N° 18 / 07. du 1.3.2007.
Numéro 2413 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier mars deux mille sept.
Composition:
Marc THILL, président de la Cour, Marc SCHLUNGS, conseiller à la Cour de cassation, Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Marie-Paule ENGEL, présidente de chambre à la Cour d’appel, Jacqueline ROBERT, premier conseiller à la Cour d’appel, Christiane BISENIUS, avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
E n t r e :
l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE (...), représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonction, établie à L- (…), (…), dûment autorisée d’ester en justice suivant délibération du conseil communal de (...) du (…), demanderesse en cassation,
comparant par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,
e t :
1) X.), retraité, demeurant à L-(…), (…),
2) Y.), épouse de X.), retraitée, demeurant à L-(…), (…), défendeurs en cassation,
comparant par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu.
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le conseiller JENTGEN en son rapport et sur les conclusions de Monsieur le premier avocat général WIVENES ;
Vu le jugement attaqué rendu le 25 avril 2006 par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 2 août 2006 par
l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE (...) et déposé au greffe de la Cour supérieure de justice le 4 août 2006 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 24 août 2006 pour X.) et Y.) et déposé au greffe de la Cour le 31 août 2006 ;
Vu le nouveau mémoire signifié le 19 janvier 2007 par l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE (...) et déposé au greffe de la Cour le 23 janvier 2007 ;
Attendu, selon le jugement attaqué, que saisi par les époux X.)-Y.) d’une action en complainte dirigée contre l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE (...), le juge de paix de Luxembourg avait déclaré la demande irrecevable au motif que le chemin objet du litige, qui fait partie du domaine public, est imprescriptible ; que sur appel, la juridiction du second degré, par réformation, après avoir admis que le chemin est prescriptible, reçut la demande et la dit fondée ;
Sur le moyen de cassation :
tiré « de la violation de la loi, in specie par fausse application, sinon par fausse interprétation de l’article 117 du nouveau code de procédure civile, des articles 537 alinéa 2 et 2226 du code civil et de l’article 106,9° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, en ce que le jugement attaqué, après avoir souverainement constaté que la complainte vise des parcelles cédées à la commune de (...) en vue de la création d’un chemin communal affecté à l’usage du public suivant acte de cession du 22 janvier 1937, approuvé le 4 mai 1937 par le Ministre de l’Intérieur et transcrit le 4 août 1937 et que le chemin a cessé d’être affecté à l’usage du public au plus tard au début des années 1960 et a été intégré par apposition de clôtures dans la globalité des terrains exploités par les époux X.)-Y.), a admis à tort que le chemin communal ainsi désaffecté en fait est devenu prescriptible et peut faire l’objet d’une action possessoire ; alors cependant que l’article 117 du nouveau code de procédure civile ne s’applique pas aux biens immobiliers du domaine public affectés par une
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décision formelle à l’usage du public, que de tels biens sont administrés et ne peuvent être aliénés que dans les formes et suivant les règles qui leur sont particulières (article 537 alinéa 2 du code civil), que n’étant pas dans le commerce ils ne sont pas susceptibles de prescription (article 2226 du code civil) et que pour être désaffectés du domaine public, une décision formelle de désaffectation est nécessaire selon les dispositions de l’article 106,9° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, de sorte qu’en l’absence d’une décision formelle de désaffectation par les autorités administratives compétentes, le jugement entrepris ne pouvait pas se baser sur la désaffectation de fait par le non-usage du public pour admettre que le chemin est prescriptible » ;
Attendu que les parties défenderesses opposent l’irrecevabilité du moyen au motif que les juges du fond auraient souverainement constaté le fait de l’affectation des parcelles en cause au domaine public ;
Mais attendu que le moyen ne porte pas sur le fait de l’affectation de ces parcelles au domaine public, mais sur la violation de dispositions légales par l’application d’une action en complainte à un domaine considéré comme public ;
Que l’exception d’irrecevabilité manque en fait ;
Vu l’article 106,9° de la loi communale modifiée du 13 décembre 1998 qui dit : « Sans préjudice d’autres dispositions légales spéciales sont soumises à l’approbation du ministre de l’Intérieur les délibérations des conseils communaux portant sur les objets suivants : … Le changement du mode de jouissance des biens communaux » ;
Attendu cependant qu’en se déterminant, pour la constatation de la désaffectation du chemin communal, aux actes des époux X.)-Y.) sans considérer s’il y a eu manifestation de volonté de désaffectation de la part des autorités publiques conformément à la loi visée, les juges du fond ont violé cette loi par refus d’application ;
Que le jugement encourt dès lors la cassation ;
Sur l’indemnité de procédure :
Attendu que l’indemnité de procédure réclamée par l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE (...) est à rejeter pour défaut des justifications requises par l’article 240 du code de procédure civile ;
P a r c e s m o t i f s ,
casse et annule le jugement rendu le 25 avril 2006 sous le numéro 95273 du rôle par le tribunal d’arrondissement de Luxembourg, quatorzième chambre, siégeant en matière civile et en instance d’appel ;
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déclare nuls et de nul effet ladite décision et les actes qui s’en sont suivis et remet les parties en l’état où elles se sont trouvées avant le jugement cassé et pour faire droit, les renvoie devant le tribunal d’arrondissement de Luxembourg autrement composé ;
rejette la demande en indemnité de procédure de l’ADMINISTRATION COMMUNALE DE (...) ;
condamne les défendeurs en cassation aux frais de l’instance en cassation, dont distraction au profit de Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, sur ses affirmations de droit ;
ordonne qu’à la diligence du procureur général d’Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre du tribunal d’arrondissement de Luxembourg et qu’une mention renvoyant à la transcription de cet arrêt sera consignée en marge de la minute du jugement annulé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Madame Christiane BISENIUS, avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour
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