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08/07/2000 | LUXEMBOURG | N°49

Luxembourg | Luxembourg, Cour de cassation, 08 juillet 2000, 49


N° 49 / 10. du 8.7.2010.
Numéro 2777 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit juillet deux mille dix.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Marie-Jeanne HAVÉ, conseillère à la Cour de cassation, Etienne SCHMIT, premier conseiller à la Cour d'appel, Eliane EICHER, première conseillère à la Cour d'appel, Jeanne GUILLAUME, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.
Entre:
la société des Iles Vierges Britanniques SOC1.),

établie et ayant son siège social à (.), (.),

demanderesse en cassation,
comparant...

N° 49 / 10. du 8.7.2010.
Numéro 2777 du registre.
Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, huit juillet deux mille dix.
Composition:
Marie-Paule ENGEL, présidente de la Cour, Léa MOUSEL, conseillère à la Cour de cassation, Marie-Jeanne HAVÉ, conseillère à la Cour de cassation, Etienne SCHMIT, premier conseiller à la Cour d'appel, Eliane EICHER, première conseillère à la Cour d'appel, Jeanne GUILLAUME, avocat général, Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.
Entre:
la société des Iles Vierges Britanniques SOC1.), établie et ayant son siège social à (.), (.),

demanderesse en cassation,
comparant par Maître Cathy ARENDT, avocat à la Cour, en l'étude de laquelle domicile est élu,
et:
la société anonyme SOC2.), établie et ayant son siège social à L(.), (.), représentée par son conseil d'administration actuellement en fonction, immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg sous le numéro B (.),

défenderesse en cassation,
comparant par Maître Henri WAGNER, avocat à la Cour, en l'étude duquel domicile est élu.
=======================================================
LA COUR DE CASSATION :
Sur le rapport de la conseillère Léa MOUSEL et sur les conclusions du Procureur général d'Etat adjoint Georges WIVENES ;
Vu l'arrêt attaqué rendu le 24 juin 2009 par la Cour d'appel, quatrième chambre, siégeant en matière commerciale ;
Vu le mémoire en cassation signifié le 25 novembre 2009 par la société des Iles Vierges Britanniques SOC1.) à la société anonyme SOC 2.) et déposé le 30 novembre 2009 au greffe de la Cour supérieure de justice ;
Vu le mémoire en réponse signifié le 19 janvier 2010 par la société anonyme SOC2.) à la société des Iles Vierges Britanniques SOC1.) et déposé le 22 janvier 2010 au greffe de la Cour ;

Sur les faits :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le tribunal d'arrondissement de et à Luxembourg, siégeant en matière commerciale, a dit non fondées les demandes en indemnisation dirigées contre la société anonyme SOC2.) par la société des Iles Vierges Britanniques SOC1.), agissant en sa qualité de cessionnaire des droits de X.), lui-même cessionnaire des droits de son épouse Y.), pour manquements contractuels sinon délictuels dans le cadre d'un contrat de gestion bancaire ; que sur appel de la SOC1.), la Cour d'appel confirma la décision entreprise ;

Sur les moyens de cassation :
tous tirés de la fausse application, sinon de la violation de la loi, en l'espèce:
PREMIER MOYEN :
Violation de l'article 89 de la Constitution et de l'article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de procédure Civile
L'article 89 de la Constitution prévoit que « Tout jugement doit être motivé. Il est prononcé en audience publique. »,
Et
L'article 249 alinéa 1er du Nouveau Code de Procédure Civile prévoit que « La rédaction du jugement contiendra les noms des juges, du procureur d'Etat, s'il a été entendu, ainsi que des avoués, les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l'exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements. »,
L'arrêt attaqué a violé ces dispositions légales à un double titre, chacune des violations étant reprise dans une branche du moyen de cassation.

Première branche du moyen de cassation :
En ce que la Cour d'Appel a retenu à la page 7 de son arrêt que ""la Cour se doit de constater que le Tribunal a toisé le présent litige en appréciant souverainement - au regard des règles de droit qu'il a jugé applicable - les éléments lui soumis par des parties litigantes qui avaient, chacune, la possibilité de présenter la cause dans les conditions qui ne les plaçaient pas dans une situation de désavantage l'une par rapport aux autres"",
alors que les articles 89 de la Constitution et 249 du Nouveau code de procédure civile l'auraient obligée, pour respecter son devoir de motiver sa décision d'analyser sur base des nombreux éléments du dossier si oui ou non la banque a concrètement commis un abandon de portefeuille ou non,
Attendu que l'article 89 de la Constitution et l'article 249, alinéa 1er du Nouveau code de procédure civil disposent que les jugements doivent être motivés,
Que lesdits articles font obligation aux jugements d'être motivés sous peine de nullité,
Que la justification de l'obligation de motiver est évidente alors que ""l'obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus précieuse des garanties, elle le protège contre l'arbitraire, lui fournit la preuve que sa demande et ses moyens ont été sérieusement examinés et en même temps elle met obstacle à ce que le juge puisse soustraire sa décision au contrôle de la Cour de Cassation"" (Jurisclasseur Procédure Fascicule 208 n°3, citation du conseiller Faye 1903, pièce 25a),
Que pour satisfaire à cette obligation, il ne suffit pas que le jugement comporte pour chaque chef de dispositif des motifs qui lui sont propres, il faut aussi que les motifs énoncés puissent être considérés comme justifiant la décision,
Que pour justifier la décision, la motivation doit notamment être précise,
Qu'il est entendu par motivation précise une motivation circonstanciée, propre à l'espèce, dans laquelle le juge s'explique sur les éléments de preuve sur lesquels il s'est fondé et qui ne laisse aucun doute sur le fondement juridique de la décision (Jurisclasseur Procédure Fascicule 508 n°33, pièce 25b),
Que l'exigence d'une motivation précise a pour conséquence de refuser le caractère d'une motivation véritable à l'énoncé d'une simple affirmation ou à des motifs d'ordre général,
Qu'en effet en se fondant sur une simple affirmation, les Juges de la Cour d'Appel ne permettent pas de vérifier sur quels éléments de fait ils se sont basés pour en tirer cette conclusion,
Que le principe de motivation doit être strictement respecté alors que ce principe est celui selon lequel les juges doivent s'expliquer sur les documents de la cause et notamment préciser les éléments de preuve dont ils ont fait usage pour déduire l'existence du fait contesté (Cassation française 2ème civile 14.02.1974, Bulletin civil II, n°63, Cassation civile 1ère, 15.12.1976, Bulletin civile V, n°459).
Que la motivation adoptée par la Cour d'Appel ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier les éléments de fait dont dépend l'application de la règle de droit,
Que les juges du fond ont répondu aux conclusions par une simple affirmation qui constitue une motivation imprécise et en l'espèce faussée,
Que le contrôle de l'application de la loi s'effectue d'après les constatations de fait souveraines de l'arrêt, l'imprécision de ces constations met la Cour régulatrice dans l'impossibilité de remplir sa fonction,
Attendu que la Cour de Cassation exerce un contrôle de motivation par lequel elle s'attache à imposer au juge du fond une motivation suffisante et cohérente.
Qu'en l'espèce la Cour d'appel a retenu une motivation imprécise, incomplète et fausse,
Qu'elle a déduit la solution du litige des prétentions de l'une des parties sans fournir aucune motivation propre, ce qui équivaut à une absence de motifs (Dalloz, Procédure civile, Verbo : Pourvoi en cassation, N° 478 page 69, pièce 26 a)

