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21/03/2002 | LUXEMBOURG | N°18/02

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 21 mars 2002, 18/02


Un jugement interlocutoire qui préjuge seulement de la décision définitive sur le fond n'a pas autorité de chose jugée. Par contre un jugement interlocutoire jouit néanmoins de l'autorité de la chose jugée, et lie donc le juge, pour les dispositions définitives qu'il renferme et qui en résultent implicitement, mais nécessairement.



Arrêt de la Cour de Cassation du 21 mars 2002. N°18/02. Numéro du registre : 1868.


Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt et un mars deux mille deux.


Composition :



Marc THILL, président de la Cour,


Marc SCHLUNGS, conseiller à la Cour de cassation,


Jean ...

Un jugement interlocutoire qui préjuge seulement de la décision définitive sur le fond n'a pas autorité de chose jugée. Par contre un jugement interlocutoire jouit néanmoins de l'autorité de la chose jugée, et lie donc le juge, pour les dispositions définitives qu'il renferme et qui en résultent implicitement, mais nécessairement.

Arrêt de la Cour de Cassation du 21 mars 2002. N°18/02. Numéro du registre : 1868.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, vingt et un mars deux mille deux.

Composition :

Marc THILL, président de la Cour,

Marc SCHLUNGS, conseiller à la Cour de cassation,

Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation,

Julien LUCAS, premier conseiller à la Cour d'appel,

Lotty PRUSSEN, conseiller à la Cour d'appel,

Martine SOLOVIEFF, avocat général,

Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.

Entre :

la société de droit anglais CITIBANK INTERNATIONAL Plc, établie et ayant son siège social à 336 Strand, Londres WCR2R 1HB, en Grande-Bretagne, ayant repris l'intégralité des actifs et passifs de la société dissoute Citibank (Luxembourg) SA, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, demanderesse en cassation, comparant par Maître Marc ELVINGER, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,

et :

XX, avocat, demeurant à B-..., défendeur en cassation, comparant par Maître René WEBER, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu.

LA COUR DE CASSATION:

Ouï Monsieur le président THILL en son rapport et sur les conclusions de Monsieur le premier avocat général WIVENES;

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 19 novembre 1997 par la Cour d'appel, neuvième chambre, siégeant en matière commerciale;

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 4 avril 2001 par la Cour d'appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale;

Vu le mémoire en cassation, signifié le 31 juillet 2001 par la société de droit anglais CITIBANK INTERNATIONAL Plc et déposé au greffe de la Cour le 2 août 2001;

Vu le mémoire en réponse, signifié le 19 septembre 2001 par XX et déposé au greffe de la Cour le 20 septembre 2001;

Vu le nouveau mémoire, signifié le 15 février 2002 par la demanderesse en cassation et déposé au greffe de la Cour le 19 février 2002;

Attendu, selon les arrêts attaqués et les pièces de la procédure auxquelles la Cour peut avoir égard, que, statuant sur une action en restitution, sinon en dommages-intérêts dirigée par XX contre la société anonyme CITICORP INVESTMENT BANK (Luxembourg), actuellement la société de droit anglais CITIBANK INTERNATIONAL Plc, fondée principalement sur la responsabilité contractuelle du dépositaire subsidiairement celle du mandataire et plus subsidiairement sur la responsabilité aquilienne, le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière commerciale, avait retenu à l'encontre de la défenderesse originaire la faute contractuelle du banquier mandataire pour manquement à son obligation de se voir délivrer des titres qu'elle avait été chargée d'acquérir pour le compte du demandeur, déclaré l'action fondée en principe et ordonné une expertise aux fins d'évaluation du préjudice subi; que sur appels principal et incident, les juges du second degré, par le premier arrêt attaqué, avaient confirmé la décision entreprise, sauf à modifier et actualiser la mission de l'expert commis; que sur le vu du résultat de la mesure d'instruction, le même tribunal, statuant en prosécution de cause, avait alloué les montants indemnitaires retenus par l'expert; que par le second arrêt attaqué, la Cour d'appel rejeta l'appel principal de l'actuelle demanderesse en cassation et, faisant droit à l'appel incident de XX, déclara par réformation fondée pour une partie du montant réclamé la demande en indemnité de procédure de celui-ci, refusée par les premiers juges;

