Si l'institution compétente ne fait pas usage de la faculté de faire procéder à l'examen de l'intéressé par un médecin de son choix, elle est liée en fait et en droit, par les constatations gérées par l'institution du lieu de résidence quant à la survenance et au degré de l'incapacité de travail
Cour de Cassation. 17 juin 1993. N° 24/93.
La Cour de cassation:
Ouï Monsieur le conseiller EVERLING en son rapport et sur les conclusions de Monsieur l'avocat général NICOLAY;
Vu la décision attaquée, rendue le 24 juin 1992 par le Conseil supérieur des assurances sociales, déclarant recevable le recours dirigé par M. C. GONCALVES contre la décision de la sous-commission des pensions du 20 juin 1988, disant l'appel de M. GONCALVES non fondé et maintenant la décision de la sous-commission des pensions par laquelle une pension d'invalidité avait été accordée à M. GONCALVES à partir du premier juillet 1987;
Vu le mémoire en cassation signifié le 24 septembre 1992 par M. GONCALVES et déposé au greffe de la Cour le 25 septembre 1992;
Vu le mémoire en réponse et le pourvoi incident signifiés le 19 novembre 1992 par l'Etablissement d'assurance contre la vieillesse et l'invalidité (E.V.I) et déposé au greffe de la Cour le 20 novembre 1992;
Vu le nouveau mémoire signifié le 21 décembre 1992 par M. GONCALVES et déposé au greffe de la Cour le 24 décembre 1992;
Attendu que les pourvois principal et incident sont recevables pour avoir été introduits dans les forme et délai de la loi; que le nouveau mémoire peut être pris en considération dans sa première partie qui répond au pourvoi incident;
que la deuxième partie doit être écartée des débats étant donné que dans cette partie, le demandeur en cassation ne fait que rencontrer les objections en droit soulevées par le défendeur et ne redresse pas l'application fausse que la partie défenderesse aurait faite des faits qui servent de fondement au recours;
Quant au pourvoi incident:
Sur le premier et unique moyen de cassation,
"tiré de la violation des articles 293
et 294
du Code des Assurances Sociales et de l'article 3 de l'arrêté grand-ducal du 13 octobre 1945 portant fixation du siège, de la compétence et de l'organisation du Conseil Arbitral et du Conseil Supérieur des Assurances Sociales et règlement de procédure devant lesdits Conseils tel que modifié par l'article XIV du règlement grand-ducal du 9 décembre 1983 relatif à l'uniformisation de certains délais de procédure en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable le recours dirigé contre la décision de la sous-commission des pensions du 20.6.1988 pour avoir été introduit dans le délai de 40 jours, alors qu'il résulte des pièces que ledit délai prescrit à peine de forclusion n'a pas été observé";
Attendu que les juges du fond ont déduit de deux communications des autorités portugaises aux autorités luxembourgeoises informant ces dernières que la décision de la sous-commission des pensions avait été remise à M. GONCALVES le 23 juin 1989 et d'une autre communication des mêmes autorités portugaises informant les autorités luxembourgeoises que l'assuré n'avait pas reçu la notification et qu'elles lui avaient adressé un duplicata le 4 janvier 1991 que M. GONCALVES a eu connaissance de la décision de la sous-commission des pensions du 20 juin 1988 le 9 janvier 1991;
Attendu que ces constatations et déductions des juges du fond sont souveraines en fait et échappent au contrôle de la Cour de cassation;
que le moyen n'est partant pas fondé;
Quant au pourvoi principal:
Sur le premier moyen de cassation:
"tiré de la violation des articles 30 et 31 de l'arrangement administratif général relatif aux modalités d'application de la Convention entre le Luxembourg et le Portugal sur la sécurité sociale, en relation avec les articles 15, 16, 17 et 18 de la Convention entre le Luxembourg et le Portugal sur la sécurité sociale et de l'article 40 du règlement CEE no 574/72
du 21.3.1972, fixant les modalités de l'application du règlement CEE no 1408/71
relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, de la violation et de la fausse application de l'article 89 de la Constitution et de l'article 141 du Code de Procédure Civile, de l'absence de motifs légaux, de l'insuffisance de motifs, valant absence de motifs, et du manque de base légale,
en ce que
après avoir relevé le caractère des plus succinct et sommaire du rapport médical détaillé portugais du 13.3.1985 et la contradiction de ce rapport médical avec la déclaration du Centre National de Pension portugais du 5.8.1987, l'arrêt a rejeté la demande de M. GONCALVES, faute par lui de verser à l'appui de sa demande un avis médical détaillé et circonstancié sur son état de santé avant 1987 et sur son éventuelle incapacité de travailler,
alors que
les textes visés par le premier moyen de cassation sont à appliquer en ce sens que si l'institution compétente, en l'occurrence l'Etablissement d'Assurance contre la Vieillesse et l'Invalidité, ne fait pas usage de la faculté de faire contrôler l'intéressé par un médedin de son choix, elle est liée, en fait et en droit, par les constatations opérées par l'institution du lieu de résidence, en l'occurrence celles résultant du rapport du médecin- contrôleur portugais, quant à la survenance et au degré de l'invalidité et que M. GONCALVES n'a aucune charge de la preuve, ni aucune obligation de fournir d'autres pièces que celles prévues par les textes visés, qui ont été transmises à l'institution luxembourgeoise par l'institution portugaise et qu'en particulier il ne lui appartient pas de verser un nouvel avis médical sur son état de santé avant 1987 et sur son éventuelle incapacité de travailler";
Attendu que selon l'article 40 du règlement CEE No 574/72 fixant les modalités d'application du règlement CEE No 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la communauté "Pour déterminer le degré d'invalidité, l'institution d'un Etat membre prend en considération les documents et rapports médicaux ainsi que les renseignements d'ordre administratif recueillis par l'institution de tout autre Etat membre. Toutefois, chaque institution conserve la faculté de faire procéder à l'examen du requérant par un médecin de son choix, sauf dans le cas où les dispositions de l'article 40 paragraphe 3 du règlement sont applicables".
Attendu que cet article est à interpréter en ce sens que, si l'institution compétente ne fait pas usage de la faculté de faire procéder à l'examen de l'intéressé par un médecin de son choix, elle est liée, en fait et en droit, par les constatations opérées par l'institution du lieu de résidence quant à la survenance et au degré de l'incapacité de travail;
que les juges du fond, en retenant que le rapport d'un médecin- inspecteur portugais qui avait examiné M. GONCALVES en mars 1985 n'était pas de nature à emporter leur conviction et que M. GONCALVES n'avait pas versé à l'appui de sa demande un avis médical et circonstancié sur son état de santé avant 1987 et sur son éventuelle incapacité de travailler, pour ensuite rejeter la demande de M. GONCALVES, ont violé la susdite disposition légale; que le moyen est dès lors fondé et que leur décision est à casser;
Par ces motifs,
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième, troisième et quatrième moyens de cassation,
casse et annule la décision rendue entre parties le 24 juin 1992 par le Conseil supérieur des assurances sociales, en ce qu'elle a maintenu la décision de la sous-commission des pensions du 20 janvier 1988 portant attribution à M. GONCALVES d'une pension d'invalidité à partir du 1er juillet 1987;
remet en conséquence la cause et les parties au même état où elles se trouvaient avant ladite décision et renvoie les parties devant le Conseil supérieur des assurances supérieur des assurances sociales, autrement composé;