N° 19 / 07. du 19.4.2007.
Numéro 2368 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf avril deux mille sept.
Composition:
Marc SCHLUNGS, président de la Cour, Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Paule ENGEL, conseillère à la Cour de cassation, Jean-Claude WIWINIUS, premier conseiller à la Cour d’appel, Aloyse WEIRICH, conseiller à la Cour d’appel, John PETRY,avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
E n t r e :
X.), née le (…), professeur, demeurant à L-(…), (…), demanderesse en cassation,
comparant par Maître Véronique HOFFELD, avocat à la Cour, en l'étude de laquelle domicile est élu,
e t :
1) Y.), avocat, demeurant à L-(…), (…),
défenderesse en cassation,
comparant par Maître Jean-Georges GREMLING, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu,
2) Z.), employé privé, demeurant à L-(…), (…),
3) A.), avocat, demeurant à L-(…), (…),
défendeurs en cassation,
4) B.), notaire, ayant sa résidence à L-(…), (…),
défendeur en cassation,
comparant par Maître Edmond LORANG, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Madame la présidente de chambre ENGEL en son rapport et sur les conclusions de Monsieur le Procureur Général d’Etat KLOPP ;
Vu les arrêts attaqués rendus le 13 juillet 2005 et le 8 mars 2006 par la Cour d’appel, septième chambre, siégeant en matière civile, en la forme des référés ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 15 mai 2006 par X.) et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 17 mai 2006 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 16 mai 2006 par B.) et déposé au greffe de la Cour le 23 mai 2006 ainsi que le mémoire en réponse signifié le 29 juin 2006 par Y.) et déposé au greffe de la Cour le 30 juin 2006 ;
Sur la recevabilité du pourvoi qui est contestée :
Attendu que la défenderesse en cassation Y.) conclut à la nullité du pourvoi en alléguant une irrégularité dans la signification du mémoire en cassation, signifié à trois reprises, seule la dernière signification ayant porté sur un mémoire daté et intégralement visé par la signature ;
Mais attendu que la Cour de cassation n’a qu’à prendre en considération le seul mémoire en cassation signifié qui a fait l’objet du dépôt au greffe de la Cour et dont la régularité n’est pas contestée ;
Attendu que Y.) soulève ensuite l’irrecevabilité du pourvoi au motif que X.) aurait acquiescé à l’arrêt du 8 mars 2006, en réglant le 27 mars 2006, sans formuler de réserves, le montant de 1.000.-€ correspondant à l’indemnité de procédure ;
Mais attendu que le paiement, sans réserves, auquel a procédé la demanderesse en cassation n’établit pas, en l’absence d’autres éléments, la
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volonté certaine et non équivoque de X.) d’acquiescer à l’arrêt attaqué qui est exécutoire par provision ;
Attendu que Y.) oppose finalement la déchéance du pourvoi au motif que la demanderesse en cassation n’aurait pas précisé à suffisance de droit les dispositions attaquées des arrêts entrepris au pourvoi ;
Attendu qu’aux termes de l’article 10, 2° de la loi modifiée sur les pourvois et la procédure en cassation, la partie demanderesse en cassation devra déposer au greffe de la Cour un mémoire … lequel précisera les dispositions attaquées de l’arrêt ; que la désignation des dispositions attaquées sera considérée comme faite à suffisance de droit lorsqu’elle résulte nécessairement de l’exposé des moyens ou des conclusions ;
Attendu que le mémoire en cassation reprend les dispositifs des arrêts du 13 juillet 2005 et du 8 mars 2006 ; que d’autre part la désignation des dispositions attaquées résulte clairement de l’exposé des moyens de la demanderesse en cassation ;
D’où il suit que les moyens d’irrecevabilité ne sont pas fondés ;
Sur les faits :
Attendu, selon les arrêts attaqués, que le président du tribunal d’arrondissement, statuant au fond et dans la forme des référés avait, dans son ordonnance du 12 novembre 2004, dit non fondée la demande de Y.) tendant à obtenir une avance en capital sur les fonds de la communauté légale ayant existé entre les époux divorcés Y.) et C .), bloqués entre les mains du notaire B.) ; que sur appels, principal de Y.), de Z.) et d’A.) et incident de X.), la Cour d’appel, dans son arrêt du 13 juillet 2005, dit non fondé l’appel incident tenant au moyen d’incompétence et chargea, avant tout autre progrès en cause, Maître B.) d’établir en l’état actuel un inventaire chiffré et un aperçu liquidatif des biens et valeurs dépendant activement et passivement de la communauté de biens des époux divorcés et de leur indivision postcommunautaire ; que, par réformation de l’ordonnance entreprise, la Cour d’appel, dans son arrêt du 8 mars 2006, fit droit à la demande de Y.) pour le montant de 104.821,88.-€, condamna X.) à payer une indemnité de procédure de 1.000.-€ à Y.) et déclara l’arrêt commun au notaire B.) ;