Sur la recevabilité du pourvoi contre l'arrêt du 19 novembre 1997 qui est contestée :

Attendu que par arrêt numéro 54/98 du 19 novembre 1998, la Cour de cassation avait déclaré irrecevable un précédent pourvoi contre cette décision;

Vu l'article 39 du titre IV de la première partie du règlement du 28 juin 1738 concernant la procédure que sa Majesté veut être observée en son Conseil, disposition non abrogée par la loi du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, ni par celle modificative du 6 avril 1989 et qui stipule qu'« Après qu'une demande en cassation d'un arrêt ou jugement aura été rejetée....., la partie qui l'aura formée ne pourra plus se pourvoir en cassation contre le même arrêt »; que le rejet, quelle qu'en soit la cause, a pour effet de rendre non recevable tout nouveau pourvoi contre la disposition attaquée, passée en force de chose jugée, alors même que le nouveau pourvoi serait basé sur des moyens nouveaux;

D'où il suit que le pourvoi dirigé contre l'arrêt du 19 novembre 1997 est irrecevable;

Quant au pourvoi contre l'arrêt du 4 avril 2002 :

Sur le moyen de cassation,

tiré « de la violation de la loi, en l'espèce la violation de l'article 1351 du Code civil, ainsi que du défaut de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a, par confirmation du jugement de première instance, attribué autorité de la chose jugée à l'arrêt du 19 novembre 1997 en ce qu'il a confié à un expert la mission de déterminer la valeur des titres au jour dudit arrêt et qu'il a par voie de conséquence approuvé les premiers juges d'avoir déterminé le dommage de XX sur base de la mission d'expertise ainsi définie, aux motifs qu'alors que « un jugement interlocutoire qui préjuge seulement de la décision définitive sur le fond n'a pas autorité de chose jugée », par contre « un jugement interlocutoire jouit néanmoins de l'autorité de la chose jugée, et lie donc le juge pour les dispositions définitives qu'il renferme et qui en résultent implicitement, mais nécessairement » et qu'en l'occurrence le débat s'était instauré devant le tribunal, puis devant la Cour, sur la question de savoir si XX « avait droit à titre de dommages et intérêts à la valeur actuelle des titres, c'est-à-dire au jour du jugement » et que, par conséquent, « en arrêtant dans le dispositif les critères selon lesquels l'expert doit procéder pour déterminer le préjudice subi par XX (la Cour) n'a fait que trancher des questions au sujet desquelles un débat s'était institué » et que « en présence d'un dispositif qui précise - après débat - d'une façon claire et précise les critères devant servir à déterminer le préjudice, les premiers juges avaient à juste titre attribué autorité de chose jugée à l'arrêt du 19 novembre 1997, arrêt interlocutoire renfermant des dispositions définitives », alors, d'une part, que les jugements interlocutoires, même lorsqu'ils préjugent le fond, ne sont pas, en principe, revêtus de l'autorité de la chose jugée, et, d'autre part, qu'aucun élément de la motivation de l'arrêt du 19 novembre 1997 ne vient à l'appui et, par conséquent, ne soutend le libellé conféré par la Cour à la mission d'expertise qu'elle a instituée et, pour le surplus et enfin, il ne s'est pas, en l'occurrence, instauré de débat contradictoire entre les parties quant au mode de détermination du préjudice subi par XX dès lors que le préjudice subi par celui-ci ne serait pas la conséquence du défaut de livraison des titres mais du défaut d'extourne, par Citibank, de l'opération trente jours après l'ordre de bourse et du défaut, pour Citibank, d'avoir alors recrédité le compte de XX; qu'en se déterminant néanmoins comme elle l'a fait, et en reconnaissant à l'arrêt du 19 novembre 1997 l'autorité de la chose jugée en tant qu'il a arrêté la mission confiée à l'expert, la Cour a violé l'article 1351 du Code civil en vertu duquel l'autorité de la chose jugée ne s'attache pas, en principe, aux jugements interlocutoires instituant une mission d'expertise à moins que le libellé de la mission confiée à l'expert soit soutendu par une motivation explicite de le décision et qu'un débat contradictoire se soit instauré y relativement entre les parties; que subsidiairement, l'arrêt a, en ne constatant pas que le libellé de la mission confiée à l'expert était soutendu par une motivation explicite de la décision et qu'un débat contradictoire s'était instauré y relativement entre les parties, privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1351 du Code civil »;

