GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle : 52782C ECLI:LU:CADM:2025:52782 Inscrit le 30 avril 2025
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Audience publique du 23 juillet 2025 Appel formé par Madame (A), …, contre un jugement du tribunal administratif du 31 mars 2025 (n° 50331 du rôle) en matière de protection internationale
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Vu l’acte d’appel, inscrit sous le numéro 52782C du rôle, déposé au greffe de la Cour administrative le 30 avril 2025 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, immatriculée au registre de commerce et des sociétés sous le numéro B265326, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Franck WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Syrie), de nationalités syrienne et vénézuélienne, demeurant à L-…, dirigé contre un jugement rendu par le tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg le 31 mars 2025 (n° 50331 du rôle), par lequel ledit tribunal l’a déboutée de son recours tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 15 mars 2024 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte, tout en condamnant la demanderesse aux frais et dépens de l’instance ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative par Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER pour compte de l’Etat le 26 mai 2025 ;
Vu l’accord des mandataires des parties de voir prendre l’affaire en délibéré sur base des mémoires produits en cause et sans autres formalités ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Sur le rapport du magistrat rapporteur, l’affaire a été prise en délibéré sans autres formalités à l’audience publique du 24 juin 2025.
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Le 10 octobre 2022, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Madame (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date du 25 mai 2023, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 15 mars 2024, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après le « ministre », informa Madame (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« (…) J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite en date du 10 octobre 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après la « Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être née le … à … en Syrie, de double nationalité syro-vénézuélienne, d’ethnie Arabe, de confession druze et avoir vécu de 1979 à 1996 sur la route de … à … en Syrie. De 1996 à 2004, vous affirmez avoir vécu à … dans l’État … au Venezuela après vous être mariée avec un homme vénézuélien qui y habitait. En 2002, vous vous seriez divorcée et vous auriez encore vécu pendant deux années avec votre fils, le dénommé (B), au Venezuela.
En 2004, vous seriez retournés tous les deux en Syrie et vous, Madame, auriez vécu sur la route de … à … jusqu’en 2022.
A l’appui de votre demande de protection internationale, vous indiquez avoir quitté le Venezuela, car « la situation n’[y] serait pas sûre du tout » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Ensuite, vous déclarez avoir quitté la Syrie en 2022 car vous auriez été visée et menacée à plusieurs reprises par des « membres d’une milice » (p.7/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)) en Syrie. En cas de retour au Venezuela, vous affirmez craindre la « situation sécuritaire » car elle aurait empiré depuis votre départ du pays (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). En cas de retour en Syrie, vous indiquez que votre « vie serait en danger » (p.9/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)).
En Syrie, vous avancez que vous auriez été menacée dix jours avant de quitter le pays, à savoir fin septembre 2022, par un « gang » alors que vous auriez été mandatée d’un ordre d’exécution, dans le cadre de votre travail en tant qu’…, concernant l’occupation illégale d’une maison par ce soi-disant « gang » (p.7/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)).
D’après vous, vous vous seriez rendue avec le Mohktar et l’agent d’exécution, « l’ordre d’exécution en main [à cette maison], [les membres de ces gangs auraient] sorti leur arme, [et vous seriez] directement partie » (p.8/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Lors de cette rencontre, un individu de ce « gang » vous aurait dit « si je vous vois par ici et surtout toi, l’…, je te tue » (p.8/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Une fois de retour au tribunal, vous auriez fait une demande pour avoir du renfort judiciaire sans pour autant donner plus d’informations concernant cette demande lors de l’entretien avec l’agent ministériel.
Ensuite, vous avancez que des « individus [seraient] venus [chez vous] et [auraient] essayé de casser la porte de [votre] maison » (p.7/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)), en vain car vos voisins se seraient « précipités vers [votre] porte et les individus ont tout laissé et ils sont partis et il y avait des traces d’infraction sur la porte en fer forgé » (p.7/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Vous supposez que ces individus sont les mêmes que ceux qui auraient occupé illégalement la maison de votre mandataire.
A la suite de cet incident, vous dites qu’on vous aurait poursuivie dans la rue. Vous mentionnez également que vous auriez reçu à peu près cinq messages sur votre téléphone mobile à travers lesquels des menaces auraient été proférées à votre encontre. Vous supposez qu’il se serait agi ici des mêmes individus qui auraient essayé de casser la porte de votre maison et qui auraient squatté la maison de votre mandataire.