Deuxième branche du moyen de cassation :
En ce que la Cour d'appel a retenu à la page 15 de son arrêt au regard de l'appréciation de la faute de la SOC2.) en rapport avec un abandon de portefeuille simplement que
"" il est difficile de concevoir dans le chef de la SOC2.) un quelconque abandon des portefeuilles à partir du 2 novembre 2000 étant donné qu'au regard des éléments du dossier le choix des titres et le choix de la politique d'investissement ont été opérés par Monsieur X.) pendant toute la durée du contrat et par Y.) après le 30 novembre 2000 en toute indépendance "",
Attendu que la demanderesse en cassation reprend sur ce point les développements de la première branche du moyen en ce qui concerne l'insuffisance de motivation, en relevant plus particulièrement que la manière dont la Cour d'Appel s'est prononcée dans le passage précité sur le point litigieux constitue à un motif dubitatif,
Qu'il a été retenu que "" la Cour de Cassation considère comme dubitative toute expression par laquelle le juge marque un doute, une hésitation sur un point de fait essentiel à la solution du litige qui exigerait une affirmation catégorique pour que le dispositif de la décision fut justifié."" (Le Pourvoi en Cassation Dalloz n°68.141 p.445, pièce 24a),
Qu'en utilisant les termes "" il est difficile de concevoir que "", la Cour d'Appel au lieu de se prononcer positivement sur la question de savoir si, oui ou non, il y a eu abandon de portefeuille et partant faute de la banque constitue un motif purement dubitatif ou hypothétique et que l'arrêt doit encourir cassation de ce chef.

Sur la première branche :
Mais attendu que l'article 89 de la Constitution et l'article 249, alinéa premier, du Nouveau code de procédure civile sanctionnent l'absence de motifs qui est un vice de forme ;
que l'arrêt est motivé sur le point considéré ;
Attendu, d'autre part, que l'insuffisance et l'imprécision des motifs constituent le cas d'ouverture du défaut de base légale, non visé par les textes cités au moyen ;
que le moyen, dans sa première branche, ne saurait être accueilli ;

Sur la deuxième branche :
Attendu que cette branche procède d'une lecture erronée ;
que les termes utilisés par la Cour d'appel « il est difficile de concevoir dans le chef de la SOC2.) un quelconque abandon de portefeuille » suivi de l'explication « étant donné qu'au regard des éléments du dossier le choix des titres et le choix de la politique d'investissement ont été opérés par X.) (pendant la durée du contrat) et par Y.) (après le 30 novembre 2000) en toute indépendance », dans le contexte donné, ne traduisent pas l'expression d'un doute ;
que le moyen manque en fait et ne saurait être accueilli dans sa deuxième branche ;
DEUXIEME MOYEN :
Violation de l'article 249 du NCPC
L'article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile
prévoit que "" La rédaction du jugement contiendra les noms des juges, du procureur d'Etat, s'il a été entendu, ainsi que des avoués; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l'exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements. "",
Est sanctionné sous le visa de cet article, le défaut de réponse aux conclusions des parties.

Première branche du moyen :
La Cour d'Appel a violé l'article 249 du Nouveau code de procédure civile
En ce qu'elle a omis de répondre aux conclusions contenues à la page 4 de l'acte d'appel (pièce 5) de la partie SOC1.) qui a fait exposer à propos d'un rapport unilatéral de Monsieur (.) ce qui suit
"" 3. Le rapport (.), rapport unilatéral est à considérer tout au plus comme pièce versée par la partie adverse et non comme un rapport d'expertise tel que le fait le tribunal : ce document est unilatéral suivant la jurisprudence et ne saurait valoir autrement que comme pièce qui peut être contredite par tous moyens "" (Cour 10 décembre 1996, 30, 195),
4. Ce rapport contient de fausses informations telles que cela a été démontré dans les conclusions, que le tribunal a ignoré sans même expliquer pourquoi il n'en tenait pas compte. ""
Il tire des conclusions du LOG alors que la consultation du LOG permet de se rendre compte qu'une grande majorité des opérations ne sont justifiées par aucune inscription au LOG, et lorsqu'il y a une inscription c'est la banque qui initie l'opération;
5. Ce rapport contient des contradictions (concernant les commissions) déjà énoncées dans les conclusions du 18 février 2005 page 3 dont le tribunal ne tient pas compte sans même expliquer pourquoi ;
-Monsieur (.) conclut à l'application du barème en terme de commission tout en concluant que certaines commissions sont facturées jusqu'à sept fois le barème : de telles constatations ne peuvent rester sous silence ;
Ce rapport est établi de manière déloyale sur base de seules informations et pièces données unilatéralement par la banque, sans que celles-ci ne soient ni communiquées ni remises à la concluante, malgré les demandes officielles formulées par courrier et au travers de conclusions du 18février 2005 page 9, il résulte du rapport que l'expert a reçu les mouvements du compte sur support informatique (page 9 et ss) que la banque refuse de remettre "",

