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16/06/2005 | LUXEMBOURG | N°15/2005

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 16 juin 2005, 15/2005


N° 15 / 2005 pénal. du 16.06.2005 Numéro 2206 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, seize juin deux mille cinq,
l'arrêt qui suit :
E n t r e :
X.), né le (…) à (…), demeurant à L-(…), (…),
demandeur en cassation,
comparant par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,
et :
le MINISTERE PUBLIC.
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le président THILL en son rapport et sur les conclusions...

N° 15 / 2005 pénal. du 16.06.2005 Numéro 2206 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, seize juin deux mille cinq,
l'arrêt qui suit :
E n t r e :
X.), né le (…) à (…), demeurant à L-(…), (…),
demandeur en cassation,
comparant par Maître Bernard FELTEN, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg,
et :
le MINISTERE PUBLIC.
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le président THILL en son rapport et sur les conclusions de Madame l’avocat général SOLOVIEFF ;
Vu l’arrêt attaqué rendu le 22 novembre 2004 sous le n° 377/04 – VI par la Cour d’appel, sixième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation déclaré le 6 décembre 2004 au greffe de la
Cour supérieure de justice par Maître Isabelle GIRAULT, en remplacement de
Maître Bernard FELTEN pour et au nom de X.) ainsi que le mémoire en cassation y déposé le 4 janvier 2005 ;
Attendu que l’arrêt attaqué a, sur appel du ministère public et par
réformation d’une décision du tribunal correctionnel de Luxembourg qui avait acquitté X.) de toutes les préventions mises à sa charge, retenu dans le chef de celui-ci l’infraction de conduite d’un véhicule automoteur sous l’influence de l’alcool ainsi que celle de refus de se prêter à l’examen sommaire de l’haleine et condamné celui-ci à des peines d’amende et d’interdiction de conduire ;
Sur le moyen de cassation pris en ses trois branches :
tiré « de la violation de la loi, voire de son application erronée, in specie de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales signée le 4 novembre 1950, de l’article 89 de la Constitution, et de l’article 195 du code d’instruction criminelle en ce que l’arrêt de la Cour d’appel, sixième chambre, n’est aucunement sinon insuffisamment motivé au regard des exigences des textes susvisé qui disposent que : - article 6 paragraphe 1 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales : << toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ; le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès à la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure strictement nécessaire jugée par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice >> ; - article 89 de la Constitution : << tout jugement est motivé ; il est prononcé en audience publique >> ; - article 195 du code d’instruction criminelle : << tout jugement définitif de condamnation sera motivé, il déterminera les circonstances constitutives de l’infraction et citera les articles de la loi dont il est fait application sans en reproduire les termes >>, de sorte qu’aux termes de ces dispositions la Cour d’appel aurait dû motiver son appel en faits et en droit, alors que la Cour s’est contentée d’énoncer qu’il << résulte du dossier pénal et plus particulièrement des dépositions des agents verbalisants, qui ont arrêté le prévenu à l’occasion d’un contrôle ordonné par le Procureur d’Etat de Luxembourg en conformité à l’article 12, § 3, alinéa 8 de la loi du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, que X.) a présenté des signes caractéristiques et manifestes d’influence d’alcool ; ses yeux étaient rougis et son haleine sentait l’alcool ; il s’agit là d’indices graves faisant présumer que X.) a conduit dans un état alcoolique prohibé par la loi, l’absence au moment du contrôle d’autres signes n’étant de nature qu’à exclure l’état d’ivresse avancée ; si c’est à bon droit que la juridiction de première instance a acquitté le prévenu du chef de conduite en présentant des signes manifestes d’ivresse, c’est donc à tort qu’elle l’a également
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acquitté de celle libellée sub 1) en ordre subsidiaire de la citation du Ministère Public ; c’est de même à tort que le prévenu fut acquitté de la prévention d’avoir refusé de s’être prêté à l’examen sommaire de l’haleine ; en effet, son comportement au moment d’actionner l’appareil, dont le fonctionnement correct a d’ailleurs été certifié par les agents verbalisants, équivaut à l’intention de rendre impossible tout résultat concluant, partant à un refus, le prévenu n’ayant par ailleurs fourni aucune explication valable quant à sa façon de procéder >> ; attendu que les dispositions légales précitées imposent l’obligation de motiver les arrêts et jugements rendus par les cours et tribunaux de Luxembourg ; que toute décision judiciaire doit comporter un dispositif et des motifs, les motifs justifiant le dispositif ; que l’article 485 du Code de procédure pénal français dispose d’ailleurs que << tout jugement doit contenir des motifs et un dispositif ; les motifs constituent la base de la décision >> ; que l’obligation de motiver assure aux personnes poursuivies que les juges ont réellement médité les raisons de leur décision et permet à la Cour de cassation de contrôler l’application de la loi pénale aux faits retenus ; que dans l’arrêt entrepris, la Cour d’appel n’a pas, ou a insuffisamment motivé sa décision, alors que la Cour est tenue de motiver sa décision de manière adéquate au regard des éléments de l’espèce ; que la Cour est donc tenue de motiver ses arrêts de sorte à permettre à la Cour de cassation de vérifier que le droit appliqué l’a été correctement ; qu’en l’espèce, à défaut de motivation suffisante, la Cour d’appel a violé les textes susvisés et l’arrêt du 22 novembre 2004 doit être cassé et annulé » ; première branche, « attendu que les juges sont tenus de répondre aux moyens formulés par les parties et d’examiner les éléments de fait produits à leur