En outre, vous expliquez que vous feriez partie de la minorité religieuse des druzes et que vous seriez en danger si vous sortiez du gouvernorat d’…. D’après vos dires, du fait d’être une femme druze, non-musulmane et avec des moyens financiers, vous pourriez facilement devenir une cible et subir un enlèvement.
En ce qui concerne le Venezuela, vous auriez été mariée avec un homme qui habitait au Venezuela et y auriez vécu avec lui. En 2002, vous auriez divorcé votre ex-conjoint et vous seriez restée vivre au Venezuela avec votre fils, le dénommé (B), jusqu’en 2004. Entre 2002 et 2004, vous seriez restée dans la maison que vous auriez partagée auparavant avec votre ex-conjoint « jusqu’au jour où [vous auriez] pu voyager » (p.2/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)).
En 2004, vous auriez quitté le pays parce que vous vous seriez divorcée et parce que « la situation n’[y] serait pas sûre du tout » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Vous indiquez que « la situation sécuritaire [aurait] empiré depuis [votre départ], il y a une dictature, pas de libertés et il y a du racisme. Et ce que j’ai appris récemment, c’est quand on tombe malade, il n’y a pas de médicaments. » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)).
En outre, vous expliquez que vous auriez eu « peur pour [votre] vie » car les Arabes y seraient « exposés » du fait d’avoir « du travail, une situation et de l’argent » et même si vous êtes détentrice de la nationalité vénézuélienne « vous [seriez] une étrangère pour [les Vénézuéliens] » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)).
A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :
- Votre ancien passeport syrien, émis le 17 juillet 2013 et ayant expiré le 16 juillet 2019 ;
- votre passeport vénézuélien, émis le 20 juillet 2019 et valable jusqu’au 19 juillet 2024 ;
- une copie d’une preuve d’exercice de la profession d’… du 3 août 2022, traduite en langue française ;
- une copie de trois relevés de registres fonciers au nom de (A) attestant votre propriété de terres en Syrie, date non-définie, traduits en langue française.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.
Tout d’abord, Madame, vous déclarez être de double nationalité syrienne et vénézuélienne. Vous remettez à cet égard un passeport vénézuélien en cours de validité, considéré comme étant un document authentique suivant analyse effectuée par l’Unité de Police de l’aéroport (ci-après « UPA »). Il y a lieu de souligner qu’il ressort des dispositions de la section A 2°, deuxième alinéa, de l’article 1er de la Convention de Genève, à laquelle se réfère explicitement la Loi de 2015 que « dans le cas d’une personne qui a plus d’une nationalité, l’expression « du pays dont elle a la nationalité » vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s’est pas réclamée de la protection de l’un des pays dont elle a la nationalité ».
Cette disposition a pour but d’exclure du statut de réfugié toutes les personnes ayant plusieurs nationalités et qui peuvent se réclamer de la protection d’au moins un des pays dont elles ont la nationalité. Il convient encore de relever que chaque fois qu’elle peut être réclamée, la protection nationale l’emporte sur la protection internationale. Partant, vos craintes alléguées seront analysées par rapport au Venezuela, État dont vous avez la nationalité et dont vous avez remis un passeport en cours de validité.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils n’émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Madame, il ressort de l’évaluation de vos motifs de fuite, que vous auriez quitté le Venezuela avec votre fils, le dénommé (B), en 2004, deux ans après vous être divorcée de votre ex-conjoint. Vous seriez partie du Venezuela en raison de votre prétendue « peur pour (votre) vie » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, d’Madame (A)).
Concernant vos motifs de fuite allégués en lien avec le Venezuela, il ressort de leur évaluation que vos prétendus problèmes rencontrés au Venezuela et vos craintes en découlant ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève, texte qui prévoit une protection à toute personne persécutée ou à risque d’être persécutée sur base d’un des cinq motifs de fond précités, à savoir votre appartenance ethnique, votre nationalité, votre religion, vos opinions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.
