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16/12/2004 | LUXEMBOURG | N°60/2004

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 16 décembre 2004, 60/2004


N°60 / 2004 pénal. du 16.12.2004 Numéro 2146 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, seize décembre deux mille quatre,
l'arrêt qui suit :
E n t r e :
X.), demeurant à L-(…), (…),
demandeur en cassation,
comparant par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,
e t :
Y.), demeurant à L-(…), (…),
défendeur en cassation,
comparant par Maître Roland MICHEL, avocat Ã

  la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,
en présence du :
MINISTERE PUBLIC, partie jointe.
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N°60 / 2004 pénal. du 16.12.2004 Numéro 2146 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, seize décembre deux mille quatre,
l'arrêt qui suit :
E n t r e :
X.), demeurant à L-(…), (…),
demandeur en cassation,
comparant par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,
e t :
Y.), demeurant à L-(…), (…),
défendeur en cassation,
comparant par Maître Roland MICHEL, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,
en présence du :
MINISTERE PUBLIC, partie jointe.
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le conseiller JENTGEN en son rapport et sur les conclusions de Monsieur l'avocat général WALLENDORF ;
Vu l'arrêt attaqué rendu le 27 avril 2004 sous le numéro 128/04 V par la Cour d'appel, cinquième chambre, siégeant en matière correctionnelle ;
Vu le pourvoi en cassation au pénal et au civil déclaré le 26 mai 2004 au greffe de la Cour supérieure de justice par Maître Pol URBANY pour et au nom de X.) ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 25 juin 2004 par X.) et déposé le 28 juin 2004 au greffe de la Cour ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 22 juillet 2004 par Maître Y.) et déposé le 23 juillet 2004 au greffe de la Cour ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que saisi par Y.) d’une citation directe dirigée contre X.) du chef de calomnie, sinon de diffamation, sinon d’injure- délit, la chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg avait acquitté celui-ci des infractions de calomnie et de diffamation et, après avoir déclaré irrecevable l’offre de preuve de X.), l’avait condamné pour l’injure-délit retenue à sa charge à une peine d’amende ; que la demande civile de Y.) avait été déclarée fondée pour le montant de 1 euro ; que sur recours, les juges du second degré décrétèrent le désistement d’appel de Y.), dirent non fondés les appels de X.) et confirmèrent la décision entreprise au pénal et au civil ;
Sur le premier moyen de cassation,
tiré « de la violation de l’article 89 de la Constitution pour absence de motifs sinon insuffisance de motifs valant absence de motifs, et tiré du défaut de réponse à conclusions équivalent à une insuffisance de motifs constituant une violation de l’article 89 de la Constitution, en ce que l’arrêt attaqué, tout comme le premier jugement qu’il confirme et dont il adopte les motifs, a fait abstraction du fait que le prévenu cité direct a invoqué l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, fait pourtant expressément formulé dans l’offre de preuve du sieur X.) et repris dans l’arrêt attaqué comme suit : <<X.) (…) invoque plus particulièrement la liberté d’expression et la liberté de la presse consacrée par l’article 24 de la Constitution et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ensemble la jurisprudence y relative de la Cour européenne des droits de l’Homme>> en n’examinant nullement les faits lui soumis sous l’angle ni de l’article 24 de la Constitution, ni surtout de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, et en ne procédant aucunement à un examen fut-il sommaire du moyen invoqué,