Mais attendu que la Cour d'appel a considéré que: « Un jugement interlocutoire qui préjuge seulement de la décision définitive sur le fond n'a pas autorité de chose jugée. Un jugement interlocutoire jouit néanmoins de l'autorité de la chose jugée, et lie donc le juge pour les dispositions définitives qu'il renferme ou qui en résultent implicitement, mais nécessairement. Il résulte en l'occurrence des prétentions émises par XX, telles qu'elles ont été résumées par les premiers juges dans le jugement du 17 novembre 1995 et reproduites ci-avant, que XX avait institué les débats sur les questions de savoir s'il avait droit à titre de dommages-intérêts à la valeur actuelle des titres, c'est-à-dire au jour du jugement, et s'il avait droit à des dommages-intérêts pour privation de la disposition de ses titres. Il résulte encore de la motivation du jugement du 17 novembre 1995, que la société CITICORP INVESTMENT BANK (Luxembourg) S.A. a elle-même participé à ce débat en contestant « le dommage allégué par le demandeur, tant pour ce qui est de la valeur des titres... ». En ce qui concerne la question de la date d'évaluation des titres au jour de la décision, le débat est resté institué, en instance d'appel, par le fait qu'en présence de la décision de première instance instituant une expertise aux fins de déterminer la valeur des titres au jour du jugement, la société CITIBANK (Luxembourg) S.A. a demandé acte qu'elle conteste le dommage allégué par l'intimé (cf conclusions de Me Dupont notifiées le 25.2.1997). En ce qui concerne la question de dommages-intérêts du chef de la privation de titres, le débat est également resté institué, XX concluant à voir condamner l'appelante à lui payer les dividendes échus entre la date de la convention et la date de l'arrêt à intervenir et la société CITIBANK (Luxembourg) S.A. s'opposant à toute augmentation de la demande en appel. Il résulte de ce qui précède que la Cour, en arrêtant dans le dispositif les critères selon lesquels l'expert doit procéder pour déterminer le préjudice subi par XX n'a fait que trancher des questions au sujet desquelles un débat s'était institué. Le dispositif de l'arrêt est en lui-même clair et précis et sa signification n'a pas besoin d'être élucidée à l'aide de motifs qui en constitueraient le soutien nécessaire de sorte que la motivation relative à la non-extourne - qui est d'ailleurs relative à la question du lien de causalité et non à la question de la détermination du préjudice - n'a pas à interférer dans l'interprétation de la portée du dispositif. En présence d'un dispositif qui précise - après débat - d'une façon claire et précise les critères devant servir à déterminer le préjudice, les premiers juges ont à juste titre attribué autorité de chose jugée à l'arrêt du 19 novembre 1997, arrêt interlocutoire renfermant des dispositions définitives »;

qu'en l'état de ses constatations et énonciations, elle a légalement justifié sa décision et a pu, sans violer la disposition légale visée au moyen, statuer comme elle l'a fait;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur l'indemnité de procédure :

Attendu que la demande en indemnité de procédure du défendeur en cassation est à rejeter à défaut des justifications requises par l'article 240 du Code de procédure civile;

Par ces motifs:

rejette le pourvoi;

rejette la demande en indemnité de procédure du défendeur en cassation;

condamne la société de droit anglais CITIBANK INTERNATIONAL Plc aux frais de l'instance en cassation, dont distraction au profit de Maître René WEBER, avocat à la Cour, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Madame Martine SOLOVIEFF, avocat général et Madame Marie-Paule KURT, greffier à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18/02
Date de la décision : 21/03/2002

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2002-03-21;18.02 ?
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