Sur le premier moyen de cassation :
tiré « de l'incompétence ratione materiae de la juridiction des référés pour connaître d'une demande basée sur l'article 815-11, alinéa 4 du Code civil (arrêts du 13 juillet 2005 et du 8 mars 2006 ), en ce que la Cour a dit non fondé l'appel incident tenant au moyen d'incompétence ratione materiae du président du tribunal d'arrondissement siégeant en
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matière de référé pour connaître d'une action en matière d'indivision basée sur l'article 815-11, alinéa 4 du Code civil ; alors que la compétence pour statuer sur une demande basée sur l'article 815-11 alinéa 4 du Code civil revient au président du tribunal d'arrondissement statuant COMME juge du fond, en la forme des référés » ;
Mais attendu qu’il résulte de l’énoncé de l’ordonnance du 12 novembre 2004 que Y.), invoquant l’article 815-11, alinéa 4 du Code civil, a fait assigner les défendeurs par exploit du 27 mai 2004 « à comparaître devant le Président du Tribunal d’arrondissement de Luxembourg, siégeant comme juge du fond, en la forme des référés, pour les assignés s’entendre dire que la requérante touchera à titre d’avance sur les fonds bloqués entre les mains du notaire B.) le montant de 101.515,40.-€ avec les intérêts tels que de droit » ; que le juge de première instance a statué comme juge du fond en la forme des référés et que la Cour d’appel a, à son tour, statué dans ses deux arrêts « en la forme des référés » ;
D’où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
tiré « de la contradiction des motifs, qui équivaut à un défaut de motivation de l'arrêt du 8 mars 2006, en ce que la Cour, pour allouer une avance en capital à l'appelante, s'est contredite en sa motivation en renvoyant à la motivation du juge de première instance, qui concluait au défaut de besoin d'une avance en capital sollicitée par Y.) ; alors que les arrêts qui ne contiennent pas de motifs sont nuls et la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs (Cour de Cassation civile fr. 7 janvier 1891 DP 91.1.51 ; Cour de Cassation fr. Chambre Mixte 21 juin 1974 Bull.civ. n° 2) ».
Mais attendu que la Cour d’appel, en « renvoyant pour le surplus aux besoins de Y.) tels que décrits dans l’ordonnance dont appel » ne vise pas la motivation du juge de première instance, mais les besoins invoqués en première instance par l’actuelle défenderesse en cassation à l’appui de sa demande en obtention d’une avance en capital sur les fonds indivis de la communauté de biens ayant existé entre les époux C.) et Y.) ;
D’où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le troisième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 592 du Nouveau Code de Procédure Civile (arrêt du 8 mars 2006), en ce que la Cour a accueilli une demande nouvelle en instance d'appel en allouant un montant supérieur au montant de l'avance en capital demandée en première instance et
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réitérée par acté d'appel du 3 juin 2005 ; alors que l'article 592 du Nouveau Code de Procédure civile dispose que « il ne sera formé, en cause d'appel, aucune nouvelle demande, à moins qu'il ne s'agisse de compensation, ou que la demande nouvelle ne soit la défense à l'action principale » ;
Mais attendu qu’en accueillant la majoration de la demande de l’appelante à laquelle X.) ne s’est pas opposée les juges d’appel n’ont pas violé l’article 592 du Nouveau Code de procédure civile ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 183 du Nouveau Code de Procédure civile (arrêt du 8 mars 2006), en ce que la Cour n'a pas entendu le Ministère Public en ses conclusions à l'audience du 24 janvier 2006, alors que le Ministère Public était partie à la procédure et qu'il avait été entendu en ses conclusions aux audiences antérieures concernant cette affaire, qui ont donné lieu aux arrêts du 25 mai 2005 et 13 juillet 2005 » ;
Mais attendu que la cause ne range pas parmi celles énumérées aux points 1) à 5) de l’article 183 du Nouveau Code de procédure civile et qu’il ne se dégage pas de l’arrêt du 8 mars 2006 que le ministère public eût pris communication du dossier ni que la Cour d’appel eût ordonné d’office la communication de la cause au ministère public ; que la Cour d’appel n’a donc pas violé le texte légal invoqué ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation :