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première branche, grief de l’absence de motifs, respectivement de l’insuffisance de motifs valant absence de motifs, alors que l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi luxembourgeoise du 29 août 1953 a valeur supra- constitutionnelle (cf. arrêts R. R. c. M. W.) et que les faits reprochés dans le cadre de l’exercice de la liberté d’expression et de presse ne doivent donc non seulement être examinés sur base du code pénal et de la loi sur la presse mais encore sous l’angle de l’article 10 de la Convention, alors que les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme, dont l’article 10, sont d’ordre public et doivent être appliquées d’office par les juridictions, alors que pour le surplus, en l’occurrence, le prévenu X.), demandeur en cassation, a expressément invoqué l’article 10, alors que l’article 10 de la Convention faisant partie à titre supra-constitutionnel de notre droit positif exige trois conditions cumulatives pour une ingérence dans la liberté d’expression par condamnation à une amende et/ou au franc symbolique du prévenu : 1. l’ingérence (ici la condamnation telle que demandée par la citation directe) doit être prévue par la loi ; 2. elle doit poursuivre un but légitime ; 3. elle doit être nécessaire dans une société démocratique, c’est-à-dire répondre à un besoin social impérieux ; 4. et elle doit être proportionnée au but légitime poursuivi (alors que ces conditions sont d’ailleurs à tel point reconnues par le législateur luxembourgeois qu’il a tenu à les exprimer de façon expresse et explicite dans la nouvelle loi du 8 juin 2004 sur la liberté d’expression, article 2), alors que l’arrêt attaqué, par l’adoption des motifs des premiers juges, a certes motivé sa condamnation sur base des vielles dispositions pénales, mais sans pour autant examiner si les autres conditions légales pour une condamnation, à savoir les conditions supra-constitutionnelles et surpra-légales prévues à l’article 10 de la Convention, étaient données, alors qu’il aurait cependant impérativement appartenu à l’arrêt attaqué d’examiner les faits reprochés sous l’angle de l’article 10 de la Convention pour vérifier si les 4 conditions posées par ce texte sont remplies et qu’en ne le faisant pas, l’arrêt est insuffisamment motivé, ce qui équivaut à une absence de motifs, de sorte qu’il doit encourir la cassation ; seconde branche, grief du défaut de réponse à conclusions, alors que le sieur X.) a expressément invoqué l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme dans son offre de preuve du 27 mai 2002 versée au dossier et qu’aux termes même du jugement de première instance dont les motifs ont été adoptés par l’arrêt attaqué, cette offre de preuve a été présentée à l’audience, donc remise à la présidente de chambre (<<à l’audience publique du 27 mai 2002, X.) présente une offre de preuve avant toute défense au fond>>), alors que dans les conclusions écrites portant cette offre de preuve, le sieur X.) a expressément invoqué à titre de défense l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, alors que dès lors les premiers juges tout comme l’arrêt attaqué qui a procédé par adoption des motifs – et qui a d’ailleurs expressis verbis mentionné que le sieur X.) a invoqué l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme – auraient dû examiner les faits sous l’angle de l’article 10 de la Convention tel qu’invoqué comme moyen de défense par le sieur X.) dans ses conclusions et qu’en ne le faisant pas, l’arrêt attaqué doit encourir la cassation pour défaut de réponse à conclusions valant insuffisance de motifs et partant absence de motifs » ;
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Mais attendu, quant à la première branche, que le moyen est tiré de la violation du seul article 89 de la Constitution qui sanctionne l’absence de motifs dont le défaut constitue un vice de forme ; que l’arrêt attaqué est motivé sur le point considéré ainsi que le demandeur en cassation l’admet lui-même dans l’énoncé du moyen ;
Que de même, quant à la seconde branche tirée également de la violation de l’article 89 de la Constitution, les juges d’appel ont par des motifs propres et adoptés, en constatant que les éléments constitutifs de l’injure-délit sont réunis, implicitement donné leur réponse aux conclusions visées ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris dans ses deux branches,
