Suivant l'article 7 de la loi du 26 mars 1974 portant fixation de suppléments de pension à allouer aux personnes victimes d'actes illégaux de l'occupant en cas d'invalidité ou de décès précoces, les pensions d'invalidité ou de survie, accordées antérieurement à ladite loi à des personnes ou à des ayants-droit de personnes remplissant les conditions prévues à l'article 1er, seront recalculées avec effet à la date de la mise en vigueur de ladite loi, à condition que la demande y relative soit presentée dans un délai de deux ans à courir à partir de la même date; passé ce délai, le recalcul n'opérera qu'à partir du premier du mois suivant la demande.
C'est à bon droit selon l'arrêt de la Cour de Cassation que le Conseil Supérieur des assurances sociales, pour combler une lacune de la loi, a, dans sa décision du 24 juin 1993 (cf. document No 347) fait une application par analogie de l'article 7 de la loi précitée, alors que la situation des demandeurs visée par cette disposition et celle de Mentz est similaire.
Cour de Cassation. 20/10/1994. N°40/94.
Entre:
Monsieur R.MENTZ, retraité, demeurant à ...., demandeur en cassation, comparant par Maître Dieter GROZINGER DE ROSNAY, avocat, inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, assisté de Maître Marco FRITSCH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, en l'étude desquels domicile est élu,
et:
l'ETABLISSEMENT D'ASSURANCE CONTRE LA VIEILLESSE ET L'INVALIDITE, dont le siège est à Luxembourg, représenté par le président de son comité-directeur, Monsieur Paul HANSEN, docteur en droit, président de l'office des Assurances Sociales, demeurant à Luxembourg, défendeur en cassation, comparant par Maître Marco NOSBUSCH, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, en l'étude duquel domicile est élu.
LA COUR DE CASSATION:
Ouï Monsieur le conseiller REILAND en son rapport et sur les conclusions de Monsieur l'avocat général EDON;
Vu l'arrêt attaqué no 106/93
, rendu le 24 juin 1993 par le Conseil supérieur des assurances sociales;
Vu le mémoire en cassation, signifié le 1er septembre 1993 par R. MENTZ et déposé au greffe de la Cour le 2 septembre 1993 avec une copie de la décision attaquée notifiée à partie;
Vu le mémoire en réponse, signifié le 27 octobre 1993 par l'ETABLISSEMENT D'ASSURANCE CONTRE LA VIEILLESSE ET L'INVALIDITE (ci-après E.V.I.) et déposé au greffe de la Cour le 28 octobre 1993;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les pièces déposées à l'appui du pourvoi, que MENTZ, bénéficiaire d'une pension d'invalidité depuis le 23 septembre 1986, a fait le 7 novembre 1991 une demande en obtention du complément différentiel prévu par la loi du 26 mars 1974 portant fixation de suppléments de pension à allouer aux personnes devenues victimes d'actes illégaux de l'occupant en cas d'invalidité ou de décès précoces; que le 18 juin 1992, l'E.V.I. a décidé d'allouer à MENTZ le complément demandé à partir du 1er décembre 1991, premier du mois suivant la demande; que MENTZ a fait opposition à cette décision au motif que le complément devait lui être alloué à partir de l'année 1987; que la sous-commission des pensions de l'E.V.I. a rejeté cette réclamation; que MENTZ a fait un recours devant le Conseil arbitral des assurances sociales, qui par jugement du 22 octotobre 1992, a déclaré non fondé le recours; que sur appel de MENTZ, demandant l'octroi rétroactif du complément différentiel à partir du 23 septembre 1986, le Conseil supérieur des assurances sociales a confirmé le jugement entrepris, par arrêt du 24 juin 1993;
Sur les premier et deuxième moyens réunis,
tirés le premier
"de la violation de l'article 7 alinéa 1er in fine de la loi du 26 mars 1974 portant fixation de suppléments de pension à allouer aux personnes devenues victimes d'actes illégaux de l'occupant en cas d'invalidité ou de décès précoces ("ci-après la loi du 26 mars 1974")en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le recalcul de la pension de Monsieur MENTZ à partir du 1er du mois suivant la demande c'est à dire en l'occurrence à partir du 1er décembre 1991 au motif que la disposition de l'article 7 al. 1er devrait être appliquée par analogie en l'absence de dispositions légales réglant expressément le cas visé d'un demandeur titulaire d'une pension d'invalidité accordée postérieurement au 1er avril 1974, alors que selon le Conseil supérieur des assurances sociales renoncer à cette interprétation aboutirait à une discrimination inadmissible assurément non voulue par le législateur, consistant dans le fait que les assurés dont l'état d'invalidité a été établi postérieurement au 1er avril 1974 se trouveraient favorisés sans raison valable par rapport à ceux dont l'invalidité remonte à une date antérieure, alors que d'une part l'article 212
