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18/11/2004 | LUXEMBOURG | N°46/2004

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 18 novembre 2004, 46/2004


N°46 / 2004 pénal. du 18.11.2004 Numéro 2116 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, dix-huit novembre deux mille quatre,
l'arrêt qui suit :
E n t r e :
X.), née le (…) à (…), demeurant à L-(…), (…), demanderesse en cassation,
comparant par Maître Philippine RICOTTA-WALAS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu,
c/
le MINISTERE PUBLIC
en présence de : r>1) Y.), née le (…) à (…), actuellement placée à (…) à L-(…), (…),
2) Z.), née le (…) à (…), actuel...

N°46 / 2004 pénal. du 18.11.2004 Numéro 2116 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, dix-huit novembre deux mille quatre,
l'arrêt qui suit :
E n t r e :
X.), née le (…) à (…), demeurant à L-(…), (…), demanderesse en cassation,
comparant par Maître Philippine RICOTTA-WALAS, avocat à la Cour, demeurant à Luxembourg, en l’étude de laquelle domicile est élu,
c/
le MINISTERE PUBLIC
en présence de :
1) Y.), née le (…) à (…), actuellement placée à (…) à L-(…), (…),
2) Z.), née le (…) à (…), actuellement placée à (…) à L-(…), (…),
3) A.), né le (…) à (…), actuellement placée à (…) à L-(…), (…),
4) B.), né le (…) à (…), demeurant à L-(…), (…),
5) C.), directrice de (…) à L-(…), (…),
6) D.), pédagogue diplômée à (…) à L-(…), (…),
7) E.), éducateur à (…) à L-(…), (…),
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le conseiller SCHLUNGS en son rapport et sur les conclusions de Madame l’avocat général GUILLAUME ;
Vu l’arrêt attaqué rendu le 20 février 2004 par la chambre d’appel de la jeunesse de la Cour supérieure de justice ;
Vu le pourvoi en cassation déclaré le 11 mars 2004 au greffe de la Cour par Maître Philippine RICOTTA-WALAS pour et au nom de X.) et le mémoire en cassation déposé le 8 avril 2004 au même greffe ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le tribunal de la jeunesse de Diekirch avait rejeté une requête présentée par X.) en mainlevée d’une mesure de garde prise à l’égard des enfants mineurs de la demanderesse et avait réglé le droit de visite des parents ; que sur appel de la requérante le juge du second degré confirma la décision entreprise ;
Sur les premier et second moyens de cassation pris ensemble,
le premier :
tiré « de la violation de la loi, voire de sa fausse application, in spécie de l’article 11 alinéa 3 de la Constitution et de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme en ce que l’arrêt attaqué a confirmé le jugement rendu en première instance et n’a pas fait droit à la demande de la partie demanderesse aux motifs suivants : <<qu’un élargissement d’un droit de visite peut être envisagé si la mère accepte sans arrière-pensée le placement des enfants, collabore loyalement avec les éducateurs du foyer dans l’intérêt des enfants, se montre capable de poser des limites à ceux-ci lors des visites et accepte pleinement le droit de visite du père ; il y a lieu de constater que Madame X.) ne satisfait pas à ces conditions ; même si elle parvient à maîtriser mieux ses émotions sous l’effet de médicaments et grâce à ses consultations psychiatriques, elle ne perçoit l’intérêt des enfants qu’à travers ses propres désirs ; si une prise en charge des enfants par le foyer semble être acceptée pour le moment, c’est à condition que la prise en charge prépare la mainlevée du placement et qu’elle soit orientée à cette fin ; X.), tout en affirmant ne pas s’opposer à un droit de visite de B.), lui reproche de ne pas donner à manger aux enfants lors des visites ; l’attitude de l’appelante reste empreinte d’ambiguïté et ne permet pas d’affirmer qu’elle a d’ores et déjà acquis la lucidité nécessaire pour accepter la situation des enfants et la sienne telle qu’elle se présente en réalité et de soutenir le foyer dans sa tâche éducative ; dans ses conditions, un élargissement du droit de visite est prématuré>>, alors qu’aux termes de l’article 10 alinéa 3 de la Constitution, <<l’Etat garantit les droits de la personne humaine et de la famille>> ; de même, l’article 8 de la
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Convention Européenne des Droits de l’Homme énonce que d’une part que <<toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et d’autre part qu’il ne peut y avoir d’ingérence dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui>> ; il convient de rappeler, à titre préliminaire, et ceci sans remettre en cause le bien fondé de la décision de placement originelle des enfants, qu’en principe, l’Etat a l’obligation de ne pas séparer enfants et parents ; il s’agit là d’un élément les plus fondamentaux de la vie familiale ; seules des circonstances très graves justifient le retrait de l’enfant du foyer familial ; il résulte d’un examen de la doctrine et de la jurisprudence en la matière que l’Etat dispose d’une certaine marge d’appréciation ou d’une grande latitude