En effet, en se basant sur votre récit Madame (A), vous affirmez que « la situation au Venezuela n’est pas sûre du tout » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Vous expliquez qu’il est impossible de sortir de chez soi « avec une montre, un collier, des boucles d’oreille, un téléphone portable » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). En outre, vous mentionnez la situation générale du pays en expliquant que « la situation sécuritaire a empiré depuis, il y a une dictature, pas de libertés et il y a du racisme. Et ce que j’ai appris récemment, c’est quand on tombe malade, il n’y a pas de médicaments. » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)).
Concernant vos déclarations quant à la situation sécuritaire du Venezuela, il y a lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et la Loi de 2015.
Or, vous n’invoquez à aucun moment un incident qui vous serait personnellement arrivé au Venezuela, au contraire vous vous tenez à des simples propos par rapport à la situation générale du pays en invoquant le régime politique, le manque de libertés, le racisme et le manque de médicaments sans invoquer un incident qui vous serait personnellement arrivé au Venezuela.
Par conséquent, vos seules craintes liées à la prétendue dégradation de la situation générale au Venezuela ne sauraient pas suffire pour justifier dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens desdits textes. En effet, votre récit se base sur des déclarations vagues quant à la situation générale du Venezuela.
Partant, il n’est aucunement établi que vos prétendues craintes seraient liées à l’un des cinq motifs de fond prévus par la Convention de Genève et la Loi de 2015. Il y a ainsi lieu de relever que vos prétendues craintes ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève.
Quant aux événements que vous invoquez, force est de constater que vous n’avez pas été agressée et que vous ne faites pas état d’une quelconque atteinte à votre intégrité physique.
Par conséquent, ces faits ne peuvent être qualifiés, au vu de leur manque de gravité, d’actes de persécution, tel que prévu par la Convention de Genève et la Loi 2015.
Alors que vous mentionnez à plusieurs reprises la situation générale du Venezuela vous n’êtes pas en mesure de relater ne serait-ce qu’un incident qui aurait fait que vous vous sentiez en danger au sein de la société vénézuélienne. En effet, non seulement vous auriez vécu de façon paisible pendant huit années au Venezuela, mais en plus vous ne rapportez aucun incident pendant ces années qui vous aurait permis de conclure que votre vie serait en danger au Venezuela.
D’ailleurs, vos affirmations quant à la situation sécuritaire reposent sur des informations de la part d’autrui puisque « plus de 60% des habitants de … ont un lien avec le Venezuela, soit ils sont nés là-bas, soit ils y ont vécu une partie de leur vie » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Par conséquent, vos craintes se basent tout simplement sur des observations impersonnelles qui ne sont en aucun cas liées à votre propre personne.
À la question si vous avez d’autres raisons pour ne pas pouvoir retourner au Venezuela, vous répondez que vous auriez peur pour votre vie car même si vous portez la « nationalité [vénézuélienne] […] [vous seriez] une étrangère pour [les Vénézuéliens] » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). D’après vos dires, les personnes d’origine arabe seraient « exposés » du fait d’avoir « du travail, une situation et de l’argent » (p.12/16 de votre rapport d’entretien, Madame (A)). Alors que vous mentionnez le danger qu’encourent les personnes d’origine arabe au Venezuela, vous restez assez vague dans vos déclarations et vous n’êtes pas en mesure de rapporter avoir subi un quelconque mauvais traitement de la part de quiconque.
Renseignement pris, le Venezuela abrite historiquement une importante diaspora syrienne. En effet, le Venezuela est l’un des pays d’Amérique latine le plus accueillant des étrangers aux origines arabes. « [Syrians] arrived in small Venezuelan towns because they felt at home there. They sought rural areas and settled in places that didn’t have much business, as it allowed them to get on economic foothold. And it worked, they become a powerful community, economically and in terms of population. » Avec une population d’environ 1,6 million d’habitants, les personnes d’origine arabe et les Vénézuéliens d’origine arabe ont gagné du terrain dans de nombreux aspects de la société vénézuélienne. De Tarek El Aissami, ancien vice-président de la République bolivarienne du Venezuela, ancien député et ancien ministre de plusieurs portefeuilles, à Mariam Habach, Miss Venezuela 2015, de nombreux vénézuéliens d’origine Arabe se sont fait connaître en tant que personnalités publiques. Tarek William Saab Halabi, actuel procureur général du Venezuela, qui a également dirigé le parti du Mouvement de la Cinquième République (MVR) fondé par l’ancien président Hugo Chávez, est même d’origine arabe druze.
