- Le délai d'appel doit être observé à peine de forclusion. Ce moyen est d'ordre public.La forclusion doit donc être prononcée d'office par le juge et peut partant être invoquée pour la première fois devant la Cour de Cassation.
- La personne qui a été écartée en tout ou en partie de l'indemnisation des dommages de guerre, n'est pas susceptible de bénéficier des mesures prises par le législateur en faveur des victimes d'actes illégaux de l'occupant.
Cour de Cassation du 10 janvier 1985. N° 1/85
LA COUR DE CASSATION:
Oui M.le conseiller HESS en son rapport et sur les conclusions de M.BIEVER, avocat général;
Vu l'arrêt attaqué rendu le 19 janvier 1984 par le Conseil supérieur des assurances sociales dans l'affaire inscrite sous le numéro C.P.A.C.I. 45/83;
Sur le premier moyen:
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'appel relevé le 8 mars 1983 et dirigé par M.V. ENGEL contre le jugement du Conseil arbitral des assurances sociales du 20 janvier 1983, alors que le recours aurait été tardif pour avoir été formé en dehors du délai d'appel de quarante jours francs;
Attendu que, selon les articles 3 et 23
de l'arrêté grand-ducal du 13 octobre 1945
portant fixation du siège, de la compétence et de l'organisation du Conseil arbitral et du Conseil supérieur des assurances sociales et règlement de procédure devant lesdits conseils, applicables en l'espèce, l'appel d'un jugement du Conseil arbitral doit à peine de forclusion être interjeté dans le délai de quarante jours francs de sa notification; que cette forclusion d'ordre public doit être prononcée d'office par le juge et peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation;
Attendu que selon les indications de la requête d'appel de M.ENGEL, le jugement du Conseil arbitral a été signifié par lettre recommandée du 25 janvier 1983, reçue le 26 janvier 1983; que la demanderesse soutient que la notification ayant eu lieu le 25 janvier 1983, le recours aurait dû être fait au plus tard le 7 mars 1983;
Mais attendu qu'il résulte des indications susindiquées uniquement que le 25 janvier 1983 est la date de la remise à la poste de la copie du jugement et que la notification par la poste n'a été effectuée que le 26.1.1983.
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Sur le deuxième moyen:
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M.ENGEL a présenté le 25 juin 1974 à la Caisse de Pension des artisans, des commerçants et industriels une demande en obtention du complément différentiel prévu par la loi du 26 mars 1974 portant fixation de suppléments de pension à allouer aux personnes devenues victimes d'actes illégaux de l'occupant en cas d'invalidité ou de décès précoces; que par décision du Comité-directeur de la Caisse du 12 juillet 1978, la demande a été rejetée au motif que le requérant avait été partiellement exclu de l'indemnisation des dommages de guerre sur la base de l'article 12 de la loi du 25 février 1950; que par jugement du 20 janvier 1983, le Conseil arbitral a déclaré M.ENGEL non fondé en son recours formé contre cette décision;
Attendu que pour déclarer illégal l'unique motif de rejet invoqué par le Comité-directeur de la Caisse et adopté par le jugement du Conseil arbitral, l'arrêt s'est fondé sur la motivation suivante:
"Selon l'article 1er de la loi du 26 mars 1974 qui se réfère exclusivement à l'article 14 de la loi du 25 février 1967, sans se référer ni expressément ni implicitement à son article 4, les Luxembourgeois qui entre autres ont été enrôlés de force dans le "Reichsarbeitsdienst", l'armée allemande ou autres services analogues peuvent bénéficier des avantages prévus par cette loi.Cet article qui traite uniquement de la prise en compte des années de guerre dans les divers régimes de pension ne peut pas être mis en corrélation avec l'article 4 de la loi du 25 février 1967, alors que celui-ci traite d'un autre sujet et n'énonce que les conditions exigées des enrôlés de force pour être gratifiés de la qualification de victimes du nazisme. En effet si d'après cet article, les personnes qui ont été exclues en tout ou en partie de l'indemnisation en application de l'article 12 de la loi du 25 février 1950 (alinéa 2, chiffre I) concernant l'indemnisation des dommages de guerre subissent l'unique sanction de ne pouvoir se prévaloir de cette qualité, cette condition n'est requise ni par l'article 1er de la loi du 26 mars 1974 ni par l'article 14 de la loi du 25 février 1967 traitant des suppléments de pension pour obtenir le complément différentiel";
Attendu que le moyen fait grief à l'arrêt d'avoir, en statuant ainsi, violé les articles 1er de loi du 26 mars 1974 précitée et les articles 4 et 14 de la loi du 25 février 1967 ayant pour objet diverses mesures en faveur de personnes devenues victimes d'actes illégaux de l'occupant, alors que
la loi du 25 février 1967, exclut dans son article 4, alinéa 2 expressément du bénéfice des dispositions celui qui comme ENGEL s'est vu écarté en tout ou en partie de l'indemnisation des dommages de guerre, et qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 26 mars 1974, cette règle vaut aussi pour les bénéficaires de cette dernière loi;
Attendu que les deux lois visées au moyen ayant pour objet des mesures prises par le législateur en faveur de personnes devenues victimes d'actes illégaux de l'occupant il s'ensuit que les personnes tombant sous l'exclusion de l'article 4, alinéa 2 de la loi du 25 février 1967 ne peuvent pas bénéficier de la disposition inscrite à l'article 1er, alinéa 1er, numéro 2 de la loi du 26 mars 1974;
Que, dès lors, en statuant comme ils l'ont fait, après avoir constaté en fait que M.ENGEL avait été exclu de l'indemnisation pour dommages de guerre par application de l'article 12 de la loi du 25 février 1950, les juges du fond ont faussement appliqué, donc violé les textes de loi visés au moyen;
Par ces motifs,
et sans qu'il soit besoin de statuer sur le troisième moyen,
casse et annule l'arrêt rendu le 19 janvier 1984 par le Conseil supérieur des assurances sociales dans l'affaire inscrite sous le numéro C.P.A.C.I. 45/83;
Abrogé par le Règlement grand-ducal du 24 décembre 1993.