tiré « de la violation de l’article 89 de la Constitution pour absence de motifs sinon insuffisance de motifs valant absence de motifs, et tiré du défaut de réponse à conclusions équivalent à une insuffisance de motifs constituant une violation de l’article 89 de la Constitution, en ce que l’arrêt attaqué n’a pas statué sur l’offre de preuve réitérée en instance d’appel (aux termes mêmes de l’arrêt attaqué qui précise à sa page 16, alinéa 4 qu’<<au besoin il (X.)) réitère son offre de prouver le fait imputé, à savoir que Y.) était soupçonné d’avoir noué des contacts avec le crime organisé>>), première branche, grief de l’absence de motifs, respectivement de l’insuffisance de motifs valant absence de motifs, alors qu’une offre de preuve présentée par une partie au procès doit être examinée par la juridiction saisie pour être déclarée soit recevable, soit irrecevable pour des motifs que la juridiction indique dans sa décision, mais qu’il n’appartient par contre pas à une juridiction d’en faire simplement abstraction en refusant de l’examiner, sans encourir le vice de l’absence ou de l’insuffisance de motifs, alors que partant l’arrêt attaqué aurait dû examiner l’offre de preuve du sieur X.) et statuer de façon dûment motivée sur sa recevabilité/irrecevabilité, offre de preuve formellement réitérée en instance d’appel, et qu’en ne le faisant pas, l’arrêt attaqué doit encourir la cassation pour absence, sinon insuffisance de motifs, constituant une violation de l’article 89 de la Constitution ; seconde branche, grief du défaut de réponse à conclusions, alors que le sieur X.) a fourni son offre de preuve par conclusions écrites du 27 mai 2002 versée au dossier et qu’aux termes même du jugement de première instance dont les motifs ont été adoptés par l’arrêt attaqué, cette offre de preuve a été présentée à l’audience, donc remise à la présidente de chambre (<<à l’audience publique du 27 mai 2002, X.) présente une offre de preuve avant toute défense au fond>>), alors que ces conclusions font partie intégrante du dossier soumis à la juridiction d’appel dont émane l’arrêt attaqué et que pour le surplus, ces conclusions ont été réitérées en appel aux termes mêmes de l’arrêt attaqué, alors qu’ainsi, l’arrêt attaqué aurait dû examiner l’offre de preuve présentée dans les dites conclusions écrites et qu’en ne le faisant pas, l’arrêt attaqué doit encourir la cassation pour défaut de réponse à conclusions valant insuffisance de motifs et partant absence de motifs » ;
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Mais attendu qu’en disant que « les juges de première instance ont correctement et exhaustivement analysé les éléments constitutifs du délit d’injure » et que « c’est donc à bon droit et pour des motifs que la Cour adopte que X.) a été déclaré convaincu d’avoir publiquement injurié Y.) », la Cour d’appel a adopté les motifs des premiers juges qui ont statué sur l’offre de preuve dont il s’agit ;
D’où il suit que le moyen n’est fondé dans aucune de ses deux branches ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris dans ses deux branches,
tiré « de la violation de l’article 9 de la loi sur la presse du 20 juillet 1869 pour refus d’application, et tiré de la violation de l’article 6 de la loi sur la presse du 20 juillet 1869 pour fausse interprétation, en ce que l’arrêt attaqué- qui rappelons-le n’a pas statué sur l’offre de preuve présentée par le sieur X.) – a apparemment adopté à ce sujet les motifs des premiers juges qui, après avoir à bon droit retenu que l’offre de preuve présentée par le sieur X.) en application de l’article 9 de la loi modifiée du 20 juillet 1869 sur la presse <<a été faite lors de la première comparution d’X.) devant le tribunal>>, ont décidé que <<le tribunal tient à soulever que l’article 9 de la loi modifiée du 20 juillet 1869 n’est de toute façon pas applicable en l’espèce, en raison des considérations qui suivent>> et en ce que l’arrêt attaqué a donc également, par adoption des motifs, entériné l’appréciation des premiers juges qui ont, tout en estimant à bon droit que <<la loi du 20 juillet 1869 sur la presse trouve application en l’espèce>>, considéré qu’<<il faut déduire de l’article 6 de la loi du 20 juillet 1869, que les dispositions de l’article 9 relatives à l’admission de la preuve ne s’appliquent que si la calomnie ou l’injure a été dirigée contre des fonctionnaires publics, des corps dépositaires ou agents de l’autorité publique ou envers tout autre corps constitué ou l’un de ses membres>> pour estimer ensuite qu’en raison du fait que le citant direct Y.) ne fait pas partie de ces catégories, <<l’article 9 ne s’applique pas à l’offre de preuve du cité direct tendant à établir la véracité des faits imputés à Y.)