Sachant que vous n’invoquez à aucun moment avoir eu un réel problème au Venezuela vos craintes par rapport à ce pays sont purement hypothétiques. Si jamais vous deviez être inquiétée d’une manière ou d’une autre au Venezuela par une situation particulière qui vous mettrait en danger, il vous appartiendrait, en cas de nécessité, de vous adresser aux autorités compétentes vénézuéliennes pour solliciter leur aide notamment en portant plainte en bonne et due forme.
Eu égard à tout ce qui précède, il échet de relever que vous auriez bel et bien pu vous établir de nouveau au Venezuela au lieu d’introduire une demande de protection internationale au Luxembourg. Il doit ainsi être conclu qu’il appert à la lecture de vos déclarations que des motifs de convenance personnelle sous-tendent votre refus de retourner au Venezuela et votre décision d’introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Madame, au vu des conclusions ci-dessus, il y a de même, lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour au Venezuela, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.
En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour au Venezuela, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 avril 2024, inscrite sous le numéro n° 50331 du rôle, Madame (A) introduisit un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 15 mars 2024 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Par jugement du 31 mars 2025, le tribunal administratif déclara non fondé ce recours en ses deux volets, partant en débouta, le tout en condamnant la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.
Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 30 avril 2025, Madame (A) a régulièrement fait entreprendre le jugement du 31 mars 2025.
Moyens des parties L’appelante réitère en substance son exposé des faits tels que relatés dans ses auditions.
Elle souligne être née en Syrie et y avoir vécu jusqu’en 1996, avant de s’installer au Venezuela à la suite de son mariage avec un ressortissant vénézuélien. Elle aurait quitté le Venezuela en 2004 après son divorce pour retourner vivre en Syrie. Elle n’aurait plus de lien avec le Venezuela depuis cette date.
En 2012, elle aurait accédé à la profession d’avocat en Syrie et y aurait ouvert son étude en 2014. Elle affirme que dans le cadre de son activité professionnelle et lors d’une procédure de déguerpissement d’occupants sans droit de lieux appartenant à ses mandants, en septembre 2022, elle aurait fait l’objet de menaces de la part d’un individu armé se réclamant d’un gang appelé « … ». Elle aurait réalisé un signalement auprès des juridictions pour obtenir une mesure de protection. Bien que des mesures eurent été prises, les menaces auraient perduré, respectivement des individus issus dudit gang auraient tenté de fracturer la porte de son domicile en pleine nuit, qu’elle aurait été suivie dans la rue et qu’elle aurait reçu des messages vocaux menaçants. À la suite de ces évènements, elle serait partie de Syrie pour gagner le Luxembourg le 5 octobre 2022.
En droit, Madame (A) reproche au ministre et aux premiers juges d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation quant à la définition de la notion de nationalité telle que résultant de l’article 43, point c), de la loi du 18 décembre 2015. Selon elle, ils n’auraient pas tenu compte de ses origines et de son identité syriennes pour finalement n’apprécier ses craintes de menaces qu’à l’aune de sa nationalité vénézuélienne. Au soutien de ce moyen, l’appelante affirme que la possession d’une double nationalité ne serait pas incompatible avec le bénéfice du statut de réfugié et, qu’en l’espèce, les autorités vénézuéliennes ne seraient pas en mesure de lui offrir une protection suffisante, respectivement que son « identité culturelle, [ses] origines géographiques, [sa] vie professionnelle, patrimoniale et relationnelle [seraient] exclusivement rattachées à la Syrie ». Elle précise encore que sa qualité de ressortissante vénézuélienne ne serait que le fait de son mariage aujourd’hui dissous, qu’elle ne disposerait d’aucun lien avec le Venezuela, ce que confirmerait le caractère « superficiel » des questions posées à l’égard de ce pays lors de son audition du 25 mai 2023.
Concernant les conditions d’octroi du statut de réfugié, l’appelante reproche aux premiers juges d’avoir fait une appréciation erronée de sa situation, alors même qu’elle aurait précisé avec soin la réalité des menaces dont elle aurait fait l’objet en Syrie. A cet égard, Madame (A) se prévaut des articles 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après la « Convention de Genève », et 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 ainsi que d’un jugement du tribunal administratif du 27 juin 2013 (n° 31543 du rôle) concernant les conditions d’octroi dudit statut et démontrant qu’elle pourrait s’en prévaloir.
