En application de l'article 3 et de l'article 141 LSC, la personnalité juridique de la société civile survit à sa dissolution. L'article 1872 du code civil ne s'applique qu'après clôture des opérations de liquidation et donc les anciens associés ne se trouvent pas en indivision, mais le liquidateur peut se faire conférer des associés les pouvoirs les plus étendus pour accomplir tous les actes nécessaires à ladite liquidation.
Arrêt de la Cour de Cassation N° 32/06 du 18/5/2006. Numéro du registre : 2290.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-huit mai deux mille six.
Composition:
Marc THILL, président de la Cour,
Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation,
Marc KERSCHEN, premier conseiller à la Cour d'appel,
Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour d'appel,
Aloyse WEIRICH, conseiller à la Cour d'appel,
Jeanne GUILLAUME, avocat général,
Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
Entre :
P.), employé privé, demeurant à L- (...), demandeur en cassation, comparant par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu.
et :
M.), veuve P.), sans état, demeurant à (...) défenderesse en cassation, comparant par Maître Gerry OSCH, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu.
A.), employé privé, demeurant à L- (...) défendeur en cassation,
B.), sans profession, demeurant à L- (...), défendeurs en cassation,
C.), employée privée, demeurant à (...), défendeurs en cassation,
D.), retraité, demeurant à L- (...), défendeurs en cassation.
LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le président THILL en son rapport et sur les conclusions de Monsieur l'avocat général NIES ;
Vu l'arrêt attaqué rendu le 20 avril 2005
par la Cour d'appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 14 septembre 2005 par P.) et déposé au greffe de la Cour le 20 septembre 2005 ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 10 novembre 2005 par M.) et déposé au greffe de la Cour le 11 novembre 2005 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière civile, avait débouté M.), associée de la société civile immobilière CONSORTS P.) d'une action dirigée contre ses co-associés et tendant au partage judiciaire de l'indivision créée par la dissolution de cette société décidée par une assemblée générale lors de laquelle, contre le vote négatif de M.), un liquidateur avait été désigné conformément aux statuts de la société dissoute; que sur recours, la Cour d'appel, par réformation, lit droit à cette demande ;
Sur le premier moyen :
tiré « de la violation de l'article 3
et de l'article 141
de la loi du 10 août 1915 ainsi que de la violation de l'article 1872
du code civil, en ce que la Cour d'appel a retenu que c'est à juste titre, par une motivation que la Cour adopte, que les premiers juges, en écartant les références aux législations, doctrines et jurisprudences française et belge, ont décidé que les dispositions de la loi luxembourgeoise du 10 août 1915
sur les sociétés commerciales - et notamment l'article 141 de cette loi - ne sont pas applicables aux sociétés civiles, sauf dispositions contraires de la loi et que la personnalité juridique des sociétés civiles ne survit pas à leur dissolution, de sorte qu'à compter du jour de cette dissolution, les anciens associés se retrouvent en indivision, alors que la Cour d'appel aurait dû retenir en application de l'article 3 et de l'article 141 de la loi de 1915 que la personnalité juridique de la société civile survit à sa dissolution et que l'article 1872 du code civil ne s'applique qu'après clôture des opérations de liquidation et que donc les anciens associés ne se trouvent pas en indivision mais que le liquidateur pouvait se faire conférer des associés les pouvoirs les plus étendus pour accomplir tous les actes nécessaires à ladite liquidation et que finalement l'action introduite par M.) était irrecevable sinon non fondée » ;
Vu l'article 3 de la loi du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, telle que modifiée par la loi du 18 septembre 1933 consacrant en droit positif le principe jurisprudentiellement et doctrinalement reconnu de la personnalité morale des sociétés civiles en ces termes : « Les sociétés dont l'objet est civil et qui se placent sous le régime des articles 1832
et suivants du code civil... constituent pareillement une individualité distincte de celle des associés... » ;
Attendu cependant qu'en jugeant, sur le fondement du seul article 141 de la loi de 1915 précitée qui ne vise que les sociétés commerciales, en disposant en son premier alinéa que celles-ci sont, « après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation » que la dissolution d'une société civile crée une indivision immédiate et absolue rendant impossible une liquidation par un mode spécifique convenu dans le pacte social, les juges d'appel ont méconnu la portée des effets de la personnalité juridique dont bénéficie la société civile, violant ainsi l'article 3 de la loi du 10 août 1915 visé au moyen ;
Que l'arrêt encourt donc la cassation ;
Par ces motifset sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi,
casse et annule l'arrêt rendu le 20 avril 2005 sous le numéro 28560 du rôle par la Cour d'appel, deuxième chambre, siégeant en matière civile ;
déclare nuls et de nul effet ladite décision et les actes qui s'en sont suivis et remet les parties au même état où elles se sont trouvées avant l'arrêt cassé et pour l'aire droit, les renvoie devant la Cour d'appel autrement composée ;
condamne M.) aux dépens de l'instance en cassation ;
ordonne qu'à la diligence du procureur général d'Etat, le présent arrêt sera transcrit au registre de la Cour d'appel et qu'une mention renvoyant à cette transcription sera consignée en marge de la minute de l'arrêt cassé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.