tiré « de la violation des articles 53 et 63 du Nouveau Code de Procédure civile (arrêt du 8 mars 2006), en ce que la Cour a violé le principe du contradictoire en n'entendant pas la partie intimée en ces conclusions, et notamment en sa prise de position écrite du 24 janvier 2006 ; en effet, la Cour a retenu que << X.) ne produit aucune procédure judiciaire intentée par les prétendus tiers aux fins de récupérer enfin des fonds confiés dans le temps à C.), ne fussent que des actes de procédure où les noms patronymiques ou adresses desdits tiers seraient rendus illisibles >>, alors que la prise de position de X.) du 24 janvier 2006 (point 1) faisait valoir que << d'anciens clients ont d'ailleurs fait des procédures actuellement pendantes devant les juridictions civiles pour récupérer l'argent, qu'ils avaient donné en gestion
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à C.) >> et a indiqué à titre d'exemple une affaire pendante devant la Chambre civile portant le n° de rôle 82905 » ;
Mais attendu que les textes légaux invoqués sont étrangers au grief formulé au moyen ;
D’où il suit que le moyen est irrecevable ;
Sur le sixième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 240 du Nouveau Code de procédure civile (arrêt du 8 mars 2006), en ce que la Cour a condamné Mme X.) à une indemnité de procédure à payer à la partie appelante, alors que celle-ci a omis de spécifier la nature exacte de la somme réclamée et ne justifie pas avoir réellement exposé des montants non compris dans les dépens (Cassation 23 mars 1989, Pasic. 27 p. 323), alors que l'octroi d'une indemnité de procédure est subordonné aux conditions que le demandeur indique la nature des sommes prétendument exposées par lui et non comprises dans les dépens, qu'il prouve qu'il les a effectivement exposées et qu'il dise en quoi l'équité commande qu'elles soient laissées à charge de son adversaire (Cour 20 mars 1991 Pasic. 28 p. 150)» ;
Mais attendu que X.) n’a pas contesté la demande en allocation d’une indemnité de procédure en application de l’article 240 du Nouveau Code de Procédure civile de Y.) ;
Que les juges du fond retenant souverainement qu’il « paraît au vu des éléments au dossier inéquitable de laisser à la charge de Y.) l’intégralité des sommes par elle exposées et non comprises dans les frais et dépens » n’ont pas violé le texte légal visé au moyen ;
Sur le septième moyen de cassation :
tiré « du défaut de motivation par la Cour de son arrêt du 8 mars 2006 ; en ce que la Cour a condamné Mme X.) aux frais et dépens des deux instances à payer à la partie appelante, alors qu'elle a omis de motiver cette décision, alors que selon la jurisprudence, la condamnation aux dépens, comme toute autre disposition, doit être spécialement motivée, lorsqu'elle forme l'unique objet du litige ; mais tel n'est pas le cas, lorsqu'elle ne forme que l'accessoire d'une autre condamnation principale, suffisamment motivée (Cassation 14 mars 1902 Pasic. 6 p. 75)» ;
Mais attendu que X.) ayant succombé au principal sur tous les chefs de sa demande, sa condamnation aux frais et dépens des deux instances ne constitue que l’accessoire de la décision au fond suffisamment motivée;
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Que le moyen est dès lors non fondé ;
Sur le huitième moyen de cassation :
tiré « de la violation de l'article 247 du Nouveau Code de procédure civile (arrêt du 8 mars 2006), en ce que la minute de l'arrêt du 8 mars 2006 n'a pas été signée par le Président, alors que l'article 247 du Nouveau Code de procédure civile dispose que : « Le président et le greffier signeront la minute de chaque jugement aussitôt qu'il sera rendu ; il sera fait mention, en marge de la feuille d'audience, des juges et du procureur d'Etat qui y auront assisté ; cette mention sera également signée par le président et le greffier » ;
Mais attendu qu’il appert de la copie conforme de l’expédition de l’arrêt rendu entre parties par la Cour d’appel, septième chambre, à la date du 8 mars 2006 (numéro 30155 du rôle) déposée par la demanderesse en cassation et non critiquée au moyen que le Président a signé la minute ;
Que le moyen manque donc en fait ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
condamne X.) aux dépens de l’instance en cassation dont distraction au profit de Maître Jean-Georges GREMLING et de Maître Edmond LORANG.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc SCHLUNGS, en présence de Monsieur John PETRY, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
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