soutien ; que la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (19 avril 1994, KRASKA / SUISSE, série A, n° 254-B) a explicité cette obligation et a retenu que << l’article 6, paragraphe 1 (de la Convention Européenne des Droits de l’Homme) implique notamment à la charge du ’’tribunal’’ l’obligation de se livrer à un examen effectif des moyens, arguments et offres de preuve des parties, sauf à en apprécier la pertinence pour la décision à prendre >> ; que dès lors la question de savoir si un tribunal a manqué à son obligation de motiver découlant de l’article 6 de la Convention ne peut s’analyser qu’à la lumière des circonstances de l’espèce ; que la jurisprudence luxembourgeoise a également fait application de ces obligations fondamentales (Cass, 25 octobre 1979, Pasicrisie 24 page 347) et a retenu que << le juge saisi de conclusions régulières d’une partie doit y répondre par des motifs suffisants >> ; qu’en l’espèce, les éléments de fait développés par le prévenu n’ont pas été toisés par les juges d’appel, alors que ces moyens ont été exposés tant en instance d’appel qu’en première instance, et que ces moyens figurent (et ont été retenus à décharge du prévenu) dans le jugement de première instance ; que l’arrêt d’appel ne mentionne pas les moyens exposés par Monsieur X.), et n’y répondent donc pas, que dès lors la Cour d’appel a violé les textes exposés ci-dessus, et que l’arrêt du 22 novembre 2004 doit être cassé et annulé » ; deuxième branche, « attendu que l’arrêt entrepris est un arrêt rendu en matière pénale, par la chambre correctionnelle de la Cour d’appel ; qu’en matière pénale, des exigences supplémentaires s’imposent aux juges, alors que le principe de la présomption d’innocence s’impose ; que le principe de la présomption d’innocence exige qu’en remplissant leurs fonctions, les membres du tribunal ne partent pas de l’idée préconçue que le prévenu a commis l’acte incriminé, que la charge de la preuve pèse sur l’accusation, et que le doute
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profite à l’accusé ; que si un doute subsiste aux termes des plaidoiries, le prévenu doit être acquitté ; que les juges, particulièrement en matière pénale et alors que les libertés les plus élémentaires de l’Homme sont en cause dans un tel cas, doivent motiver spécialement toute décision de condamnation, afin de renverser la présomption d’innocence légalement établie dans le chef du prévenu ; que dans le présent cas, le requérant était présumé innocent, et la Cour avait l’obligation de constater que cette présomption était renversée sur base des faits et éléments de preuve communiqués par le Ministère Public ; que cette obligation s’imposait d’autant plus que l’innocence du prévenu avait été constatée par les premiers juges ; qu’à défaut d’avoir spécialement motivé, comme l’exigent les textes susvisés en matière pénale, l’arrêt du 22 novembre 2004, la Cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences légales imposées par ces dispositions, et l’arrêt entrepris doit être cassé et annulé ; troisième branche, « que la Cour de cassation a déjà jugé, dans un arrêt du 25 mars 1982, que << l’obligation de motiver les décisions judiciaires, qui est générale et d’ordre public, autorise toutefois les juges d’appel, qui estiment devoir maintenir la décision des premiers juges précisément pour les motifs énoncés dans leur jugement, d’adopter ces motifs, soit purement et simplement, soit en y ajoutant des motifs propres >> (Pasicrisie 25, page 252) ; qu’à contrario, la Cour d’appel, lorsqu’elle réforme un jugement, doit motiver spécialement sa décision, alors qu’elle vient contredire les premiers juges ; que dans ce cas les juges d’appel ont l’obligation d’exposer précisément les arguments qui leur permettent de conclure à une condamnation, spécialement lorsque les premiers juges ont eux conclu à l’acquittement du prévenu ; que dans le présent cas, la Cour d’appel ne motive ni en fait ni en droit l’arrêt du 22 novembre 2004, et ne mentionne aucun argument lui permettant de conclure à une solution différente de celle retenue par les premiers juges ; que ces derniers ayant eux-mêmes longuement motivé leur décision d’acquittement, il appartenait à la Cour de répondre à cette décision d’acquittement par un arrêt cohérent et motivé, ce qui n’a pas été le cas ; qu’à défaut de ce faire, la Cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de motivation sinon d’un défaut de motivation suffisante, a méconnu les exigences des textes susvisés, et dès lors l’arrêt du 22 novembre 2004 doit être cassé » ;
Mais attendu que, quant au grief tiré du défaut de motifs, qui est un vice de forme, l’arrêt est motivé sur les points considérés ; que, quant au grief d’insuffisance de motifs qui est celui du défaut de base légale, les motifs de l’arrêt reproduits au moyen et qui procèdent de l’appréciation souveraine par le juge du fond des faits et circonstances de la cause sont exempts d’insuffisance ou de contradiction ; qu’en l’état de ces énonciations et constatations, la Cour d’appel a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
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P a r c e s m o t i f s :
r e j e t t e le pourvoi;
condamne le demandeur en cassation aux frais de l’instance en cassation, ceux exposés par le ministère public étant liquidés à 3.- €.

Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, seize juin deux mille cinq, au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, composée de :
Marc THILL, président de la Cour, Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour d'appel, Françoise MANGEOT, conseiller à la Cour d'appel, Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour d’appel, Jeanne GUILLAUME, avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour,
qui, à l'exception du représentant du ministère public, ont signé le présent arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 15/2005
Date de la décision : 16/06/2005

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2005-06-16;15.2005 ?

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