence n° 60/00, Monsieur le premier substitut Jean Engels transmet au juge d’instruction le courrier de Me André Elvinger concernant le détournement de 20 millions DM . La chambre du conseil estime que cet écrit est exclusivement destiné à un usage administratif interne et ne constitue pas un acte prévu et réglé par la procédure pénale de sorte qu’il ne peut qualifier d’acte d’instruction ou de poursuite, interruptif de la prescription. Pareillement, le du 3 novembre 2000 aux termes duquel le juge d’instruction transmet le courrier de Me André Elvinger du 2 juin 2000 à la section d’analyse criminelle et financière de la police judiciaire ne saura être retenu comme constituant un acte interruptif de la prescription. », alors que dans le courrier en question du 2 novembre 2000 Maître André ELVINGER, avocat constitué pour la partie civile fait référence à un courrier du 11 septembre 2000 et transmet au juge d’instruction un document, plus particulièrement une demande de concordat à propose d’une société Y.) , documents desquels il résulte qu’une partie des fonds détournés en 1999 et non retrouvés à ce jour et au sujet 3 desquels l’affaire est pendante, aurait été employée pour fonder et financer une société, en l’espèce Y.) , en Belgique dont X.) était un des propriétaires exploitants.
Tous les avoirs détournés n’ayant pas été retrouvés à ce jour les éléments de preuve ainsi apportés par la partie civile plaignante au dossier constituent autant d’éléments de preuve sur le devenir des fonds détournés. La transmission de ces informations par le juge d’instruction à la police judiciaire avec mission d’ constitue à l’abri de tout doute un acte d’instruction et de poursuite. Par ce transmis et aux vœux des articles 51 (1), 52 (2) et 9-2 (2) du code d’instruction criminelle, la police judiciaire a été expressément sinon à tout le moins implicitement mais nécessairement, chargée, en vertu de la commission rogatoire générale à elle donnée antérieurement, notamment par brm du 17 mars 1999 () de continuer ses devoirs d’investigation au sujet du devenir et de l’utilisation des fonds détournés et non retrouvés à ce jour » ;
Vu les articles 9-2 (2), 637 et 638 du code d’instruction criminelle disposant, le premier, que la police judiciaire, lorsqu’une information est ouverte, exécute les délégations des juridictions d’instruction et défère à leurs réquisitions, le deuxième en son second alinéa, que si dans l’intervalle de prescription ont été faits des actes d’instruction ou de poursuite non suivis de jugement, l’action publique ne se prescrit qu’à compter du dernier acte à l’égard même des personnes qui ne seraient pas impliquées dans cet acte d’instruction ou de poursuite et, le troisième, que la durée de la prescription est réduite à 3 années révolues s’il s’agit d’un délit de nature à être puni correctionnellement ;
Attendu cependant qu’en retenant que la correspondance, par laquelle le juge d’instruction avait, pour l’intégrer dans l’enquête, transmis le 3 novembre 2000 à la police judiciaire un courrier de Maître Elvinger contenant des annexes susceptibles de fournir des renseignements dans l’instruction portant sur le détournement de fonds au détriment de la BANQUE, ne saurait constituer un acte interruptif de prescription, la chambre du conseil de la Cour d’appel a violé les dispositions légales susvisées ;
Que l’arrêt attaqué encourt dès lors la cassation ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi casse et annule l’arrêt rendu le 6 mars 2007 sous le numéro 80/07 Ch.c.C. par la chambre du conseil de la Cour d’appel ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision judiciaire et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties à l’état où elles se sont trouvées avant l’arrêt cassé et, pour être fait droit, les renvoie devant la chambre du conseil de la Cour d’appel autrement composée ;
réserve les frais ;
4 ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre de la Cour d’appel et qu’une mention renvoyant à la transcription de cet arrêt sera consignée en marge de la minute de l’arrêt annulé.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix avril deux mille huit, au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, composée de :
Marc SCHLUNGS, président de la Cour, Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Paule ENGEL, conseillère à la Cour de cassation, Françoise MANGEOT, conseiller à la Cour d'appel, Astrid MAAS, conseiller à la Cour d’appel, Christiane BISENIUS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour, qui, à l'exception du représentant du ministère public, ont signé le présent arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc SCHLUNGS, en présence de Madame Christiane BISENIUS, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.