Elle poursuit en précisant que les craintes invoquées par rapport à sa situation personnelle en Syrie seraient liées aux menaces déjà reçues de la part de la milice dénommée « … », respectivement qu’elle craindrait d’être persécutée « en sa qualité d’… arabe », appartenant ainsi « à un certain groupe social ». Sur ce point, elle cite un extrait de son rapport d’entretien et se prévaut d’un document de 2015, intitulé « Renseignement de l’analyse-pays de l’Organisation Suisse d’Aides aux Réfugiés – Syrie - : Les forces de … », qui démontrerait l’influence de ladite milice sur l’ensemble du territoire syrien. Partant, elle conclut que ses craintes de persécutions relatives à la Syrie seraient fondées.
Madame (A) affirme encore que le contexte sécuritaire au Venezuela ainsi que son aggravation récente ne sauraient permettre un retour dans ce pays. Au soutien de son argumentation, l’appelante se prévaut du fait que le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies aurait, dans une communication du 21 mai 2019, exprimé son inquiétude quant à la situation politique et judiciaire du pays. Elle reproche ainsi aux premiers juges d’avoir considéré que les craintes qu’elle a exprimées ne seraient qu’un « simple sentiment d’insécurité », alors qu’il existerait une véritable dictature au Venezuela, respectivement une absence de liberté et de sécurité et un racisme à l’endroit du groupe social auquel elle appartiendrait en tant qu’… arabe issue de la minorité druze. Elle conclut que malgré la jouissance de la nationalité vénézuélienne, elle ne disposerait pas d’une protection suffisante de la part des autorités nationales vénézuéliennes et qu’en raison de son activité professionnelle, elle serait exposée à un risque permanent d’agression.
Concernant l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire, l’appelante reproche aux premiers juges de ne pas avoir analysé sa situation personnelle en Syrie et de ne pas avoir correctement apprécié son incapacité de jouir d’une protection réelle et suffisante de la part des autorités vénézuéliennes en cas de retour dans ce pays. Elle se prévaut de l’absence générale de sécurité au Venezuela tel qu’en attesterait le rapport sur le pays établi par Amnesty international pour l’année 2023 ainsi que du risque de menaces en raison de son appartenance à un groupe social particulier tel que précédemment développé.
Partant, Madame (A) demande, par réformation du jugement dont appel, à se voir reconnaître le statut de réfugié, sinon le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’appelante demande la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de l’octroi d’une protection internationale. Elle soutient encore, à titre subsidiaire, qu’au vu de sa situation personnelle et, plus généralement, du contexte sécuritaire prévalant au Venezuela et en Syrie, un retour vers ces pays serait constitutif d’une violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après la « loi du 29 août 2008 ».
Enfin, dans le dispositif de la requête d’appel, l’appelante renvoie encore à la motivation du recours en réformation déposé devant le tribunal administratif en date du 16 avril 2024.
De son côté, le délégué du gouvernement conclut en substance à la confirmation intégrale du jugement entrepris et de la décision ministérielle litigieuse, les deux tablant sur des appréciations justes tant en droit qu’en fait.
Analyse de la Cour A titre liminaire, la Cour rappelle qu’elle est saisie dans la limite des prétentions des parties appelantes telles que concrétisées à travers les moyens invoqués dans leur requête, de sorte que sauf hypothèse des moyens à soulever d’office, elle n’est pas amenée à prendre position par rapport aux moyens qui ne figurent pas dans les conclusions d’appel et n’est pas tenue de répondre aux conclusions de première instance auxquelles se réfèrent simplement les conclusions d’appel. En effet, les moyens d’appel sont appelés à se diriger contre le jugement dont appel, de sorte à devoir être formulés concrètement par rapport aux dispositions dudit jugement faisant grief dans l’optique de l’appelant. La Cour ne saurait dès lors tenir compte des moyens simplement réitérés par les appelants par référence aux écrits de première instance, lesquels, par la force des choses, se dirigent contre la décision de l’administration initialement critiquée et non pas contre le jugement dont appel ayant statué par rapport à cette décision (cf. Cour adm. 6 avril 2006, n° 20736C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 1203 et les autres références y citées).