Alors qu'en ce faisant, la Cour n'a pas répondu à des arguments déterminants pour la solution du litige,
Que pour qu'un défaut de réponse à conclusions soit sanctionné, il faut que trois éléments soient réunis,
Qu'ainsi, la doctrine retient que
1) le raisonnement juridique doit avoir une assise dans les faits même du procès,
Qu'il doit être fondé sur un fait ou sur un acte de la cause (La Cassation en matière civile, Dalloz, n°77.203, p. 425, pièce 24 b),
Que tel est le cas en l'espèce,
2) Que le deuxième élément, pour que le défaut de réponse à conclusions soit sanctionné, consiste en le fait que la partie doit articuler un raisonnement juridique permettant de connaître la portée qu'elle entend lui attribuer (ibidem),
Qu'en l'espèce, la partie demanderesse en cassation avait critiqué le rapport d'expertise (.) en demandant à le voir considérer comme une simple pièce et non comme un rapport d'expertise,
3) Que le troisième élément pour qu'un moyen exige réponse, consiste dans le fait qu'il doit énoncer une déduction juridique de nature à influer sur la solution du procès,
Or, qu'en l'occurrence, le fait de considérer le rapport d'expertise (.) à sa juste valeur, c.à.d. au même titre que le deuxième rapport d'expertise unilatéral (.), et que d'autres pièces dans le dossier, aurait manifestement influé sur la solution du litige,
Que le moyen soulevé méritait donc réponse,
Attendu que les critiques du rapport d'expertise étaient d'une valeur déterminante pour la solution du litige et notamment pour l'appréciation de la pièce en question et pour juger de l'admissibilité de l'offre de preuve présentée par la partie appelante,
Que la Cour d'Appel n'a ni expressément ni implicitement mentionné les griefs de la partie appelante à l'encontre du rapport d'expertise (.), tout en tirant des conclusions du même rapport, pour rejeter notamment la notion de gestion discrétionnaire du portefeuille et pour apprécier la responsabilité de la Banque,
Qu'en ne répondant pas à ces moyens la Cour a violé l'article 249 du NCPC,

Deuxième branche du moyen de cassation :
Que la Cour a encore méconnu l'article 249 du NCPC
En ce qu'elle omet encore de répondre aux développements contenus dans les conclusions de la partie SOC1.) du 5 mai 2006 page 10, 4ème alinéa (pièce 6) :
"" qu'indépendamment du fait que la rapport d'expertise (.) ne soit pas contradictoire, il ne peut même pas servir à titre de pièce, car il a été établi sur base de documents non communiqués en particulier sur base d'un support informatique que la concluante réclame personnellement depuis des années, attitude qui fonde à elle seule toutes les accusations de la concluante sur la déloyauté de la banque "",
Que ce passage répond aux conditions pour mériter réponse et en ne se prononçant pas sur les développements précités de la partie SOC1.), la Cour d'Appel a méconnu la disposition précitée,

Troisième branche du moyen de cassation :
Que la Cour d'appel viole encore l'article 249 NCPC
En ce qu'elle n'a pas répondu aux développements contenus à la page 8 de l'acte d'appel, sub paragraphe 8 ""Des conditions générales"" (pièce 5),
A savoir
"" Attendu que les conditions générales sont inopposables aux parties, alors que la banque présente un papier avec toute une série de numéros d'articles signés tant par Monsieur X.) que par Madame Y.) : les conditions générales n'ont pas été signées "",
Attendu que l'article 1135 1 du Code civil précise que "" les conditions générales d'un contrat préétabli par l'une des parties ne s'impose à l'autre partie que si celle-ci a été en mesure de les connaître lors de la signature du contrat et si elle doit, selon les circonstances, être considérée comme les ayant acceptées "",
Qu'ainsi en quoi que ce papier prouve que les signatures ont eu :
Connaissance des conditions (Les articles ne précisent même pas de quoi il est question)
Connaissance des conditions spécifiques invoquées par 1a banque et en ces termes ?

Que de plus, en quoi y-a-t-il eu acceptation spéciale par écrit ce qui exige une signature spécifique à côté de la clause en question.
Que ces arguments qui valent pour Monsieur (.) valent encore plus pour Madame (.) : quelle est la garantie de la banque que les conditions générales ont été remises d'une part et d'autre part lues, connues et acceptées par elle si rien ne lui a été remis en mains propres ? ""
Alors que les extraits des conclusions susmentionnées exposaient clairement un fait assorti d'une déduction juridique, à savoir l'appréciation de la validité des conditions générales non expressément signées par le client,
Que les conclusions étaient manifestement de nature à influer sur la solution du procès, alors que selon la question de savoir si les conditions générales de la SOC2.) étaient applicables ou non aux relations contractuelles des parties, la responsabilité de la banque s'appréciait différemment,
Que certes la Cour de Cassation française admet que "" la motivation d'un arrêt et sa réponse à un chef des conclusions puisse être implicite et se dégager par le raisonnement de l'ensemble de l'arrêt ou des motifs explicites donnés à l'appui d'autres chefs "" (La cassation en matière civile, Dalloz, Actions, éd. 2009-2010, n° 77.253, pièce 24 c),
Or, qu'en l'occurrence, l'on cherchera vainement une réponse même implicite aux moyens exposés par la partie SOC1.)à la page 8 de l'acte d'appel, paragraphe 8 "" Des conditions générales "",
Que la Cour d'Appel ne s'est pas prononcée du tout sur la problématique de la signature et de l'acceptation des conditions générales,
Or que les conclusions de la partie appelante sur ce point contenues dans son acte d'appel étaient déterminantes pour la solution du litige, en ce que lesdites conditions générales sont notamment opposées par la banque au client et que la Cour les cite elle-même dans son arrêt.

