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11/11/2004 | LUXEMBOURG | N°44/2004

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 11 novembre 2004, 44/2004


N° 44 / 2004 pénal. du 11.11.2004 Numéro 2157 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, onze novembre deux mille quatre,
l'arrêt qui suit :
Sur la requête en renvoi pour cause de suspicion légitime déposée au greffe de la Cour le 28 juin 2004 par :
X.), directeur général de (…), demeurant à L-(…), (…),
comparant par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu,
à l’enco

ntre de A.), juge d’instruction près le tribunal d’arrondissement de et à (…),
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N° 44 / 2004 pénal. du 11.11.2004 Numéro 2157 du registre.
La Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg, formée conformément à la loi du 7 mars 1980 sur l'organisation judiciaire, a rendu en son audience publique du jeudi, onze novembre deux mille quatre,
l'arrêt qui suit :
Sur la requête en renvoi pour cause de suspicion légitime déposée au greffe de la Cour le 28 juin 2004 par :
X.), directeur général de (…), demeurant à L-(…), (…),
comparant par Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, en l’étude duquel domicile est élu,
à l’encontre de A.), juge d’instruction près le tribunal d’arrondissement de et à (…),
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LA COUR DE CASSATION :
Ouï Monsieur le conseiller JENTGEN en son rapport et sur les conclusions de Monsieur le premier avocat général WIVENES ;
Vu la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime signée par le requérant X.) et son mandataire en justice, Maître Fernand ENTRINGER, avocat à la Cour, régulièrement déposée au greffe de la Cour le 28 juin 2004 que le requérant entend fonder sur l’article 521.8° du Code de procédure civile et sur l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et dont la motivation factuelle est de la teneur suivante :
« 1.1. En date du 12 mai 2004, Monsieur le juge d’instruction A.) a émis à l’encontre de X.) un mandat de comparution pour le mardi 29 juin 2004 à 9 heures ; le même juge d’instruction a envoyé en date du 25 mai 2004 entre autres à un Y.),
demeurant à D-(…), (…), une lettre par laquelle il informe son destinataire qu’il a repris le dossier de son prédécesseur B.), appelé à d’autres devoirs ; puis la lettre continue : <<Ich will Ihnen mitteilen, dass es am 24. Juni 2004 und 29. Juni 2004 zu den Erstbeschuldigungen von verschiedenen Personen kommen wird ; damit Sie dieser Verhandlung beiwohnen können und nach dieser Erstbeschuldigung Einsicht in die Akte haben können, müssen Sie laut luxemburgischer Strafprozessordnung vorerst formal als Zivilkläger in der Angelegenheit auftreten; diese Zivilnebenklage sollte schriftlich bei mir vor dem 26. Juni 2004 eingereicht sein um von diesem Zeitpunkt an Einsicht in die Akte zu haben; die Nebenklage kann aber auch später eingereicht werden und sogar noch während einer möglichen Hauptverhandlung vor Gericht>>; 1.2. il résulte d’une<<press review>> du 8 juin 2004 que déjà le 8 juin 2004 les quotidiens (…), ou diffusés au (…), renseignaient que X.) en tant que directeur général de (…) et Z.), en tant que pilote de l’avion ayant causé l’accident du (…), et eux seuls, allaient être inculpés fin juin par le juge d’instruction; la question d’une violation du secret de l’instruction se pose; 1.3. si l’inculpation du pilote ayant exécuté la manœuvre fatale va de soi, celle de X.) seul est difficile à comprendre au regard de la législation applicable à la matière, ainsi qu’il va être exposé ci-après ; 1.4. il résulte des trois points qui précèdent que dès la première phase de son intervention, le juge d’instruction viole son obligation de réserve, de neutralité, d’objectivité et d’impartialité et jette le discrédit non seulement sur son intervention, mais aussi sur la fonction juridictionnelle dans son ensemble ; que penser d’un juge d’instruction appelé à instruire à charge et à décharge qui part allègrement à la recherche de parties civiles pour étoffer son dossier ; il ne convient pas au juge d’instruction d’écrire des lettres circulaires aux personnes susceptibles de se constituer partie civile avant l’interrogatoire des personnes convoquées pour leur inculpation et d’instruire les personnes lésées sur la procédure à suivre pour assister à l’audition des inculpés ; en effet, avant la constitution de partie civile, il n’y a pas de partie civile ; à cela s’ajoute que par la lettre susdite le juge d’instruction a violé l’article 2(2) du 10 août 1992 sur la profession d’avocat dans la mesure où il a donné spontanément des consultations juridiques sans être membre du barreau ; 1.5. que le juge d’instruction inculpe X.), c’est son droit, qu’à part le pilote, il n’inculpe que X.), c’est une violation de la loi, notamment du règlement grand-ducal du 23 mars 1998 concernant les conditions techniques d’exploitation des avions en transport aérien public ; ce règlement transpose en droit national le code JAR-OPS 1 relatif aux conditions techniques d’exploitation des avions en transport aérien public, adopté le 2 mai 1995 par les Autorités conjointes de l’aviation (JAA : Joint Aviation Authorities) ; conformément aux annexes dudit règlement