La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/11/2001 | LUXEMBOURG | N°60/01

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 29 novembre 2001, 60/01


Le tribunal saisi de l'opposition au jugement de faillite prononcée d'office et par défaut aurait dû instruire l'affaire seulement sur base des dettes dont il avait été question au moment où le jugement déclaratif de faillite fut prononcé.


La dette des arriérés de loyer, qui est une dette courante et prévisible pour un commerçant et pour laquelle il n'y a aucune garantie de paiement, ni sous forme d'un crédit ni sous forme d'autre sûreté, suffit à elle seule pour prouver qu'une société est en cessation de paiement.



Arrêt de la Cour de Cassation du 2

9 novembre 2001 N° 60/01. Numéro du registre : 1832.


Audience publique du jeudi, ving...

Le tribunal saisi de l'opposition au jugement de faillite prononcée d'office et par défaut aurait dû instruire l'affaire seulement sur base des dettes dont il avait été question au moment où le jugement déclaratif de faillite fut prononcé.

La dette des arriérés de loyer, qui est une dette courante et prévisible pour un commerçant et pour laquelle il n'y a aucune garantie de paiement, ni sous forme d'un crédit ni sous forme d'autre sûreté, suffit à elle seule pour prouver qu'une société est en cessation de paiement.

Arrêt de la Cour de Cassation du 29 novembre 2001 N° 60/01. Numéro du registre : 1832.

Audience publique du jeudi, vingt-neuf novembre deux mille un.

Composition :

Marc THILL, président de la Cour,

Marc SCHLUNGS, conseiller à la Cour de cassation,

Jean JENTGEN, conseiller à la Cour de cassation,

Eliane EICHER, conseiller à la Cour d'appel,

Françoise MANGEOT, conseiller à la Cour d'appel,

Georges WIVENES, premier avocat général,

Lily WAMPACH, greffier en chef de la Cour.

Entre :

la société anonyme ANORAL S.A., établie et ayant son siège social à L-2721 Luxembourg, rue Alphonse Weicker, Centre Commercial AUCHAN, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonction, inscrite au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B 56542, demanderesse en cassation, comparant par Maître Roland MICHEL, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu,

et :
Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, prise en sa qualité de curateur de la société anonyme ANORAL S.A., préqualifiée, demeurant à L-1660 Luxembourg, 78, Grand-rue, déclarée en faillite par jugement du tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, en date du 29 juillet 1999, défenderesse en cassation, comparant par Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, en l'étude de laquelle domicile est élu,

Monsieur le Procureur d'Etat près le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, Palais de Justice, rue du Palais de Justice,

Monsieur le Procureur Général d'Etat près de la Cour supérieure de justice de Luxembourg, 12, Côte d'Eich, défendeurs en cassation.

LA COUR DE CASSATION:

Ouï Monsieur le président THILL en son rapport et sur les conclusions de Madame l'avocat général SOLOVIEFF;

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 19 décembre 2000

par la Cour d'appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale;

Vu le mémoire en cassation, signifié le 18 avril 2001 par la société anonyme ANORAL S.A. et déposé au greffe de la Cour le 19 avril 2001;

Vu le mémoire en réponse, signifié le 7 mai 2001 par Maître Yvette HAMILIUS, en sa qualité de curateur de la faillite de la société anonyme ANORAL S.A. et déposé au greffe de la Cour le 17 mai 2001;

Sur la régularité du pourvoi:

Attendu que la défenderesse invoque en premier lieu la nullité, sinon l'irrecevabilité du pourvoi au motif que l'exploit de signification du mémoire indiquerait son domicile de façon erronée;

Mais attendu qu'il n'est pas contesté que la signification n'ait été faite au domicile réel de la défenderesse; qu'il résulte de plus des énonciations du document intitulé « Modalités de remise de l'exploit » rédigé par l'huissier instrumentaire que la signification, faite à domicile, l'a été en l'étude d'avocat de la défenderesse où une copie a été remise sous pli fermé à une personne qui a déclaré ses noms, prénom, qualité et adresse et qui a accepté la copie en donnant récépissé; qu'il en suit que la signification est conforme à l'article 155-5° du Code de procédure civile; que dès lors, en l'espèce, l'indication inexacte du domicile de la destinataire est à considérer comme une nullité de forme qui, au regard de l'article 264, alinéa 2 du Code de procédure civile, ne pourra être prononcée, faute par la défenderesse de justifier d'un grief résultant pour elle de l'inobservation de la formalité; que le moyen est à écarter;