Dans ces conditions, la Cour n’est en l’espèce pas utilement appelée à analyser les moyens de première instance auxquels l’appelante a simplement renvoyé dans le dispositif de sa requête d’appel, sans développement circonstancié en instance d’appel, et ne prendra position que par rapport aux moyens effectivement développés dans le cadre des écrits déposés en instance d’appel.
Quant au fond, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».
Il se dégage de la lecture combinée des articles 2, sub f), 2, sub h), 39, 40 et 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 que doit être considérée comme réfugié toute personne qui a une crainte fondée d’être persécutée et que la reconnaissance du statut de réfugié est notamment soumise aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond y définis, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
La loi du 18 décembre 2015 définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d'origine, elle « courrait un risque réel de subir des atteintes graves définies à l'article 48 », ledit article 48 énumérant en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». L’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Il s’y ajoute que la définition du réfugié contenue à l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, sub g), de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur de protection internationale ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du juge devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
L’octroi de la protection internationale n’est pas uniquement conditionné par la situation générale existant dans le pays d’origine d’un demandeur de protection internationale, mais aussi et surtout par la situation particulière de l’intéressé qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
En substance, Madame (A) dit craindre d’être exposée à des actes de persécution, d’une part, en Syrie en raison de son activité professionnelle et des menaces et actes de violence en découlant et, d’autre part, au Venezuela en raison de l’absence de liberté qui règnerait dans le pays, respectivement que le contexte sécuritaire global serait défavorable à son groupe social en qualité de femme … arabe de religion druze.
A l’instar des premiers juges, la Cour constate préalablement que l’appelante possède la double nationalité, à savoir les nationalités vénézuélienne et syrienne, et déclare avoir vécu successivement dans ces deux pays.
La question de savoir si un étranger craint avec raison d’être persécuté ou court un risque réel de subir des atteintes graves doit être examinée par rapport au pays dont il a la nationalité. En effet, tant que l’intéressé n’éprouve aucune crainte vis-à-vis du pays dont il a la nationalité, il est possible d’attendre de lui qu’il se prévale de la protection de ce pays et il n’a pas besoin d’une protection internationale d’un autre pays (cf. Cour adm. 17 mai 2022, n° 47233C, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 129 et les autres références y citées).
Dans l’hypothèse d’un demandeur de protection internationale possédant plusieurs nationalités, il peut être retenu, à partir du libellé de l’article 1, A, (2), alinéa 2, de la Convention de Genève, visant les conditions d’octroi du statut de réfugié et qui dispose que « Dans le cas d’une personne qui a plus d’une nationalité, l’expression “du pays dont elle a la nationalité” vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s’est pas réclamée de la protection de l’un des pays dont elle a la nationalité. » , de même qu’à partir de l’esprit de la loi du 18 décembre 2025 et des définitions des notions de réfugié et de la personne pouvant bénéficier d’une protection subsidiaire y contenues - l’article 2, sub f) de la loi du 18 décembre 2015 définissant le réfugié comme celui qui fait état d’une crainte fondée de persécutions et qui « se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays », tandis que l’article 2 sub g) de la même loi, définissant la personne pouvant bénéficier d’une protection subsidiaire, fait référence au risque encouru si l’intéressé « était renvoyé dans son pays d’origine » -, la protection internationale, prise en son double volet, n’est pas susceptible d’être accordée à cette personne lorsqu’elle peut se réclamer de la protection d’au moins un des pays dont elle a la nationalité.
A cet égard, la Cour rappelle qu’il suffit que, lorsque l’examen des craintes évoquées par rapport à un des deux pays dont l’intéressé a la nationalité aboutit à la conclusion que les conditions d’octroi d’une protection internationale ne sont pas remplies et que partant l’intéressé n’a rien à craindre dans ce pays, le ministre peut valablement lui refuser l’octroi d’une protection internationale puisqu’il peut se prévaloir de la protection d’un de ses pays d’origine et qu’il devient alors surabondant d’examiner les risques courus par rapport au deuxième pays (cf. Cour adm. 17 octobre 2024, n° 50591C).
