Aux termes des articles 68-2 et 74-2 CPC, dans les cas où une notification s'opère par la voie du greffe, elle se fait par lettre recommandée et lorsque le destinataire de la notification n'a ni domicile, ni résidence connus, elle est faite par huissier de justice. Ces dispositions sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre de commerce et des sociétés.
Arrêt de la Cour de Cassation N° 37/94. Du 14 juillet 1994. Numéro du registre : 1130.
Audience publique du jeudi, quatorze juillet mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.
Composition:
Paul KAYSER, président de la Cour,
Roger EVERLING, conseiller à la Cour de cassation,
Guy REILAND, conseiller à la Cour de cassation,
Irène FOLSCHEID, conseiller à la Cour d'appel,
Monique BETZ, conseiller à la Cour d'appel,
Camille WAMPACH, procureur général d'Etat,
Marcel LANNERS, greffier en chef.
Entre:
la société anonyme SHELTERS S.A., établie et ayant son siège social à L-2167 Luxembourg, 26, rue des Muguets, représentée par son conseil d'administration actuellement en fonctions, demanderesse en cassation, comparant par Maître André ELVINGER, assisté de Maître Marc ELVINGER, avocats inscrits à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, en l'étude desquels domicile est élu,
et:
Monsieur XX, demeurant à L-..., défendeur en cassation, comparant par Maître Guiguite CLEES, avocat inscrit à la liste I du tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, en l'étude de laquelle domicile est élu,
Madame YY, sans état, demeurant à L-...,
Madame ZZ, aide-soignante, demeurant à L-...,
sub 2) et 3) agissant en leur qualité d'héritiers légaux de feu AA, retraité, décédé à Luxembourg, le 25 juillet 1992,
Madame AA, demeurant à L-...,
sub 2) à 4) défendeurs en cassation.
LA COUR DE CASSATION
Ouï Monsieur le président KAYSER en son rapport et sur les conclusions de Monsieur le procureur général d'Etat WAMPACH;
Vu le jugement attaqué, rendu le 16 décembre 1992
par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer;
Vu le mémoire en cassation de la société anonyme SHELTERS S.A. (SHELTERS), signifié le 3 août 1993 et déposé au greffe de la Cour le 27 août 1993;
Vu le mémoire en réponse de XX, signifié le 20 septembre 1993 et déposé au greffe de la Cour le 21 septembre 1993;
Attendu, selon le jugement attaqué et les pièces de la procédure, que le jugement contradictoire rendu par le tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer le 24 octobre 1991, sur le différend opposant SHELTERS à XX et aux époux AA, a été confié par le greffe dudit tribunal sous pli fermé et recommandé à la poste pour être notifié à SHELTERS à Luxembourg, 47, boulevard Royal, lieu indiqué comme siège social de celle-ci par le registre de commerce et des sociétés, alors qu'elle avait entretemps transféré son siège social au n° 26, rue des Muguets à Luxembourg; que l'agent des postes, chargé d'effectuer la notification, a renvoyé l'avis de réception de la lettre recommandée au greffe avec la mention « n'habite plus à l'adresse indiquée »; que le 25 novembre 1991, le greffe a effectué une notification du même jugement par lettre recommandée à la nouvelle adresse à la suite de laquelle SHELTERS a relevé appel du jugement le 11 décembre 1991; que le jugement attaqué a déclaré cet appel irrecevable pour cause de tardiveté;
Sur le premier moyen,
tiré de la violation des articles 68-2 et 74-2 du Code de procédure civile, tels que modifiés par le règlement grand-ducal du 15 mai 1991,
en ce que le jugement attaqué a fait droit à l'exception d'irrecevabilité de l'acte d'appel pour tardiveté, au motif que la notification pouvait être valablement faite à l'ancienne adresse de la demanderesse en cassation, comme étant l'adresse à l'époque renseignée au registre de commerce,
alors pourtant que la société qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre de commerce est assimilée par le règlement grand-ducal du 15 mai 1991 à un destinataire sans domicile ni résidence connus, de sorte qu'en pareille hypothèse, la notification ou la convocation doit obligatoirement se faire par huissier de justice, conformément à l'article 68-2 du Code de procédure civile
;
Vu les articles 68-2 et 74-2 du Code de procédure civile;
Attendu qu'aux termes de ces textes, dans les cas où une notification s'opère par la voie du greffe, elle se fait par lettre recommandée et lorsque le destinataire de la notification n'a ni domicile, ni résidence connus, elle est faite par huissier de justice; que ces dispositions sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre de commerce et des sociétés;
Attendu que pour statuer comme il l'a fait, le tribunal retient qu'aux termes de l'article 69-1 du Code de procédure civile, les significations aux sociétés sont faites soit à leur siège social, soit à la personne qui assure la gestion et que ce n'est qu'en cas de retour du document à notifier avec la mention « inconnu à l'adresse indiquée » que le greffier est tenu d'informer immédiatement la partie intéressée et que la disposition légale prévoyant une notification par huissier de justice devient applicable, de sorte que la notification du jugement faite le 25 octobre 1991 à l'adresse « officielle » de SHELTERS à cette date était valablement faite et que le délai de quarante jours pour interjeter appel a commencé à courir à partir de ce moment;
Attendu cependant qu'en statuant ainsi, alors que la société SHELTERS n'avait plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre de commerce et des sociétés, le tribunal a violé les textes ci-dessus visés;
Par ces motifs,
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen;
casse et annule le jugement rendu le 16 décembre 1992 par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, dixième chambre, siégeant en matière de bail à loyer dans la cause inscrite au rôle sous le numéro 46 503, en ce qu'il a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société anonyme SHELTERS du jugement rendu le vingt-quatre octobre 1991 par le tribunal de paix de Luxembourg, siégeant en matière de bail à loyer;
remet en conséquence, quant à ce, les parties au même état où elles se sont trouvées avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, autrement composé;
condamne XX aux dépens tant de l'instance en cassation que de la décision annulée dont distraction à Maître André ELVINGER, avocat ayant exercé le ministère d'avoué, sur ses affirmations de droit;
ordonne qu'à la diligence du procureur général d'Etat, le présent arrêt sera transcrit sur le registre du tribunal d'arrondissement de Luxembourg et qu'une mention renvoyant à la transcription de cet arrêt sera consignée en marge de la minute du jugement cassé.
La lecture du présent arrêt a été faite en la susdite audience publique par Monsieur le président Paul KAYSER, en présence de Messieurs Camille WAMPACH, procureur général d'Etat et Marcel LANNERS, greffier en chef.