Attendu qu'en second lieu, la défenderesse conclut à la nullité sinon l'irrecevabilité du pourvoi dès lors qu'elle serait prise en qualité de curateur de la société anonyme ANORAL S.A., déclarée en état de faillite par jugement du tribunal d'arrondissement de Luxembourg en date du 27 juillet 1989, alors que le jugement afférent a été rendu le 29 juillet 1999;

Mais attendu que cette erreur de date constitue une erreur matérielle que la Cour peut rectifier par les pièces de procédure dont elle dispose; que le moyen est donc à rejeter;

Attendu qu'en troisième lieu la défenderesse demande à voir déclarer le pourvoi irrecevable dès lors que la demanderesse n'aurait pas déposé au greffe de la Cour une copie de la décision attaquée signifiée soit à partie, soit à avoué ni une expédition de cette décision;

Mais attendu que la demanderesse en cassation a déposé la copie de la décision signifiée à avoué, de sorte que le moyen n'est pas fondé;

Attendu que finalement la défenderesse soutient que le pourvoi serait irrecevable en raison de la désignation inexacte, dans le mémoire, de l'une des pièces déposées;

Mais attendu qu'une telle inexactitude éventuelle n'est pas une cause d'irrecevabilité du pourvoi en lui-même, mais ne pourrait, au regard de l'alinéa 2 de l'article 10 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation, qu'entraîner le rejet de la pièce du débat; que ce moyen d'irrecevabilité est donc encore à écarter;

D'où il suit que le pourvoi est régulier;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le tribunal d'arrondissement de Luxembourg avait prononcé d'office et sans convocation préalable de la faillie en chambre du conseil la faillite de la société anonyme ANORAL S.A.; que celle-ci avait relevé opposition contre ledit jugement, demandant sa mise à néant au motif que cette décision aurait méconnu les dispositions de l'article 442

du Code de commerce qui ne permettent la mise en faillite d'office d'un commerçant qu'après sa convocation aux fins d'audition en chambre du conseil, sauf le cas de nécessité qui, selon l'opposant, n'existait pas, et en contestant la cessation de ses paiements ainsi que l'ébranlement de son crédit; que le même tribunal autrement composé avait déclaré cette voie de recours non fondée; que sur appel, les juges du second degré, considérant que les éléments de la cause ne justifiaient pas la prononciation d'office de la faillite sans convocation préalable du commerçant, annulèrent la décision des premiers juges mais, retenant qu'ils se trouvaient saisis du fond du litige de par l'effet dévolutif de l'appel et considérant que les conditions de la faillite se trouvaient données à la date du 29 juillet 1999, la maintinrent;

Sur le premier moyen de cassation,

tiré « de la violation des articles 442 et 473

du Code de commerce et de l'article 6, alinéa 1er de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 29 août 1953, ainsi que du principe général du droit relatif aux droits de la défense, en ce que l'arrêt attaqué, après avoir annulé le jugement sur opposition, évoque le fond de l'affaire et confirme indirectement le jugement dont appel rendu par le tribunal de commerce de et à Luxembourg, sur la base des considérants que le dépôt d'une saisie-gagerie pour le bailleur était une preuve de l'absence de confiance de ce dernier en les capacités financières de la société ANORAL S.A. et que dès lors son crédit était ébranlé, de sorte que la faillite était à confirmer; alors que, dans la mesure où le caractère exceptionnellement urgent de la cause justifierait la déclaration de faillite d'office d'un commerçant sans que celui-ci ne soit préalablement entendu en ses moyens, seul le juge qui prononce d'office la faillite peut apprécier et, le cas échéant, constater l'urgence exceptionnelle de la cause dans les motifs de sa décision; que le juge appelé à statuer sur l'opposition au jugement de déclaration de faillite d'office formée par le failli conformément à l'article 473 du Code de commerce et le juge d'appel appelé à statuer ensuite sur l'appel du jugement rendu sur opposition peuvent uniquement examiner la légalité et la régularité du jugement déclaratif de la faillite et, soit confirmer celui-ci lorsqu'il a été rendu sans qu'une violation de la loi ne soit intervenue, soit lorsque le premier juge a décidé à tort que les conditions fondamentales de la faillite étaient remplies ou lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure précédant la déclaration de faillite d'office, décider que la faillite a été prononcée à tort et, en conséquence, annuler le jugement qui a fait l'objet de l'opposition, sans pourtant pouvoir évoquer l'affaire et statuer au fond; qu'en effet, l'opposition au jugement de déclaration de faillite d'office constitue une tierce opposition qui, en ce cas, n'a pas d'effet dévolutif, de sorte que le juge appelé à statuer sur l'opposition ne peut examiner personnellement les conditions fondamentales de la faillite, fût-ce à la lumière des éléments dont le premier juge disposait et ne peut davantage suppléer aux irrégularités éventuelles de la motivation du premier juge, en constatant notamment que la société appelante était en cessation de paiement ou avait son crédit ébranlé, même s'il y procédait à la lumière des éléments dont le premier juge disposait; que le juge d'appel appelé à statuer sur l'appel du jugement rendu sur opposition ne dispose pas de compétences plus étendues que celles du juge ayant statué sur l'opposition, de sorte qu'en considérant " que le juge du fond auquel est déféré un jugement qui a statué sur le fond se trouve, en cas d'annulation de ce jugement, investi de la connaissance entière de la cause et doit vider le litige de la même manière que s'il était le juge du premier degré " et " que la Cour doit par conséquent apprécier si la société appelante s'est trouvée en état de cessation de paiement au moment de la déclaration en faillite ", l'arrêt attaqué viole toutes les dispositions légales citées par le moyen »;