quant à la prise de décision lors desdits retraits aux fins de placement soit auprès d’un établissement spécialisé, soit auprès de familles d’accueil ; il en va autrement en ce qui concerne l’exécution de ces mesures ; en effet, le but de ces séparations forcées n’est pas une séparation définitive ; aussi, le droit d’un parent et d’un enfant au respect de la vie familiale, garanti par l’article 8 précité, ainsi que l’article 11 de la Constitution, implique un droit à des mesures destinées à les réunir ; ainsi la Convention Européenne des Droits de l’Homme dans un arrêt Eriksson c/Suède a estimé que les limitations graves et durables du droit de visite ainsi que la période très longue pendant laquelle la mère n’avait pas pu retirer sa fille constituait une violation grave de l’article 8 précité ; de même dans l’arrêt Johansen c/Suède, la Cour estime que la mère ne peut être privée de son droit de visite et de ses droits parentaux que dans le cas où une exigence primordiale tenant à l’intérêt de l’enfant s’impose ; le risque de perturbation de l’enfant est insuffisant pour justifier ce type de mesure ; or, en l’espèce la Chambre d’appel de la Jeunesse de la Cour Supérieure de Justice a confirmé le jugement entrepris, à savoir un droit de visite accordé à la mère, demanderesse en cassation, à raison d’une heure par semaine au Foyer en présence d’une tierce personne tout en lui refusant tout droit d’hébergement, sans motifs fondés en droit ; force est d’admettre que la limitation du droit de visite est telle qu’elle aboutit à la négation de ce droit et constitue une violence intense tant pour les enfants, qui au demeurant sont très demandeurs de leur mère, que pour la mère qui se voit retirer son droit fondamental à voir ses enfants le plus possible en vue d’une réinsertion dans le foyer familial et ceci sous de motifs vains tels qu’une mésentente entre celle-ci et l’établissement dans lequel sont placés les enfants ; en tout état de cause, sans aucun motifs de droit empêchant légitimement, valablement, les perspectives, mesures concrètes en vue du retour des enfants chez la mère préqualifiée ; en statuant ainsi la Chambre d’appel de la Jeunesse de la Cour Supérieure de Justice limite, sans justes motifs, la mère dans son droit de parent, de mère, le plus fondamental violant ainsi gravement les principes sus-énoncés ; par là- même, ladite Chambre empêche non seulement l’élargissement du droit de visite, voire l’exercice même d’un droit de visite, ainsi que d’un droit d’hébergement mais aussi, a fortiori, ne met aucunement en place les mesures visant au retour des enfants auprès de leur mère alors même que les intérêts des
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enfants l’exigeraient violant les règles juridiques régissant la matière ; la Chambre d’appel de la Jeunesse de la Cour Supérieure de Justice a dès lors manqué à son obligation légale d’assurer le retour des enfants au foyer familial, corollaire du droit de la famille ; il résulte de ce qui précède que l’arrêt dont question doit être cassé » ;
le second :
tiré « de l’insuffisance de motifs, sinon contradiction de motifs, sinon motifs manifestement non fondés, sinon motifs résultant d’une erreur manifeste d’appréciation, valant absence de motifs, en ce que par une insuffisance, voire une contradiction de motifs, motifs manifestement non fondés, sinon motifs résultant d’une erreur manifeste d’appréciation, valant absence de motifs, l’arrêt attaqué a déclaré non fondées la demande d’élargissement du droit de visite ainsi que la demande d’octroi d’un droit d’hébergement le plus étendu possible ; en effet, la Cour omet que toute mesure de placement doit être temporaire et que lorsqu’elle est exercée par un service ou une institution elle ne peut se prolonger plus de 2 ans ; la mesure peut certes être renouvelée, mais que dans les mêmes conditions que celles qui entourent la première prise de décision ; en l’espèce, les enfants sont placés depuis plus de deux années et les motifs légitimant, à l’époque, un tel placement ne sont plus données, de sorte que le maintien des enfants au sein de la (…) ne se justifie plus et qu’une logique de retour au sein du foyer familial s’impose accompagnée des mesures concrètes pour ce faire ; en effet, il résulte clairement des pièces versées en cause que Madame X.), mère des enfants, ne se trouve plus dans la détresse psychologique, affective et financière dans laquelle elle était au moment du placement de ses enfants ; le psychothérapeute qui suit la mère préqualifiée reconnaît lui-même qu’il faut lui offrir cette possibilité d’un droit de visite élargi ainsi qu’un droit d’hébergement ; cet état de fait est reconnu par les parties présentes en cause qui s’accordent toutes à l’exception du père qui, au demeurant n’a jamais payé de pension alimentaire à ses enfants, ni depuis leur placement, à vouloir accorder un droit de visite plus large à la mère, ladite Madame X.) ; le