Sur les première et deuxième branches :
Mais attendu que les conclusions visées au moyen n'exigeaient pas réponse ; qu'elles n'étaient pas susceptibles de modifier la solution du litige, dès lors que les juges du fond se sont déterminés en déduisant « l'accord des clients avec la façon d'agir de la banque » de « l'absence de protestations dans le délai d'un mois contre les extraits de compte constatant les opérations réalisées par la SOC2.) » ;
d'où il suit que le moyen est inopérant dans les deux branches ;

Sur la troisième branche :
Mais attendu que la Cour d'appel, en disant que « À s'en tenir aux accusés de réception des "" Conditions Générales "" du 4 mars 1999 et 15 novembre 2000 l'attention tant de X.) que de Y.) a été expressément attirée - entre autres - sur les articles 38 et 39 des Conditions Générales .» et en relevant que les conditions générales avaient été « reçues et examinées » suivant lesdits accusés de réception, a implicitement, mais nécessairement, admis la validité des conditions générales et ainsi a répondu au moyen d'inopposabilité de celles-ci ;
que la troisième branche du moyen manque en fait et ne saurait être accueillie ;

TROISIEME MOYEN : Violation de l'article 249 du NCPC
L'article 249 alinéa 1er du Nouveau code de procédure civile prévoit que "" La rédaction du jugement contiendra les noms des juges, du procureur d'Etat, s'il a été entendu, ainsi que des avoués ; les noms, professions et demeures des parties, leurs conclusions, l'exposition sommaire des points de fait et de droit, les motifs et le dispositif des jugements. "".
Est sanctionné sous le visa de cet article le défaut de motivation en fait d'une décision.
La Cour d'Appel a violé l'article 249 en ce qu'elle a retenu que ""les innombrables conversations téléphoniques entre SOC2.) et X.) (...) témoignent à suffisance que depuis l'entrée en relations d'affaires avec la Banque, jusqu'au départ du gestionnaire de fortune Z.) en novembre 2000, X.) avait déployé une grande énergie en rapport avec la gestion des deux portefeuilles en suivant de très près toute opération réalisée ""
Et que "" Y.) était donc à l'égard de la SOC2.) représentée par son mandataire X.). Dans ce cas - et les juges de première instance ont à juste titre relevé - la qualification d'investisseurs avertis se fait nécessairement en rapport avec le profil du mandataire X.) lorsque celui-ci passe des ordres au nom et pour le compte du mandant Y.) ""
Et encore que "" les nombreux enregistrements téléphoniques versés au dossier montrent que X.) -de profession juriste - n'était pas un néophyte en matière financière, mais qu'il suivait de très prés les marchés financiers ""
Pour en déduire que Monsieur X.) était un investisseur averti et pour rejeter de ce fait toute responsabilité de la banque.
Alors que
En décidant ainsi la Cour d'appel a insuffisamment motivé sa décision en fait et a négligé certaines constatations de fait qui étaient nécessaires pour statuer sur le droit.
La Cour a méconnu une partie des faits à la base de l'affaire, à savoir
-l'existence jusqu'en 1998 d'un portefeuille très conservateur et défensif
-le fait que seul un professionnel surveillant le portefeuille et les marchés boursiers à temps plein ce que Monsieur X.), juriste et dirigeant d'une société commerciale, n'a pas fait
-la production incomplète du point de vue chronologique, toujours incriminée par les appelants, des transcriptions des conversations téléphoniques entre la SOC2.) et Monsieur X.)
Que par cette prise en compte incomplète des faits la Cour a apprécié de manière incorrecte la nature de la gestion appliquée au portefeuille et partant la responsabilité de la Banque et a ainsi tiré des conséquences juridiques erronées de la situation de fait lui soumise,
Qu'il est de doctrine et de jurisprudence que l'insuffisance de motifs constitue un défaut de base légale,
Que les décisions de la Cour de cassation française considèrent le défaut de base légale comme un cas d'ouverture à cassation distinct du défaut de motivation,
Qu'en l'occurrence le Juge a omis de procéder à une appréciation d'ensemble des éléments de preuve ou des faits constatés,
Qu'ainsi, la doctrine et la jurisprudence retiennent que "" la souveraineté du Juge du fond pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont soumis et pour constater les faits, ne dispense pas celui-ci de procéder à une appréciation d'ensemble de ces faits et de ces preuves "" (La Cour de Cassation en matière civile, Dalloz, n°78.113 et jurisprudences y citées, pièce 24 d).
Qu'en l'occurrence les premiers juges ont pris en compte seulement une partie des éléments de preuve et les faits leur soumis en négligeant totalement les autres éléments, à savoir ceux précisément qui auraient permis de soutenir la thèse de la société SOC1.),
Qu'est sanctionné comme défaut de base légale "" l'insuffisance des constatations de fait qui sont nécessaire pour statuer sur le droit "",
Que la cassation prononcée sur ce fondement s'analyse en quelques sortes en "" une demande de supplément d'instruction sur les faits adressés par le juge de cassation à la juridiction de renvoi "" (Encyclopédie DALLOZ, Procédure, Verbo : Pourvoi en cassation n°526 et suivants et plus particulièrement au n° 530 qui cite un arrêt de la Cour de cassation du 22 décembre 1922, Cassation Civile 22 décembre 1922, S.1924.1.235, pièce 26b).
Mais attendu que l'article 249, alinéa premier, du Nouveau code de procédure civile, sanctionne l'absence de motifs qui est un vice de forme ;
que l'arrêt est motivé sur le point considéré ;
Attendu, d'autre part, que le grief de l'insuffisance de motifs développé dans la discussion constituant un défaut de base légale n'est pas précisé par rapport aux règles de droit prétendument violées ;
que le moyen ne saurait être accueilli ;
QUATRIEME MOYEN :