>> et conclure enfin qu’<<il faut partant retenir que la recevabilité de l’offre de preuve présentée est à apprécier suivant les règles de droit commun>>, alors que contrairement à cette vue de la loi sur la presse, les dispositions de procédure de la loi sur la presse du 20 juillet 1869 – dont plus particulièrement l’article 9 relatif aux offres de preuve – s’appliquent à toutes les poursuites pénales généralement quelconques pour des délits de presse quelles que soient les personnes visées par les imputations faisant l’objet des poursuites, alors que plus particulièrement l’article 9 concerne toutes les procédures pénales engagées pour des délits de presse tel que l’illustre une jurisprudence plus que centenaire appliquant ce texte à tous faits de presse, y compris à ceux visant des particuliers ; première branche, grief de la violation de l’article 6 de la loi du 20 juillet 1869 sur la presse par fausse interprétation, alors que pour venir à son refus d’application de l’article 9, le jugement confirmé par l’arrêt attaqué procède d’abord à une violation de l’article 6 par fausse interprétation de ce dernier, car, contrairement à ce qui a été retenu, la formulation contenue dans cet article <<sauf ce qui sera statué à cet égard par les dispositions suivantes>> n’entend nullement faire une distinction entre d’une part les
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poursuites pour la calomnie ou l’injure envers des fonctionnaires publics et les autres catégories de personnes précisées dans l’article 6 et d’autre part, les poursuites pour la calomnie ou l’injure envers les particuliers <<ordinaires>>, alors qu’en réalité, l’article 6 de la loi instituée en 1869 exprime ce qui suit (en conformité avec la pratique jurisprudentielle de plus de 135 ans) : 1. en matière de presse, il n’y a plus lieu de faire une différence entre les personnes touchées par la calomnie ou l’injure ; ainsi la calomnie et l’injure envers les fonctionnaires publics et autres catégories de personnes indiquées à l’article 6 sera poursuivie et punie de la même manière que la calomnie ou l’injure dirigée contre les particuliers ; 2. mais si la calomnie ou l’injure est commise par voie de la presse – même si ce sont des fonctionnaires publics ou les autres personnes ou corps indiqués à l’article 6 – ce sont les dispositions de la loi sur la presse concernant la procédure à suivre qui s’appliquent (cours du procès, dispositions spéciales pour les offres de preuve, prescription spéciale abrégée de trois mois etc) et non la procédure de droit commun, alors qu’à supposer que l’arrêt attaqué – qui ne s’est aucunement prononcé sur l’offre de preuve et donc, à fortiori, sur les textes applicables – a adopté ce raisonnement des premiers juges par adoption des motifs de ces derniers, il a commis la même erreur d’interprétation sinon il aurait dû réformer le jugement dont appel, et qu’en procédant à cette erreur d’interprétation de l’article 6, respectivement en l’entérinant, au lieu d’adopter l’interprétation telle que présentée ci-avant sous 1. et 2. et, en conséquence, réformer le jugement, déclarer recevable et admettre l’offre de preuve présentée, l’arrêt attaqué a violé l’article 6 par fausse interprétation et doit encourir la cassation de ce chef ; seconde branche, grief de la violation de l’article 9 de la loi du 20 juillet 1869 sur la presse par refus d’application, alors que tel qu’il a été précisé ci-avant dans le moyen, l’article 9 trouve application pour des délits de presse envers des particuliers et qu’en refusant d’appliquer l’article 9 de la loi sur la presse pour apprécier la recevabilité de l’offre, les premiers juges ont violé l’article 9 en refusant son application, alors qu’à supposer que l’arrêt attaqué - qui ne s’est aucunement prononcé sur l’offre de preuve et donc, à fortiori, sur les textes applicables - a adopté le raisonnement des premiers juges par adoption des motifs de ces derniers, il a commis le même refus d’application sinon il aurait dû réformer le jugement dont appel, et qu’en procédant au refus d’application de l’article 9, respectivement en entérinant le refus des premiers juges, au lieu de l’appliquer et de statuer sur l’offre de preuve tel que prévu dans l’article 9 pour, en conséquence, déclarer recevable et admettre l’offre de preuve présentée, l’arrêt attaqué a violé l’article 9 par refus d’application et doit encourir la cassation de ce chef » ;