mandataire des enfants quant à lui reconnaît qu’un droit de visite élargi ferait le plus grand bien enfants ; il résulte de ce qui précède qu’il y va de l’intérêt des enfants qu’un droit de visite élargi et un droit d’hébergement soit accordé à la mère préqualifiée ; c’est par ailleurs à juste titre et dans le droit fil du droit, et des règles régissant la matière que la demanderesse en cassation n’accepte le placement de ses enfants qu’à la condition que la prise en charge prépare la mainlevée de placement et qu’elle soit orientée à cette fin ; envisager le placement autrement, sans perspective de retour, au regard des circonstances de l’espèce est inconcevable et contraire au droit et sanctionner l’attitude de la mère viole manifestement le droit régissant la matière ; de même, il convient également de rappeler que la Cour de cassation française consacre fermement le principe du retour de l’enfant dans sa famille et décide de ce retour alors même que les aptitudes des gardiens actuels sont supérieures à celles des parents (Ccass 28 janvier 1969, JCP 1969, II, 16111) ; en effet, il ne peut être valablement exigé de tous les parents qu’ils soient des éducateurs parfaits pour leurs enfants, une telle exigence relèverait de l’utopie ; au regard
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de cette jurisprudence, il convient d’admettre qu’il importe peu que les enfants, surtout les deux cadets, éprouvent des difficultés scolaires nécessitant l’intervention de professionnels ; en tout état de cause ladite intervention n’est pas incompatible avec un retour des enfants chez leur mère qui peut tout à fait prendre convenir de rendez-vous avec ceux-ci et prendre en charge lesdits problèmes, comme elle aurait dû faire face si les enfants n’avaient jamais quitté le foyer ; force est d’en conclure à la lecture des motifs gisant à la base de la décision entreprise, qui se résument, en autres, à une mésentente entre la mère préqualifiée et la (…) dans laquelle les enfants sont placés, que ceux-ci ne constituent nullement des motifs suffisants et fondés en droit justifiant de telles mesures drastiques, et ne peuvent faire obstacle à l’élargissement du droit de visite ainsi qu’à l’attribution d’un droit d’hébergement à la mère préqualifiée sans heurter de façon flagrante et insoutenable les règles de droit visant au retour des enfants auprès de leur famille d’origine, en l’espèce la mère, demanderesse en cassation ; les motifs gisant à la base de la décision de la Chambre d’appel de la Jeunesse de la Cour Supérieure de Justice sont insuffisants, sinon contradictoires, sinon manifestement non fondés, sinon des motifs résultant d’une erreur manifeste d’appréciation, valant absence de motifs ; il résulte de ce qui précède que la Chambre d’appel de la Jeunesse de la Cour Supérieure de Justice a violé les dispositions susvisées » ;
Attendu que selon l’article 43 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, la partie qui exercera le recours en cassation devra, à peine de déchéance, déposer au greffe où sa déclaration a été reçue, un mémoire qui contiendra les moyens de cassation ;
Attendu que le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours ; que la Cour de cassation ne répond qu’aux moyens ; que la discussion qui les développe ne peut en combler les lacunes ;
Attendu que les énonciations du mémoire réunies sous les dénominations respectives de premier et de deuxième moyen de cassation, en partie vaguement indicatives des dispositions légales prétendument violées, consistent en une succession de considérations de fait et de droit et constituent ainsi une discussion mais n’expriment pas des moyens de cassation au sens de l’article 43 de la loi précitée ;
D’où il suit que le pourvoi encourt la déchéance ;
P a r c e s m o t i f s :
déclare X.) d é c h u e de son pourvoi en cassation ;
la condamne aux frais de l’instance en cassation, les frais exposés par le ministère public étant liquidés à 2 €.
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Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, dix-huit novembre deux mille quatre, au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, composée de :
Marc THILL, président de la Cour, Marc SCHLUNGS, conseiller à la Cour de cassation, Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Eliane EICHER, conseiller à la Cour d'appel, Françoise MANGEOT, conseiller à la Cour d’appel, Jérôme WALLENDORF, avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour,
qui, à l'exception du représentant du ministère public, ont signé le présent arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Monsieur Jérôme WALLENDORF, avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.
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Synthèse
Numéro d'arrêt : 46/2004
Date de la décision : 18/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2004-11-18;46.2004 ?

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