Le licenciement d'un salarié, même pour motif économique, ne saurait constituer un cas d'information et de consultation du comité à défaut d'avoir une incidence déterminante sur la structure de l'entreprise ou sur le niveau de l'emploi.
Arrêt de la Cour de Cassation du 07/01/1999 n° 1513. N°03/99. Audience publique du jeudi, sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.
Composition:
Marc THILL, président de la Cour, Raoul GRETSCH, conseiller à la Cour de cassation, Jean KIPGEN, conseiller à la Cour de cassation, Georges SANTER, premier conseiller à la Cour d'appel, Romain LUDOVICY, premier conseiller à la Cour d'appel, Jean-Pierre KLOPP, procureur général d'Etat adjoint, Ernest BEVER, greffier à la Cour.
entre
XX, demeurant à L-..., demandeur en cassation, comparant par Maître Henri FRANK, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, en l'étude, duquel domicile est élu, assisté de Maître Christian-Charles LAUER, avocat inscrit à la liste II du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg,
et :
la société anonyme NORTON S.A., établie et ayant son siège social à L-4901 Bascharage, boulevard J.F. Kennedy, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, défenderesse en cassation, comparant par Maître Lynn SPIELMANN, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, en l'étude duquel domicile est élu,
l'ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, pris en sa qualité de gestionnaire du Fonds pour l'Emploi, représenté par son Ministre d'Etat, établi à L-1352 Luxembourg, 4, rue de la Congrégation, sinon par son Ministre du Travail, établi à L-2939 Luxembourg, 26, rue Zithe, défendeur en cassation, comparant par Maître Georges PIERRET, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, en l'étude duquel domicile est élu.
LA COUR DE CASSATION:
Ouï Monsieur le conseiller KIPGEN en son rapport et sur les conclusions de Monsieur l'avocat général EDON ;
Vu l'arrêt attaqué, rendu le 15 janvier 1998 par la Cour d'appel, troisième chambre, siégeant en matière de droit du travail ;
Vu le mémoire en cassation, signifié le 30 avril 1998 par XX et déposé au greffe de la Cour le 4 mai 1998 ;
Vu le mémoire en réponse, signifié les 24 et 25 juin 1998 par l'ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG et déposé au greffe de la Cour le 26 juin 1998;
Vu le mémoire en réponse, signifié le 29 juin 1998 par NORTON S.A. et déposé au greffe de la Cour le 29 juin 1998 ;
Attendu que le mémoire en réponse de l'ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, suivant lequel celui-ci déclare se rallier à l'argumentation du "demandeur pour requérir la cassation de l'arrêt du 15 janvier 1998 et le renvoi devant la Cour d'appel autrement composée, constitue un pourvoi incident au sens de l'article 13 de la loi modifiée du 18 février 1885 sur les pourvois et la procédure en cassation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le tribunal du travail d'Esch-sur-Alzette a déclaré fondée la demande de XX en obtention de la réparation de ses préjudices matériel et moral subis du fait de son licenciement avec préavis abusif et condamné la société anonyme NORTON au paiement du montant de 234.776.- francs ; que sur appels de la société NORTON et de l'ETAT DU GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG, dont le recours contre NORTON S.A. en vertu de l'article 14
de la loi modifiée du 30 juin 1976 avait été rejeté, la Cour d'appel, disant que l'omission d'information et de consultation du comité mixte institué par la loi du 6 mai 1974 ne rendait pas le licenciement de XX contraire à la loi, étant donné que le licenciement d'un salarié, même pour motif économique ne saurait constituer un cas d'information et de consultation du comité à défaut d'avoir une incidence déterminante sur la structure de l'entreprise ou sur le niveau de l'emploi, a déclaré régulier et justifié le licenciement de XX et débouté celui-ci de ses demandes ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche,
tiré ce de l'interprétation erronée du champ d'application des articles 7.3
et 9
de la loi du 6 mai 1974 instituant des comités mixtes dans les entreprises du secteur privé et organisant la représentation des salariés dans les entreprises anonymes, en ce que l'arrêt attaqué a exclu du champ d'application des dispositions légales prémentionnées, le licenciement individuel pour raison économique, alors que ce faisant, l'arrêt attaqué a vidé complètement de son contenu la prédite loi en ce que cette loi s'applique nécessairement à des licenciements individuels pour raison économique, les licenciements collectifs étant régis par la loi du 23.7.1993 portant diverses mesures en faveur de l'emploi
» ;
Mais attendu que les juges du fond en disant, après avoir retenu que les comités mixtes d'entreprise ont compétence dans le domaine social pour établir ou modifier des règles générales dans un objectif de participation des travailleurs aux décisions dans les entreprises et non pas pour traiter des cas individuels, que le licenciement d'un salarié, même pour motif économique, ne saurait constituer un cas d'information et de consultation du comité à défaut d'avoir une incidence déterminante sur la structure de l'entreprise ou sur le niveau de l'emploi, ont fait l'exacte application de la loi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa première branche ;
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche,
tiré « de la mauvaise interprétation du caractère économique d'un licenciement, en ce que l'arrêt attaqué a retenu qu'un licenciement individuel pour raison économique n'entraînerait pas d'influence sur le niveau de l'emploi, alors que l'exercice de l'influence sur le niveau de l'emploi constitue la motivation d'un licenciement économique »
Mais attendu que le moyen ne précise pas quel texte légal aurait été violé, de sorte qu'il est irrecevable en sa seconde branche ;
Par ces motifs
rejette les pourvois principal et incident ;
condamne XX aux dépens de l'instance en cassation dont distraction au profit de Maître Lynn SPIELMANN, avocat ayant exercé le ministère d'avoué, sur ses affirmations de droit.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Marc THILL, en présence de Messieurs Jean-Pierre KLOPP, procureur général d'Etat adjoint et Ernest BEVEE., greffier à la Cour.
La loi du 23.7.1993 portant diverses mesures en faveur de l'emploi a été intégrée dans le livre V du Code du travail.