Mais attendu que X.) n’ayant pas critiqué en cause d’appel le jugement sur les points considérés, ne peut se plaindre de ce que le jugement a été confirmé sur ce point ;
Que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, ne peut donc être accueilli dans aucune de ses deux branches ;
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Sur le quatrième moyen de cassation,
tiré « de la violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, en ce que l’arrêt attaqué qui n’a pas statué sur l’offre de preuve présentée par le prévenu cité direct X.), même si on pourrait éventuellement admettre le cas échéant qu’il ait à ce sujet adopté les motifs des premiers juges, a, in fine, empêché le sieur X.) de prouver la véracité des imputations tel que demandé dans son offre de preuve, en ce que l’arrêt attaqué, si on part du fait qu’il a effectivement entériné à ce sujet les motifs des premiers juges, a entériné le REFUS lapidaire des premiers juges concernant l’offre de preuve du sieur X.) aux termes suivants : <<l’offre de preuve doit être déclarée irrecevable en ce qu’elle tend à établir la véracité de l’affirmation qui précède, les faits allégués manquant de précision>> et en ce que tel refus de l’offre de preuve ne constitue rien d’autre que le refus des juridictions en cause de laisser prouver l’écrivain/journaliste la véracité des propos publiés, alors que plus particulièrement en matière de liberté d’expression dont l’exercice est garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, l’écrivain, respectivement le journaliste, doit pouvoir disposer de tous moyens pour établir la véracité des propos qu’il cite ou formule, dont notamment la faculté de produire des documents et d’appeler des témoins à la barre, alors que le sieur X.) face à une loi sur la presse du 20 juillet 1869 qui dans son article 9 précise une procédure particulière pour le déroulement de la présentation des preuves – déroulement différent de la procédure de droit commun – a fait ce qu’il devait faire, à savoir formulé et déposé dès sa première comparution une offre de preuve qu’il a, suite à la décision des premiers juges, réitéré en appel sans que l’arrêt attaqué en ait statué, alors que le fait de priver dans une telle configuration complexe de droit procédural (loi sur la presse/droit commun) le sieur X.) du droit de prouver les propos pour lesquels on le poursuit revient à violer les principes du procès équitable et partant l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, alors que l’arrêt attaqué aurait dû réformer le premier jugement et renvoyer l’affaire devant la première instance autrement composée pour, avant tout autre progrès en cause, permettre au prévenu cité direct de présenter les preuves en conformité avec la loi sur la presse et qu’en ne le faisant pas, l’arrêt attaqué a privé le prévenu-cité direct X.) de toute possibilité de prouver la véracité des imputations faisant l’objet de la poursuite pénale et ainsi violé les principes du procès équitable et donc l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme et doit encourir la cassation de ce chef, alors qu’en effet, en matière de délits de presse, le demandeur au pénal n’a rien à prouver (contrairement au droit commun) et le défendeur doit établir son innocence en prouvant la véracité des propos qu’il a publiés et qu’ainsi la possibilité de prouver les propos constitue la seule voie possible pour rétablir un tant soit peu l’égalité des armes visée par les principes d’équité de l’article 6 de la Convention » ;
Mais attendu que le moyen manque en fait, les juges du fond ayant rejeté l’offre de preuve visée en raison de la nature même de l’infraction d’injure qui se caractérise par l’imputation d’un fait vague et imprécis dont la preuve tendant à en établir la véracité n’est pas autorisée ;