Violation de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
L'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dispose que "" toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle "",
La Cour d'Appel a violé cet article en ce qu'elle n'a pas sanctionné le juge de première instance pour le fait d'avoir ignoré certaines pièces au détriment d'autres et pour avoir donné la prépondérance aux pièces versées par la banque et notamment au rapport d'expertise (.) tout en ignorant en ignorant le fait, amplement critiqué par la partie appelante, que ce rapport d'expertise avait été établi sur base des seules pièces et explications fournies par la banque et en qu'elle n'a pas tenu compte des attestations de Monsieur Z.) qui, comme interlocuteur de Monsieur X.), attitré par la banque même, était la personne clé pour savoir comment se sont déroulés les faits et quelle était la nature de la gestion appliquée au dossier.
Alors qu'en procédant de la sorte, il y a eu violation du principe de l'égalité des armes entre les deux parties, une prépondérance étant donnée à la partie institutionnelle, la banque ayant accès à toutes les pièces par rapport aux clients de la banque ne disposant pas des mêmes moyens de preuve,
Que la jurisprudence luxembourgeoise applique l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dans des litiges civils en se référant notamment à un arrêt du 27 octobre 1993, DOMBO BEHEER
B.V. / Pays-Bas, n°A274, dans lequel la Cour Européenne des Droits de l'Homme a considéré que "" dans les litiges opposant des intérêts privés, l'égalité des armes implique l'obligation d'offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause - y compris ses preuves - dans des conditions qui ne la place pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire "".
Mais attendu que la Cour d'appel a correctement rejeté l'argumentation de la demanderesse en cassation fondée sur le caractère inéquitable du procès « l'impartialité et l'indépendance des juges de première instance ne prêtant à aucune discussion » en disant que « les parties litigantes avaient, chacune, la possibilité de présenter la cause dans des conditions qui ne les plaçaient pas dans une situation de désavantage l'une par rapport à l'autre » ; que le principe de l'égalité des armes n'est pas violé par le fait que le juge du fond considère que les éléments de preuve produits par une des parties sont plus pertinents que ceux dont fait état l'autre partie ;
que le moyen ne saurait être accueilli ;

CINQUIEME MOYEN : Violation de l'article 4 du Code Civil
L'article 4 du Code Civil prévoit que "" Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi pour être poursuivi comme coupable de déni de justice "",
La Cour d'appel a violé cet article en ce qu'elle a décidé de rejeter l'offre de preuve formulée par l'appelant en retenant que "" cette offre de preuve est à déclarer irrecevable pour n 'être ni concluante ni pertinente, bon nombre de faits y libellés se trouvant d'ores et déjà acquis en cause ou contredits par les pièces du dossier. Par ailleurs il n 'appartient ni aux témoins ni aux experts de se prononcer sur des questions mêlées de fait et de droit et de porter concrètement un jugement sur le comportement éventuellement répréhensif de la banque.""
Qu'en décidant ainsi et en rejetant en bloc l'offre de preuve de la SOC1.) au lieu de préciser quels faits y libellés se trouveraient d'ores et déjà acquis en cause ou contredits par les pièces et quels points constitueraient le cas échéant des questions de droit plutôt que des questions de fait, la Cour a refusé de rendre justice,
Que l'offre de preuve formulée par la SOC2.) était bien structurée et que les différents éléments offerts en preuve par expertise étaient numérotés,
Qu'au lieu de se défaire de la mesure d'instruction demandée, et incontestablement nécessaire pour la solution du litige, globalement, la Cour d'Appel aurait pu et dû relever les points sur lesquels cette offre de preuve était recevable.
Que le fait pour le juge d'omettre d'ordonner une mesure d'instruction lui permettant de résoudre la question en litige doit être sanctionnée au regard de l'article 4 du Code civil (cf. Le Pourvoi en Cassation Dalloz 78.117, p. 444 pièce 24 e),
Que la Cour de Cassation française a ainsi sanctionné les Juges du fond pour avoir refusé de prendre partie sur une question scientifique dont ils reconnaissaient l'importance alors qu'il leur aurait été loisible de consulter des experts pour résoudre l'objet du procès.
Mais attendu que la Cour d'appel n'a pas refusé de juger ; qu'elle a statué, en rejetant en vertu de son pouvoir d'appréciation souverain, l'offre de preuve présentée par la demanderesse en cassation, d'une part pour être ni pertinente, ni concluante, d'autre part pour être mélangée de fait et de droit ;
que le moyen ne saurait être accueilli ;
SIXIEME MOYEN :
Violation de la loi en l'occurrence violation de l'article 348 du
Nouveau Code de Procédure Civile et de l'article 349 du Nouveau

Code de Procédure Civile
L'article 348 du NCPC prévoit que "" les faits dont dépend la solution du litige peuvent à la demande des parties ou d'office être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible "".
L'article 349 du NCPC prévoit que "" les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause dès lors que le Juge ne dispose pas d'éléments suffisant pour statuer. ""
La Cour d'Appel a violé ces articles en ce qu'elle a écarté l'offre de preuve formulée par l'appelante au motif que cette offre de preuve serait à déclarer irrecevable pour n'être ni pertinente ni concluante, bon nombre de faits y libellés se trouveraient dores et déjà acquis en cause ou contredits par les pièces du dossier.
Alors qu'il résulte de l'article 348 que le Juge peut même d'office instaurer toute mesure d'instruction et de l'article 349 que les mesures d'instructions peuvent être ordonnées en tout état de cause,
Que la complexité des faits à la base de cette affaire et le nombre de pièces dont une partie n'était même pas à la disposition de l'appelant pour ne pas avoir été fournie par la banque rendait incontestablement nécessaire l'instauration d'une mesure d'instruction par un technicien,
Que la présence de deux rapports d'expertise unilatéraux, l'un fourni par la SOC1.) et l'autre fourni par la banque, nécessitait encore l'instauration d'une mesure d'instruction,
Que si le défaut d'ordonner une mesure d'instruction ne devait pas être sanctionné sous le cinquième moyen "" déni de justice "", il doit encore l'être sur base des articles 348 et 349 du NCPC, lesquels la Cour d'Appel a méconnu alors que la solution du litige dépendait incontestablement d'une étude approfondie de l'ensemble des éléments de la cause par un spécialiste en la matière,
Que la mesure d'instruction aurait été un moyen légalement admissible pour les prouver,
Qu'à supposer même que le texte de l'offre de preuve telle que formulée par la partie appelante n'ait pas, dans toute sa teneur, convenu à la Cour d'Appel, elle aurait pu d'office ordonner toute mesure d'instruction nécessaire à la solution du litige,
Mais attendu que, sous le couvert de la violation des articles 348 et 349 du Nouveau code de procédure civile, la demanderesse en cassation tend à remettre en cause la décision souveraine des juges du fond quant à la nécessité d'ordonner une mesure d'instruction ;
que le moyen ne saurait être accueilli ;
SEPTIEME MOYEN : Violation de la loi en l'occurrence violation de l'article 65 du
Nouveau Code de Procédure Civile et de l'article 432 du Nouveau