Dès lors, en l’espèce, Madame (A), en raison de sa double nationalité vénézuélienne et syrienne, est appelée à démontrer qu’elle a des raisons valables, fondées sur une crainte justifiée, de ne pas se réclamer de la protection des autorités du Venezuela et de Syrie et qu’à défaut de rapporter pareille preuve la protection internationale lui sera refusée.
C’est à bon droit que les premiers juges ont retenu le manque de pertinence de l’argumentation de l’appelante selon laquelle elle aurait quitté le Venezuela depuis plus de vingt ans et qu’elle n’aurait plus de liens avec ce pays. En effet, l’élément pertinent est le fait, non contesté, qu’elle dispose de la nationalité vénézuélienne, et par suite celle de savoir si l’appelante peut réclamer la protection de ce pays.
Par ailleurs, au-delà du fait qu’en instance d’appel, Madame (A) n’apporte aucun nouvel élément sérieux au soutien de cette argumentation selon laquelle elle n’aurait plus d’attaches avec le Venezuela, la Cour retient également que l’acquisition de la nationalité vénézuélienne par elle est nécessairement le fruit d’une démarche personnelle et volontaire, certes issue d’une union dissoute en 2002, et qu’elle a toujours cette nationalité. En outre, elle s’en est encore prévalue à travers sa demande spontanée d’établissement d’un passeport vénézuélien en date du 20 juillet 2019 qui lui a été délivré avec une validité jusqu’au 19 juillet 2024.
Cette conclusion n’est pas énervée par la prétendue violation par les premiers juges de l’article 43, paragraphe (1), point c), de la loi du 18 décembre 2015 qui dispose que : « La notion de nationalité ne se limite pas à la citoyenneté ou à l’inexistence de celle-ci, mais recouvre, en particulier, l’appartenance à un groupe soudé par son identité culturelle, ethnique ou linguistique, ses origines géographiques ou politiques communes, ou sa relation avec la population d’un autre État ».
En effet, la disposition précitée vise à développer une approche globale et élargie de la notion de nationalité au bénéfice du demandeur de protection internationale dans le cadre de l’analyse des motifs de persécutions pouvant exister dans son chef. Elle ne saurait toutefois être comprise comme définissant, de façon limitative, les critères de possession d’une nationalité. En l’espèce, la nationalité vénézuélienne de l’appelante est établie à suffisance par la détention d’un passeport vénézuélien en cours de validité au moment du dépôt de la demande de protection internationale.
Partant, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation du ministre sur le fondement de l’article 43, paragraphe (1), point c), de la loi du 18 décembre 2015 quant aux origines de l’appelante encourt le rejet, de sorte que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre en ce qu’il s’est limité à examiner la demande de protection internationale de l’appelante par rapport au Venezuela, de sorte que.
Ceci étant dit, l’examen des déclarations faites par Madame (A) au cours de son entretien, ensemble les explications fournies par les parties à l’instance de part et d’autre, amènent la Cour à la conclusion que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours de l’appelante sur base de l’examen des craintes qu’elle exprime par rapport au Venezuela.
En effet, la Cour dégage de l’examen des faits et motifs invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale et des pièces produites en cause que Madame (A) est restée et reste en défaut d’établir des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef, en cas de retour au Venezuela, une crainte actuelle et fondée de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social susceptible de lui ouvrir droit au statut de réfugié au sens de la Convention de Genève, respectivement un risque sérieux et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b), de la loi du 18 décembre 2015.
Tel que relevé à bon droit par les premiers juges, aucun élément du dossier ne permet de retenir que l’appelante aurait personnellement fait l’objet d’une menace dans ce pays et celle-ci limite son argumentation à des considérations de nature générale sur le contexte sécuritaire au Venezuela, la nature du régime politique ou l’aggravation du manque de libertés sans établir de lien avec sa situation individuelle. A défaut d’être étayée par des éléments concrets, personnels et circonstanciés, y compris en instance d’appel, l’affirmation de Madame (A) selon laquelle, en cas de retour au Venezuela, elle serait exposée à un risque permanent d’agression en raison de son activité professionnelle, demeure à l’état de pure allégation.