du code des assurances sociales, livre III, contenant le régime commun applicable à toutes assurances de pension, de vieillesse, d'invalidité et de survie dispose que le droit à pension ne se prescrit pas et que le droit à chaque arrérage se prescrit par 5 ans à partir du jour où il a pris naissance; que cette disposition devrait être appliquée en l'espèce et que le sieur MENTZ devait dès lors recevoir paiement rétroactif du complément différentiel au 23 septembre 1986, date où la pension d'invalidité lui a été accordée; que d'autre part, le Conseil supérieur des assurances sociales ne saurait faire une application par analogie de l'article 7 al. 1er in fine de la loi du 26 mars 1974 en présence d'une disposition légale du code des assurances sociales d'application générale devant s'appliquer aux suppléments de pension de Monsieur MENTZ;
qu'en outre, le Conseil supérieur des assurances sociales ne saurait déduire du principe de non discrimination une interprétation fausse de l'article 7 al. 1er in fine de la loi du 26 mars 1974 sans tenir compte des dispositions légales existantes, et qu'enfin l'application du principe de non-discrimination manque de base légale."
et le deuxième
"de la violation et du refus d'application de l'article 212 du code des assurances sociales en ce que l'arrêt attaqué a estimé qu'il y a absence de dispositions légales réglant expressément le cas visé par le demandeur en cassation, titulaire d'une pension d'invalidité accordée postérieurement au 1er avril 1974".
Mais attendu, d'une part, que les moyens, pour autant qu'ils se fondent sur l'article 212 du Code des assurances sociales, sont inopérants, alors que le droit au complément différentiel n'était pas discuté en l'espèce et qu'il s'agissait de fixer le début du paiement d'un complément différentiel qui dépendait d'une demande et d'une décision administrative;
d'autre part, que suivant l'article 7 de la loi du 26 mars 1974 portant fixation de suppléments de pension à allouer aux personnes devenues victimes d'actes illégaux de l'occupant en cas d'invalidité ou de décès précoces, les pensions d'invalidité ou de survie, accordées antérieurement à la dite loi à des personnes ou à des ayants-droits de personnes remplissant les conditions prévues à l'article 1er, seront recalculées avec effet à la date de la mise en vigueur de la dite loi, à condition que la demande y relative soit présentée dans un délai de deux ans à partir de la même date; que passé ce délai, le recalcul n'opérera qu'à partir du premier du mois suivant la demande; que c'est à bon droit que les juges du fond, pour combler une lacune de la loi, ont fait une application par analogie de la seconde partie de l'article 7 précité, alors que la situation des demandeurs visée par cette disposition et celle de MENTZ dont ils étaient saisis, est similaire;
en outre, que le principe de non-discrimination est une application de l'article 11(2) de la Constitution et que les éléments de fait ont été suffisamment exposés;
D'où il suit que les moyens sont sans fondement;
Sur le troisième moyen,
"tiré de la violation de l'article 5 du code civil en ce que l'arrêt attaqué a estimé que l'article 7 al.1 de la loi du 26 mars 1974 devait s'appliquer par analogie aux demandeurs titulaires d'une pension d'invalidité accordée postérieurement au 1er avril 1974, alors qu'il est défendu aux juges de se prononcer par voie de dispositions générales et réglementaires sur les causes qui leur sont soumises."
Mais attendu que ce moyen manque en fait comme procédant d'une lecture inexacte de l'arrêt attaqué;
Par ces motifs,
rejette le pourvoi;
condamne R.MENTZ aux dépens de l'instance en cassation avec distraction au profit de l'Administration de l'enregistrement conformément à l'article 294
du Code des assurances sociales et à la loi sur le Pro Deo;