Code de Procédure Civile
L'article 65 du Nouveau code de procédure civile prévoit que ""Le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire et il ne peut retenir dans sa décision les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.""
L'article 432 du Nouveau code de procédure civile prévoit que ""le Juge peut commettre toute personne de son choix pour éclairer par des constations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien "",
La Cour d'Appel a violé ces principe en ce qu'elle a pris en considération le rapport d'expertise unilatéral (.) et en a déduit des conclusions qui ont conduit au rejet de l'appel et des demandes de la société SOC1.),
alors que la Cour n'a pas pu sans violer le principe du contradictoire inscrit à l'article 65 prendre pour établies les constatations de l'expert (.), pourtant basées en grande partie sur des pièces d'une seule partie, non communiquées à l'appelante et se défaire sans autre commentaire et sans analyse, même succincte, du rapport (.) versé par la demanderesse en cassation,
Que s'il est vrai que ""un rapport d'expertise unilatéral régulièrement communiqué est soumis à la libre discussion des parties vaut comme élément de preuve, il ne saurait être écarté en raison de son seul caractère unilatéral"" (Cass. 7 novembre 2002, P. 32 p. 363, pièce 27), la Cour n'aurait pas dû faire foi à ce seul rapport tout en écartant le deuxième rapport unilatéral émanant de l'expert (.), ceci d'autant plus que le rapport (.) lui-même fut basé sur des pièces purement unilatérales de la banque en partie non connues et non communiquées à la partie SOC1.), fait que celle-ci avait d'ailleurs énoncé dans ses conclusions,
Qu'il est retenu par la jurisprudence que "" Un rapport d'expertise est en principe inopposable à toute personne qui n 'a pas été appelée ou représentée aux opérations d'expertise. Si ce principe peut exceptionnellement être écarté, ce n 'est pas seulement à la condition que le rapport ait été régulièrement versé aux débats et soumis devant le juge à la libre discussion des parties et qu'il ait en fait été discuté, mais il faut encore qu'il résulte des éléments de la cause que les droits de la défense de la partie à laquelle on l'oppose soit suffisamment sauvegardée "" (Cour, 14.05.1996, P. 30, p. 118, pièce 28),
Or, qu'en l'occurrence les droits de la défense de la partie SOC1.) n'ont nullement été respectés lors de l'établissement du rapport unilatéral (.) en ce que la partie appelante ne sait pas quelles pièces ont exactement été remises par la banque à Monsieur (.), si ces pièces relatent la situation effective et quelles les explications ont été données par la banque à l'expert,
Que le rapport n'a même pas pu être librement discuté entre parties alors que les arguments que les multiples critiques qu'a fait valoir la partie SOC1.) à l'encontre du rapport d'expertise (.) n'ont pas d'un seul mot été abordés ni par les juges de première instance, ni par les Juges d'appels,
Qu'une décision de la Cour de Cassation luxembourgeoise du 8 décembre 2005 (n°63/05, n°2226 du registre, pièce 29) a retenu la violation de l'article 65 du NCPC par une décision du Tribunal d'Arrondissement de Luxembourg, 10ième chambre du 17 octobre 2003 en décidant que "" en se basant, pour situer dans le temps l'accident à l'origine des défectuosités affectant le véhicule endommagé, sur une expertise ordonnée dans le cadre d'une instance judiciaire dans lequel (.) n 'était pas partie et dont il conteste l'opposabilité, et confondant sous ce rapport leur décision uniquement sur ladite mesure d'instruction, les juges du second degré ont violé le texte de loi visée "",
Qu'il a encore été retenu que "" ce n'est pas le débat contradictoire devant le Juge après communication du rapport qui constitue cependant une sauvegarde suffisante des droits de la défense de cette partie pour permettre au juge de puiser dans le seul rapport unilatéral les éléments à la base de sa condamnation, le principe restant la contradiction lors des opérations d'expertise elle-même,
L'exigence du caractère contradictoire implique que les conclusions de l'expert soient soumises aux parties de façon à ce que l'expert puisse avoir connaissance de leurs observations et qu'il prenne le cas échéant position "" (Civil Lux. 27.06.2007, n°61.325 du rôle cité dans les Pandectes, Procédure civile de Me Gaston VOGEL, n°286.1, p. 226, pièce 30 a) ou encore
Qu' ""Un rapport d'expertise est en principe inopposable à toute personne qui n'a pas été appelée ou représentée aux opérations d'expertise » (ibid. n°289, p. 229, pièce 30 b),
Que ces principes n'ont en aucun cas été respectés en l'espèce, de sorte que l'arrêt doit être cassé pour violation des articles 65 et 432 du Nouveau code de procédure civile.
Mais attendu que la Cour d'appel n'a pas appuyé sa décision sur les seuls rapports unilatéraux Laplume, librement discutés ; qu'elle les a pris en considération dans la mesure où ils confortent les éléments de preuve résultant de la lettre de réclamation de X.), des contrats d'option ainsi que des conditions générales ;
que le moyen pour autant qu'il est tiré d'une violation du principe du contradictoire est inopérant dans la mesure où il tend à remettre en cause l'appréciation souveraine du caractère probant des divers éléments du dossier ;
que les juges du fond sont souverains pour décider de l'opportunité d'une mesure d'instruction ;
que le moyen ne saurait dès lors être accueilli ;
HUITIEME MOYEN :