Comme soulevé à bon escient par le ministre, les craintes de menaces ou de persécutions ou d’atteintes graves à l’égard des personnes arabes de religion druze, exprimées par l’appelante, ne sont fondées que sur des observations générales, non personnelles en aucune façon liées à son vécu ou à sa situation individuelle au Venezuela. Partant, en l’absence de tout élément permettant d’apprécier la réalité d’un mauvais traitement subi personnellement par Madame (A) ou d’un risque potentiel concret en cas de retour au Venezuela, les craintes afférentes restent essentiellement hypothétiques et constituent plutôt l’expression d’un sentiment général d’insécurité.
Partant, c’est donc à bon droit que les premiers juges sont arrivés à la conclusion qu’aucun élément du dossier ne permet de conclure que l’appelante dispose de raisons personnelles de nature à laisser conclure dans son chef à une crainte actuelle et fondée de subir des persécutions, voire à un risque sérieux et avéré de subir des atteintes graves en cas de retour au Venezuela.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les conditions d’octroi du statut du réfugié au sens de l’article 2, sub f), de la loi du 18 décembre 2015, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire au sens des articles 2, sub g), et des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 ne sont pas remplies, de sorte que les premiers juges sont à confirmer en ce qu’ils ont rejeté le recours de l’appelante sur ces bases.
En ce qui concerne le point c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, la Cour est amenée à retenir que s’il ne peut être nié que le Venezuela connaît une situation sécuritaire problématique, notamment en raison de la violence criminelle de droit commun qui y est très répandue, et qu’il existe une grave crise sur l’ensemble du territoire en raison du régime politique en place, il n’en reste toutefois pas moins que les rapports produits en cause, décrivant la situation politique générale au Venezuela, ne permettent pas de conclure à l’existence d’une situation où l’ampleur de la violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé est telle qu’il existerait des motifs sérieux de croire qu’un civil, du seul fait de sa présence sur place, court un risque réel d’être exposé à des atteintes graves au sens de l’article 48, point c), de la loi du 18 décembre 2015, l’appelante n’ayant, par ailleurs, pas apporté d’éléments qui permettraient de retenir qu’elle serait personnellement exposée à un risque réel découlant d’une violence aveugle au point qu’il faille admettre qu’en cas de retour au Venezuela, elle courrait un risque réel de menace grave pour sa vie ou sa personne.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que les premiers juges ont confirmé le ministre pour avoir refusé de faire droit à la demande de protection internationale de l’appelante.
Enfin, concernant l’ordre de quitter le territoire, dès lors que l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose qu’« une décision du ministre vaut décision de retour. (…) » et qu’en vertu de l’article 2, sub q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire », l’ordre de quitter est à considérer comme constituant la conséquence automatique du refus de protection internationale, avec comme conséquence pour le cas d’espèce, où le rejet ministériel de la demande de protection internationale vient d’être déclaré justifié dans ses deux volets, que l’ordre de quitter n’est pas sérieusement critiquable ni critiqué.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’invocation de l’article 129 de la loi susvisée du 29 août 2008 qui dispose que : « L'étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».
En effet, dans la mesure où la Cour vient de constater que les craintes invoquées par Madame (A) ne véhiculent pas un risque réel de subir des atteintes graves, le renvoi de l’appelante au Venezuela ne saurait être incompatible avec ledit article 129, précité.
L’appel n’étant dès lors fondé en aucun de ses volets, il y a lieu d’en débouter Madame (A) et de confirmer le jugement entrepris.
PAR CES MOTIFS la Cour administrative, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
reçoit l’appel du 30 avril 2025 en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute l’appelante ;
partant, confirme le jugement entrepris du 31 mars 2025 ;
donne acte à l’appelante qu’elle déclare bénéficier de l’assistance judiciaire ;
condamne l’appelante aux frais et dépens de l’instance d’appel.
Ainsi délibéré et jugé par:
Serge SCHROEDER, premier conseiller, Martine GILLARDIN, conseiller, Annick BRAUN, conseiller, et lu à l’audience publique du 23 juillet 2025 au local ordinaire des audiences de la Cour par le premier conseiller Serge SCHROEDER, en présence de la greffière assumée de la Cour Carla SANTOS.
s. SANTOS s. SCHROEDER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 25 juillet 2025 Le greffier de la Cour administrative 15