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D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le cinquième moyen de cassation,
tiré « de la violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, en ce que l’arrêt attaqué, par confirmation au pénal et au civil du jugement dont appel, a entériné la condamnation du sieur X.) à une amende de 1.500 € et au paiement de l’euro symbolique pour la publication dans une note de bas de page d’un livre, donc dans l’exercice de la liberté d’expression, la phrase comme quoi Y.) <<était soupçonné d’avoir noué des contacts avec le crime organisé, notamment aux (…)>> et en ce que par là, l’arrêt attaqué a procédé à une <<ingérence>> dans la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme sans pour autant vérifier si les conditions pour telle ingérence étaient remplies et en ce que pour le moins, deux conditions essentielles de l’article 10 pour justifier une ingérence n’étaient pas données, alors que l’article 10 de la Convention faisant partie à titre supra-constitutionnel de notre droit positif exige trois conditions cumulatives pour une ingérence dans la liberté d’expression par condamnation à une amende et/ou au franc symbolique du prévenu : 1. l’ingérence (ici la condamnation telle que demandée par la citation directe) doit être prévue par la loi ; 2. elle doit poursuivre un but légitime ; 3. elle doit être nécessaire dans une société démocratique, c’est-à-dire répondre à un besoin social impérieux ; 4. et elle doit être proportionnée au but légitime poursuivi, alors que l’ingérence en cause est certes <<prévue par la loi>> (textes légaux sur les atteintes à l’honneur) et poursuit dans le cadre d’un procès pour atteinte à l’honneur un but légitime – à savoir le rétablissement de l’honneur de celui qui se prétend lésé – mais que par contre la troisième et la quatrième condition n’étaient pas réunies, alors qu’en effet, la condamnation pénale et civile du sieur X.) pour une phrase dans une minuscule note de bas de page n’est pas <<nécessaire dans une société démocratique>> en ce qu’elle ne répond nullement à un <<besoin social impérieux>>, ce d’autant plus que le sieur X.) a démontré par la production de certaines pièces – et plus particulièrement par la note de recherche de l’illustrée (…), versée à la Cour d’appel en date du 12 janvier 2004 – qu’il avait publié la phrase incriminée par citation d’une note de recherche d’un journaliste oeuvrant dans le cadre d’un journal (…) sérieux, alors que pour ces mêmes motifs, l’ingérence n’est pas proportionnée au but légitime poursuivi, alors qu’ainsi, l’arrêt attaqué aurait dû réformer le jugement dont appel en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme et acquitter Monsieur X.) et qu’en ne le faisant pas, l’arrêt attaqué viole ledit article 10 et doit encourir la cassation » ;
Mais attendu que sous le couvert de la violation de l’article 10 de la convention désignée, le moyen ne tend qu’à remettre en cause devant la Cour régulatrice des faits et des éléments de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
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Sur le sixième moyen de cassation,
tiré « de la violation de l’article 448 du code pénal pour fausse application, en ce que l’arrêt attaqué, qui ne s’est pas prononcé sur les éléments constitutifs de l’infraction de l’injure-délit, a probablement entériné les motifs des premiers juges au sujet des éléments constitutifs de l’infraction retenue à charge du sieur X.), en ce que dans pareil cas, l’arrêt attaqué a retenu que le sieur X.) était, lors de la publication de ces propos, mu par une intention méchante et que donc le dol spécial, sans lequel l’infraction n’est pas donnée, serait établi, en se faisant implicitement siens les motifs des premiers juges formulés comme suit : <<l’intention méchante résulte généralement de l’expression injurieuse même ou des circonstances dans lesquelles elle a été proférée ; il appartient au prévenu de prouver qu’il ne s’est laissé guider par aucune intention méchante, respectivement qu’il a agi dans un but honorable et par