Violation de l'article 1134 du Code civil
L'article 1134 du Code civil dispose que ""les conventions tiennent lieu de loi et les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites"" et prohibe toute dénaturation d'une convention ou d'une pièce versée au procès,
La Cour d'appel a violé cet article sous 3 aspects qui constituent les 3 branches de ce moyen,

Première branche du moyen :
La Cour d'appel a violé l'article 1134 en ce qu'elle a retenue que:
"" La Cour ne tiendra pas compte de l'attestation testimoniale du gestionnaire de fortune Z.) car les faits y énoncés sont d'ores et déjà contredites par les pièces probantes du dossier"",
Alors que les attestations de Monsieur Z.) - il y en a en fait 2, versées toutes les 2 en pièces 14 et 15 - rendent vraisemblables la qualification de la nature des relations contractuelles données par les demandeurs en cassation à savoir l'existence d'une gestion discrétionnaire au lieu d'une gestion simple, et prouvent des manquements de la banque à ses obligations contractuelles,
Que Monsieur Z.) s'est non seulement prononcé dans sa déclaration du 10 juin 2002 (pièce 14) sur la nature du portefeuille de la SOC1.) passé d'un profil très conservateur à un profil très spéculatif, mais a également déclaré "" le prochain entretien avec Monsieur (.), j'ai constaté que les instructions n'étaient pas exécutées comme convenu "", donc s'est prononcé clairement sur une possible responsabilité de la banque
Qu'il a encore déclaré dans son attestation du 21 juin 2008 (pièce 15) que "" pour une partie du portefeuille la banque prenait des décisions de stratégie sans l'accord du client. Pour les options, la banque, dans tous les portefeuilles, ne demandait presque jamais l'accord du client, les clients n'avaient aucune idée de ce qui se passait dans leur portefeuille (partie option)"",
Qu'en ne tenant pas compte de ces affirmations claires émanant d'un représentant de la banque, qui doivent être considérées comme un aveu des faits reprochés par la demanderesse en cassation à la SOC2.) en estimant qu'elles seraient contredites par d'autres pièces du dossier (non précisées en détail dans le raisonnement de la Cour), la Cour d'appel a dénaturé le sens de ces écrits,
Qu'il est de jurisprudence constante que "" même si la Cour de cassation admet de façon constante que les juges du fond sont souverains pour apprécier si un écrit rend vraisemblable ou non le fait allégué (Cass. 1ière Civ. 1er déc. 1985 ; Bull. Civ. I, n°670; 21 oct. 1997, Bull. Civ. I, n°284) il convient toutefois de formuler une nouvelle fois la réserve de la dénaturation des pièces du procès . si le juge du fond déforme le sens clair et précis d'une pièce de la procédure, la cour de cassation le censurera sur le fondement de la dénaturation, dans le cadre de laquelle elle exerce un contrôle disciplinaire sur les luges du fond» (Répertoire Procédure Civile Dalloz, Verbo preuve, n°253), (pièce 31),
Que la position de principe de la Cour de cassation belge en la matière est identique et "" le point de savoir si le document produit rend vraisemblable le fait allégué est une question de fait que les juges du fond apprécient souverainement, pour autant cependant que, comme le précise la Cour suprême que le Juge ne méconnaisse pas la notion de vraisemblance "" (La Preuve, Raymond MOUGENOT, Larcier, n°65) (pièce 32),
Que sous le visa de l'article 1134 du Code civil, dont la rédaction est identique au Code civil luxembourgeois, la Cour de cassation française censure les juges d'appel ayant dénaturé un tel acte de procédure (Cass. 1ère Civ. 8 mars 1978, Bull. Civ. I, n°96).

Deuxième branche du moyen :
La Cour a encore violé l'article 1134 en ce qu'elle a retenu que ""force est de constater qu'un délai de plus d'un mois s'est écoulé entre le 15 mars 2OO4, date à laquelle X.) a pris inspection des derniers relevés de compte en rapport avec l'évolution des deux portefeuilles, et le jour des protestations écrites adressées à la SOC2.) L'absence de protestation dans le délai d'un mois contre les extraits de compte constatant les opérations réalisées par la société SOC2.) fait preuve de l'accord des clients avec la façon d'agir de la banque."",
Alors qu'en décidant ainsi, elle a dénaturé le sens d'une clause claire des conditions générales (à les supposer applicables entre parties, cf développements au 2ème moyen, 3ème branche)
Que la Cour d'Appel a fait une application de cet article à une situation qu'il ne régit pas, et en a déduit un moyen pour rejeter l'appel et la demande de SOC1.),
Que l'article 11 des conditions générales de la SOC2.) (pièce 22) prévoit en effet un délai d'objection d'un mois au-delà duquel ""l'information contenue dans les extraits ou documents expédiés au client sera à l'exception d'une erreur matérielle manifeste considéré comme correcte et que le client sera sensé avoir approuvé lesdits documents et extraits. "",
Or qu'en l'occurrence, il ne s'agissait nullement pour le client d'approuver le contenu de documents ou extraits de la banque ni de rectifier une erreur contenue dans ceux-ci mais que le problème était celui de la responsabilité de la banque pour gestion abusive du portefeuille par la banque et les fautes commises par la banque à l'origine des pertes engendrées depuis novembre 2000 indépendamment et au-delà des simples inscriptions sur les documents ou extraits,
Que le texte de l'article 11 est clair et ne régit pas les responsabilités de la banque en général, mais des problèmes d'inscription sur des extraits et documents,
Qu'en excluant la responsabilité de la banque pour réclamation tardive sur base de cette clause contractuelle qui pourtant régit clairement une situation spécifique différente, la Cour a dénaturé la clause contractuelle,
Qu'il appartient à la Cour de Cassation de sanctionner "" le fait qu'un juge a méconnu la nature de la convention et lui a donné une conséquence légale erronée "" (Cass. 16 juillet 1886 Pasicrisie 2, 464) ou encore "" le fait que des conséquences erronées en droit ont été déduites des faits "" (Cass. 11 juillet 1911 p.8, 139),
Qu'en appliquant une clause contractuelle prévoyant un délai de forclusion à une situation de fait qui ne le concerne pas, la Cour a dénaturé une clause contractuelle et l'arrêt doit être cassé de ce chef,