grand-ducal, à la page 257, article 1.175 : <<(i) the operator (c’est-à-dire (…)) must have nominated post holders, acceptable to the Authority (c’est-à-dire la direction de l’aviation civile dépendant du Ministère des Transports), who are responsable for : (1) Flight operations ; (2) The maintenance system ; (3) Crew training ; and (4) Ground operations ; à côté de ces <<post holders>> il y a dans l’organisation interne de (…) d’autres personnes à responsabilité spécifique comme par exemple le <<flight safety officer>> ; l’article 6 du susdit règlement grand-ducal punit d’une peine correctionnelle entre autres les violations du code JAR-OPS 1 ; il résulte du dossier du droit de travail de ces personnes qu’elles sont à l’origine d’importantes violations du code JAR-OPS 1, violations qui selon les expertises diligentées suite à l’accident sont causalement intervenues dans la réalisation de ce dernier ; la jurisprudence en matière de
responsabilité des dirigeants d’entreprises est en ce sens que ceux-ci peuvent s’exonérer s’il y a délégation partielle de compétence à des subordonnés, ce qui est le cas dans la présente cause, alors que les conventions internationales et la loi luxembourgeoise l’exigent expressément ; il est dès lors incompréhensible, pour ne pas employer une terminologie plus appropriée, que le juge d’instruction se soit borné à inculper le seul X.) ; l’instruction à charge et à décharge découle du principe élémentaire de recherche de la vérité ; or, il ne peut y avoir découverte de celle-ci, si ab initio et pour des raisons que l’on ignore, le juge d’instruction se défend d’explorer toutes les pistes possibles ; cela est d’autant plus grave que, dans ses devoirs d’instruction, le juge d’instruction sera amené peut être à entendre les post holders dont question comme témoins, et donc de se rendre forclos à les inculper par la suite, conformément aux principes élémentaires consacrés par la Convention Européenne des Droits de l’Homme (article 6) » ; Attendu qu’à l’audience, X.) a demandé à la Cour d’ordonner la communication en copie du réquisitoire du parquet et, en attendant, de surseoir à statuer ;
Mais attendu qu’en vertu des dispositions de l’article 85 (2) du Code d’instruction criminelle, la communication des pièces du dossier ne peut être demandée par les parties intéressées ou leurs conseils qu’au juge d’instruction ; que la présente demande en communication est dès lors irrecevable et la surséance sollicitée à rejeter ;
Attendu que la requête de renvoi est recevable, X.) étant au stade de la procédure une personne intéressée au sens de l’article 542 du Code d’instruction criminelle ;
Quant au fond :
Mais attendu que les causes de renvoi pour suspicion légitime que la Cour de cassation apprécie discrétionnairement sont tous les faits qui peuvent faire suspecter l’impartialité de la juridiction saisie ;
Attendu que le requérant fait valoir trois griefs contre le juge d’instruction :
- le premier, qui est tiré de la violation objective du secret de l’instruction au regard des articles de presse, ne vise pas directement un acte imputé ou imputable au juge et est dès lors imprécis et hypothétique ;
- le deuxième, qui est tiré du courrier adressé par le juge d’instruction aux victimes les invitant à se constituer partie civile, vise une information à caractère neutre donnée par le juge à des fins procédurales qui ne contient aucune indication quant au nombre et à l’identité des personnes qui seraient inculpés ;
- le troisième, qui est tiré du fait que le juge d’instruction n’envisage pas l’inculpation d’autres personnes, procède d’une méconnaissance des fonctions du juge d’instruction et de sa saisine et manque en fait, car il ne peut être induit du courrier incriminé qu’à part le pilote, le requérant serait seul inculpé ;
Qu’il en suit que les faits articulés ne sont pas de nature à faire naître la suspicion que le magistrat ne serait pas en mesure d’instruire la cause avec l’indépendance et l’impartialité requises et que la demande n’est fondée ni au regard de l’article 521.8° du Code de procédure civile ni à celui de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
P a r c e s m o t i f s :
r e ç o i t la requête ;
la r e j e t t e et condamne le demandeur aux frais de l’instance en cassation.
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg en son audience publique du jeudi, onze novembre deux mille quatre, au Palais de Justice à Luxembourg, 12, Côte d'Eich, composée de :
Marc THILL, président de la Cour, Marc SCHLUNGS, conseiller à la Cour de cassation, Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation, Carlo HEYARD, premier conseiller à la Cour d'appel, Annette GANTREL, conseiller à la Cour d’appel, Georges WIVENES, premier avocat général, Marie-Paule KURT, greffier à la Cour,
qui, à l'exception du représentant du ministère public, ont signé le présent arrêt.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Monsieur Georges WIVENES, premier avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 44/2004
Date de la décision : 11/11/2004

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2017
Fonds documentaire ?: Legilux
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2004-11-11;44.2004 ?

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