conséquent non répréhensible ; en l’espèce, en ne précisant pas qui a porté des soupçons sur la personne de Y.) au sujet de quels faits, X.) n’a manifestement pas agi dans l’intention d’informer ses lecteurs de faits déterminés, mais a consciemment dénigré Y.) aux yeux du public ; par le caractère vague de ses affirmations, X.) a en outre mis Y.) dans l’impossibilité de prouver la fausseté des reproches qui lui sont faits>>, alors que l’intention méchante ne se présume pas, surtout en matière pénale où il appartient à la partie publique ou à la partie civile de prouver la réunion des éléments constitutifs d’une infraction, alors que le sieur X.) a contesté toute intention méchante dans son chef et qu’il ne résulte nullement de la phrase litigieuse <<il était soupçonné d’avoir noué des contacts avec le crime organisé, notamment aux (…)>> qu’elle serait d’office injurieuse (car elle peut être vraie !), alors qu’ainsi on ne saurait exiger du prévenu de prouver le défaut d’intention méchante, alors qu’en l’occurrence, la phrase litigieuse figure seulement dans une note de bas de page de sorte qu’il faut en conclure qu’elle n’a pas été formulée avec intention méchante, sinon elle aurait été publiée plus exposée au regard du lecteur dans le corps de texte, alors que pour le surplus, en l’occurrence, le prévenu X.) a fourni des pièces qui démontrent les étranges imbrications de Y.) et que plus particulièrement, le sieur X.) a versé à la Cour d’appel, en date du 12 janvier 2004 la note de recherche de (…) dont le passage litigieux a été extrait presque textuellement, alors qu’ainsi, le sieur X.) a publié la note de bas de page par citation de la note de recherche (…) parce qu’il pouvait légitimement croire à la fiabilité de cette source d’information, alors que par conséquent l’élément constitutif indispensable, celui de l’intention méchante fait défaut de sorte que l’infraction retenue à charge du sieur X.) n’est pas constituée, et de sorte que l’arrêt attaqué aurait donc dû réformer le jugement de première instance et acquitter complètement le sieur X.) et qu’en ne le faisant pas, l’arrêt attaqué viole l’article 448 du code pénal par fausse application » ;
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Mais attendu que tant par des motifs propres que par adoption des motifs des premiers juges, la Cour d’appel a, dans une appréciation souveraine échappant au contrôle de la Cour de cassation, constaté l’élément moral dans le chef de l’auteur de l’infraction ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ; Sur les frais :
Attendu que le demandeur succombant dans son recours doit supporter les frais de celui-ci, sauf cependant ceux occasionnés par la signification du mémoire en réponse de la partie défenderesse qui doivent rester à la charge de celle-ci, dès lors qu’en matière pénale l’article 44 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation n’exige pour la régularité d’un mémoire en réponse des défendeurs en cassation que son dépôt dans le délai imparti au greffe où la déclaration de pourvoi a été reçue ;
P a r c e s m o t i f s :
r e j e t t e le pourvoi ;
condamne X.) aux frais de l'instance en cassation à l’exception de ceux occasionnés par la signification du mémoire en réponse, les frais exposés par le ministère public étant liquidés à 5,25 €.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, seize décembre deux mille quatre, au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, composée de :
Marc THILL, président de la Cour, Marc SCHLUNGS, conseiller à la Cour de cassation, Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Julien LUCAS, premier conseiller à la Cour d'appel, Camille HOFFMANN, conseiller à la Cour d'appel, John PETRY, avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour,
qui, à l'exception du représentant du ministère public, et de Marc SCHLUNGS, dans l’impossibilité de signer l’arrêt, ont signé le présent arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Monsieur John PETRY, avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 60/2004
Date de la décision : 16/12/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2004-12-16;60.2004 ?

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