Troisième branche du moyen :
La Cour d'Appel a encore violé l'article 1134, quand bien même elle aurait correctement et sans dénaturation appliqué l'article 11 des conditions générales précitées au litige entre parties, en ce qu'elle a déduit de cet article que l'absence de réclamation du client dans un délai de 1 vaudrait forclusion pour toute mise en cause de la responsabilité de la banque et en ce qu'elle a ainsi refusant d'aller plus loin dans l'analyse de ses griefs déduisant de l'absence de protestation dans un délai de 1 mois la ""preuve de l'accord des clients avec la façon d'agir de la banque"",
Qu'en ce faisant, la Cour d'Appel a dénaturé le sens d'une clause contractuelle claire,
Qu'il a en effet été retenu ""1'article 11 ne contient pas non plus une mention suivant laquelle passé un délai d'un mois le client renonce à toute contestation. Cet article ne traite pas non plus de la valeur probante des extraits de comptes. Il précise uniquement que passé le délai de 1 mois, le client est sensé avoir ''approuvé'' l'extrait (...). Il est admis par la doctrine et la jurisprudence que lorsque les parties n'ont pas convenu expressément de la valeur conférée aux avis d'opérer adressés au client, ce sont les tribunaux qui en fixent la portée : la réception sans protestation ni réserve des vais d'opérer n'emporte pas renonciation tacite du client au droit d'invoquer une faute de l'intermédiaire.
Le silence du client destinataire d'un avis d'opérer adressé par un intermédiaire qui n'avait pas été investi des pouvoirs requis pour passer une opération boursière n'emporte pas à lui seul validation a posteriori de cet acte. L'absence de protestation et de réserve laisse uniquement présumer l'existence du pouvoir conféré à l'intermédiaire, ce qui emporte un renversement de la charge de la preuve à l'encontre du client qui est alors tenu de rapporter la preuve d'une faute de l'intermédiaire, en apportant notamment la preuve que l'intermédiaire n'a pas agi conformément aux ordre reçus (cf JurisClasseur Banques et Crédits, Fasc. 2210, n°129). "" (Jugement civil n°156/2003 du 29 mai 2003 Vandebeek / ING BANQUE, pièce 33),
Qu'en se basant sur l'article 11 des conditions générales pour rejeter la demande de la SOC1.) pour prétendue tardivité alors que cet article opère tout au plus un renversement de la charge de la preuve pour le client de la banque, laissant à celui-ci, même en absence de réclamation dans un délai de un mois, la possibilité de prouver les fautes de la Banque invoqués, la Cour d'Appel a violé l'article 1134 en ce qu'elle a dénaturé le sens et la portée juridique d'une clause claire du contrat signé entre parties,
Que l'article 11 emploie les termes "" que le client sera sensé avoir approuvé lesdits documents et extraits "" qui expriment clairement une simple présomption d'acceptation en cas de non protestation dans un délai de un mois -incontestablement susceptible de preuve contraire -et non une preuve positive et irréversible de l'accord du client tel que la Cour d'appel le doit dire à cet article.

Sur la première branche :
Mais attendu que cette branche du moyen tend, sous le couvert de violation de l'article 1134 du Code civil, à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond des attestations de l'ancien gestionnaire de portefeuille au regard de leur caractère probant, appréciation qui échappe au contrôle de la Cour de cassation ;

Sur les deuxième et troisième branches réunies :
Mais attendu que, sous le couvert de la violation de l'article 1134 du Code civil, ces branches tendent à remettre en cause l'interprétation souveraine des juges du fond des conditions générales liant les parties X.) et Y.) à la société SOC2.) ; que l'interprétation des stipulations contractuelles échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli dans aucune de ses branches ;
NEUVIEME MOYEN : Violation de la loi et en l'occurrence de la violation de l'article

1163 du Code Civil
Attendu que l'article 1163 du Code Civil dispose que "" quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposées de contracter ""
La Cour a violé cet article en ce qu'elle a retenu que "" force est de constater qu'un délai de plus d'un mois s'est écoulé entre le 15 mars 20008, date à laquelle X.) a pris inspection des derniers relevés de compte en rapport avec l'évolution des deux portefeuilles, et le jour des protestations écrites adressées à la société SOC2.). L'absence de protestation dans le délai d'un mois contre les extraits de compte constatant les opérations réalisées par la société SOC2.) fait preuve de l'accord des clients avec la façon d'agir de la banque "",
Alors qu'en ce faisant elle a appliqué l'article 11 des conditions générales de la société SOC2.) prévoyant un délai de forclusion d'un mois à une situation que les parties n'ont aucunément visé par cette disposition contractuelle.
Qu'en retenant pour exclure la responsabilité de la banque pour mauvaise gestion du portefeuille une prétendue réclamation tardive du client au regard de l'article 11 des Conditions générales alors que cet article ne vise nullement les fautes de gestion, mais des problèmes d'erreurs ou problèmes concernant les extraits et autres documents constatées par le client, la Cour a violé l'article 1163 » ;
Mais attendu que, sous le couvert de violation de l'article 1163 du Code civil, le moyen tend à remettre en cause l'interprétation par les juges du fond de l'article 11 des conditions générales ; que cette interprétation échappe au contrôle de la Cour de cassation ;
que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur l'indemnité de procédure :
Attendu que la société SOC2.), à défaut de justification de la condition d'inéquité requise par l'article 240 du Nouveau code de procédure civile, est à débouter de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure ;
Par ces motifs :
rejette le pourvoi ;
déboute la société anonyme SOC2.) de sa demande en allocation d'une indemnité de procédure ;
condamne la demanderesse en cassation aux frais et dépens de l'instance en cassation avec distraction au profit de Maître Henri WAGNER, avocat à la Cour, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Madame la présidente Marie-Paule ENGEL, en présence de Madame Jeanne GUILLAUME, avocat général et de Madame Marie-Paule KURT, greffière à la Cour.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49
Date de la décision : 08/07/2000

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;cour.cassation;arret;2000-07-08;49 ?
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