Mais attendu que les juges du second degré, saisis d'un appel non limité à certaines dispositions de la décision entreprise, rendue contradictoirement, en retenant que « le juge du fond, auquel est déféré un jugement qui a statué sur le fond, se trouve, en cas d'annulation de ce jugement, investi de la connaissance entière de la cause et doit vider le litige de la même manière que s'il était le juge du premier degré » ont, sans violer les textes de loi ni le principe général visés au moyen, décidé exactement;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

Sur le second moyen de cassation,

tiré « de la violation de l'article 89 de la Constitution pour défaut de motifs sinon insuffisance de motifs, contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions et de la violation, sinon de la fausse application de l'article 437

du Code de commerce et des articles 1134, 1139 et 1185 du Code civil, en ce que la Cour d'appel a dit que les conditions de la faillite étaient réunies en date du 29 juillet 1999 et notamment que la société ANORAL S.A. s'est trouvée en état de cessation de paiement au moment de la déclaration de faillite et que son crédit était ébranlé, au motif qu'une requête en saisie-gagerie avait été déposée deux jours avant le jugement déclaratif de faillite par le bailleur de la société ANORAL S.A. et qu'entretemps une nouvelle échéance de loyer se serait ajoutée aux arriérés de 2.272.012.- francs, démontrant que le bailleur n'était plus disposé à attendre l'échéance du délai contenu dans l'accord entre parties pour faire valoir ses droits, que par ailleurs la société ANORAL S.A. n'avait pas pu prouver qu'elle avait sollicité, voire obtenu, un crédit pour le paiement de ce loyer, la date des arriérés de loyer, qui est une dette courante et prévisible pour un commerçant, suffisant à elle seule pour prouver que la société appelante était en cessation de paiement; alors qu'auparavant la Cour d'appel avait constaté qu'un accord avait été conclu entre la société ANORAL S.A. et son bailleur, accordant à ce dernier un délai de paiement de la dette de loyer jusqu'au 15 septembre 2000, que le loyer de mois d'août n'était dès lors pas exigible et que la dette des arriérés de loyer n'était pas échue, que la société ANORAL S.A. n'avait, par conséquent, pas l'obligation de prouver qu'elle avait sollicité un crédit auprès de sa banque, le comportement de son bailleur, à savoir le dépôt de la saisie-gagerie en fraude de son engagement écrit et des paiements de loyers effectués entretemps n'était pas, en droit de nature a entraver l'accord écrit entre parties, qui seul avait force de loi entre les parties en vertu de l'article 1134 du Code civil et que dès lors la partie ANORAL S.A. disposait bien du crédit requis de la part de son bailleur et de sa banque, à qui elle n'avait pas encore demandé ni dû demander un crédit nouveau, de sorte que son crédit n'était absolument pas ébranlé »;

Mais attendu que sous le couvert de griefs de violation des textes de loi visés au moyen, le pourvoi ne tend qu'à mettre en cause devant la Cour régulatrice les appréciations souveraines des juges du fond;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Sur les frais :

Attendu qu'eu égard à l'issue du litige, la demanderesse en cassation est à condamner aux frais de l'instance de cassation à l'exception de ceux occasionnés par la signification du mémoire en réponse au procureur général d'Etat et au procureur d'Etat près le tribunal d'arrondissement de Luxembourg qui, frustratoires, doivent rester à charge de la défenderesse au pourvoi;

Par ces motifs:

rejette le pourvoi;

condamne la demanderesse aux frais de l'instance en cassation, sauf ceux spécifiés ci-dessus, dont distraction au profit de Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, sur ses affirmations de droit.

La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Monsieur Georges WIVENES, premier avocat général et Madame Lily WAMPACH, greffier en chef de la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 60/01
Date de la décision : 29/11/2001

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2013
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2001-11-29;60.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award